Catégorie : Non classifié(e)

  • La CMM continue de développer des réseaux, d’accroître le nombre de ses membres et de soutenir la formation et l’action dans les églises membres.

    Le financement pour l’éducation théologique et pour la taxe carbone a été adopté lors de la réunion annuelle du Comité Exécutif de la Conférence Mennonite Mondiale, du 8 au 11 avril 2024 à Curitiba, au Brésil.   

    Deux nouveaux fonds

    Depuis de nombreuses années, les églises membres de la CMM demandent davantage de possibilités de formation théologique ancrée dans l’anabaptisme. « Maintenant que la majorité de nos membres anabaptistes se trouvent dans le Sud, nous avons vraiment besoin de faire de la théologie et de former une identité anabaptiste adaptée à chaque contexte. Nous devons développer des identités anabaptistes fortes, centrées sur le Christ », dit César García, secrétaire général de la CMM.

    Le Fonds de Formation Théologique (Theological Education Fund) financera des bourses d’études théologiques pour des pasteurs et d’autres responsables d’églises dans les pays où il y a peu de formations théologiques anabaptistes disponibles, en particulier dans les pays du Sud. « Nous espérons que cela aidera les responsables de notre communion mondiale à refléter plus fidèlement la vision d’Apocalypse 7 d’une grande multitude de toutes nations, de tous peuples et de toutes langues », a déclaré César García.

    Le Comité Exécutif a également approuvé la création d’un Petit Fonds de Subventions concernant la taxe Carbone. Depuis 2010, la CMM a mis de côté un montant correspondant à la taxe carbone sur tous les voyages aériens de son organisation. Les fonds collectés au fil des ans seront désormais mis à la disposition des églises membres des pays du Sud pour mettre en œuvre des projets de protection de la création ayant un rapport direct avec la réduction des émissions de carbone.

    « L’objectif de cette taxe supplémentaire est 1) de reconnaître concrètement l’impact des voyages en avion, 2) de démontrer publiquement l’engagement de la CMM à prendre soin de la création de Dieu », dit Doug Graber Neufeld, président du groupe de travail sur la protection de la création, qui a participé aux réunions au Brésil via Zoom. « Nous sommes heureux d’offrir un moyen d’utiliser des fonds pour une activité qui compense d’une certaine manière l’impact des voyages en avion.

    Renforcer les réseaux, augmenter le nombre de membres

    Au cours des dix dernières années, le Comité Exécutif (EC) de la CMM a approuvé le rattachement de plusieurs réseaux émergents à la CMM : Réseaux Anabaptistes Mondiaux pour l’Éducation (GAEN), Réseau Anabaptiste Mondial de Santé (GAHN) et Réseau Anabaptiste Mondial pour la Paix (GAPN). Lors de ces réunions, le EC a approuvé une version révisée des Cahiers des Charges (TOR) qui précise la manière dont les réseaux collaborent avec les Commissions. Les nouveaux Cahiers des Charges décrivent une nouvelle structure concernant les frais et clarifient la composition et la structure organisationnelle des réseaux.

    Les Cahiers des Charges révisés s’appliqueront également aux réseaux existants : Fraternité Missionnaire Mondiale (GMF) et Réseau Anabaptiste Mondial d’Entraide (GASN), qui font partie de la Commission Mission. Les Cahiers des Charges révisés seront examinés par le Conseil Général en 2025 avant d’être mis en œuvre.

    Le Comité Exécutif a également approuvé une proposition de changement constitutionnel qui permettra aux délégués des Jeunes Anabaptistes (YABs) de devenir membres du Conseil Général, et qui sera présentée lors de la réunion du Conseil Général de l’année prochaine. La candidature de Saskia Horsch (Allemagne) a été confirmée comme représentante des Jeunes Anabaptistes pour l’Europe en remplacement de Gaëlle Oesch qui se retirera en 2023.  

    Deux nouvelles demandes d’adhésion ont été acceptées : l’Association des Églises Chrétiennes Mennonites d’Ukraine (AMBCU) et Kanisa La Mennonite La Kiinjili Tanzania (KMKT — Église Évangélique de Tanzanie). Cela porte le nombre d’églises membres de la CMM à 110 totalisant plus de 10 000 assemblées dans 60 pays, avec plus de 1,5 million de membres baptisés.    

    Relations œcuméniques

    En préparation des événements de commémoration du 500e anniversaire, le Comité Exécutif a approuvé une déclaration commune avec la Communion mondiale des Églises réformées. Une équipe internationale de cinq théologiens de chaque communion a rédigé “une déclaration commune de confession, de gratitude et d’engagement” qui sera présentée lors de la commémoration du 29 mai 2025.

    Le Comité Exécutif a approuvé le rapport financier 2023 et le budget 2024. Il a aussi examiné des propositions susceptibles de redéfinir certains aspects de l’appartenance à la CMM.

    En plus des sessions de prise de décision, le Comité Exécutif a aussi tenu des sessions de formation. Le président de la Commission Foi et Vie, Thomas R. Yoder Neufeld, a animé trois sessions sur la nouvelle devise de la CMM : ‘Suivre Jésus, vivre l’unité, construire la paix’. La consultante canadienne Betty Pries (Canada), spécialiste des conflits, du changement et de la gouvernance, a facilité la planification stratégique pour 2025-2031.

  • Jeremiah Choi, représentant régional de la CMM pour l’Asie du Nord, a pris sa retraite en tant que pasteur de Agape Mennonite Church à Hong Kong en novembre 2023. Elina Ciptadi (responsable intérimaire de la communication de la CMM) s’est entretenue avec lui lors des réunions du Comité exécutif à Curitiba (Brésil) en avril 2024, pour recueillir ses réflexions sur cette période de transition. 

    « L’appel de Dieu doit passer avant tout. On ne devrait pas être pasteur si l’on n’est pas appelé et si l’on n’est pas passionné », déclare Jeremiah Choi. 

    Être pasteur est plus une vocation qu’une profession. Alors, comment prendre sa retraite ? 

    « Les pasteurs doivent tenir compte de leurs limites au fur et à mesure qu’ils vieillissent. Nous devons évaluer notre santé, nos capacités cognitives et notre force physique. Je dois admettre que je ne me souviens plus d’autant de détails que par le passé. Je ne veux pas que l’Église soit désavantagée à cause de cela », déclare-t-il. 

    « C’est pourquoi il est important de mettre en place un plan de succession et de l’inclure dans le règlement de l’Église ». 

    « Même si l’Église estime qu’elle a encore besoin de vous et qu’elle souhaite vous garder plus longtemps, ce plan doit être revu chaque année. Il ne faut pas s’attendre à ce qu’une personne reste pasteur à vie. Chaque Église doit préparer la relève », ajoute-t-il. 

    Ce que Jeremiah Choi a trouvé gratifiant dans la préparation de sa retraite, c’est la possibilité d’encadrer son successeur. 

    « Nous nous rencontrons encore régulièrement dans le cadre d’une relation de mentorat. Il est à la fois le pasteur principal et le pasteur jeunesse (l’Église est petite et ne peut se permettre qu’un seul pasteur). Il est temps pour lui de diriger. 

    Bien qu’il ne soit plus pasteur principal d’Agape Mennonite, Jeremiah Choi continue d’être pasteur consultant à titre bénévole. Il représente aussi l’assemblée auprès des deux autres Églises mennonites de Hong Kong. 

    Jeremiah Choi, Esther Choi, la fille de Jeremiah, et Elina Ciptadi.

    « C’est probablement un jour par semaine que je consacre à cette tâche. Ce qui est différent, c’est que ce n’est plus moi qui dois m’occuper de tous les membres de l’Église, qui suis responsable de tout. Je suis désormais l’un des deux pasteurs bénévoles de l’Église et je me concentre sur le ministère auprès des personnes âgées, tandis que l’autre bénévole s’occupe davantage du ministère auprès des femmes », explique-t-il. 

    En tant que représentant des trois Églises mennonites de Hong Kong, Jeremiah Choi espère faire grandir l’Église mennonite en tant que dénomination à Hong Kong. « Le pasteur de chaque Église se concentre sur le travail de son Église locale, et je suis heureux de pouvoir aider les trois Églises à collaborer pour faire grandir la dénomination ». 

    En plus de son rôle dans son Église locale et nationale, Jeremiah Choi est le représentant régional de la CMM pour l’Asie du Nord, couvrant Hong Kong, Taiwan, le Japon et la Corée du Sud. 

