Étiquette : César García

  • Le Conseil Général de la CMM envisage l’avenir 

    La Conférence Mennonite Mondiale (CMM) a conclu son Conseil Général (CG) triennal, qui s’est tenu du 26 au 28 mai 2025 à Schwäbisch-Gmünd, en Allemagne, avec des perspectives claires pour l’avenir. Les réunions ont été entourées d’une célébration et d’une commémoration.  

    Un programme spécial, le 25 mai 2025, a célébré la manière dont la première Conférence Mennonite Mondiale, il y a 100 ans, est devenue une communion mondiale d’anabaptistes. Les responsables, enracinés dans la Réforme radicale du XVIe siècle, continuent de vivre la vision audacieuse qui consiste à rechercher l’unité dans la diversité.  

    Les membres du Conseil Général, venus de 52 pays du monde entier, ont représenté l’Église d’aujourd’hui et de demain lors de la commémoration du 500e anniversaire à Zurich, en Suisse, le jour de l’Ascension, le 29 mai 2025. Le Comité Exécutif (CE)* s’est réuni les 23 et 24 mai 2025 pour approuver le plan opérationnel de la CMM pour 2025-2028, qui est basé sur la stratégie 2025-2031 discutée lors du Conseil Général. Le Conseil Général de la CMM est composé de délégués issus de toutes les églises membres. Ce groupe de responsables d’églises se réunit tous les trois ans pour donner forme à la mission de la CMM, échanger des préoccupations et des idées, et prier ensemble.  

    De plus, les Réseaux Anabaptistes Mondiaux pour l’éducation (GAEN), la mission (GMF), la paix (GAPN) et l’entraide (GASN) ont tenu des sessions de planification et de ressourcement en même temps que le Conseil Général, tout en participant aux moments de culte. Des représentants de communions chrétiennes mondiales et d’organismes œcuméniques multilatéraux ont assisté aux réunions du Conseil Général en tant qu’observateurs (Communion anglicane, Alliance Baptiste Mondiale, Disciples du Christ, Comité Mondial des Amis [Quakers], Fédération Luthérienne Mondiale, Communion Mondiale des Églises Réformées, Forum Chrétien Mondial, Organisation des Églises d’Afrique, Forum Chrétien Mondial et Alliance Évangelique Mondiale). Chacun a transmis les salutations de son Église ou de son organisation au début de chaque session. Le troisième jour, ils ont présenté leurs perspectives sur l’identité anabaptiste et les relations œcuméniques lors d’une table ronde animée par César García, Secrétaire General de la CMM. Des représentants du Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens (Église catholique romaine), de la Conférence des évêques vieux-catholiques/Union d’Utrecht, du Conseil mondial de l’unité de l’Église morave, de la Fraternité pentecôtiste mondiale, de l’Armée du Salut, du Conseil méthodiste mondial et du Conseil œcuménique des Églises se sont joints à la délégation œcuménique pour le culte à Zurich. 

    Une voie plus claire pour avancer 

    « Nos rencontres triennales avec les responsables d’Églises sont des moments d’apprentissage mutuel et de construction d’une vision commune pour être ensemble Église dans le monde », a déclaré César García, secrétaire général de la CMM. 

    Le Conseil Général est parvenu à un consensus sur la nouvelle orientation de la CMM, qui consiste à forger des liens solides entre les Églises, à s’engager pour la sauvegarde de la création et à renforcer les réseaux de la CMM et les jeunes. 

    Deux documents pédagogiques, « Dieu a tant aimé le cosmos » (sur la protection de la création dans le contexte de la crise climatique) et « Restaurer l’intégrité de notre famille : la recherche d’un témoignage commun. Déclaration commune de confession, de gratitude et d’engagement » (issu des dialogues avec la Communion mondiale d’Églises réformées) ont été approuvés. 

    La stratégie 2025-2031 de la CMM a été approuvée avec un carton jaune. 

    « Grâce à cette stratégie, le personnel de la CMM sera en mesure de formuler des objectifs et des plans opérationnels », a déclaré César García. 

    consensus

    Le Conseil Général a approuvé les cahiers des charges (Terms of Reference, TOR) des réseaux. Proposés pour la première fois en 2012, les cahiers révisés fournissent un objectif plus clair et une structure cohérente pour les réseaux de la CMM en 2025. 

