Dimanche de la Fraternité Anabaptiste Mondiale 2026
Le temps des offrandes est aussi important que la prédication. Souvent, quelqu’un présente un témoignage et une Écriture sur le thème du don.
Le pasteur demande souvent à l’un des responsables de prier, de bénir les donateurs et aussi que ceux qui ne donnent pas soient bénis pour pouvoir le faire.
Parfois, les responsables font circuler les paniers, et d’autres fois, les membres viennent à l’avant pour mettre leur offrande dans un panier. Dans de nombreux endroits, les gens chantent et dansent car le don est accompagné de beaucoup de joie.
En ce dimanche de la fraternité anabaptiste mondiale, la CMM invite les églises à collecter une offrande spéciale pour notre communauté anabaptiste mondiale. L’idée est d’inviter chaque membre à donner l’équivalent du coût d’un repas local pour soutenir les réseaux et les ressources de notre famille spirituelle mondiale de la CMM. Sacrifier un repas, c’est notre humble manière de remercier Dieu et d’apporter un soutien aux ministères de la CMM pour le Seigneur.
Ce don « d’un repas » par personne une fois par an est quelque chose que tous les membres de la CMM peuvent faire. Certaines personnes ont les moyens de donner beaucoup plus que cela, et devraient être encouragées à le faire. D’autres, dont les ressources sont plus limitées, pourraient être encouragées par le fait que le Comité Exécutif de la Conférence Mennonite Mondiale, composé de membres de tous les continents, est convaincu que la plupart des adultes du monde entier peuvent donner l’équivalent d’un repas par an pour soutenir le travail de l’Église mondiale.
Voici quelques suggestions pour préparer le temps de l’offrande dans votre assemblée :
Prévoyez que les offrandes « d’un repas » soient déposées dans un panier spécial à l’avant, ou dans des contenants culturellement appropriés et en lien avec les repas lors du culte.
Prévoyez un repas communautaire partagé ensemble avant ou après le culte du dimanche de la Fraternité Anabaptiste Mondiale
Ça pourrait être une « auberge espagnole » où chaque famille amène de grands plats à partager, avec un panier réservé pour l’offrande pour la CMM présente au repas.
Chaque famille pourrait ramener un repas tout préparé. Ces repas préparés sont alors mis aux enchères, vendus ou offerts avec participation libre pour être ramenés à la maison et être mangés en famille après le culte.
Prévoyez un temps de jeûne et de prièr pour l’Église mondiale pendant un repas avant ou après le culte du dimanche de la Fraternité Anabaptiste Mondiale, et faites une offrande pour la CMM pendant ce temps, représentant au moins la valeur du repas qui n’est pas consommé.
Les fonds recueillis par cette offrande spéciale dans chaque assemblée peuvent être envoyés directement à la Conférence Mennonite Mondiale (trouver des moyens de donner sur mwc-cmm.org/fr/faire-un-don).
Vous pouvez également envoyer ces fonds au bureau de votre union d’église nationale, en les désignant clairement comme destinés à la Conférence mennonite mondiale et en indiquant qu’il s’agit de l’offrande du dimanche de la Fraternité anabaptiste mondiale. Vous pouvez demander qu’ils transmettent alors les fonds à la CMM.
Dans les assemblées mennonites (Doopsgezind) des Pays-Bas, l’offrande est collectée en faisant passer les paniers de la collecte, appelés collectezakken : ce sont de petits sacs en tissu. Les personnes y déposent pièces et billets. Ces sacs sont soit attachés à un petit manche en bois et passés de main en main, soit fixés à l’extrémité de longues perches que les personnes désignées tendent en passant dans l’assemblée.
L’offrande reçue dans l’un des sacs est généralement destinée au fonctionnement de l’assemblée locale, alors que l’offrande reçue dans un second sac est plutôt destinée à la mission en dehors des murs de l’église. Pour ce deuxième sac, toutes les églises mennonites des Pays-Bas se mettent souvent d’accord sur le même projet soutenu chaque dimanche.
Aujourd’hui, la plupart des assemblées affichent également un QR code et un numéro de compte bancaire pour les personnes qui souhaitent donner de cette manière.
Les dons supérieurs à un certain montant donnent droit à une déduction fiscale de la part du gouvernement à la fin de l’année.
Changements dans l’équipe des représentants régionaux
« J’ai personnellement expérimenté le pouvoir de ‘vivre l’unité’ au sein de communautés diverses et le besoin constant de ‘construire la paix’ par le dialogue et la compréhension », témoigne Vikal Pravin Rao, nouveau représentant régional pour l’Asie du Sud.
Les représentants régionaux de la CMM sont des bénévoles à temps partiel qui développent et soutiennent les relations avec les églises membres, membres associés et membres potentiels de la CMM, les églises locales ainsi que les agences et les partenaires liés à la CMM. Cette année, plusieurs changements ont été apportés à l’équipe des représentants régionaux.
Selon César García, secrétaire général, « nos représentants régionaux jouent un rôle crucial en reliant le travail de la Conférence Mennonite Mondiale et celui de nos églises membres dans le monde. « Ces responsables possèdent une connaissance approfondie des églises de leur région. Ils s’efforcent de renforcer ce lien pour que nous puissions partager nos dons de manière encore plus profonde au sein de la CMM. »
Les représentants régionaux ne se contentent pas de présenter la Conférence Mennonite Mondiale aux unions d’églises, mais ils relaient également les préoccupations de ces dernières à l’ensemble de la famille mondiale.
Après plus d’une décennie de service, Cynthia Peacock a pris sa retraite de son poste de représentante régionale pour l’Asie du Sud.
« Cynthia a incarné parfaitement le travail d’un représentant régional depuis la création du poste. Elle n’a cessé de rencontrer les dirigeants des églises, d’écouter attentivement et avec sagesse les nombreux défis des églises, et d’encourager les dirigeants à suivre Jésus, à construire la paix et à vivre dans l’unité », déclare Janet Plenert, coordinatrice des représentants régionaux.
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Vikal Pravin Rao occupe le poste de secrétaire général de l’Église mennonite indienne (MCI), basée au Chhattisgarh. Son mandat prendra fin en novembre, juste avant qu’il ne prenne ses fonctions de représentant régional pour la CMM. Lui et son épouse Roopam Rao ont un fils et une belle-fille.
Vikal Pravin Raoa été le représentant de l’Asie lors du premier Sommet Mondial de la Jeunesse au Zimbabwe en 2003. Il a travaillé au sein de l’équipe de serviteurs mondiaux (jeunes dirigeants) qui ont contribué à organiser le Village Mondial de l’Église lors de l’Assemblée en Inde en 1997 et il a coordonné l’expérience immersive de l’exposition pour l’Assemblée tenue en Pennsylvanie (États-Unis) en 2015. Il vient tout juste de terminer un mandat à la Commission des diacres (2018-2025). En raison de sa fonction au sein de cette commission, il accompagnait souvent Cynthia Peacock lors des visites aux huit églises membres de la CMM en Inde et à l’église membre au Népal.
« Mon expérience au sein de la Commission Diacres, pendant laquelle j’ai assisté Mme Cynthia Peacock lors de visites dans des églises membres de la CMM en Inde et au Népal, a accru ma détermination à adhérer à ces principes (slogan de la CMM). Je pense que ma capacité à établir des liens avec divers groupes, à saisir les enjeux locaux et à promouvoir des solutions collaboratives sera très utile pour renforcer la présence et l’impact de la CMM en Asie du Sud, ‘suivant Jésus’ comme notre guide », dit-il.
Deux autres représentants régionaux ont terminé leur mandat. Gerald Hildebrand, pasteur de longue date au sein des frères mennonites au Canada, a pris sa retraite en tant que représentant régional de la CMM pour l’Amérique du Nord en juin, après les réunions du Conseil général en Allemagne. Il occupait cette fonction depuis les réunions du Conseil Général au Kenya en 2018.
« Gerald est un pasteur dans l’âme et il a mis cette âme au service de son travail. Navigant entre les relations parfois conflictuelles entre les confessions nord-américaines, il s’est imposé comme une présence paisible, patiente et à l’écoute », déclare Janet Plenert.
Cynthia Dück, qui représentait conjointement la grande région du cône Sud (Cono Sur) en Amérique latine, a également terminé son mandat commencé juste avant l’Assemblée en Indonésie. Infirmière de formation et membre de l’Église des frères mennonites, elle avait précédemment occupé le poste de coordinatrice de l’hébergement pour l’Assemblée mondiale au Paraguay en 2009.
« Cynthia a apporté une énergie jeune, une grande aisance avec les médias sociaux et des compétences linguistiques (anglais, espagnol et allemand). Son dynamisme a ouvert de nouvelles voies de communication avec les églises de la région », explique Freddy Barrón, qui travaille conjointement avec Cynthia dans la région du cône Sud.