    « Le fait d’être lié à la CMM nous fait réaliser que nous ne sommes pas seuls. Nous avons des frères et sœurs dans le monde entier qui prient pour nous, sont solidaires avec nous et nous soutiennent concrètement quand nous sommes dans le besoin », dit-il. 

    Cette solidarité s’est manifestée par la visite d’une délégation de la commission Paix et de la commission Diacres en 2019, à une époque marquée par des tensions politiques. 

    « Notre Église se souvient très bien de cette visite », dit Jeremiah Choi. 

    « Le travail de la CMM pour promouvoir les liens entre les Églises et façonner notre identité anabaptiste a beaucoup profité à notre Église. Beaucoup de petites Églises comme la nôtre n’ont pas les ressources nécessaires, mais nous savons que nous pouvons compter sur la CMM ou d’autres Églises pour utiliser le matériel existant. Je me réjouis de continuer à travailler avec la CMM. 

    GKMI Solo 2022 group photo
    Jeremiah Choi (à gauche) et Siaka Traoré (quatrième à partir de la droite) avec le groupe sur le site satellite de Solo pour l’Assemblée 17. Photo : Esterningsih Djihartono

    Quand nous sommes dans le besoin : le cadeau du Burkina Faso à Hong Kong 

    Ces liens entre Églises ont produit un cadeau qui touche encore son cœur. 

    Parmi les premiers à mettre en place des mesures contre les infections dues au COVID-19, Hong Kong a manqué de masques au début de l’année 2020. Jeremiah Choi a lancé un appel à l’Église mondiale pour obtenir des masques. 

    Le représentant régional pour l’Afrique de l’Ouest, Siaka Traoré, a été le premier à répondre.  

    « Siaka a dû marcher jusqu’à la ville pour acheter ces masques et nous les envoyer. Ensuite, des frères et sœurs en Inde nous ont également envoyé des masques. » 

    « Leur attention envers nous a vraiment touché les membres de l’Église », a-t-il déclaré. 


    Ê propos de l’Église membre de la CMM : la Conférence des Églises mennonites de Hong Kong 

    La Conférence des Églises mennonites de Hong Kong se compose de trois assemblées mennonites dans la région administrative spéciale de Hong Kong, en Chine, qui compte sept millions d’habitants. L’Église a été officiellement fondée en 1985 à la suite du travail de secours du Comité central mennonite auprès des réfugiés de la Chine continentale dans les années 1950 et des missionnaires d’Amérique du Nord dans les années 1960. 

    Comment pouvez-vous prier pour la Conférence des Églises mennonites de Hong Kong ?

     

  • L’Assemblée de la CMM en Éthiopie en 2028 franchit une première étape avec la signature d’un accord de coopération et la nomination d’un conseil consultatif national.

    Du 11 au 17 janvier 2024, les responsables de la CMM, Liesa Unger (responsable des événements internationaux), Sunoko Lin (trésorière), Lisa Carr-Pries (vice-présidente) et Henk Stenvers (président), se sont rendus en Éthiopie. Ils ont rencontré les responsables locaux de l’église Meserete Kristos Church (MKC), membre de la CMM, et ont visité des sites potentiels à Addis Ababa et Bishoftu.

    Quatre représentants ont été nommés au Conseil consultatif national (CCN) et une nomination est en cours. 

    • Tewodros Beyene, président
    • Tewodros Moges, vice chair 
    • Tigist Tesfaye, secrétaire de séance
    • Aboma Tefera, représentant des communications
    • [en attente], représentant des jeunes

    Le Conseil Consultatif National est composé de représentants des unions d’Églises membres dont il dépend. Son rôle est de conseiller la CMM sur la planification de l’Assemblée, d’assurer la participation des Églises hôtes, d’évaluer les dons que la MKC peut apporter, de lancer des collectes de fonds locales et de communiquer sur l’événement avec les assemblées locales.  

    « C’est un honneur d’accueillir la CMM 2028 qui coïncide avec le 500e anniversaire du mouvement mennonite », déclare Desalegn Abebe.

    La Conférence mennonite mondiale commémore les 500 ans des premiers baptêmes anabaptistes à Zurich, en Suisse, avec une série d’événements Renouveau sur 10 ans (2017-2028). « La MKC fera tout ce qui est en son pouvoir pour rendre la conférence mémorable et inspirante », déclare-t-il.

    « Nous sommes heureux de célébrer cet événement historique en Éthiopie, où se trouve la plus grande union d’Églises membres de la CMM », ajoute Henk Stenvers. « L’anabaptisme est aujourd’hui très vivant et se développe dans le monde entier, en particulier en Afrique. »

    Les Assemblées mondiales de la CMM ont souvent lieu en juillet. Cependant, la saison des pluies en Éthiopie rend cette période peu propice. Janvier (qui coïncide avec les fêtes de Noël copte en Éthiopie), avril (Pâques) et août sont des périodes potentielles pour l’assemblée mondiale.

    « Nous nous réjouissons d’accueillir des milliers d’anabaptistes-mennonites du monde entier pour cinq jours de culte, d’apprentissage, d’expériences et de relations interculturelles en Éthiopie en 2028 », dit Liesa Unger.


  • « […] appliquez-vous à garder l’unité de l’esprit par le lien de la paix. » Ephésiens 4,3 

    Une communauté mondiale, 109 unions d’églises, 58 pays, près de 10 000 paroisses, 1,4 million de membres, 45 langues : est-ce possible que tous puissent être un jour unis ? 

    L’Église est souvent appelée le corps du Christ. Un corps humain a besoin de différents organes pour fonctionner. Il en va de même pour l’Église : il faut de la diversité pour fonctionner, pour être une entité à part entière. 

    Il en va de même pour la communion mondiale. Selon leur place dans le monde, selon leur contexte, les églises membres de la CMM sont différentes. Elles peuvent donc se soutenir mutuellement et apprendre les unes des autres. 

    Être une communauté spirituelle aux Pays-Bas est très différent de ce qu’est une communauté spirituelle en Indonésie ou au Myanmar. Faire partie d’une petite minorité dans un pays où une autre religion est de loin majoritaire, ou dans un pays déchiré par la guerre civile et la violence est bien différent que de vivre dans un pays où il n’y a pas eu de guerre depuis plus de 70 ans et où il existe la liberté de religion. 

    Les anciennes communautés ne sont pas confrontées aux mêmes défis que les nouvelles, et en cela aussi, nous pouvons apprendre les uns des autres et nous encourager mutuellement. 

    Cette unité dans la diversité est très vulnérable. Trop facilement, nous protestons que l’autre ne fait pas partie des nôtres parce qu’il ne vit pas sa foi exactement comme nous, ou parce qu’il lit la Bible autrement de nous. 

    Mais la Parole dit que l’unité est un don de l’Esprit : qui sommes-nous pour la briser ? 

    Il faut donc faire un effort, chercher la rencontre plutôt que la séparation. Et nous devons avoir le courage de nous soutenir les uns les autres, même lorsque nous sommes en désaccord. Car c’est le « mortier » d’un seul Dieu et d’un seul Esprit qui assemble toutes les parties disparates pour en faire une image à la diversité magnifique. 

    C’est ainsi que nous en sommes arrivés à définir les 7 convictions communes de la Conférence Mennonite Mondiale. Il nous a fallu 13 ans pour les formuler et les faire approuver par consensus par le Conseil général. Nous avons aussi défini les valeurs que nous partageons sur Dieu, la Bible, Jésus, le témoignage pour la paix et le culte. 

    Si notre fondement est ce sentiment de cohésion basé sur des convictions, alors nous pouvons parler de nos différences. Nous pouvons nous rapprocher les uns des autres sans porter de jugement, mais en nous intéressant à ce qui préoccupe l’autre. 

    Et si nous sommes assez courageux pour maintenir cela, nous pouvons créer une belle mosaïque, montrant au monde que nous pouvons dépasser les frontières humaines de nationalité, de langue, de couleur et plus encore, pour vivre en paix les uns avec les autres. 

    Henk Stenvers est président de la Conférence Mennonite Mondiale (2022-2028). Il a prononcé ce discours le dimanche de la Fraternité Anabaptiste Mondiale devant son assemblée locale de Doopsgezinde Gemeente Bussum-Naarden, aux Pays-Bas.

    Cliquez ici pour regarder le culte sur YouTube (en néerlandais). 