    « Cela permettra aux organisations membres de se concentrer plus facilement sur leur objectif : une collaboration plus forte, le partage des meilleures pratiques, la mise en commun des possibilités de formation et la réalisation ensemble de choses que chacune ne peut tenter individuellement », a déclaré J. Ron Byler, coordinateur des secrétaires de Commission de la CMM. 

    (Lors de ses précédentes réunions, le CE avait décidé de dissoudre le Réseau mondial anabaptiste pour la santé en raison de son incapacité à prendre forme.) 

    Le plan « Part équitable » 2025-2028 et les projections financières ont également été approuvés. Au cours de la discussion, il a été rappelé aux délégués que la « part équitable » pouvait être négociée. 

    « La négociation est particulièrement pertinente pour les églises membres qui sont en guerre ou victimes de catastrophes naturelles, ou celles dont les moyens financiers sont inférieurs aux indicateurs économiques de leur pays. Dans le même temps, dans l’esprit de 2 Corinthiens 8. 13-15, nous encourageons les églises qui ont plus de moyens financiers à donner plus que leur part équitable », a déclaré Bruce Campbell-Janz, responsable du développement de la CMM.  

    En savoir plus sur Part équitable

    « La CMM entamera les trois prochaines années sur une base financière solide grâce à l’augmentation des dons de la part des fondations et des particuliers, et nous remercions nos donateurs et nos sympathisants pour leur soutien au travail de la CMM », a déclaré Jeanette Bissoon, directrice financière de la CMM. 

    Engagement des jeunes adultes 

    Plusieurs propositions concernant l’engagement des jeunes étaient à l’ordre du jour. Depuis la mise en place du Comité YABs en 2011, son rôle n’a cessé d’être affiné. 

    Le Conseil Général a approuvé la reconduction des membres du Comité YABs (Jeunes anabaptistes) pour un cycle de trois ans (au lieu de six). Deux membres actuels du Comité YABs resteront en fonction pour un second mandat de trois ans afin d’assurer la continuité.  

    Ce changement fait suite à la décision de faire du Sommet Mondial de la Jeunesse (GYS) une rencontre triennale (au lieu de tous les six ans) qui se tiendra en même temps que le Conseil Général. 

    « Pour les jeunes adultes d’aujourd’hui, la probabilité que des changements importants surviennent dans leur vie au cours d’un mandat de six ans est élevée : études, travail, passage du célibat à la vie de famille, déménagement dans une autre ville ou même dans un autre pays. Trois ans est une durée d’engagement plus réaliste », a déclaré Ebenezer Mondez, mentor des YABs. 

    La proposition de modifier la Constitution de la CMM pour inclure des délégués YABs au sein du Conseil Général n’a pas fait l’objet d’un consensus. Au cours de la discussion qui a suivi, les membres du Conseil Général ont affirmé le travail des YABs et l’importance de former les jeunes adultes aux postes de responsables. 

    Cependant, il y avait une réticence à accueillir un jeune adulte comme délégué supplémentaire avec droit de vote au Conseil Général pour chaque église membre à part entière. 

    La décision a été reportée pour davantage de discernement. 

    « Si cela était accepté, ce serait formidable », a déclaré Tusia Andina, déléguée des YAB de la JKI, en Indonésie. (Les YAB ont tenu des réunions parallèles au Conseil Général.) « Nous aurions la “pensée des jeunes” dans les discussions ; des questions critiques sur les décisions, une vision plus large sur tout. » 

    « Lorsque nous fonctionnons par consensus, nous devons croire que le Saint-Esprit agit, même lorsqu’une proposition est rejetée ou reportée », a déclaré Erik Loewen, délégué des YAB de l’Asociación Hermandad Evangélica Menonita — Filadelfia, du Paraguay. 