« Nous sommes reconnaissants envers ces fidèles serviteurs qui mettent leur sagesse et leur expérience au service de l’Église mondiale en tant que représentants régionaux. Nous savons que chacun d’entre eux continuera à suivre Jésus, à vivre l’unité et à construire la paix dans le prochain chapitre de leur vie », déclare César García, secrétaire général de la CMM.
« J’ai toujours souhaité voir et comprendre le monde au-delà de mon environnement immédiat, d’apprendre auprès de différentes communautés. Quand j’ai découvert la vision de YAMEN pour les jeunes en matière d’apprentissage et de service au niveau mondial, j’y ai vu une plateforme qui me permettrait de m’épanouir, de me former et de m’équiper pour mon propre bien, pour celui de l’église et de celui de ma communauté. » explique Moses Johnson Jumbo.
Moses Jumbo est membre de l’Eglise mennonite du district d’Inen, au Nigeria. Au cours de son année YAMEN, il a servi en tant qu’assistant de partenariat et de liaison pour la CMM Tchad dans le cadre du programme YAMEN d’août 2024 à juillet 2025.
Le Réseau Anabaptiste Mondial d’Échange de Jeunes (YAMEN) est un programme conjoint du Comité central mennonite (MCC en anglais) et de la Conférence Mennonite Mondiale (CMM). Il a pour objectif de promouvoir la communion entre les églises de la tradition anabaptiste et de former de jeunes dirigeants partout dans le monde. Les participants vivent une année dans un contexte interculturel, à compter du mois d’août jusqu’au mois de juillet de l’année suivante.
« Au cours de mon année YAMEN, j’ai vécu une profonde transformation sur le plan spirituel. Avant, je vivais en respectant un certain nombre de codes sociaux, que je pensais normaux. Mais à travers ma fréquentation régulière du centre de louanges, des cultes personnels réguliers et des conversations avec les délégués nationaux, mon état d’esprit s’est clarifié. » raconte Moses Jumbo. « Aujourd’hui, en servant dans l’Eglise, je partage cette transformation sur le nécessaire renouveau de l’esprit, y compris auprès de mes amis. »
Moses s’est montré particulièrement enthousiaste à l’idée d’apprendre la gestion de projet, l’évaluation et la liaison (note de traduction : l’abréviation anglaise est PMER pour Project Management, Evaluation and Reporting) au cours de son stage.
« J’ai appris à planifier, gérer et évaluer des projets concrets et à faire bouger les choses. Pour moi, c’est plus qu’une compétence acquise, c’est une vocation, et j’aime beaucoup ça ! », s’exclame le jeune homme. « Chaque fois que je me suis rendu sur le terrain avec mon équipe, j’ai vu l’importance d’écouter les points de vue des gens et de valoriser leurs contributions aux projets. Cela m’a appris qu’être artisan de paix, ce n’est pas seulement résoudre des conflits, mais c’est aussi une façon de vivre, en essayant de mieux comprendre mon prochain. »
Il ajoute que chez lui, au Nigeria, il travaille pour un projet d’initiative pour la paix au sein de sa communauté. Le but est d’éduquer et de sensibiliser les jeunes à la nécessité de rejeter le sectarisme et la violence, pour le remplacer par des valeurs de paix, d’unité, de compréhension des uns des autres.
Il rêve à la mise en place d’un réseau dans les écoles du secondaire de la région d’Akwa Ibon. « Cette vision est née lorsque j’ai réalisé que beaucoup de comportements négatifs parmi les jeunes de cette communauté proviennent d’un certain degré d’ignorance. A travers ce réseau, j’espère les sensibiliser et leur proposer des alternatives positives. »
« Servir avec la CMM au Tchad m’a touché profondément, et m’a rempli d’amour. Si cela était possible, j’aurais aimé poursuivre le programme pendant plusieurs années. » ajoute Moses.
Moses Jumbo avec Jonathan Nguerassem (coordinateur de projet MCC) et Beatrice Uwase (aussi participante au programme YAMEN, originaire du Rwanda) au bureau de la CMM du Tchad, où il a servi en tant qu’assistant de partenariat et de liaison.
Moses Jumbo pendant une visite sur le terrain, en rencontre avec une organisation partenaire de la CMM Tchad.
Jonathan Nguerassem (coordinateur de programme MCC) remet un diplôme de l’Association évangélique pour la paix et la justice (Tchad) à Moses Jumbo pour son excellente année de service et de partenariat.
« Dès mon arrivée à l’aéroport au tout début du programme, j’ai ressenti tout l’amour de l’équipe autour de moi. Leur accueil chaleureux m’a tout de suite mis à l’aise. J’ai continué à ressentir cet amour chaque jour, dans leur façon de valoriser mon opinion, de toujours m’encourager, d’être toujours prêts à me soutenir.
L’équipe a toujours été ouverte à écouter mes idées, en me disant souvent : « Moses, si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas à nous demander ». Ces mots de soutien m’ont donné confiance et ont renforcé nos relations.
Je ressentais quotidiennement la chaleur de l’amitié au sein de l’équipe. Elle était sincère et m’a donné un sentiment d’appartenance durable.
Vivre et servir avec des personnes de différentes origines m’a appris à voir Christ dans les autres, d’étendre son amour au-delà des frontières. Grâce à YAMEN, j’ai découvert que suivre Jésus signifie devenir un vecteur d’espoir pour mes proches, ma communauté, et n’importe où je vais.
Au début, ce n’était pas facile de me retrouver dans un nouvel environnement, d’entendre une langue que je ne comprenais pas, et d’entrer en communion de louange avec des gens dont l’approche théologique était différente de celle dont j’avais l’habitude. Mais avec le temps, j’ai commencé à voir l’unité en apprenant à m’adapter, à aimer, respecter et apprécier les autres malgré nos différences. » poursuit Moses.
« Pour moi, « le courage d’aimer » est devenu une réalité durant mon temps YAMEN de stage au Tchad. En étant originaire du Nigeria, prendre la décision de servir au Tchad est un acte de courage. Vivre dans un nouveau pays, avec une nouvelle langue, dans un nouvel environnement n’a pas non plus été facile au début, mais j’ai appris qu’aimer va au-delà de la zone de confort et de familiarité. J’ai alors commencé à exprimer mon amour en servant dans la communauté.
Peu après mon retour, j’ai organisé un programme de trois semaines d’acquisition de compétences dans mon église. J’ai offert cette formation gratuite pour les jeunes dans les domaines de la coiffure (y compris l’art de tresser les cheveux), de la décoration, de la conception graphique et de la pâtisserie. Cette initiative – inspirée par la passion pour le service dans la communauté insufflé par le programme YAMEN – porte déjà des fruits. »
Aujourd’hui, Moses sert en tant qu’enseignant bénévole dans l’école mennonite Star Schools, au Nigeria. Il utilise les compétences langagières apprises au cours de son stage immersif au Tchad pour donner des cours de français et d’informatique.
« Cela me réjouit d’observer l’enthousiasme et l’excitation des élèves pour apprendre ces matières à travers des démonstrations pratiques. Grâce à cet enseignement, je continue de partager mon expérience, de construire des relations, et de former une génération pacifique et qui a un but. » explique Moses Jumbo.
Le Réseau Anabaptiste Mondial d’Échange de Jeunes (YAMEN) est un programme conjoint du Comité central mennonite et de la Conférence Mennonite Mondiale. Il a pour objectif de promouvoir la communion entre les églises de la tradition anabaptiste et de former de jeunes dirigeants partout dans le monde.
Les participants vivent une année dans un contexte interculturel, à compter du mois d’août jusqu’au mois de juillet de l’année suivante.
C’était une jeune esclave. Nous ne connaissons pas son nom, mais nous savons qu’elle était prisonnière de guerre. Nous ne pouvons qu’imaginer la détresse, le désarroi et le traumatisme qu’elle a dû endurer en tant que personne déplacée, une réfugiée esclave dans un pays étranger.
L’histoire est racontée dans le chapitre 5 du deuxième livre des Rois. Naaman, un commandant de l’armée araméenne, vient de remporter une importante victoire militaire sur le peuple d’Israël. Une jeune fille faisait partie du butin de guerre, et Naaman l’a forcée à devenir la servante de sa femme.
Mais maintenant, Naaman, celui qui l’a réduite en esclavage, est malade. Et la jeune fille sait exactement ce qu’il faut faire pour le guérir.
C’est un moment décisif : alors qu’elle vit parmi ceux qui ont brisé ses rêves, détruit ses relations, anéanti sa famille et lui ont pris ses biens, sa liberté et son identité culturelle, elle est confrontée à un choix difficile.
Comment va-t-elle réagir face à ceux qui menacent son existence ?
Il y a environ 500 ans, Ulrich Zwingli était confronté à la même question : comment réagir face à ceux qui menaçaient son existence et celle de sa ville ? Les circonstances étaient très différentes. Il était le meneur de la Réforme à Zurich et pasteur dans cette même église [où nous nous trouvons].