    39.1

  • Indonésie 

    Nous sommes le 7 octobre 2023. Simon Setiawan et Sarah Yetty, mari et femme, membres de l’église indonésienne Jemaat Kristen Indonesia (JKI), se trouvaient en Égypte, à la tête d’un groupe de plus de 40 personnes originaires d’Indonésie et des États-Unis ayant l’intention de se rendre en Israël-Palestine. Ayant entendu parler des attaques du Hamas contre Israël au petit matin, ils se sont inquiétés de la sécurité des participants à leur voyage. Les ambassades d’Indonésie en Égypte et en Jordanie leur ont téléphoné pour leur dire de ne pas se rendre en Israël. 

    « Après avoir parlé aux agents de l’ambassade et obtenu des informations de nos partenaires locaux, nous avons expliqué la situation au groupe. Nous avons dit que nous suivrions ce que les participants jugeraient le mieux », expliqua Simon Setiawan. « La grande majorité d’entre eux ont voulu continuer, après avoir reçu l’assurance de nos partenaires locaux que nos itinéraires ajustés se trouvaient dans des zones sûres ». 

    Ce jour-là, ils sont donc entrés en Israël par la frontière de Taba, en passant par la station balnéaire d’Eilat. L’attente pour passer la frontière a été longue. Il y avait plus de soldats que d’habitude au poste de contrôle. Les officiers étaient amicaux, mais tendus. L’un d’eux a demandé : « Vous savez ce qui se passe en Israël, n’est-ce pas ? » et a été surpris lorsque le groupe a dit qu’il voulait toujours entrer. Les rues étaient calmes, et seuls deux autres groupes de touristes ont été aperçus. 

    De là, ils se sont dirigés vers le nord, ajustant leurs plans en fonction des dernières évolutions sécuritaires. lIs sont restés une fois dans leur hôtel parce qu’ils avaient entendu dire qu’il y avait des troubles sur place. Une autre fois, ils ont dû changer leur projet de passer la nuit à Bethléem pour se rendre à Jérusalem pour des raisons de sécurité. Ils ont néanmoins réussi à visiter Jéricho, Bethléem et Jérusalem, rencontrant quelques autres groupes de touristes. 

    Ils prévoient d’y retourner cette année, en fonction des conditions de sécurité sur le terrain. « Parce que nous aimons la Terre sainte », dit Simon. 

    Le désir de se rendre en Terre Sainte 

    En 2009, Simon Setiawan et Sarah Yetty se sont inscrits pour la première fois à un voyage en Terre Sainte avec leur paroisse. 

    « Cela faisait longtemps que nous voulions aller en Terre Sainte, mais nous savions que c’était bien au-dessus de nos moyens », explique Sarah Yetty. « J’étais institutrice en maternelle et Simon contribuait au programme missionnaire de l’église. Nous n’avions pas beaucoup d’argent. » 

    Ils ont renouvelé leurs passeports périmés et prié quotidiennement pour un miracle. 

    « Trois mois avant le départ, une femme d’une église presbytérienne que nous n’avions jamais rencontrée a payé la totalité du voyage. Elle nous a dit qu’elle avait fait un rêve un mois plus tôt, dans lequel elle voyait une personne vêtue d’une robe blanche brillante venir la voir et lui dire de bénir un couple pour qu’il se rende en Terre Sainte », raconte Sarah Yetty. 

    « Et puis Simon a dit que comme que quelqu’un avait payé notre voyage, il nous fallait faire quelque chose pour les autres ». 

    Dieu sera avec vous 

    Lorsqu’ils en ont parlé à leur pasteur, celui-ci leur a dit qu’ils pourraient être guides de voyage. « Nous avons dit que nous n’avions aucune expérience, mais il nous a dit que tout irait bien et que Dieu serait avec nous ». 

    « C’était la première fois pour nous, et nous avons énormément aimé », dit Simon Setiawan. 

    Lors de ce premier voyage, ils ont organisé un circuit avec 11 bus, soit environ 500 personnes. Ils ont dû diviser le groupe et partir dans des directions différentes, Sarah Yetty conduisant une équipe et Simon Setiawan le reste. 

    « Nous sommes partis avec seulement 20 dollars en poche. Mais Dieu n’a cessé de nous bénir, comme une manne quotidienne », raconte Sarah Yetty. 

    « Après ce premier voyage, le pasteur nous a demandé de calculer les dépenses concernant la visite enTerre Sainte et de créer une entreprise spécialisée dans les excursions en Terre Sainte. Il nous a aussi demandé d’étudier davantage la Terre Sainte et de suivre une formation sur la manière d’y organiser des excursions. Depuis lors, nous nous sommes engagés à proposer des voyages en Terre Sainte à des prix abordables, afin que les pasteurs et les membres des églises, en particulier ceux des petites villes et des villages, puissent avoir la possibilité de s’y rendre », dit Simon Setiawan. 

    « J’aime y emmener des groupes, être sur la terre où vivait Jésus et voir la Bible prendre vie. Mais plus important encore, j’aime être dans les bus et écouter les témoignages des gens : celui d’un mariage qui a failli se terminer par un divorce jusqu’à ce qu’il arrive à Cana et décide de se réconcilier ; ou encore d’un médecin qui a gravi le mont Sinaï avec moi, et qui n’a avoué, une fois arrivé au sommet, qu’on lui avait posé son 13e stent dans les artères une semaine auparavant », raconte Simon Setiawan. 

    « Je dis toujours qu’il ne s’agit pas d’un simple voyage, mais d’un pèlerinage. Priez pour que, quel que soit le plan de Dieu pour vous au cours de ce voyage, vos yeux soient ouverts pour le voir », ajoute-t-il. 

    Nous aspirons à la paix 

    « Nous prions pour la paix en Israël et en Palestine », déclare Simon Setiawan. 

    « Tout le monde est concerné émotionnellement par la Terre Sainte. Lorsqu’il y a un peu d’instabilité, le monde entier en entend parler et les gens ont peur. Lorsqu’ils ont peur, ils ne viennent pas et l’industrie touristique locale en souffre, en particulier les travailleurs qui vivent dans les zones contrôlées par l’Autorité palestinienne (Jéricho, Bethléem, Ramallah) », dit Simon Setiawan. 

    « Nous voulons que les industries locales prospèrent et que les gens ordinaires puissent vivre leur vie sans crainte. Les gens veulent la stabilité, la sécurité, des deux côtés. Et c’est ce que nous souhaitons pour eux aussi », déclarent Simon Setiawan et Sarah Yetty. 

    —Interim Chief Communications Officer Elina Ciptadi spoke with Simon Setiawan and Sarah Yetty about their experience.


    39.1

  • Seigneur, aie pitié ! 
    Christ, aie pitié ! 
    Seigneur, aie pitié ! 

    Quand, ô Seigneur, apprendrons-nous que la paix ne naît pas de la force ?  
    Quand, ô Seigneur, apprendrons-nous que la paix ne naît pas du combat ?  
    Quand, ô Seigneur, apprendrons-nous que la paix ne naît pas en envahissant les autres ?  
    Quand, ô Seigneur, apprendrons-nous que la paix ne naît pas des mécanismes de la mort ? 

    Nous assistons avec horreur à l’escalade sans fin de la violence qui s’empare des peuples et des nations du Moyen-Orient. 

    Nous nous lamentons sur la foi placée dans la puissance militaire. 
    Nous nous lamentons sur la foi placée dans des armes qui sont supposées vaincre les ennemis, mais qui ne font que perpétuer le cycle de la violence. 
    Nous nous lamentons sur la foi placée dans la violence, comme si cela pouvait faire éclore de bonnes relations. 

    Les chrétiens sont appelés à incarner une foi qui cherche le bien d’autrui, et pas son malheur. 
    Les chrétiens sont appelés à incarner une foi qui nous désarme plutôt que de participer au cycle incessant de la violence. 
    Les chrétiens sont appelés à incarner les voies de la paix, et non de la violence, sur notre chemin de foi. 
    Les chrétiens sont appelés à aimer nos ennemis, ou à refuser d’avoir des ennemis, et de tendre la main à travers les frontières pour construire des ponts de respect, de réciprocité, et de conciliation, même avec ceux qui nous sont hostiles. 
    Les chrétiens sont appelés à être partie prenante d’une foi qui suit et qui cherche à vivre les chemins de Jésus-Christ, le Prince de Paix. 
    Et les chrétiens sont appelés à inviter les autres, y compris ceux d’autres confessions, à chercher des alternatives à la violence et à vivre un avenir différent, où tous peuvent trouver la vie et le bien-être. 

    Les missiles n’apporteront pas la paix. 
    L’invasion n’apportera pas la paix. 
    La violence n’apportera pas la paix. 

    Enough! Basta! Ça suffit ! 