    En savoir plus sur YABs
    diversity YABs delegates photo

    Nouvelles églises members 

    Depuis 2022, plusieurs églises ont entamé le processus d’adhésion à la CMM et ont été approuvées par le Comité Exécutif. Le Conseil Général a accueilli de nouveaux membres de la CMM : 

    • Mennonite Church Burundi — membre à part entière (approuvé par le Comité Exécutif en 2024) 
    • Kanisa La Mennonite La Kiinjili Tanzania — membre à part entière (approuvé par le Comité Exécutif en 2023) 
    • Église Frères mennonites d’Ukraine — membre associé (approuvé par le Comité Exécutif en 2023) 

    La réunion du Comité Exécutif a également approuvé l’église membre associée Iglesia Cristiana Menonita del Perú, portant le total à 111. Cependant, l’église péruvienne implantée par des ouvriers colombiens dans le ministère des enfants sera présentée au Conseil Général en 2028.  

    « Même si les sessions d’information ont demandé beaucoup de travail, elles ont reflété le souci et l’engagement sincères pour l’église mondiale », a déclaré Tigist Tesfaye, présidente de la Commission Diacres et membre du comité d’écoute. 

    Thomas R. Yoder Neufeld, président sortant de la Commission Foi & Vie, a animé une session de ressourcement sur la manière dont les Évangiles et les lettres de Paul parlent de la nature du baptême et de la vie à la suite de Jésus. 

    « Le baptême est indivisiblement lié à l’unité et à la diversité au sein du corps du Christ », a-t-il déclaré. « Notre défi est de rendre le baptême opérationnel dans nos églises et au sein même de la CMM. Nous sommes les mains et les pieds de Dieu dans notre monde. » 

    Les commissions ont animé un temps de louange pour ouvrir chaque journée et la « vie dans l’Église » a clôturé la journée avec des témoignages du monde entier. 

    Entre autres, Tom Eshleman et Hyacinth Stevens, de LMC, ont parlé d’agir avec amour au milieu de la diversité sur la « ligne de fracture » de la polarisation aux États-Unis, tandis que Roman Rakhuba, de l’Association des Églises Frères mennonites d’Ukraine, a parlé des pasteurs qui servent en première ligne en Ukraine, partageant l’amour de Dieu avec les enfants et les soldats touchés par la guerre. 

    « Nous avons prié lorsque les gens nous ont raconté leur histoire. Nous avons prié lors de nos sessions de délégués. Nous avons prié lors de nos réunions de caucus. Nous avons prié lors de nos réunions de famille anabaptiste. Lors de ces réunions, nous avons prié », a déclaré J. Ron Byler, membre du comité d’écoute.  


    Un Comité Exécutif est élu au sein du Conseil Général, et se réunit annuellement. Deux membres de chaque région continentale sont élus au sein du Conseil ; un Président et un Vice-président sont également élus par le Conseil. Le trésorier et le Secrétaire Général sont également membres du Comité Exécutif. 

    MWC Meetings, Germany 2025
  • La Conférence Mennonite Mondiale à 100 ans ! 

    Nous avons parfois tendance à penser qu’il faut commencer par définir une doctrine juste et, de là, passer à la pratique. D’abord l’Écriture, ensuite l’action. Mais à bien des égards — dans notre histoire et dans notre réalité actuelle — l’expérience nous pousse à faire de la théologie pour donner un sens à ce qui est en train de se passer. 

    Prenons l’exemple du Concile de Jérusalem. Ses participants se posaient la question suivante : « Pouvons-nous inclure les païens ou non ? » 

    La Bible de l’époque n’était pas claire à ce sujet. 

    Mais en voyant que des païens recevaient le Saint-Esprit, l’Église a été poussée à réfléchir d’une nouvelle manière, sans pour autant contredire ses fondements. 

    Leur expérience les a amenés à interroger les Écritures et à développer de nouvelles compréhensions. 

    En tant qu’anabaptistes, notre histoire a mis l’accent sur l’assemblée locale et sur sa centralité en tant qu’avant-goût du royaume de Dieu. 

    Mais cela ne nous aide pas à répondre à la question de savoir s’il est nécessaire d’avoir d’une union d’églises régionale ou mondiale. 

    Au début de la CMM, c’est le vécu qui a poussé les églises mennonites à imaginer un organisme mondial. 

    Peux-tu nous donner des exemples de points communs entre aujourd’hui et les tendances d’il y a 100 ans, lorsque la CMM a été créée ? 