Au printemps 1529, les autorités catholiques menaçaient d’écraser la Réforme à Zurich. Craignant que ses réformes ne s’effondrent et que la progression de l’Évangile soit stoppée, Zwingli, inquiet, envoya un appel urgent au Conseil municipal, l’exhortant à mobiliser une armée.
Dans une lettre au Conseil, Zwingli inclut une phrase qui deviendra plus tard un slogan de la Réforme suisse. « Pour l’amour de Dieu, » écrivit-il, « faites quelque chose de courageux ! »
Pour Zwingli, l’objectif était clair : face aux ennemis de l’Évangile, le courage signifiait se mobiliser pour la guerre.
À quoi ressemble le courage lorsque nous sommes confrontés à des choix difficiles ? Cette question est tout aussi pertinente aujourd’hui qu’il y a 500 ans ou au IXe siècle avant Jésus-Christ.
De toute évidence, la servante de Naaman aurait dû se taire. Après tout, elle était jeune, elle était une femme, elle était israélite et elle était esclave. Elle n’avait pas le droit de parler.
De plus, Naaman était un païen et un oppresseur, ce qui suffisait à le rendre odieux aux yeux des Israélites. Et sa maladie de peau le rendait encore plus impur du point de vue de la loi juive.
Rien ne lui donnait l’autorité de prendre la parole, et pourtant elle l’a fait. Elle a trouvé le courage d’agir d’une manière qui transcendait son identité de victime… Elle a trouvé le courage de répondre avec compassion et même avec amour.
« Il y a un prophète en Samarie, le pays de vos ennemis, qui peut vous guérir. » lui dit-elle
Le courage est précisément ce dont les victimes ont besoin pour trouver leur voix et résister au silence que les autres veulent leur imposer.
Pourtant, le courage, en particulier face à nos agresseurs, nos bourreaux ou nos ennemis, prend de multiples formes.
Pour Zwingli, le courage face aux ennemis de l’Évangile signifiait se mobiliser pour la guerre.
Pour certains chrétiens, le courage implique souvent l’attente d’une justice punitive, exigeant que les coupables paient pour leurs actes et subissent un châtiment juste pour leurs crimes violents.
Pour de nombreux dirigeants politiques, le courage implique une riposte légitime contre leurs ennemis.
Certaines personnes exigent une justice qui exclut toute possibilité de pardon et de transformation pour l’oppresseur, garantissant ainsi que le cycle de la violence se poursuivra dans la génération suivante.
Jésus, cependant, a proposé un modèle différent. Il n’a pas nié ni ignoré la violence, l’oppression et l’injustice terribles de son époque. Mais il n’a pas non plus cherché à se venger. Dans le chapitre 4 de Luc, immédiatement après avoir proclamé son ministère dans la synagogue en lisant Ésaïe 61, Jésus mentionne l’histoire de Naaman et de sa guérison miraculeuse.
Bien qu’il ne nomme pas la jeune fille, nous reconnaissons dans ses actions quelque chose qui touche au cœur même de l’Évangile. Jésus n’a jamais eu peur d’affronter l’injustice ; cependant, la justice qu’il prêchait ouvre la porte à la transformation de l’oppresseur. Dans les Évangiles, la justice n’est pas rétributive ; elle ne donne pas aux oppresseurs ce qu’ils méritent, mais plutôt ce dont ils ont besoin : la vérité, l’amour, la compassion, la possibilité de se transformer et le pardon.
Dans le récit de 2 Rois, la jeune fille refuse de voir la vulnérabilité de son oppresseur comme une occasion de vengeance ou de représailles. Au contraire, sa voix incarne l’espoir et l’accueil pour quelqu’un qui lui a causé un tort immense.
Elle a eu le courage d’aimer, offrant à son agresseur ce qu’il ne pouvait obtenir avec sa puissance : la guérison, la liberté et la possibilité d’un nouveau départ. Elle n’a pas donné à Naaman ce qu’il méritait, mais ce dont il avait besoin : la chance d’être transformé.
C’est un amour qui dépasse l’entendement humain.
Il y a cinq cents ans, un nouveau mouvement au sein de l’Église à Zurich et dans d’autres régions d’Europe a trouvé ce courage dans sa relation avec Jésus, dans sa vie et ses enseignements, dans sa mort et sa résurrection, affirmant que l’appel de Dieu à aimer son ennemi n’est pas ‘idéaliste’ ou ‘naïf ’. Pour eux, le courage d’aimer, rendu possible par l’œuvre du Saint-Esprit, était la seule voie vers une nouvelle humanité. Ce mouvement fut connu sous le nom d’anabaptisme. C’est cette tradition chrétienne que nous commémorons ici aujourd’hui. Malheureusement, Zwingli et d’autres dirigeants de l’Église européenne de l’époque perçurent le mouvement anabaptiste comme une menace et y répondirent par la violence et la persécution.
Pour l’amour de Dieu, faites quelque chose de courageux !
Tôt le matin du 11 octobre 1531, Zwingli a conduit un groupe de soldats zurichois sur un champ de bataille juste à l’extérieur de la ville pour affronter l’armée catholique qui menaçait sa vision d’une Zurich réformée. Ils ont été presque immédiatement écrasés. Alors qu’ils tentaient de battre en retraite, Zwingli a été tué, ainsi qu’au moins 500 autres citoyens de Zurich.
Aujourd’hui, alors que nous commémorons la mémoire des premiers anabaptistes, je nous invite à nous poser la question suivante, aussi bien en tant qu’individus qu’en tant qu’églises : que signifie « faire quelque chose de courageux, pour l’amour de Dieu » ?
Photo : Après la ‘perturbation’, César García, secrétaire général de la CMM, prêche sur le thème ‘Le Courage d’aimer’/Preshit Rao
Fortifiés par le Saint-Esprit, pouvons-nous trouver le courage de briser le cycle de la violence ?
Pouvons-nous affronter directement notre passé, non pas pour appuyer et revenir sur ce que nous avons subi, mais pour guérir nos blessures et celles des autres, et pour réparer les relations brisées ?
Pouvons-nous devenir des phares d’espoir dans un monde où la fragmentation et la division semblent progresser de toutes parts ?
Pouvons-nous envisager notre avenir comme une nouvelle création, où la compassion et l’amour ouvrent à un nouveau départ ?
Le courage d’aimer — activement, avec imagination et vulnérabilité — est plus qu’une technique de résolution des conflits ; c’est une spiritualité profondément enracinée, une stratégie remarquablement originale. Dans un monde où le mal engendre le mal et où la violence engendre davantage de violence, l’amour a le pouvoir de briser ces chaînes. L’amour a le pouvoir de guérir à la fois celui qui aime et celui qui est aimé.
Amis chrétiens, suivant les traces de Jésus, ayons ensemble le courage d’aimer, pour l’amour de Dieu !
César García, secrétaire général de la CMM, originaire de Colombie, vit à Kitchener, Ontario (Canada).
“Maintenant donc ces trois-là demeurent, la foi, l’espérance et l’amour, mais l’amour est le plus grand.” 1 Corinthiens 13. 13)
Comment ces trois choses se manifestent-elles dans la pratique ? Elles se manifestent sous forme de loyauté, d’anticipation et de solidarité. Et la plus grande d’entre elles est la solidarité.
Maintenant donc ces trois-là demeurent, la foi, l’espérance et l’amour, mais l’amour est le plus grand.
On comprend parfois la foi comme la simple capacité de croire. Mais ce que Paul entend par foi est une relation beaucoup plus profonde. Elle signifie que les gens se font confiance et restent loyaux. C’est une relation de confiance entre les personnes, ou entre les personnes et Dieu.
La foi signifie en réalité la loyauté.
L’espérance est dirigée vers quelque chose que nous ne possédons pas, mais que nous essayons d’atteindre. Malheureusement, certaines personnes la perdent, car elles ne savent pas quoi espérer. Ou elles sont déçues parce que ce qu’elles espèrent semble leur échapper.
Mais l’anticipation est une espérance qui s’accompagne d’une stratégie.
Nous pouvons planifier où nous voulons aller avec notre espérance. Il ne s’agit pas de se raccrocher à n’importe quoi, mais de tendre vers un plan tout tracé dont nous anticipons la réalisation.
Et l’amour ?
L’amour survit à tout le reste. Lorsque nous rêvons nos rêves les plus fous – la guérison de toutes les relations, le renouveau de la confiance dans la société, la présence de Dieu parmi nous dans la joie – lorsque tous ces rêves auront été réalisés, nous n’aurons plus besoin de foi/confiance ou espérance/anticipation. Mais l’amour perdurera.
Même dans une société parfaite, si tant est qu’elle existe, nous aurions encore besoin d’amour.
Et l’amour mis en pratique, c’est la solidarité.
Être solidaires avec ceux qui sont à la fois proches et éloignés de nous. Oui, même ceux qui ont des croyances différentes, qui agissent, parlent, mangent différemment, recevront notre solidarité. Et nous recevrons la leur, car l’amour signifie aussi l’entraide.