    Dieu, le Père qui est aux cieux, aie pitié de nous. 
    Dieu, le Fils, Rédempteur du monde, aie pitié de nous. 
    Dieu, le Saint-Esprit, aie pitié de nous. 
    Sainte Trinité, Dieu unique, aie pitié de nous. 

  • Le révérend Bleise Nzamba, représentant légal de Igreja da Comunidade Menonita em Angola (ICMA), est décédé le 30 mars 2024. Il a siégé au Conseil général de la Conférence mennonite mondiale en Indonésie en 2022 et au Kenya en 2018.

    Le révérend Bleise Nzamba a étudié au Nyanga College en RD Congo, où il a été baptisé dans l’église Mennonite du Congo. En 2013, il a suivi des études de théologie à l’Instituto Superior no Huambo, en Angola, et a obtenu un master en théologie à la Logos Faculdade Batista en 2024.

    Il a été ordonné révérend pasteur à l’Igreja da Comunidade Menonita em Angola (ICMA). En 2010, il est nommé surintendant de la province ecclésiastique de Luanda jusqu’à la fin de son mandat en décembre 2013.

    De 2014 à 2017, il a occupé le poste de représentant légal adjoint de l’ICMA.

    En décembre 2017, il est élu au poste de représentant légal de l’ICMA et est réélu au même poste lors de la VIIIe assemblée générale élective en décembre 2023 dans la ville de Dundo, province de Lunda-Norte.

    En 2023, il est nommé président du Conseil des partenaires en Angola de l’Africa Inter – Mennonite Mission (AIMM).

    « Le fruit de son travail est évident à travers ce que Dieu fait dans la communauté mennonite d’Angola », déclare le bulletin de la Mission Inter-Mennonite d’Afrique (MIMA).

    « Nous sommes reconnaissants envers les responsables d’églises pour leur service et nous pleurons avec ceux qui ont perdu un mentor et un ami. Nous prions pour la sagesse alors que l’église ICMA discerne un nouveau responsable pour le rôle de représentant légal. Que les membres de l’ICMA continuent à marcher dans la fidélité à Jésus, en vivant comme des artisans de paix et en partageant l’évangile », a déclaré César García.

    Le révérend Bleise Nzamba est regretté par sa marie, le révérend Mahamba Leontina, ses trois enfants et ses cinq petits-enfants.

  • États-Unis

    J’ai grandi au Guatemala dans des églises évangéliques et pentecôtistes. Les chants, l’école du dimanche et les sermons étaient imprégnés de la théologie chrétienne sioniste qui déclare que la volonté de Dieu est l’établissement d’une patrie juive en Palestine. Le devoir des chrétiens est de soutenir Israël. Certaines églises affichent même un drapeau israélien dans leur sanctuaire. 

    Là, comme dans les assemblées mennonites évangéliques et hispaniques de Calgary (Alberta, Canada) et de Goshen (Indiana, États-Unis), notre culte comprenait des chants sur le Dieu d’Israël qui coupe les têtes de nos ennemis. Les passages bibliques étaient principalement tirés de l’Ancien Testament, lesquelles décrivaient la violence et le génocide. 

    Dans nos cultes, nous célébrions la mort des ennemis d’Israël. 

    On m’a appris à croire que la nation et l’État d’Israël étaient le peuple de Dieu. C’était un péché de remettre en question cette croyance. 

    Ce n’est pas une surprise 

    Je ne suis pas surpris de constater que de nombreuses personnes issues de milieux théologiques similaires ne remettent pas en question les actions du gouvernement israélien à l’heure actuelle. 
    Ils considèrent l’État d’Israël comme un David affrontant un Goliath. Ils pensent qu’Israël est toujours la petite nation biblique qu’il a été, et non la superpuissance mondiale qu’il est aujourd’hui. 

    J’ai conservé cette vision sioniste d’Israël pendant la majeure partie de ma vie. Jusqu’à ce que j’étudie l’histoire et la théologie au Goshen College, dans le cadre du programme des ministères hispaniques. 

    Des professeurs de théologie comme Juan (John) Driver et Ron Collins ont eu la patience de m’aider à déconstruire ces récits violents et à reconstruire une nouvelle théologie anabaptiste de la paix avec une vision différente de Dieu, de Jésus et d’Israël. 

    J’ai appris que la Bible n’est pas plate. Il y a une montagne dans les évangiles, où nous nous tenons avec Jésus et d’où nous pouvons voir et comprendre le reste de la Bible à travers les enseignements, la vision et la mission de Jésus. 

    Ainsi, lorsque mes frères et sœurs hispaniques-latinos/as se sont opposés à une résolution « Chercher la Paix en Israël et en Palestine » lors de la convention de Mennonite Church USA en 2015, j’ai su exactement d’où venait cette opposition. 

    Venez et voyez 

    Alors, j’ai décidé de rejoindre le groupe de travail Israël-Palestine ‘Come and See’ (Venez et Voyez), composé de groupes et d’organisations anabaptistes. 

    L’objectif du groupe de travail était de sensibiliser les responsables à la Palestine et à Israël et de participer à un voyage d’étude en Terre Sainte comprenant une visite en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. 

    Plus de 110 responsables mennonites se sont inscrits, y compris la plupart de mes frères et sœurs hispaniques-latinos/as qui ont pris le micro lors de la convention de 2015. 

    Certains ont déclaré : « Je suis pro-Israël et je ne changerai pas d’avis. » Mais cet état d’esprit a été remis en question lorsque nous avons écouté les récits de personnes vivant de part et d’autre du mur de séparation israélien. 

    En 2017, j’ai de nouveau rejoint un groupe de voyage d’étude. Il comprenait des responsables de MC USA Iglesia Menonita Hispana (Église mennonite hispanique), quelques responsables mennonites anglophones et un couple afro-américain. 

    Outre la visite de “lieux saints” typiquement chrétiens, nous avons franchi des murs que très peu de visiteurs franchissent. Nous avons traversé des postes de contrôle, ce qui nous a rappelé les difficultés auxquelles sont confrontés les membres sans papiers de nos assemblées aux États-Unis. 

    Nous avons visité des camps de réfugiés palestiniens et des colonies israéliennes. 

    Nous avons profité de l’hospitalité de sœurs et de frères chrétiens palestiniens près de Bethléem, et écouté les récits de juifs, de chrétiens et de musulmans. Au Bethlehem Bible College, nous avons découvert des perspectives théologiques chrétiennes complexes sur la question de territoire. 

    Nous avons planté des oliviers en Cisjordanie, à proximité de colonies israéliennes (construites en violation du droit international). Les colons voulaient déplacer les agriculteurs palestiniens chrétiens. 

    Nous avons appris que le conflit n’est ni musulman-juif, ni juif-palestinien, mais qu’il oppose l’État d’Israël à tous ceux qui s’opposent à l’expansion de son occupation — et même aux juifs dont la conscience s’opposent à l’expansion illégale et au déplacement des Palestiniens. 

    L’expérience de l’apartheid  

    Nous avons fait l’expérience de l’apartheid dès notre arrivée, en constatant la forte ségrégation et l’oppression des Palestiniens sous une occupation militaire brutale. 

    Nous avons ressenti des tensions et la ségrégation raciale. Nous, Latinas/os, partageons certaines caractéristiques physiques avec des groupes ethniques du Moyen-Orient (on me demandait constamment si j’étais libanais). 

    Lors de notre passage aux services d’immigration et de douane israéliens, une femme a été retenue pour être interrogée. Elle était si excitée et joyeuse lorsque nous avons atterri. Mais lorsqu’elle est sortie des postes de douane et d’immigration, elle était presque en larmes. 

    Trois jours après le début du voyage d’étude, l’Afro-Américaine de notre groupe a souhaité retourner aux États-Unis, car elle ne se sentait pas en sécurité, évoquant l’époque de Jim Crow aux États-Unis. 

    Ê la fin de notre voyage d’étude ‘Venez et voyez’, nous ne pouvions plus accepter le récit unique de notre éducation chrétienne sioniste. 

    Nos convictions spirituelles et notre théologie avaient changé. 

    Engagés pour la paix 

    Lors de la convention de Mennonite Church USA en 2017, les responsables mennonites hispaniques et racisées ont été parmi les premiers à s’approcher du micro pour parler en faveur de la résolution ‘Chercher la Paix’. 

    Mais dans nos nouvelles compréhensions figurait la complexité des histoires que nous avions entendues et de l’humanité commune des Palestiniens et des Israéliens. 