    Il y avait une pandémie mondiale à l’époque. De nombreux pays venaient de traverser la Première Guerre mondiale. Il y a bien sûr eu des répercussions financières qui ont poussé les gouvernements à chercher un bouc émissaire : qui allons-nous blâmer pour cela ? Cette situation a donc joué un rôle important dans la montée du nationalisme en Europe. 

    Nos églises furent également touchées par la révolution russe et les violentes persécutions qui s’ensuivirent dans la région de l’Ukraine, où se trouvait une grande partie d’entre elles à l’époque. 

    Avec ce mélange de nationalisme, de différences culturelles, de langues, de violences récentes et plus anciennes entre leurs pays, il était difficile pour les responsables des églises mennonites en 1925 de penser à l’unité. 

    Certains spiritualisent l’idée d’unité et disent : Nous serons un au ciel… 

    Ou encore : Oui, nous nous battons violemment les uns contre les autres, mais nous restons unis dans l’esprit.  

    Aujourd’hui comme hier, certaines églises se méfient des autres chrétiens, même à l’intérieur d’une même famille dénominationnelle. 

    Mais ce n’est pas ce que dit la Bible. 

    La Bible parle de l’unité d’une manière très pratique, visible même pour le monde. Il y a un degré d’unité qui relève du miracle. 

    Le fondateur de la CMM, Christian Neff et d’autres ont parlé et écrit sur le besoin de créer un organisme mondial déjà avant 1925, mais il n’a pas été facile de surmonter la méfiance. 

    Finalement, Christian Neff trouva une bonne excuse pour rassembler les gens : célébrons les 400 ans du mouvement anabaptiste ! 

    C’est dans ce contexte que l’église d’Ukraine envoya une lettre aux participants de ce premier rassemblement mondial anabaptiste, demandant la création d’un organisme mondial qui coordonnerait le travail de formation et de mission, et aussi soutiendrait les Églises persécutées et souffrantes. 

    Lorsque les responsables d’églises se sont réunis, cette expérience d’être ensemble leur a ouvert les yeux sur la nécessité d’une communion qui montrerait que notre identité essentielle n’est pas politique, ni un État national, ni même une culture. La source de notre identité est Jésus. 

    Le contexte d’alors était très similaire à celui d’aujourd’hui, après une pandémie, dans un contexte de montée du nationalisme et de la souffrance due à la violence et à la persécution. 

    Il est intéressant et triste à la fois de voir comment l’histoire se répète. 

    Ce qui a changé, c’est que cette expérience nous a invités à réfléchir sur le plan théologique. Voulons-nous être unis uniquement pour des raisons pragmatiques ou parce que la manière dont nous comprenons l’Évangile l’exige ? 

    Quels ont été les moments clés où nous avons cherché à devenir réellement mondiaux ? 

    Pour être une famille mondiale, nous avons besoin de différents niveaux de réconciliation et de pardon pour les divisions que nous avons connues dans le passé. 

    Nous n’étions pas prêts à penser de cette manière il y a 80 ans. 

    Au début, les responsables ont dit qu’il fallait se contenter d’une Assemblée. Et c’est ce qui s’est passé pendant les 40 ou 50 premières années. 

    Mais de plus en plus d’Églises du Sud sont devenues membres. Et les églises qui souffrent voient avec plus de clarté la nécessité d’une Église mondiale. On ne peut pas faire face seul à une persécution violente ou à une catastrophe naturelle. 

    Dans les années 1970, des présidents issus du monde entier ont commencé à être nommés. Au sein du Comité Exécutif, C. J. Dyck dit que, si nous voulons que la CMM continue, elle doit être plus qu’un rassemblement mondial. Elle doit être une partie de la mission à laquelle les mennonites sont appelés dans ce monde, un lieu où ils clarifient le sens de la foi dans leurs divers contextes culturels. 

    Cette vision est le résultat, entre autres, de l’apport des églises du Sud qui demandaient plus d’interdépendance. 

    Ces expériences ont fait évoluer la compréhension théologique d’une Église qui dépasse les portes de notre assemblée locale. 

    Sommes-nous là où nous devrions être ? 

    Je pense que nous allons dans la bonne direction, mais nous sommes confrontés à des défis théologiques dès lors que nous parlons de l’Église mondiale. 

    De nombreux responsables et pasteurs de notre Église mondiale commencent tout juste à avoir une idée claire de l’unité. 