Mais la solidarité est la plus grande.
Sur l’île grecque de Lesbos, des mennonites allemands et néerlandais ont développé une profonde solidarité avec les migrants et les Grecs qui recherchent un monde meilleur. Un monde qui dépasse les frontières et les murs. Où les gens prennent soin les uns des autres et respectent la dignité de chacun. En coopération avec les Community Peacemaker Teams, le Comité mennonite allemand pour la paix (DMFK) envoie des volontaires et des délégations à Lesbos depuis plus de 10 ans maintenant. Nous aidons aujourd’hui à financer une équipe de quatre « solidaires » grecs.
Le travail est devenu plus difficile. Même s’il ne fait plus la une des journaux, le service de ces solidaires est extrêmement important. Les migrants qui ont été contraints de diriger un bateau arrivent en Europe avec l’étiquette de « passeurs » et sont régulièrement condamnés à des peines de prison de plus de 100 ans. Notre équipe leur rend visite, les met en relation avec leurs familles, leur fournit des avocats, organise des manifestations, documente les abus. Notre équipe fait preuve d’amour et de solidarité.
—J. Jakob Fehr est membre du Deutsches Mennonitisches Friedenskomitee (DMFK), le Comité mennonite allemand pour la paix.
En juin 2023, on m’a diagnostiqué un anévrisme près de la rate. J’ai subi une intervention chirurgicale, mais six mois plus tard, je me suis réveillé avec des douleurs abdominales presque insupportables. Astrid (ma femme) et moi sommes très reconnaissants de vivre dans une maison où la solidarité est une réalité.
Nos voisins étaient là.
Benny, un ancien pompier, m’a giflé pour m’empêcher de sombrer dans le coma.
Josiane a aidé Astrid à appeler les urgences.
J’ai passé deux jours et demi entre la vie et la mort, alors que des hémorragies internes et des infections se propageaient dans mon abdomen.
La situation a été relayée par des amis, des membres de notre église, des membres de notre communauté religieuse et au-delà. Une chaîne de prière et de solidarité s’est formée sans même que je le sache !
Astrid, quant à elle, était bien consciente de la gravité de la situation. Elle témoigne : « Quelle force et quelle puissance avaient ces prières ! Elles ont permis à notre famille de supporter cette épreuve et de garder espoir. Chaque mot, chaque souffle, chaque supplication a été entendu par notre Seigneur tout-puissant, et par la grâce de Dieu, Dieu a répondu positivement. Notre prière est que cette épreuve ne se termine pas avec un seul nom, Max, mais que la puissance toute-puissante du Seigneur soit révélée. »
Avec le recul, je peux dire à quel point il est précieux d’avoir une communauté et des amis qui se sont engagés avec amour pour mon rétablissement. Les chirurgiens parlent d’un miracle, et nous sommes d’accord ! Josiane a laissé à Astrid les paroles de Lamentations 3. 22–23 : « Les bontés du SEIGNEUR ! C’est qu’elles ne sont pas finies ! C’est que ses tendresses ne sont pas achevées ! Elles sont neuves tous les matins. Grande est ta fidélité ! »
La solidarité de Dieu est la plus grande qui soit.
— Max Wiedmer, Église Mennonite d’Altkirch, France
« Faisons le bien sans défaillance ; car, au temps voulu, nous récolterons si nous ne nous relâchons pas. » (Galates 6. 9). Ce verset inspire le conseil d’administration de GAMEO.
En 2025 et 2026, l’Encyclopédie anabaptiste mondiale électronique (GAMEO) se concentrera sur l’amélioration de l’expérience utilisateur et la mobilisation des auteurs.
L’une des initiatives prévues pour cette année consiste à accroître le soutien apporté aux rédacteurs de GAMEO en développant les ressources de formation et en renforçant les liens entre les auteurs.
D’autres activités à venir mettront l’accent sur l’expérience utilisateur.
Après les modifications apportées l’année dernière pour rendre le site GAMEO plus accessible sur les appareils mobiles, les membres du conseil d’administration se sont concentrés cette année sur la structure des articles. De nouvelles politiques clarifient les procédures de mise à jour des articles, les crédits des auteurs, les citations et les sections de notes. Elles alignent GAMEO sur les autres encyclopédies en ligne et rendent les informations actualisées plus claires et plus accessibles aux lecteurs.
GAMEO prévoit d’ajouter de nouveaux articles cette année.
Le conseil d’administration de GAMEO a tenu sa réunion annuelle le 9 mai 2025 avec des membres du Canada, des États-Unis et des Pays-Bas.
Anicka Fast (Conférence Mennonite Mondiale) a indiqué que la série biographique Global Anabaptist Forebears documentera les récits de foi des mennonites du monde entier, aidant ainsi GAMEO à mieux représenter l’Église anabaptiste mondiale.
Une première série de biographies de mennonites congolais est en train de voir le jour dans le cadre de cette action.
Le conseil d’administration a également eu le plaisir d’accueillir Ian Kleinsasser, de la colonie huttérite de Crystal Springs, au Manitoba (Canada), en tant qu’invité. Les articles sur les colonies huttérites sont parmi les plus consultés sur GAMEO, et Ian Kleinsasser apporte son expertise et ses liens étroits avec les utilisateurs huttérites de GAMEO.
Les membres du conseil d’administration ont salué la qualité des services fournis par GAMEO à ses 386 000 utilisateurs cette année et ont envisagé le travail à accomplir pour que GAMEO puisse continuer à servir ses lecteurs et à prospérer en reliant de nombreuses dénominations à travers la planète.
Le conseil d’administration de GAMEO*
Aileen Friesen, présidente (Fondation de recherche historique D. F. Plett)
Elizabeth Miller, rédacteutrice en chef (Institut d’étude de l’anabaptisme mondial)
Bert Friesen, rédacteur en chef adjoint
Alf Redekopp, rédacteur en chef adjoint
Anicka Fast (Conférence Mennonite Mondiale)
Laureen Harder-Gissing (Société historique mennonite du Canada)
Ken Sensenig (Comité central mennonite)
Richard Thiessen (Commission historique des Frères mennonites)
*La Global Anabaptist Mennonite Encyclopedia Online (Encyclopédie anabaptiste mennonite mondiale électronique, GAMEO) est une encyclopédie en ligne gratuite. C’est la source d’information sur les mennonites, les amishs et les huttérites la plus fiable sur internet.
GAMEO est une encyclopédie en ligne, qui a pour but de rendre accessible sur internet les 5 tomes de l’Encyclopédie Mennonite. Elle contient les 12 000 articles originaux en anglais, la plupart mis à jour avec des informations récentes, ainsi que nouveaux articles soumis par des éditeurs bénévoles et des comités régionaux de partout dans le monde.
La Conférence Mennonite Mondiale est l’un des six propriétaires institutionnels de GAMEO : le Comité Central Mennonite (MCC), la Société Historique Mennonite du Canada, Mennonite Church USA, la Commission Historique des Frères mennonites l’Institut d’Études de l’Anabaptisme Mondial. Un conseil d’administration, composé de représentants de ces organisations, supervise les opérations. La Conférence Mennonite Mondiale se charge d’administrer les finances du projet.
Cynthia Peacock a été représentante régionale pour l’Asie du Sud de la Conférence Mennonite Mondiale de 2014 à 2025. Elle a également présidé la Commission Diacres de 2009 à 2015. Lors des réunions du Conseil général en Allemagne en mai 2025, Timo Doetsch (délégué du Conseil Général pour l’Arbeitsgemeinschaft Mennonitischer Brüdergemeinden in Deutschland — AMBD) lui a demandé de partager son expérience.
Suivre Jésus quand on est une Indienne
À moins de 20 ans, j’ai rejoint le Comité Central Mennonite (MCC) en tant que réceptionniste, et c’est là que j’ai compris ce que cela signifiait d’être une vraie chrétienne, une disciple.
Plus tard, j’ai découvert qui étaient les mennonites et les anabaptistes, et j’ai réalisé que j’avais vraiment envie d’en savoir plus.
J’ai alors commencé à lire des documents. Les représentants du MCC m’ont envoyée à des ateliers, puis j’ai pris contact avec des Églises anabaptistes indiennes, et j’ai ainsi commencé à mieux comprendre ce que signifie être mennonite.
Jésus est devenu de plus en plus concret dans ma vie quotidienne et j’ai voulu être une disciple au sens plein du terme, même si j’étais encore très jeune.
Au fil du temps, on m’a confié la responsabilité de travailler avec des femmes. Puis je suis devenue mère célibataire de deux jeunes enfants, que j’ai élevés dans des conditions très difficiles. Pendant ce temps, j’ai continué à travailler avec des groupes de femmes et je suis devenue responsable du département de l’éducation, qui parrainait l’éducation des enfants. J’ai également appris à connaître leurs familles et leurs difficultés.
À travers tout cela, Jésus est devenu de plus en plus réel pour moi.