    Nous nous sommes engagés à lire et à étudier le document Kairos élaboré par nos frères et sœurs chrétiens de Palestine et d’Israël. 

    Nous nous sommes engagés à prendre la parole ! 

    Alors que nous assistons aux atrocités des récentes violences en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, cet engagement me revient à l’esprit. 

    Le moment est venu d’utiliser notre influence politique chrétienne pour appeler à un cessez-le-feu permanent et à une résolution juste du conflit. 

    Le moment est venu d’embrasser la complexité dans un monde où les médias simplifient souvent ce qui est dit, répandent des récits mal informés et alimentent les conflits. 

    Le moment est venu de rechercher la paix sans relâche. 

    —Saulo Padilla est coordinateur de l’éducation à la migration pour les Ministères de la Paix et de la Justice du Comité central mennonite aux États-Unis. 


    39.1

  • « Il faut que justice soit faite. Ils doivent payer pour le mal terrible qu’ils ont fait ». Ces phrases et d’autres du même genre ont été souvent répétées dans l’actualité ces derniers mois. 

    Dans mon pays, la Colombie, je n’ai entendu que trop souvent les mêmes phrases sur les lèvres de chrétiens qui prétendent suivre Jésus, le Dieu qui a choisi la compassion plutôt que la vengeance, celui qui nous a enseigné à donner à nos ennemis et même à nos oppresseurs, non pas ce qu’ils méritent, mais ce dont ils ont besoin. 

    Alors que je réfléchis devant les images des atrocités causées par la guerre dans d’innombrables endroits du monde, je me souviens des paroles d’un sage rabbin juif, Jonathan Sacks, qui a été le grand rabbin des Congrégations hébraïques unies du Commonwealth de 1991 à 2013. Permettez-moi de citer quelques-uns de ses écrits : 

    « Il est de la responsabilité [de la foi abrahamique] d’être une bénédiction pour le monde…. Invoquer Dieu pour justifier la violence contre les innocents n’est pas un acte de sainteté mais de sacrilège. C’est une sorte de blasphème. C’est prendre le nom de Dieu en vain » [1]. 

    « Rien n’est plus décourageant que le cycle de vengeance qui hante les zones de conflit et enferme leurs populations dans un passé qui ne relâche jamais son emprise. Tel a été le sort des Balkans, de l’Irlande du Nord, de l’Inde et du Cachemire, du Moyen-Orient…. Les représailles sont la réponse instinctive à ce qui est perçu comme une injustice…. Les griefs historiques sont rarement oubliés. Ils font partie de la mémoire collective d’un peuple…. C’est ce qui fait du pardon une idée si contre-intuitive. C’est plus qu’une technique de résolution des conflits. C’est une stratégie étonnamment originale. Dans un monde sans pardon, le mal engendre le mal, la souffrance engendre la souffrance, et il n’y a pas d’autre moyen que l’épuisement ou l’oubli pour briser ce cycle. Le pardon seul peut le rompre » [2]. 

    Le rabbin Sacks observe — comme toute personne qui s’est penchée sur le conflit israélo-palestinien — que les questions sont complexes. Une solution acceptable pour les principales parties aurait déjà été mise en œuvre s’il avait été simple de la trouver. 

    Une longue mémoire : les Israéliens pensent à « 2 000 ans de souffrance juive et à la nécessité existentielle pour les juifs d’avoir, quelque part sur terre, un espace défendable », écrit le rabbin Sacks, et les Palestiniens se souviennent « des déplacements et des pertes, de l’impuissance politique et des difficultés économiques, de la défaite humiliante et de la colère » [3]. 

    Alors que chaque groupe tente de protéger son propre espace, leurs tentatives de préservation se traduisent parfois par des destructions qui affectent l’autre et se retournent contre eux-mêmes. « Le pardon semble absurdement inadapté aux conflits d’intérêts importants et à la dynamique même de la suspicion, de la méfiance et des griefs cumulés », écrit le rabbin Sacks. 

    « Pourtant, en fin de compte, la paix est établie, si tant est qu’elle le soit, par des personnes qui reconnaissent le statut de personne de leurs adversaires. Tant que les Israéliens et les Palestiniens ne seront pas capables de s’écouter les uns les autres, d’entendre l’angoisse et la colère de chacun et de laisser un espace cognitif aux espoirs de l’autre, il n’y aura pas d’issue [… En tant que juif], j’honore le passé non pas en le répétant mais en en tirant les leçons — en refusant d’ajouter de la souffrance à la souffrance, de la douleur à la douleur. C’est pourquoi nous devons répondre à la haine par l’amour, à la violence par la paix, au ressentiment par la générosité d’esprit et au conflit par la réconciliation » [4]. 

    Au moment où j’écris ces mots, le cycle de la violence et des représailles continue de s’approfondir. Il est presque impossible de dire quoi que ce soit sur cette situation sans fâcher quelqu’un quelque part, comme ce fut le cas avec la réponse conciliatrice à la guerre au Moyen-Orient que nous avons rédigée en octobre 2023. Et pourtant, nous sommes appelés à répondre, en tant que Communion mondiale, à ce scénario de guerre et à beaucoup d’autres scénarios terribles que nous voyons aujourd’hui. C’est pourquoi nous vous invitons, dans ce numéro du Courrier, à réfléchir à la compréhension des messages bibliques en fonction des réalités d’aujourd’hui. 

    Oui, face à de terribles atrocités, les gens, quels qu’ils soient, ont le droit d’exiger que les auteurs obtiennent ce qu’ils méritent pour ce qu’ils ont fait. Mais, grâce à Dieu, il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi. Grâce à Dieu, Jésus nous montre une autre voie. 

    —César García est secrétaire général de la Conférence Mennonite Mondiale. Originaire de Colombie, il vit à Kitchener, Ontario (Canada).

    [1] Jonathan Sacks, Dieu n’a jamais voulu ça: La violence religieuse décryptée, 5. 
    [2] La dignité de la différence : Pour éviter le choc des civilisations, 178-79. 
    [3] Ibid, 189-190. 
    [4] Ibid, 189-90. 

    Bibliographie 

    • Sacks, Jonathan. The Dignity of Difference: How to Avoid the Clash of Civilizations. London: Bloomsbury, 2003. (traduit chez Bayard, 2004 : La Dignité de la différence : Pour éviter le choc des civilisations

    • ———. Not in God’s Name: Confronting Religious Violence. First American edition. ed. New York: Schocken Books, 2015. (Traduit chez Albin Michel, 2018) : Dieu n’a jamais voulu ça: La violence religieuse décryptée )

    39.1

  • Allemagne 

    Après le lycée, j’ai passé un an en Cisjordanie sous occupation israélienne, où je vivais et travaillais à Tent of Nations

    un projet de paix écologique palestinien et chrétien. J’ai appris beaucoup de choses pendant cette période : à cuisiner sur un feu de bois, à soigner les animaux, et même comment se remettre des gaz lacrymogènes en respirant de l’oignon cru. 

    Mais ce que j’ai appris de plus transformateur et de plus durable concerne la manière dont je comprends et suis Jésus. 

    Ce sont les chrétiens palestiniens qui m’ont appris à voir que Bethléem, Nazareth et Jérusalem sont des lieux réels dont l’histoire a façonné Jésus. Son contexte, marqué par l’oppression militaire, économique et culturelle, n’était pas si différent de la situation des Palestiniens aujourd’hui qui grandissent dans des camps de réfugiés en Cisjordanie ou à Gaza. Aujourd’hui comme hier, l’injustice engendre l’amertume et la répression, créant des spirales de violence et des schémas complexes de traumatisme qui semblent inéluctables. 

    Solidarité avec les opprimés  

    C’est dans ce monde blessé que Dieu a choisi de venir être solidaire des opprimés et montrer une autre façon de lutter pour la dignité et la liberté — une lutte qui libère à la fois la victime et l’oppresseur. 

    Les Nassar, mes hôtes luthériens palestiniens, m’ont appris à mettre en pratique l’enseignement de Jésus sur l’amour des ennemis. Sur des rochers placés à l’origine par des soldats israéliens pour barrer la route, ils ont écrit leur manifeste : « Nous refusons d’être des ennemis »  

    J’ai vu Daher Nassar inviter à prendre le thé des colons armés qui s’étaient introduits sur ses terres, ce qui les a fait reculer, confus. Pour autant, les Nassars ont refusé de renoncer à leur lien avec la terre et à leur rêve d’un avenir commun pour tous. 