    Trop souvent, notre compréhension de la pureté dans notre tradition anabaptiste nous a poussés à nous fragmenter parce que nous pensons que, pour être saints ou purs, nous devons nous séparer de ceux que nous estimons ne pas l’être. 

    Notre histoire de divisions exige une véritable réconciliation. Certaines blessures historiques n’ont pas été guéries et nous continuons à observer certaines divisions au quotidien. 

    Les problèmes du racisme et du colonialisme sont toujours présents. Certains pans de l’Église ont tendance à prendre des décisions sans consulter les autres et à imposer leur point de vue. 

    Le fait de privilégier nos propres intérêts au détriment de ceux des autres pose problème, comme de dire que nous devons d’abord protéger notre budget avant de penser aux autres églises. 

    En outre, nous avons des ambitions et le désir de contrôler, de dominer et de conquérir les autres. 

    Les royaumes du monde nous attirent beaucoup. Nous aimons nous sentir supérieurs aux autres groupes. 

    Mais Dieu nous invite à avoir une vie qui contraste avec les royaumes du monde. Le royaume de Dieu est une véritable alternative. Nous devons reconnaître que nous avons besoin de la puissance de l’Esprit Saint. 

    500@Anabaptism at South Korea
    500th Anabaptist Anniversary

    Qu’entendons-nous par unité ? 

    Nous devons comprendre que l’unité ne signifie pas nécessairement l’absence de conflit. La véritable unité implique que différents fragments et différents modèles forment un tout. 

    Par définition, l’unité implique la diversité, car s’il n’y a pas de diversité d’opinions, de culture, de théologie ou de vécu, il n’y a pas lieu de parler d’unité puisque tout le monde croit la même chose. Le contraire de l’unité n’est pas la diversité, c’est l’uniformité. 

    En tant qu’Église de paix, nous savons que le problème n’est pas d’avoir des conflits. Le problème, c’est la façon dont nous gérons ces conflits. 

    Il est impossible d’avoir une relation saine sans conflit. 

    Aujourd’hui, beaucoup d’églises de la CMM sont le résultat d’une scission avec d’autres églises. Le fait que le temps ait passé ne change rien au fait qu’il s’agissait d’une division interne. 

    Au sein de la CMM, nous essayons d’encourager les églises à rester ensemble autant que possible et à ne pas se diviser. 

    Cependant, la séparation est parfois nécessaire parce qu’il y a un degré de désaccord tel qu’il n’est pas possible de le résoudre, en raison de la nature de notre cœur. Dieu nous permet un certain niveau de distanciation, et nous pouvons toujours faire partie de la famille mondiale à condition de respecter nos différences, même si nous ne partageons pas la même position sur un sujet donné. 

    Cela implique la volonté de guérir les blessures. Les deux parties doivent s’efforcer de guérir les rancœurs et d’éviter de se haïr. 

    Là encore, ce sont nos expériences qui nous poussent à réfléchir théologiquement à l’unité. 

    En quoi le thème ‘Le Courage d’Aimer’ guide-t-il et façonne-t-il notre réflexion autour de cet anniversaire ? 

    Je pense qu’il s’agit là d’un sujet crucial et pertinent pour le monde politique d’aujourd’hui, où tant de gens sont brutalisés et intimidés et brutalisent les autres. 

    Il y a beaucoup de causes, d’actions et de revendications justes. De nombreuses personnes disent : « Nous avons le droit de défendre notre terre. Nous avons le droit d’exiger que ces agresseurs cessent leurs agressions. » 

    Mais existe-t-il une possibilité de faire autre chose que de revendiquer ses droits ? 

    Je pense que Jésus nous invite à emprunter un autre chemin. 

    Dire « Je veux mettre mes droits de côté et aimer » demande un rare courage. 

    Ce n’est pas une attitude passive. Cela implique d’avoir une réponse très intentionnelle, voire assertive, qui cherche le bénéfice de l’autre, qui cherche même le bien-être de l’agresseur. 

    Le courage d’aimer que nos prédécesseurs ont découvert il y a 500 ans n’était pas nouveau. Dieu nous invite à le faire depuis le début de l’histoire de l’humanité. 