C’est ainsi que je suis devenue mennonite dans mon cœur.
J’ai toujours senti que je devais présenter Jésus aux personnes qui souffrent, qui suivent de faux dieux et qui sont sans espoir. Je cherchais donc des occasions où elles me posaient des questions pour que je puisse leur parler.
C’est ainsi que ma foi s’est renforcée alors que j’occupais différents postes, jusqu’à ce que j’atteigne finalement un poste de direction au MCC, puis que je prenne ma retraite.
Travailler pour la Conférence Mennonite Mondiale
Je n’aurais jamais imaginé être appelé par la CMM, car il s’agit d’un réseau mondial et je faisais partie d’une église locale en Inde. Nous avions créé une église de maison dans ma propre maison, très petite, avec deux pièces. Une occasion s’est présentée et aujourd’hui, c’est une église à part entière avec des chrétiens de première et deuxième génération.
Mais lorsque l’appel (à servir la CMM) est venu, j’ai répondu « oui », je devais m’engager et mettre à profit tout ce que mon expérience m’avait appris.
La CMM m’a d’abord invité à servir pendant un an dans le groupe de travail du Réseau Anabaptiste Mondial d’Entraide (GASN), afin de le mettre en place.
Puis ils m’ont invité à présider la Commission Diacres. J’ai occupé ce poste pendant six ans. Là encore, j’ai été en contact avec l’Église mondiale et j’ai découvert les différents besoins des Églises à travers le monde, et compris leurs difficultés.
Je pensais que nous étions une petite communauté minoritaire [en Inde] et que nous avions le monopole des difficultés. Mais non, d’autres pays souffrent aussi, de différentes manières, à cause de leur foi. Cela m’a ouvert les yeux.
Après cela, on m’a demandé si je pouvais servir en tant que représentante régionale. Cela m’a aidée à me rapprocher de nos unions d’églises.
En représentant la CMM, j’ai senti que le regard que les responsables d’Église portaient sur moi avait changé. Au début, il leur a fallu un certain temps pour m’accepter, car j’étais plus jeune et une femme. Mais progressivement, cela a changé et je peux maintenant dire que tous les responsables m’acceptent volontiers et me témoignent leur respect.
J’ai pris ma retraite satisfaite, et j’en rends grâce à Dieu, mais aussi à la CMM.
Vivre l’unité en Inde
En tant que membre du personnel du MCC, puis en tant que représentante régionale de la CMM, j’ai été en contact avec les huit conférences des Églises anabaptistes indiennes à travers des ateliers et des conférences.
À l’époque, les Églises n’avaient que très peu de connaissances en matière de développement. Elles ne travaillaient qu’à l’intérieur de leurs quatre murs : elles prêchaient et enseignaient uniquement aux chrétiens.
C’est là que je me suis impliquée auprès d’elles pour les aider à comprendre que le rôle des Églises doit également dépasser les murs. Et qu’il ne s’agit pas seulement de prêcher, mais aussi de répondre à leurs besoins sociaux, spirituels, mentaux, ce genre de besoins.
Mais lorsque j’ai été nommé à la Commission Diacres, j’ai pris sur moi d’enseigner l’anabaptisme à mes frères et sœurs. J’ai parlé aux dirigeants et je leur ai dit : « Asseyons-nous ensemble, créons une bibliothèque et enseignons. » Et ils m’ont permis de le faire grâce à la CMM.
Construire la paix
Les conflits m’apprennent quelque chose de nouveau et me permettent d’établir des relations avec tous types de personnes. Mon expérience auprès des villageois, auprès des hindous, m’a beaucoup appris. Ils ont tant de difficultés : ils ont besoin de nourriture, ils se disputent souvent à la maison à cause de problèmes économiques, mais ils vivent néanmoins en paix les uns avec les autres. Comment font-ils ? Ce sont là certaines des choses que j’ai apprises et que j’ai pu partager avec mes frères et sœurs chrétiens.
Il y a tant de défis à relever pour promouvoir la paix ou pour montrer que l’on croit en la paix. Il faut d’abord établir des relations avec ses prochains issus d’autres milieux, puis respecter leur identité, quelle que soit leur appartenance religieuse.
Si nous nous contentons de prêcher, ils ne sont pas disposés à accepter ce que nous leur proposons. Nous devons également être ouverts à recevoir ; la relation est une façon de démontrer ce que je comprends comme étant l’évangile de la paix. Et puis, lorsqu’ils me demandent ce que cela signifie pour moi, ma foi, ce que cela signifie pour moi en tant qu’artisan de paix, je leur parle de Jésus artisan de paix, dispensateur de paix, Prince de la paix.
C’est un processus d’apprentissage.
Tout au long de ma vie, j’apprends. Il y a encore tant à apprendre, à comprendre.
« Je ressors toujours encouragée de l’heure de prière virtuelle », déclare Ginny Hostetler, de Kitchener en Ontario (Canada).
Tous les deux mois, la Conférence Mennonite Mondiale organise cette rencontre virtuelle. Les participants passent la majeure partie de l’heure à échanger et à prier ensemble en petits groupes, selon leur langue.
En septembre dernier, des salles de sous-groupe ont été mises en place en anglais, en français, en espagnol, en hindi et, pour la première fois, en portugais.
À la fin de l’heure, les responsables font partager un sujet de prière issu de leur salle avec l’ensemble du groupe.
Dans la salle animée par Jumanne Magiri Mafwiri, représentante régionale de la CMM pour l’Afrique de l’Est, un participant népalais a fait part de la situation politique instable dans son pays (cliquez ici pour en savoir plus). Les autres participants, venus de Tanzanie, des États-Unis et de Suisse, ont élevé leurs prières vers Dieu.
Dans les salles où l’on parlait l’hindi, avec des participants issus de quatre unions d’églises différentes en Inde, les participants ont prié pour les persécutions, en particulier dans l’État du Chhattisgarh. On entend régulièrement parler d’agressions physiques contre des pasteurs ou des bâtiments religieux.
Dans les salles de sous-groupe en anglais et en espagnol, des participants provenant de plus d’une douzaine de pays ont prié pour des élections équitables et justes et pour la fin des guerres dans le monde.
« Comment pouvons-nous continuer à vivre en tant que mennonites dans un monde de plus en plus violent ? Comment suivre le bon exemple de nos prédécesseurs d’il y a 500 ans ? », a déclaré Siaka Traoré, représentant régional de la CMM pour l’Afrique centrale et occidentale, qui a dirigé un groupe francophone composé de participants venus de France, du Bénin, de la RDC, de Suisse et du Burkina. « C’est un défi et une prière ».
George Broughton, représentant régional pour les Caraïbes, a dirigé une salle en anglais avec des participants des États-Unis, de l’Ouganda, du Canada, de l’Inde et de la Jamaïque. « Nous sommes reconnaissants pour cette réunion virtuelle nous permettant de prier ensemble d’un commun accord tous les deux mois, et de confier ces sujets à notre Seigneur. »
S’inscrire à la prochaine heure de prière virtuelle ici.
YAMEN 2024/2025 orientation au Cambodge. Photo : Sarah Sarauniya Adamu
« Cette expérience de service a sans aucun doute été un magnifique cadeau… Au retour [de ma mission], j’ai réalisé que ma place était chez moi, au sein de ma communauté religieuse, mais mon cœur brûlait de retourner dans les communautés indigènes mayas Popti’ où je m’étais engagé. J’avais le sentiment d’avoir trouvé un endroit où je pouvais continuer à participer à l’édification du royaume de Dieu. »
—Febe Madrigal, participante au programme YAMEN originaire du Nicaragua, Jacaltenango Hue-huetenango, Guatemala, 2022-2023
À première vue, le programme YAMEN (Réseau Anabaptiste Mondial d’Echange de Jeunes) du Comité central mennonite, géré pour le compte de la Conférence Mennonite Mondiale (CMM), pourrait être considéré comme un programme d’échange multiculturel et de volontariat. Cependant, si nous considérons YAMEN comme un espace pour les jeunes qui, animés par la curiosité, un appel au service et un désir ardent de mettre en pratique leurs dons et leurs compétences professionnelles, cherchent à participer à la construction du royaume de Dieu dans différentes parties du monde, alors YAMEN devient une occasion de découvrir la complexité et la richesse de l’Église mondiale.
La plupart des pays où le programme YAMEN est mis en œuvre sont confrontés à des crises : guerre, déplacements massifs de population, catastrophe économique, impact dévastateur de la crise climatique et combinaison de ces défis.
Les Églises anabaptistes célèbrent leur culte et témoignent dans ces contextes avec le désir ardent de répondre et de participer aux changements qui se produisent dans leur environnement immédiat, apportant un message de paix au milieu de la violence qui les entoure.
Dans certains contextes, les Églises se battent pour que leurs jeunes ne soient pas recrutés par des groupes armés.