    Les membres juifs et musulmans du Cercle des Parents Endeuillés m’ont également fait découvrir une toute nouvelle conception du pardon. En se réunissant pour pleurer la mort de leurs enfants dans le conflit, ils ont compris que les représailles n’apportaient pas la vie. Seul le pardon a le pouvoir de libérer les gens de l’amertume, de les rendre libres pour œuvrer à la libération de tous. 

    Réconciliation plutôt que récrimination 

    Le fait d’avoir vu ces pierres vivantes m’a aidé à regarder en face mon propre enchevêtrement dans ce conflit. Mes deux grands-pères ont combattu dans l’armée nazie et ont contribué à l’assassinat de six millions de juifs en Europe. Les juifs appellent cette atrocité la Shoah, un mot hébreu qui signifie « catastrophe ». Ce crime odieux contre l’humanité représente l’aboutissement de 2 000 ans pendant lesquels les juifs ont été déshumanisés et terrorisés. 

    Il faut rappeler que cette violence a été perpétrée surtout par des chrétiens. Des non-juifs qui ont oublié qu’ils avaient été adoptés dans le peuple de Dieu par grâce. 

    L’antisémitisme est le traumatisme qui a créé le besoin d’un État juif. Pourtant, cet État n’a pas été établi sur une « terre vide », comme le veut l’expression coloniale courante, mais en déplaçant des centaines de milliers de Palestiniens, dont les enfants et les petits-enfants vivent toujours en tant que réfugiés apatrides dans le monde entier. Les Palestiniens appellent cela la « Nakba », qui signifie « catastrophe » en arabe. 

    Ces deux catastrophes sont les blessures fondamentales de ces deux peuples et, comme c’est souvent le cas, nous accordons généralement plus d’attention à nos propres blessures. 

    Des récits qui déstabilisent 

    Lors de conversations avec des militants pacifistes israéliens et palestiniens, j’ai appris avec humilité que le fait d’assumer l’héritage de mon implication dans la violence ne me souillait pas. Au contraire, cela a ouvert des conversations sur la forme que peuvent prendre le repentir et la réconciliation.  

    Ces militants ont parlé de leur lente et douloureuse prise de conscience : réaliser qu’on leur avait menti. Alors que la Shoah était au cœur de l’enseignement israélien, ils n’avaient jamais appris ce qu’était la Nakba.  

    Dans le même temps, les écoles palestiniennes ne présentaient les sionistes que comme des colonisateurs, tout en omettant qu’ils fuyaient la violence génocidaire de l’Europe.  

    Les militants pacifistes m’ont appris l’importance de parler de nos histoires et de permettre à la vérité d’autrui de nous déstabiliser. Pour œuvrer en faveur d’une paix juste et durable depuis la Méditerranée jusqu’au Jourdain, nous devons nous repentir de notre antisémitisme profondément ancré ainsi que de notre imaginaire colonial et résister à leurs manifestations dans nos sociétés d’aujourd’hui. 

    Une image nourrit mon espoir. Chaque année, les Nassar invitaient les gens à venir dans le vignoble pour aider lors des vendange et dissuader de manière non violente la violence des colons. Je me souviens avoir récolté des seaux et des seaux des raisins les plus sucrés que j’aie jamais mangés avec des dizaines de volontaires du monde entier, y compris des Israéliens.  

    Tant les Israéliens que mes hôtes palestiniens ont pris des risques considérables lors de cette rencontre, car, des deux côtés, des personnes s’opposent catégoriquement à toute forme de coexistence. Pourtant, ils ont consciemment pris le risque, parce qu’ils étaient convaincus que la paix exige des relations de confiance et de solidarité qui ne se développent qu’avec le temps et le travail en commun.  

    La joie de cette vendange et le festin de houmous, d’olives et de falafels à la pause déjeuner sont devenus un avant-goût de la famille du Royaume que je chéris et dont j’ai hâte de goûter à nouveau. 

    —Benjamin Isaak-Krauß est co-pasteur avec son épouse Rianna à Mennonitengemeinde Frankfurt, une assemblée de Arbeitsgemeinschaft Mennonitischer Gemeinden (AMG) en Allemagne. Il représente le Deutsche Mennonitische Friedenskomitee (Comité mennonite allemand pour la paix) au sein du comité de pilotage des Community Peacemaker Teams. 

    Cliquez ici pour en savoir plus sur  Tent of Nations


    39.1

  • La Conférence Mennonite Mondiale n’a pas officiellement d’églises membres anabaptistes au Moyen-Orient. Ne pas créer une autre église dans une région offrant une grande diversité a été une décision missiologique. 

    Cependant, les chrétiens palestiniens sont un témoignage pour la communion mennonite dans le monde. Là où la théorie rencontre la réalité, ils ont montré à ceux qui y prêtent attention ce qu’est être fidèle à l’appel de Jésus à la non-violence. 

    Depuis le 7 octobre 2024, les yeux du monde sont tournés vers le Moyen-Orient où violence et différentes sortes of violations ont déclenché un flot de mort et de destruction. 

    En tant que chrétiens, nous pouvons nous tourner vers notre Bible pour interpréter les réalités d’aujourd’hui à la lumière des promesses faites il y a longtemps. 

    « La réponse à cette question est différente pour chaque communauté religieuse », dit Dorothy Jean Weaver. Pour une communauté juive, les réponses découlent de la Bible hébraïque, mais en tant que chrétiens, nous sommes appelés à vivre dans le cadre de la nouvelle alliance, où la géographie « n’est plus un facteur pour les disciples de Jésus ». 

    Dorothy Jean Weaver s’est jointe à plusieurs universitaires mennonites ayant une expérience de la région pour réfléchir au passage d’aujourd’hui. 

    Une trajectoire d’inclusion 

    Dès Genèse 12, nous pouvons discerner une trajectoire d’inclusion qui se poursuit dans toute l’Écriture, explique J. Nelson Kraybill. Il y est question de bénédiction et de malédiction, mais celles-ci sont transmises aux autres par l’intermédiaire du peuple d’Israël. 

    « Dans Amos 9,7, Dieu libère non seulement les Israélites, mais aussi d’autres peuples, même ceux qui sont considérés comme ennemis d’Israël », ajoute Paulus Widjaja. 

    « L’un des thèmes qui ressort de l’Ancien Testament, dans des passages tels que Lévitique 26 ou Jérémie 7, est que l’alliance avec le peuple de Dieu est conditionnée à la pratique de la justice », explique J. Nelson Kraybill. 

    « Jésus reprend ensuite la vision d’Esaïe, qui voit toutes les nations affluer vers la montagne de la maison du Seigneur (Esaïe 2,2), lorsqu’il dit que la montagne du Temple est censée être une maison de prière pour toutes les nations (Matthieu 21,13) », dit J. Nelson Kraybill. 

    « Matthieu (qui est un évangile très juif) se termine par le départ des disciples de Jérusalem, de Galilée, pour aller faire des disciples de toutes les nations » explique Dorothy Jean Weaver. 

    La même chose se produit dans l’Évangile de Luc. Au début de l’histoire de Jésus, l’accent est mis sur Jérusalem, mais à la fin, et plus encore dans les Actes, « l’Évangile se déplace de la Judée à la Samarie jusqu’aux extrémités de la terre », dit Dorothy Jean Weaver. 

    Let Gaza Live’ œuvre d’art par Leyla Barkman

    Un cadre différent 

    Il y a parfois un problème d’ignorance, même chez certains chrétiens, dit Paulus Widjaja. « L’Israël de la Bible et l’État moderne d’Israël sont deux choses différentes. Nous ne pouvons pas les associer comme si l’Israël moderne était l’Israël biblique ». 

    « Ce qui me rend triste, c’est que ce qui a été créé aujourd’hui, c’est la haine, et non l’amour. Les Israéliens comme les Palestiniens sont devenus des victimes », déclare Paulus Widjaja. 

    « Selon le Lévitique, la terre appartient à Dieu — les gens sont des locataires et des étrangers sur la terre », dit Alain Epp Weaver. Cela s’applique aussi bien à Israël qu’à l’Amérique du Nord ou à n’importe quel autre endroit. 

    « Rappelons-nous qu’en tant que mennonites, nous avons historiquement rejeté l’idée de l’État-nation et de la souveraineté des rois », dit Jonathan Brenneman. 

    « Si nous lisons attentivement la Bible, Abraham a été choisi non pas pour lui-même, mais pour bénir les autres », explique Paulus Widjaja. 

    « Et dans le Nouveau Testament, nous voyons que ces idées sont reprises et élargies pour inclure le peuple de Dieu qui suit Jésus (1 Corinthiens 6,19, 1 Pierre 2,9) », ajoute Dorothy Jean Weaver. 