    Le courage d’aimer implique également de se libérer de la peur (1 Jean 4.18). 

    Je perçois que de nombreux responsables agissent par peur : peur d’être contaminés, peur d’être influencés, peur du changement. 

    Lorsque l’amour est parfait, on peut parler de n’importe quel sujet difficile sans craindre de perdre quelque chose. 

    Il n’y a pas de fragmentation, d’excommunication ou de condamnation mutuelle, mais du respect pour les convictions fortes. 

    Comme l’a dit Augustin d’Hippone, le péché peut se définir comme l’égocentrisme. L’amour est donc le contraire de cela. 

    Quand on aime, on s’ouvre aux autres et il n’y a pas de place pour la peur. 

    Une partie de la mission de la CMM est d’établir des relations avec d’autres communions. En quoi cette expérience t’a-t-elle façonné ? 

    Si vous n’avez pas de relations avec d’autres chrétiens, vous risquez d’avoir une idée très étroite de ce qu’est l’Église chrétienne. 

    Étant un organisme mondial, la CMM a la capacité de nous représenter en tant qu’entité auprès d’autres Églises. 

    Lorsque vous avez une identité claire et que vous vivez vos valeurs, les expériences avec d’autres Églises peuvent être immensément riches et transformatrices. Vous pouvez alors apprendre des autres et partager vos valeurs. 

    Cela ne veut pas dire que c’est facile. Par exemple, à la Conférence des secrétaires des communions chrétiennes mondiales, il y avait 21 entités mondiales représentées. Comme vous pouvez l’imaginer, la diversité est énorme. 

    Pour certaines d’entre elles, il existe un passé compliqué de persécutions et de condamnations mutuelles. Pour d’autres, il n’y a même pas de relations. 

    Et bien sûr, la compréhension qu’ont ces Églises sur de nombreux sujets, tels que la gouvernance et la hiérarchie est très différente. 

    C’était donc un défi de réfléchir à la manière de représenter la CMM. Comment est-ce que je dois réagir face aux défis ? Il y a des réunions où les sujets sont si controversés que les discussions deviennent très vives. 

    Mais avec le temps, j’ai commencé à voir que les défis que présente une communion sont très similaires à ceux d’une autre communion. 

    Et les relations ont commencé à s’approfondir. Cela m’a aidé à apprécier les personnes avant les doctrines ou les différences doctrinales. 

    Je me souviens d’une réunion où il y avait plusieurs secrétaires généraux à un repas. 

    L’un d’eux a dit à l’autre : « Vous connaissant, je pense de manière tellement similaire à vous que je serais d’accord pour faire partie de votre Église » et l’autre a répondu :« Je pourrais aussi être membre de votre Église ». 

    Ces expériences façonnent donc votre façon de comprendre les Écritures et vous transforment en cours de route. 

    Prayer group in Peru
    500 years of Anabaptism celebration in Peru

    Comment la CMM peut-elle évoluer fidèlement pour devenir une communion forte et revivifiée, capable de relever les défis d’un avenir qui pourrait être très différent ? 

    Je dirais que, si nous continuons sur la même voie, nous serons résilients : 

    • construire une communion mondiale, 
    • rechercher l’interdépendance, 
    • prendre des décisions par consensus, 
    • se consulter les uns les autres, 
    • avoir de bons responsables, 
    • entretenir de bonnes relations avec les autres membres de la famille anabaptiste, 
    • établir de bonnes relations avec d’autres communions mondiales,
    • guérir les mémoires à l’intérieur et à l’extérieur. 

    Mais, bien sûr, nous devons aussi avoir le courage de reconnaître nos propres faiblesses. 

    Nous avons parfois une approche triomphaliste de la mission et de l’implantation d’églises, de l’action sociale et du développement, de notre impact sur le commerce et de la construction de la paix. 

    Bien sûr, il est bon de reconnaître le travail que nous avons accompli. Mais il est également bon de reconnaître toutes nos faiblesses. 

    Nous devons nous rendre compte de la quantité de travail qui fait double emploi en matière d’implantation d’églises, de l’omniprésence du colonialisme dans notre travail et du paternalisme qui subsiste dans nos organismes missionnaires. 

    Et être conscient aussi du bien accompli par notre engagement et, tout en sachant combien de personnes nous avons blessées dans ce processus. 