D’autres communautés s’efforcent de transmettre leur connaissance de la terre aux jeunes générations afin que les jeunes ne quittent pas la campagne.
Des compétences diverses
Lors de la réunion d’orientation de YAMEN en 2024, j’ai rencontré des jeunes qui se consacrent à l’amélioration de leurs communautés à travers l’agriculture, la musique, l’art, l’enseignement, la comptabilité, l’administration et l’ingénierie.
Les multiples compétences des membres de YAMEN nous invitent à réfléchir à la richesse de l’Église mondiale.
L’Église mondiale se compose d’assemblées issues de communautés urbaines et rurales, chacune nous enseignant de nouvelles façons d’appréhender l’anabaptisme et nous montrant de nouvelles manières d’incarner l’appel au travail pour la paix dans des contextes où les gens sont confrontés à la négligence, voire à la violence.
Les Églises anabaptistes considèrent les programmes d’entraide du MCC comme des occasions pour leurs jeunes de tisser des liens avec l’Église anabaptiste mondiale et le monde en général, d’acquérir des connaissances qu’ils peuvent ensuite rapporter dans leurs communautés.
Pour les églises, envoyer leurs jeunes partir pour une année de service est une étape importante. Pour un jeune responsable d’une assemblée, être absent pendant un an ou plus nécessite une adaptation. Mais cette adaptation peut devenir une occasion de développer de nouvelles compétences de responsable.
Après avoir élargi leur réflexion et acquis des connaissances au-delà de leurs frontières dans le cadre du programme YAMEN, les jeunes adultes retournent dans leur communauté d’origine pour partager de nouvelles façons d’être le corps du Christ.
Adaptation au retour
L’expérience de chaque participant au programme YAMEN est si profonde que le retour dans leur pays est souvent difficile, certains d’entre eux ayant du mal à trouver leur place alors qu’ils se réadaptent à leur propre culture.
Pour les églises d’origine, le retour des participants du programme YAMEN peut être difficile. Les assemblées d’origine peuvent parfois avoir l’impression que les participants au programme YAMEN ont tellement changé qu’ils sont presque « perdus », leurs nouvelles perspectives remettant en question les modes de fonctionnement traditionnels de l’Église.
« Sachez-le : […] qui sème largement, largement aussi moissonnera ! » (2 Corinthiens 9. 6 b, TOB). Si servir à travers YAMEN peut présenter des défis, cela peut aussi être considéré comme semer une graine pour l’avenir. À la fin de l’année de service, les graines qui ont été semées ont fleuri de manière nouvelle, parfois inattendue, et les jeunes ont rapporté de nouveaux dons, de nouvelles idées et de nouveaux espoirs à leurs églises et communautés d’origine.
« Vivre avec des personnes de cultures différentes et m’immerger dans un nouvel environnement ont façonné ma façon d’être, je me suis reconstruit et j’ai beaucoup appris. J’ai découvert des facettes du leadership que je ne savais pas avoir en moi, ainsi qu’une responsabilité qui m’a rapproché de Dieu et de mon prochain. »
« Pour moi, YAMEN m’a appris d’autres façons d’adorer, d’autres façons d’être une église, et cela a changé ma façon de penser et de voir le monde », explique Malin Yem, qui a servi en Haïti (2018-2019), puis est retournée au Cambodge pour servir comme pasteure adjointe.
Depuis plus de deux décennies, l’expérience YAMEN renforce les compétences des jeunes en matière de responsabilité, de ministère et de profession, ainsi que leurs compétences interpersonnelles et culturelles. Elle a aidé de nombreux jeunes à discerner leur vocation et a élargi leur vision de la manière dont ils peuvent apporter à l’église dans leur contexte local. Dans le même temps, les participants au programme YAMEN ont élargi la vision des églises où ils ont servi, ouvrant une fenêtre sur la richesse de l’église mondiale.
—Carolina Pérez Cano coordonne les programmes de service pour jeunes adultes YAMEN et Seed du MCC. Elle vit à Bogotá, en Colombie.
Le programme Réseau Anabaptiste Mondial d’Échanges de Jeunes (“Young Anabaptist Mennonite Exchange Network “ YAMEN) est un programme conjoint de la Conférence Mennonite Mondiale et du Comité Central Mennonite (“ MCC”). Il met l’accent sur le renforcement de la communion entre les églises de tradition anabaptiste et sur le développement de jeunes responsables dans le monde entier.
Les participants passent un an en mission interculturelle, du mois d’août au mois de juillet suivant.
Que signifie être une Église historique de paix – ou plutôt une Église engagée dans l’œuvre de paix du Christ ?
C’est la question à laquelle est confrontée l’Église mennonite du Myanmar, alors que le pays continue d’être déchiré par un conflit qui touche une grande partie de la population.
Il y a quelques années, l’armée a renversé le gouvernement démocratiquement élu et installé un président et une administration nommés par les militaires. Les violations des droits de l’homme se sont multipliées, en particulier lorsque le nouveau gouvernement soutenu par l’armée (la junte) a réprimé tout mouvement dissident, tentant d’éliminer l’opposition. Cela a donné lieu à des attaques et des meurtres à grande échelle, à des détentions arbitraires, au déplacement de populations, à la restriction de la liberté d’expression et de réunion. Cette situation a créé un climat d’angoisse au sein des communautés qui se réunissent pour le culte, entre autres. La junte a également instauré le service militaire obligatoire.
Quel est le rôle de l’Église dans un tel contexte ? Que signifie être engagé dans l’œuvre de paix du Christ au milieu de cette réalité ?
Une église de paix au milieu de la guerre
Ce sont des questions que se posent les membres de l’Église missionnaire biblique mennonite (Bible Missionary Church, BMC) au Myanmar.
La BMC a contacté la Conférence Mennonite Mondiale (CMM), dont elle est membre, pour demander de l’aide. Elle se demandait s’il serait possible que la CMM envoie une délégation en visite de solidarité afin d’explorer ces questions ensemble.
Du 25 au 29 novembre 2024, une délégation de la CMM s’est rendue en Thaïlande pour passer du temps avec nos frères et sœurs du Myanmar. Il a été décidé qu’il serait préférable de se réunir en Thaïlande, car une réunion au Myanmar aurait pu présenter un risque pour les responsables du Myanmar. (La junte surveille de près qui se réunit avec qui.)
La délégation était composée de César García (Colombie), Secrétaire General de la CMM ; Tigist Tesfaye (Ethiopie), Secrétaire de la Commission Diacres ; Andres Pacheco Lozano (Colombie/Pays-Bas), Président de la Commission Paix ; Andrew Suderman (Canada/États-Unis), Secrétaire de la Commission Paix ; et Agus Mayanto (Indonésie), Représentant régional de la CMM pour l’Asie du Sud-Est. Norm Dyck (MC Canada) faisait également partie de cette délégation en raison des relations de longue date entre MC Canada et l’Église mennonite du Myanmar.
Andrés Pacheco Lozano partage des témoignages sur les luttes pour la paix en Colombie avec les dirigeants du Myanmar lors de la visite de la délégation de la Commission Diacres. Photo : Agus Mayanto
Origine et histoire du mouvement anabaptiste
Les responsables de la BMC ont demandé à avoir un temps pour approfondir l’histoire et l’origine du mouvement anabaptiste. César García a animé ces sessions tous les matins.
Les pasteurs souhaitaient également explorer ce que la Bible enseigne au sujet de la paix. Andrés Pacheco Lozano et Andrew Suderman ont animé des sessions le matin et l’après-midi afin d’explorer l’histoire biblique et ses liens avec la paix et la justice. Une partie de ce temps a ensuite été consacrée à discuter des observations de nos frères et sœurs du Myanmar sur la paix d’un point de vue biblique et de ce que cela pourrait signifier dans le contexte du Myanmar.
Andres Pacheco Lozano et Andrew Suderman ont également partagé des témoignages d’autres Églises et de leurs luttes pour la paix et la justice, comme l’Église mennonite en Colombie et en Corée du Sud, ainsi que d’autres luttes (par exemple, l’apartheid en Afrique du Sud).
Tigist Tesfaye a animé un temps de prière pour chacun des responsables présents et pour les assemblées dans lesquelles ils exercent leur ministère.
Ce fut un moment intense, mais merveilleux, passé ensemble.
Des visions du shalom
Cela a été difficile, car tout le groupe a dû faire face au traumatisme que beaucoup de pasteurs du Myanmar ont vécu et continuent de vivre.
Un pasteur, par exemple, a raconté comment, deux jours avant son arrivée à cette réunion, l’église d’un ami pasteur avait été détruite.
De même, lorsque nous avons exploré les visions du shalom, et après avoir passé un certain temps à réfléchir et à discuter du pouvoir de l’imagination, un pasteur a demandé : « Mais que se passe-t-il si nous ne pouvons pas ou ne savons pas quoi imaginer ? » C’était déchirant !