    « Pour savoir si nous sommes des intendants fidèles de la terre que nous habitons, il faut savoir si nous y rendons la justice. Nous avons besoin d’une théologie de la compassion pour Israël et la Palestine, une théologie qui reconnaisse l’image de Dieu et de chaque personne — qu’elle soit israélienne, palestinienne, musulmane, chrétienne ou juive. Dieu appelle les gens à faire régner la justice et à s’opposer à la violence de l’État-nation qui porte atteinte à l’image de Dieu », déclare Alain Epp Weaver. 

    « En tant qu’anabaptiste, je suis en quête d’un système transnational, populaire, qui ne soit pas basé sur l’État. Il n’est pas lié à l’ethnicité. Rien ne justifie la violence dans la vie d’un chrétien, car nous suivons celui qui, même capturé par l’armée impériale (la police), a dit “de remettre son épée dans son fourreau” et a guéri l’oreille de Malchus (Jean 18,10) », explique Sarah Nahar. 

    « En lisant la Bible jusqu’à l’Apocalypse, nous découvrons que nous sommes appelés à être des groupes de personnes qui vivent d’une manière égalitaire, en brisant les frontières et en respectant profondément la terre et les autres », ajoute-t-elle. 

    « C’est un appel à la complexité, et non à la facilité. Nous cherchons à être des personnes qui vivent sans avoir besoin de contrôler les autres », dit-elle encore. 

    « Les églises blanches d’origine européenne ont hérité de théologies antijuives qui affirment que Dieu a répudié le peuple juif. Nous devons examiner et rejeter les théologies antijuives qui ont alimenté l’antisémitisme », dit Alain Epp Weaver. 

    « Historiquement, l’antisémitisme fait partie intégrante du colonialisme et du racisme européens. En tant qu’anabaptistes, nous devons nous opposer fermement à l’antisémitisme en tant que forme de racisme », dit-il encore. 

    « Le même appel concerne tous les lecteurs de la Parole : aimer la miséricorde, rechercher la justice, libérer les opprimés, relâcher les captifs, déclarer le Jubilé (Michée 6,8) », dit Jonathan Brenneman. 

    La réponse à la question « qui est élu » se trouve dans les Béatitudes : « Heureux les artisans de paix, heureux ceux qui ont faim et soif de justice, heureux les pauvres » (Matthieu 5,3-10). 

    « Heureux les opprimés, en somme », dit Jonathan Brenneman. 

    Certains commentateurs, y compris des organisations de défense des droits de l’homme, ont qualifié la réalité du Moyen-Orient d’aujourd’hui un apartheid. Comment les mennonites peuvent-ils créer un espace où tous les peuples, palestiniens et israéliens, pourront s’asseoir en toute confiance sous la vigne et le figuier (Michée 4,4) ? 

    « Il est très difficile de voir quelle feuille de route permettrait de passer de la réalité actuelle de la violence et de la discrimination structurelle à une réalité future dans laquelle les Palestiniens et les Israéliens pourraient vivre librement, en sécurité et en paix », dit Alain Epp Weaver. 

    « Nous prions, nous soutenons les Palestiniens et les Israéliens qui s’efforcent de faire tomber les murs de séparation qui empêchent les gens de se reconnaître les uns les autres comme enfants de Dieu et même de voit ces murs de séparation. Nous devons nous élever contre les fossés qui se dressent (amusant « des fossés qui se dressent !) murs élevés dans nos cœurs — et même contre les murs de pierres érigés par l’État israélien — qui blessent, dégradent et tuent », déclare-t-il. 

    « Nous vivons dans un monde qui a été divisé, où un groupe de personnes déclare “ceci est à nous !” à propos d’une parcelle de terre. Mais notre appel à être fidèles, où que nous soyons dans la société, est de faire pression pour que s’accomplisse la justice de Dieu sur terre selon la mesure de notre énergie pour avancer vers cet objectif, car nous sommes mandatés par Dieu : “ Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre” (Matthieu 6,12) », dit Dorothy Jean Weaver. 

    « Qui est responsable de l’accomplissement de la volonté de Dieu sur terre ? » demande-t-elle. “La réponse définitive est que Dieu est tout-puissant. Mais Dieu nous appelle aussi à agir pour que sa volonté se réalise sur terre. Nous devons prier le Notre Père avec audace et courage”. 

    Pour ceux qui vivent au Canada et aux États-Unis, le mouvement mennonite « Dismantling the Doctrine of Discovery » (Coalition pour la Déconstruction de la Doctrine de la Découverte) nous aide à reconnaître que le péché est structurel, ce qui est un véritable défi. 

    “Le travail que je peux entreprendre consiste à comprendre comment les dynamiques de pouvoir se manifestent partout, à reconnaître les systèmes de déplacement et de dépossession, à me demander à quel prix et au détriment de qui j’obtiens des privilèges dans la société”, explique Sarah Nahar. 

    “L’Évangile propose une nouvelle fa√ßon de penser nos vies et nous encourage à dépasser les frontières, où que nous soyons et qui que nous soyons”, ajoute-t-elle. 

    “D’un point de vue éthique, si nous voulons que notre action ait un sens, elle doit se fonder sur un récit, sinon elle n’aura aucun sens”, explique Paulus Widjaja. 

    Ceux qui recherchent des récits significatifs pour fonder leur action et leur compréhension de la Terre sainte ont la possibilité de le faire. Le Bethlehem Bible College, une école évangélique située au cœur de la Cisjordanie, organise sa 7e conférence  : ‚ÄòLe Christ au checkpoint’ du 21 au 26 mai 2026. “Faire la justice, aimer la miséricorde : le témoignage chrétien dans les contextes d’oppression” — une invitation à “venir et voir !” en personne ou en diffusion en direct. (Cliquez ici pour en savoir plus.) 

    Comment les mennonites peuvent-ils être pacifiques sans être passifs ? Lorsqu’il semble y avoir deux camps, est-il possible d’être neutre sans se ranger implicitement du côté de l’oppresseur ? 

    “La neutralité est un mot très dangereux pour nous, car il nous permet d’imaginer que les choses sont égales, alors qu’elles le sont rarement”, dit Dorothy Jean Weaver. 

    Dans une grande partie du monde, en particulier aux États-Unis, il est admis que les chrétiens sont du côté de l’armée qui commet le génocide. En tant que chrétiens, si nous ne nous exprimons pas, on considère que nous sommes du côté du militarisme, de la violence et du génocide », dit Jonathan Brenneman. 

    « Si nous examinons cette question d’un point de vue théologique, alors oui, nous prenons parti, mais pas pour un peuple, et certainement pas pour un État — nous prenons parti pour des valeurs : la justice, la paix, la réconciliation », dit Paulus Widjaja. 

    « Dans la Bible, les Israélites pensaient que Dieu était toujours de leur côté, mais il y a eu des moments où Dieu a dit : “Je suis de ton côté quand tu es opprimé, mais je suis aussi avec les autres quand ce sont eux qui sont opprimés”. 

    Voyez les prophètes bibliques. On ne pourrait jamais les accuser d’être neutres face aux situations qu’ils ont vécues », ajoute Dorothy Jean Weaver. 

    « Je me range donc du côté des principes chrétiens de justice, d’amour et de réconciliation. Qui que ce soit est opprimé, je serai avec lui, quelle que soit sa nationalité », déclare Paulus Widjaja. 

    « Il a été très important de faire de la théologie dans les rues ensemble, en travaillant pour un cessez-le-feu avec des juifs, des musulmans, des chrétiens, des bah√°’√≠s et des humanistes », dit Sarah Nahar, qui voit qu’il y a bien davantage que deux camps. 

    « J’ai eu l’occasion de faire de la théologie aux côtés de juifs antisionistes qui sont très malheureux lorsque leur foi magnifique, multiforme et profonde est anéantie d’un côté par le nationalisme et de l’autre par le militarisme », dit-elle. 

    Les chrétiens se remettent encore de l’année 313 après Jésus-Christ, lorsque l’empire s’est emparé de la chrétienté ; aussi nous pouvons comprendre ceux qui disent qu’ils ne veulent pas être associés au pouvoir de l’État. 

    « La violence de l’État ne me protège pas : ce sont les relations qui me protègent. Nous pouvons avoir la sécurité et une place dans un monde que l’on partage », continue-t-elle. 