    Il est également crucial de nous regarder avec humilité et de voir à quel point nous sommes petits par rapport aux autres communions mondiales. 

    Ainsi, pour être une Église résiliente et pleine d’espoir pour l’avenir, nous devons reconnaître les domaines sur lesquels nous devons travailler. 

    Une communion forte est une communion capable de parler de ses différences avec amour. 

    ‘Le courage d’aimer’ : l’amour nous donne l’ouverture d’esprit et le courage de faire des choses difficiles. 

    Secrétaire General de la Conférence Mennonite Mondiale (CMM) depuis 2012, César García, mennonite colombien et canadien s’est entretenu avec la rédactrice de Courrier, Karla Braun, à propos des 100 ans de la CMM et du Courage d’Aimer. Cet entretien a été édité pour des raisons de concision et de clarté. 

    AWFS group photo Netherlands
  • La Conférence Mennonite Mondiale félicite le cardinal Robert Francis Prevost pour son élection en tant que pape et 267ème évêque de Rome le 8 mai 2025, sous le nom de Léon XIV. Cette élection est historique, car il s’agit du premier pape originaire d’Amérique du Nord, après le pape François (le cardinal Jorge Mario Bergoglio), qui était le premier pape latino-américain.

    Dans une lettre adressée au pape Léon XIV, César García, secrétaire général de la CMM, a écrit : « Nous pensons que les dialogues officiels que nous avons mené avec l’Église catholique ont créé des opportunités essentielles pour renforcer les liens entre nos Églises. Alors que ma communion mondiale commémore ses 500 ans dans quelques jours, j’espère que votre pontificat ouvrira de nouvelles portes pour apaiser les mémoires et renforcer nos relations en tant que disciples du Christ. »

    Lors de sa première apparition sur la place Saint-Pierre, le pape Léon XIV a salué les fidèles en invoquant la paix du Christ ressuscité, l’amour de Dieu envers tous, et en invitant l’Église à marcher ensemble sans peur. Il a appelé à un esprit missionnaire qui construit des ponts et qui ouvre les bras.

    Le nouveau pape est alors passé de l’italien à l’espagnol pour s’adresser à son diocèse de Chiclayo au Pérou.

    « Je loue notre Seigneur pour l’importance que vous accordez à une Église synodale qui marche aux côtés de ceux qui souffrent », a écrit César García dans sa lettre, répondant au souhait du pape Léon XIV d’une « Église synodale, marchant et recherchant toujours la paix, la charité, la proximité, en particulier envers ceux qui souffrent ».

    « Je loue notre Seigneur pour l’importance que vous accordez à une Église synodale qui marche aux côtés de ceux qui souffrent »

    César García

    « Confesser le Christ ensemble, avec les chrétiens d’autres traditions, fait partie de la mission de la CMM. Nous invitons nos membres à soutenir le pape Léon XIV dans la prière alors qu’il fait face aux défis du leadership, et en particulier pour son travail dans le ministère de l’unité dans le corps du Christ », déclare Henk Stenvers, président de la CMM.

    Le cardinal Robert Francis Prevost est originaire de Chicago, dans l’Illinois, aux États-Unis. Il est le premier membre de l’Ordre de Saint-Augustin (O.S.A.) à être élu pape. Il a servi pendant plus de dix ans dans les missions de l’O.S.A. au Pérou, a enseigné le droit canonique, la doctrine des premiers Pères de l’Eglise et la théologie morale au séminaire. Il a occupé des fonctions de direction au sein de l’O.S.A. Après sa nomination comme évêque du diocèse de Chiclayo, au Pérou, en 2015, le pape François l’a nommé préfet du Dicastère pour les évêques en 2023 et l’a promu archevêque ; il l’a également nommé membre des Dicastères pour l’évangélisation. Sa nomination comme cardinal a pris effet en 2024.

    pope stands on balcony flanked by cardinals
  • « Si vous ne savez pas où vous allez, n’importe quelle route vous y mènera ». Ce dicton résume l’une des idées du conte classique pour enfants de Lewis Carroll, Alice au Pays des Merveilles. Il est essentiel d’avoir une route et de définir sa destination si l’on veut y arriver.