Et pourtant, à la fin de notre temps ensemble, après beaucoup de prière, d’apprentissage, d’exploration, de lecture de la Bible et de réflexion, ce même pasteur a commencé à mettre en évidence des mesures concrètes, notamment une prière qu’ils sont en train de rédiger pour aider notre communion mondiale à prier pour eux alors qu’ils continuent à témoigner de la paix du Christ dans leur contexte.
Cependant, le chemin est encore long. La luta continua.
Que Dieu continue d’être avec eux. Et puissions-nous apprendre comment être solidaires avec eux et leur lutte pour la paix.
—Andrew G. Suderman est secrétaire de la Commission Paix. Il vit à Harrisonburg, en Virginie (États-Unis).
Dimanche de la Paix 2025 – Texte pour la prédication
Prédication Matthieu 22.34–40
« Voisine », « Voisin ». C’est comme ça qu’on appelle certaines personnes de notre entourage à Bogotá (Colombie). Que ce soient les personnes qui vivent dans notre immeuble ou dans une maison proche de la nôtre, ou bien celles que nous croisons à l’épicerie ou dans d’autres espaces communs ou publics du quartier. Parfois il s’agit de quelqu’un que nous connaissons bien et parfois de quelqu’un dont nous ignorons même le prénom. Mais en l’appelant « voisine » ou « voisin », nous instaurons plus de convivialité. C’est une façon de réduire la distance entre nous, l’inconnu et même de réduire la possibilité du conflit qui peut naitre de la rencontre avec une autre personne.
Voisin/voisine est un terme qui dénote la proximité. En anglais, c’est ce terme de voisin/voisine, neighbour, qui apparaît dans Matthieu 22.34–40. Alors qu’en espagnol et en français, c’est le terme « prochain » qui est couramment utilisé dans ce passage biblique. Bien que le mot « prochain » vienne du terme proximité, celui qui est proche ou à côté, il semble parfois trop abstrait ou déconnecté de notre vie quotidienne. Le mot « prochain » est couramment utilisé lorsque nous faisons référence à un passage biblique ou lorsque nous cherchons à rendre compte des implications éthiques de notre foi chrétienne, et non lorsque nous faisons référence à d’autres personnes de notre vie quotidienne. Que se passerait-il si nous mettions l’accent sur la proximité, la convivialité et le quotidien, induits par l’usage du mot voisin/voisine (comme c’est le cas à Bogotá) pour relire les implications de ce passage biblique ?
Ce texte de Matthieu est très connu. À première vue, il semble très clair et catégorique. Et pourtant, on peut relever différents aspects de ce que dit Jésus.
L’un des points forts du texte peut être de souligner l’interconnexion entre la dimension « verticale » et la dimension « horizontale » de la foi, entre l’amour de Dieu et l’amour des autres êtres humains, respectivement. Dans son commentaire biblique sur ce passage de Matthieu, Richard B. Gardner1 soutient que les principes présentés par Jésus ne sont pas nécessairement nouveaux. L’amour de Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit se trouve déjà dans Deutéronome 6.5. Quant à l’amour du prochain comme soi-même, on le retrouve dans Lévitique 19.186. Ce qui rend la réponse de Jésus si particulière, c’est l’interdépendance entre ces deux commandements. Il est impossible de séparer la dimension verticale de la dimension horizontale de notre foi.
La réponse de Jésus dans Matthieu 22 peut également servir de clé de lecture biblique. Elle nous sert de prisme pour nous aider à discerner les textes, les lois et les commandements qui peuvent être contradictoires ou ambivalents. Gardner rapporte que, selon la tradition rabbinique datant du IIe siècle, la Torah contient environ 613 lois (365 interdictions et 248 commandements).3 Le fait que Jésus place l’amour de Dieu et du prochain comme les commandements les plus importants fait que toutes ces nombreuses lois et règles sont subordonnées ou doivent être lues à travers ce prisme de l’amour de Dieu et du prochain.
Bien que cette lecture soit importante, ce passage de Matthieu 22.34–40 reste un texte dont l’interprétation n’est pas terminée. Notre monde nous oblige constamment à réinterpréter ce que signifie aimer Dieu et aimer son prochain. Cela est particulièrement vrai à une époque où l’urgence climatique, l’élection de gouvernements de droite, la résurgence des sentiments xénophobes, la violence dans nos sociétés, les guerres et les génocides dans notre monde sont devenus des réalités auxquelles nous devons faire face chaque jour.
Désolé, voisine ! Désolé, voisin !
Suivant la logique qui consiste à désigner les autres personnes comme voisins/voisines à Bogotá, il est courant d’utiliser l’expression « ¡ Qué pena vecina ! » (littéralement : j’ai honte, voisine !) lorsque nous voulons demander quelque chose, lorsque nous avons besoin de l’aide d’une autre personne ou pour nous excuser.
Inondations dans les rues de Piura, au Pérou, après de fortes pluies. Le changement climatique nous invite à aimer nos voisins. Photo : Henk Stenvers
Nous vivons dans un monde où nos relations de proximité et de voisinage ont été profondément perturbées et violentées. Nous sommes souvent complices de ces attaques. C’est pourquoi nous devons examiner attentivement comment nous avons transgressé nos relations de proximité, de « voisinage ». Peut-être devons-nous confesser : pardon voisine, pardon voisin.
Nous vivons à une époque où il est devenu normal de se méfier de ceux qui nous entourent, soit parce qu’ils ont un passé différent, soit parce qu’ils sont migrants, déplacés ou marginalisés. Peu importe qu’ils vivent près de chez nous, qu’ils fassent partie de notre société ou qu’ils viennent d’un endroit, d’un pays ou d’une région voisine, nous ne le considérons pas comme des « voisins », mais comme des personnes « étrangères », « hostiles », voire comme des « ennemis » ou des « criminels ». De nombreuses guerres dans notre histoire et dans notre monde actuel ont été ou sont menées entre voisins.
Notre proximité avec la nature a également été gravement affectée. Nous avons transformé des relations d’interdépendance en relations de domination et de contrôle. Nous considérons la nature simplement comme une « ressource » qui peut être exploitée et capitalisée. Le changement climatique est l’un des signes des dommages que nous avons causés et que nous continuons à causer en tant qu’êtres humains. Notre relation avec notre espace vital, avec la terre et les eaux, a été fatalement blessée.
Pardon, chère voisine, pardon, cher voisin…
Dans ce contexte conflictuel, la question posée par un expert de la loi à Jésus sur quel est le commandement le plus important semble prendre toute son importance. Comment trouver des repères et des points de référence dans notre foi pour faire face à ces distorsions ? Quelles sont les lois que nous devons respecter ? Que faire si, en tant qu’humanité, nous disposons de cadres juridiques tels que le droit international et les droits humains, mais que les gouvernements et les pouvoirs économiques et politiques décident de les ignorer en toute impunité ? Que faire si les mesures que nous prenons pour limiter notre impact sur l’environnement sont annulées par les gouvernements en place ?
Comme à l’époque de Jésus, le dilemme ne réside pas seulement dans le fait qu’il existe des milliers de lois et de cadres éthiques de référence aujourd’hui. Le dilemme est exacerbé par l’existence de réalités d’oppression et de violence qui rendent encore plus urgente la nécessité de trouver des points de repère, de renouer avec les éléments centraux de notre foi afin de discerner comment agir.
« Bonjour chère voisine », « bonjour cher voisin ».
Lorsque je parle des particularités de Bogotá (Colombie) à des personnes qui n’y sont jamais allé, je pense souvent à la façon dont on salue les autres en disant « bonjour chère voisine » ou « bonjour cher voisin ». Il me faut généralement quelques minutes (et quelques exemples) pour expliquer à quoi cela ressemble et ce que cela signifie. Entre deux rires, je ne suis jamais sûr d’avoir bien expliqué l’utilisation des termes « voisine/voisin » pour désigner d’autres personnes, même si celles-ci ne vivent pas près de chez moi ! En relisant le passage biblique sur l’amour de Dieu et de ceux qui sont proches (racine du mot « prochain » en espagnol et en français), j’essaie de réfléchir consciemment à certaines nuances possibles de ce commandement lorsqu’il est lu à travers le terme voisine/voisin (racine du mot dans le texte en anglais) et à la façon dont nous l’utilisons dans notre quotidien à Bogotá. En ce sens, la réponse de Jésus est une invitation à repenser nos relations de proximité.
Les membres de la Comunidad Cristiana Menonita de Girardot, en Colombie, partagent du pain avec leurs prochains et leurs voisins lors du Pan y Paz, le « dimanche du pain et de la paix ». Photo : Comunidad Cristiana Menonita de Girardot Colombie
Dans un monde où les barrières visibles et invisibles de ségrégation abondent, un monde où l’on est encouragés à utiliser les populations marginalisées comme boucs émissaires pour expliquer les problèmes d’une communauté ou d’un pays, dans un monde où l’on est incités à considérer l’autre comme un ennemi ; dans ce contexte, appeler quelqu’un voisin et interagir avec lui en tant que tel, avec la chaleur et l’intimité que cette expression dénote, est à contre-courant. C’est aller à l’encontre du statu quo.