    « D’un point de vue eschatologique », dit Alain Epp Weaver, « il n’y a qu’un côté, le côté de l’humanité, l’humanité que Dieu réconcilie avec lui-même par l’œuvre de l’Esprit, l’Esprit qui brise les murs de la division et de la haine ». 

    « Pour l’Église, témoigner dans ce monde brisé signifie s’élever contre toutes les formes d’injustice, y compris les structures d’occupation militaire qui construisent des murs et approfondissent les divisions. Lorsque nous défendons la justice, les gens nous accusent parfois de créer des divisions, mais nous sommes animés par cette vision d’une humanité réconciliée que Dieu rappelle à Lui, nous rappelant à notre nature originelle », déclare Alain Epp Weaver. 

    Les chrétiens palestiniens ont lancé un appel qui a été publié à la fin du mois d’octobre : « Nous demandons aux responsables d’églises et aux théologiens occidentaux qui soutiennent les guerres d’Israël de rendre compte de leur complicité théologique et politique avec les crimes israéliens contre les Palestiniens », écrivent-ils. (Cliquez ici pour lire le document complet.) 

    « J’ai vu et je soutiens cet appel », dit Alain Epp Weaver. « L’Église occidentale a été complice de la dépossession des Palestiniens. Il est grand temps qu’elle s’exprime par des actions concrètes. 

    « La large coalition chrétienne palestinienne qui a écrit cette lettre travaille en étroite collaboration avec les autres et dénonce le bluff de l’Église occidentale. Je prie pour que l’Église occidentale ait des oreilles et un cœur pour écouter », dit Dorothy Jean Weaver. 

    « Je suis reconnaissante à la tradition pacifiste de nous permettre de prendre courageusement et humblement non seulement position, mais aussi d’agir et de prier en nous engageant à ne pas éliminer les autres », déclare Sarah Nahar. 

    « Si nous nous trompons, nous pouvons chercher, réparer et apprendre. Je me poserai certaines de ces questions à l’occasion de notre 500e anniversaire, que certains estiment devoir être célébré parce que nous avons été fidèles, tandis que d’autres pensent qu’il devrait s’agir d’un moment de deuil parce que notre corps chrétien a été déchiré », ajoute-t-elle. « C’est également une question complexe. » 

    « Nous continuons tous à agir et à prier pour la guérison de ce qui est brisé dans le monde et nos propres vies », dit J. Nelson Kraybill. 

    Contributeurs 

    • Dorothy Jean Weaver a pris sa retraite après avoir enseigné le Nouveau Testament au Eastern Mennonite Seminary de Harrisonburg, en Virginie (États-Unis). Elle a aussi beaucoup voyagé en Israël-Palestine et à l’extérieur, à la fois dans le cadre de congés sabbatiques universitaires et pour diriger des voyages d’études et des groupes de travail. 
    • J. Nelson Kraybill est un universitaire à la retraite et ancien président de la CMM (2015-2022). Il est également impliqué depuis longtemps en Israël-Palestine, à la fois en tant qu’organisateur de voyages et en tant qu’universitaire. Il a récemment été chercheur en résidence au Bethlehem Bible College, en Cisjordanie, pendant huit mois. 
    • Paulus Widjaja est pasteur ordonné de la GKMI. Il est chargé de cours à la faculté de théologie de l’université chrétienne Duta Wacana à Yogyakarta, en Indonésie. 
    • Alain Epp-Weaver dirige la planification stratégique du Comité Central Mennonite. Il vit à Lancaster, en Pennsylvanie (États-Unis). Il a travaillé pendant 11 ans en Palestine occupée, dont deux ans à Gaza, en tant que coordinateur de programme, et a écrit et édité des livres sur la Palestine. 
    • Jonathan Brenneman est un mennonite américain d’origine palestinienne. Il a travaillé avec les Community Peacemaker Teams en Palestine et a travaillé sur le programme « Peace in Israel and Palestine (Paix en Israël et en Palestine) » de Mennonite Church USA en 2017. 
    • Sarah Nahar vit actuellement à Syracuse, dans l’État de New York (États-Unis), sur les terres non concédées de la nation Onondaga. Elle a été la représentante de l’Amérique du Nord au sein de AMIGOS — un précurseur du Comité YABs de la CMM. En tant que directrice exécutive de Community Peacemaker Teams, elle a servi en Israël-Palestine et a travaillé avec le Sabeel Liberation Theology Centre à Jérusalem. 

    39.1

    Updated 16 April 2024: date of Christ At The Checkpoint conference corrected

  • Paraguay

    Je m’appelle Monika. Je viens du Paraguay et j’ai effectué un service volontaire au Village Nazareth. Le Village Nazareth est un musée en plein air situé à Nazareth, en Israël. Ce musée recrée la vie du premier siècle et vise à montrer aux touristes le Nazareth de l’époque de Jésus.

    J’ai participé au programme YAMEN* pendant 11 mois, en 2022-2023.

    En regardant en arrière et en pensant à mon vécu, je me rends compte que beaucoup de choses m’ont formée.

    La Bible, et donc aussi notre foi, est historiquement prouvée. C’est en Israël Palestine que j’en ai pris conscience pour la première fois. Et cela m’a aidé à mieux apprécier ma foi. Pour moi, la foi — et surtout la personne de Jésus — était très abstraite. Il m’était difficile de comprendre que Jésus soit un homme et qu’il ait vécu sur terre. 

    Durant mon temps à Nazareth, j’ai consacré beaucoup de temps à expliquer la vie du premier siècle aux touristes. J’ai répété les mêmes informations encore et encore, et soudain, ce n’était plus une abstraction. Il devenait de plus en plus facile d’imaginer Jésus enseignant dans la synagogue de Nazareth ou marchant sur la mer de Galilée. J’avais l’impression d’être dans les événements des Évangiles. 

    Il y a aussi quelque chose que je n’avais pas compris jusqu’alors, c’est que les écritures de l’Ancien Testament font référence à Jésus à maintes reprises. Je savais que certains versets, comme celui d’Ésaïe 9, faisaient référence à Jésus. Mais le fait qu’il y ait tant de promesses que Jésus ait accomplies était nouveau pour moi. Et j’ai été ravie de découvrir ces liens. 

    Ce ne sont pas les lieux eux-mêmes — les fouilles ou bien les endroits où Jésus a parlé à ses disciples — qui ont renforcé ma foi. C’est le fait que ce que je lis dans la Bible est confirmé dans de nombreux cas par l’histoire. J’ai été impressionnée par la manière dont Dieu a utilisé les hommes et la nature pour révéler son existence.

    Le musée est une réplique d’un village juif du premier siècle, et Nazareth est aujourd’hui une ville arabe. La majorité du personnel est composée de chrétiens arabes qui représentent les habitants du village historique.

    Bien que je ne connaisse rien à la culture arabe et que je ne parle pas un mot d’arabe, l’équipe du Village Nazareth m’a accueillie comme membre du groupe dès le premier jour. J’ai toujours admiré le personnel pour le temps et l’énergie qu’il consacre à établir des relations avec les volontaires, même si la plupart d’entre eux ne restent que quelques mois.

    Les gens du Village m’ont appris à cultiver les relations et à ne pas juger les gens sur leurs performances.

    Une chose très typique des Arabes est de demander des nouvelles de la famille. Tous les lundis, ils me demandaient si j’avais parlé à ma mère au téléphone et comment elle allait. Ê un moment donné, je me suis retrouvée appeler ma mère le week-end pour ne pas avoir à répéter que je ne lui avais pas parlé.

    J’ai appris que ce ne sont pas toujours les mots qui transmettent l’amour de Jésus. Parfois, ce sont les actes qui parlent plus fort que les mots. J’ai appris à aimer et à apprécier le personnel de Nazareth Village, et je suis reconnaissante pour le témoignage qu’il laisse. 

    — Monika Warkentin est membre de HMC – Iglesia Hermanos Mennitas Concordia, Asuncion, Paraguay, qui fait partie de la conférence des Frères mennonites. Son petit ami paraguayen est venu lui rendre visite pendant son année de service et l’a demandée en mariage à la Mer Morte. Elle est aujourd’hui heureuse en mariage.

    *Le Réseau Anabaptiste Mondial d’Échange de Jeunes (YAMEN) est un programme conjoint du Comité central mennonite et de la Conférence Mennonite Mondiale. Il a pour objectif de promouvoir la communion entre les églises de la tradition anabaptiste et de former de jeunes dirigeants partout dans le monde. Les participants vivent une année dans un contexte interculturel, à compter du mois d’août jusqu’au mois de juillet de l’année suivante.

    39.1