    Il existe une version biblique de ce dicton dans Proverbes 11.14 « Faute de politique un peuple tombe » .

    Gouverner, direction, route, destination’ : tous ces mots sont impliqués dans un autre mot qui est parfois mal compris et historiquement problématique, mais qui a beaucoup de contenu théologique : ’mission’.

    Dans le livre God’s People in Mission: An Anabaptist Perspective, je définis la mission comme tout ce que l’Église est et fait en témoignant de Jésus-Christ dans son ministère de réconciliation. Permettez-moi de développer un peu plus cette définition :

    Tout ce que l’Église est et fait

    • L’Église est un avant-goût du Royaume de Dieu.
    • L’Église n’a pas de message. Elle est le message.
    • L’Église en tant que message implique sa véritable présence. Toute mission qui n’est pas communautaire et interdépendante est fragile.
    • La présence de l’Église annonce l’Évangile de Jésus-Christ par des paroles et des actes, travaillant ainsi à la réconciliation.
    • L’action de l’Église dans son travail de témoignage comprend tout ce qu’elle fait : culte, accompagnement pastoral, enseignement, évangélisation, service, construction de la paix et ministères pour la santé, entre autres. Ce que l’Église fait ou ne fait pas, et comment elle le fait, fait partie de son message.

    en témoignant de Jésus-Christ

    • Par ses paroles et ses actes, le message de la communauté est un témoignage de son expérience et de ses connaissances. Cela implique une approche qui n’est pas impérialiste (comme si elle était la maîtresse et la gardienne de la vérité absolue) et qui n’est pas présentée à partir d’une position de pouvoir humain. Il s’agit plutôt de partager ‘depuis la base’ notre expérience de la foi, avec une humilité constante.
    • Le message concerne Jésus-Christ, il doit donc être communiqué à partir d’une position de vulnérabilité et de service, tout comme Jésus l’a fait. Cela exige un abandon sacrificiel et un style de vie conforme à la croix qui mettent en œuvre des stratégies pour que ce ministère soit conforme à la vie et à l’œuvre du Christ.
    • Compte tenu de l’incarnation divine et de l’identification du Christ avec les personnes discriminées, témoigner de Jésus exige une contextualisation approfondie du message et une identification intentionnelle avec les personnes exclues, ignorées ou victimes de la société.

    dans son ministère de réconciliation

    • Le ministère de la réconciliation a été confié à l’Église. Cela implique que la vie nouvelle dans la communauté, grâce à l’Esprit, permet de faire l’expérience de la réconciliation avec Dieu et entre les hommes.
    • Le ministère de la réconciliation ne vise pas seulement le salut de l’âme dans un avenir lointain, mais aussi le rétablissement d’une pleine relation avec l’Esprit de Dieu et d’une vie de relations justes qui nous permettent de jouir de la paix que ce même Esprit rend possible dans la nouvelle création.

    Dans une perspective anabaptiste, la manière dont on arrive à sa destination — la route — est cruciale. C’est pourquoi il est si important de comprendre et de pratiquer la mission. À la Conférence Mennonite Mondiale (CMM), nous voulons nous organiser (structure) et travailler (route) d’une manière qui montre ce que nous entendons par mission.

    La Commission Mission de la CMM rassemble un réseau d’agences du monde entier qui travaillent de manière interdépendante et multiculturelle. En appartenant aux réseaux Mission (GMF) et Entraide (GASN) de la Commission Mission de la CMM, ces organisations affirment leur identité en tant que dépendantes de l’Église, et en sont ses expressions missionnaires. Par leur travail, elles témoignent du Christ dans plusieurs domaines de ministères spécialisés, tels que l’implantation d’églises et le développement social. C’est le sujet de ce numéro du Courrier. Rejoignons nos organisations et les réseaux de la CMM pour suivre Jésus, vivre l’unité et construire la paix !

     César García, secrétaire général de la CMM, originaire de Colombie, vit à Kitchener, Ontario (Canada).

    Lire le chapitre de César García, ‘L’accomplissement de notre mission’ et 9 autres chapitres sur les 10 déclarations de la Commission Mission dans ‘God’s People in Mission’ : An Anabaptist Perspective, édité par Stanley W. Green et Rafael Zaracho, (en anglais) © 2018.