Appeler quelqu’un voisin ou voisine peut sembler superficiel, c’est peut-être juste un code social ou simplement une expression à laquelle nous sommes habitués à Bogotá. Et pourtant, en désignant une autre personne comme voisine, nous créons un lien de proximité. Un lien qui n’existait pas nécessairement auparavant. Il est alors plus difficile de la considérer comme une étrangère ou une ennemie.
Les relations de distance ou de proximité avec les autres ne sont ni statiques ni rigides. Elles peuvent changer, et ce de manière surprenante. Même des personnes que l’on considère comme étrangères ou ennemies peuvent devenir voisines. La parabole du bon Samaritain (Luc 10.25–37), dans laquelle Jésus illustre qui est son prochain, en est un bon exemple. Les Samaritains et les Juifs n’entretenaient pas les meilleures relations à l’époque de Jésus. Et pourtant, Jésus identifie le Samaritain, qui était sûrement considéré comme un étranger (voire un ennemi), comme étant la meilleure illustration de son prochain.
Je pense que la réponse de Jésus nous appelle justement à cela : à redessiner nos relations d’amour et de proximité. Il y a toujours d’autres personnes que nous pouvons considérer comme nos voisins et voisines. Si nous partons du principe que c’est dans l’amour de notre voisin(e) que notre amour pour Dieu se manifeste, nous devons toujours chercher à enrichir et à nourrir la façon dont nous vivons et exprimons cet amour. Aussi complexe que cela puisse être, chaque nouveau jour, chaque nouveau contexte et chaque nouvelle réalité dans lesquels nous vivons avec les autres est une nouvelle occasion de façonner et d’incarner cet amour pour Dieu.
En quoi puis-je vous aider, chère voisine ? En quoi puis-je vous aider, cher voisin ?
À Bogotá, il est courant que les vendeurs des commerces demandent « En quoi puis-je vous aider, chère voisine/cher voisin ? » aux personnes qui entrent dans le magasin ou qui semblent chercher quelque chose qu’elles ne trouvent pas. Ce qui m’interpelle dans cette question, ce n’est pas seulement le fait qu’ils nous appellent « voisin/voisine », mais aussi qu’ils nous proposent leur aide. Dans le monde dans lequel nous vivons, nous nous sentons parfois attristés de ce qui arrive à d’autres ailleurs, à ce qui arrive à nos voisines et voisins. Mais souvent aussi nous choisissions de compatir à leur situation à distance, tant que cela n’affecte pas notre propre confort.
Si nous partons du principe que l’amour du prochain est l’espace dans lequel nous pouvons exprimer et concrétiser notre amour pour Dieu, l’invitation à aimer notre prochain est un appel à agir en solidarité, en discernant ce que nous pouvons faire et comment nous pouvons aider. L’amour du prochain n’est pas seulement une question de paroles, mais aussi d’actions. Il ne s’agit pas d’avoir toujours les réponses ou les solutions aux problèmes. Il ne s’agit pas non plus de décider à la place des autres ce qu’ils doivent faire. Agir dans la solidarité, c’est s’engager à marcher avec les autres, à les écouter et à discerner avec eux ce qu’il faut faire, au-delà d’un simple like sur une publication Instagram ou du partage d’une vidéo TikTok.
Parfois, la solidarité peut s’exprimer à travers l’engagement militant ou la participation à des manifestations et des protestations non violentes. D’autres fois, elle peut s’exprimer en reconnaissant et en confrontant nos privilèges, et en devenant des alliés pour les communautés qui mènent d’autre luttes. Parfois aussi, la solidarité peut se traduire par la création d’espaces sûrs et d’espaces d’encouragement (brave spaces) pour affronter les différentes formes de violence subies par beaucoup. L’idée n’est pas de dresser une liste de toutes les formes de solidarité possibles. Ces exemples sont simplement des illustrations de comment la solidarité implique d’aller au-delà des mots ou de la sympathie.
Être voisins implique également une série de responsabilités et d’attentions. Souvent, c’est précisément dans les relations de proximité que la violence se manifeste avec le plus d’acuité. On ne parle pas toujours de ces formes de violence. Et souvent, on fait taire les voix qui cherchent à les rendre explicites. La violence sexiste, la violence sexuelle, la violence dite « domestique », entre autres, montrent que la proximité en tant que telle n’est pas garante de relations saines ou équitables. Ce sont là des exemples de la manière dont le péché de la violence et les dommages profonds qu’elle cause peuvent s’exprimer dans les relations de proximité. Parler de l’amour du prochain comme expression de l’amour de Dieu nous rappelle l’incroyable responsabilité que nous avons envers l’épanouissement des autres. Ainsi, considérer l’autre comme un voisin n’est pas seulement une manière d’exprimer de la chaleur humaine, mais cela implique également de s’engager à être responsable de son bien-être et de prendre soin de lui.
Une fois encore, c’est dans l’amour de notre voisine, voisin, de notre prochaine, prochain, que nous incarnons notre amour pour Dieu.
Alors que nous commémorons cette année les 500 ans de l’anabaptisme, et que le thème retenu pour cet événement important est « Le courage d’aimer », il est essentiel de revenir sur ce que sont les implications et les responsabilités de l’amour de Dieu et du prochain aujourd’hui. Dans un monde où la mort et le désespoir semblent dominer, que la voix de Jésus nous rappelle ce qui doit être au centre de notre compréhension et de notre pratique de la foi.
Les délégués des YAB (représentants de leur conférence nationale membre) montrent leurs drapeaux à la fin de leurs réunions en Allemagne en mai 2025. Photo : Irma Sulistyorini
Que nous prenions le temps de réfléchir à ceux que nous considérons comme nos voisins et à ceux qui nous considèrent comme tels. Que ce soit un temps qui nous invite à avoir le courage d’aimer, de créer de nouveaux liens et de nouvelles relations de proximité avec d’autres personnes, même celles que nous percevons comme improbables, voire impossibles.
Que ce soit également un moment propice à de nouveaux départs, à la prise de nouveaux engagements à agir en solidarité avec les autres, en recherchant leur bien-être. Et que notre Dieu d’amour, qui nous aime tant et qui nous invite à l’aimer dans nos relations avec les autres, avec notre monde, continue à nous mettre au défi, à nous inspirer et à nous guider sur cette voie.
Amen.
—Andrés Pacheco Lozano est président de la Commission pour la paix. Originaire de Colombie, il vit à Amsterdam, aux Pays-Bas. Cette ressource est adaptée d’un sermon qu’il a prononcé à l’Iglesia Cristiana Menonita De Teusaquillo à Bogota, en Colombie.
Le Conseil général est l’organe décisionnel de la Conférence Mennonite Mondiale. À l’aide d’un processus décisionnel fondé sur le consensus, il définit la stratégie, la politique et les déclarations qui guident la famille anabaptiste mondiale.
Sur les 106 délégués du Conseil général présents aux réunions triennales en Allemagne en 2025, plus de 60 représentaient leur Église pour la première fois.
(De juin 2025, la CMM compte au total 111 églises membres nationales issues de 61 pays. Certains délégués n’ont pas pu participer en raison de difficultés liées à l’obtention d’un visa.)
Nous avons demandé aux nouveaux délégués du Conseil Général de nous faire part de leurs impressions. Que « ramènent-ils à la maison » de ces réunions ?
« De beaux souvenirs avec de merveilleux frères et sœurs : j’ai pu apprendre à mieux connaître les délégués du CG du Myanmar, de Corée du Sud, du Nigeria, de Hong Kong, du Canada, du Japon et le Secrétaire General de la Communion quaker. Les ateliers étaient également très encourageants. » — Andreas Ortner, vice-président du conseil d’administration et délégué de la Mennonitische Freikirche Österreich, Autriche.
« J’ai acquis une appréciation et une conscience beaucoup plus grandes de notre vaste communauté anabaptiste mondiale. » — Cam Stuart, directeur, responsable et délégué de la Canadian Conference of Mennonite Brethren Churches.
« Je me suis sentie bénie par la façon dont mes groupes continentaux ont discuté de la diversité et de l’unité… Il y avait beaucoup de bonté malgré les différences. » — Jen Kornelsen, déléguée de la Conférence évangélique mennonite, Canada.
« Ce fut une belle expérience. Partager avec des frères et sœurs de différents pays et découvrir leurs expériences au sein de leurs communautés locales est très stimulant et nous encourage à poursuivre notre travail local. La démarche engagée avec d’autres communautés est une belle expérience de pardon et de réconciliation. » — Carlos Arturo Moreno, président et délégué de Iglesia Cristiana Menonita de Colombia.
« C’était vraiment formidable que (grâce au consensus) personne n’ait été oublié s’il n’était pas d’accord avec les autres. » — Brian Maphosa, superviseur national et délégué de Brethren in Christ Church South Africa.