Des étudiants burkinabè écrivent l’histoire de l’Église africaine
Un étudiant burkinabè regrette que l’Église d’Afrique soit « comme une pirogue qui part sans laisser de trace ». Anicka Fast s’est engagée à changer cette réalité, en enseignant aux étudiants de l’Université chrétienne Logos de Ouagadougou à collecter l’histoire orale et à rédiger des biographies de chrétiens africains.
Durant l’année universitaire 2020-2021, une classe de 34 étudiants de dix familles d’Églises différentes a étudié le christianisme en Afrique. En tant qu’enseignante, je voulais qu’ils prennent conscience du rôle central des chrétiens africains dans la propagation de l’Évangile en Afrique. En même temps, je voulais qu’ils reconnaissent leur propre rôle potentiel dans la préservation des récits de cette activité missionnaire.
Chrétiens d’Afrique
Pour intégrer ces deux objectifs, j’ai organisé le cours autour de biographies. Nous avons exploré des thèmes historiques clés – le colonialisme, les mouvements d’Églises indépendantes, la persécution et les initiatives missionnaires africaines – à travers le prisme de récits de vie de chrétiens africains. Les étudiants ont été fascinés par les royaumes perdus de la Nubie et les statistiques choquantes de la traite des esclaves. Ils ont saisi l’importance de prophètes comme Kimpa Vita et William Wade Harris qui ont ancré le christianisme dans les cultures et les contextes africains. Leurs épaules se sont affaissées lorsqu’ils ont découvert la trahison de l’évêque nigérian Samuel Ajayi Crowther par ses jeunes collègues blancs. Et chacun s’est outillé, à travers des exercices pratiques, pour écrire sa propre biographie d’un chrétien burkinabè.
Retour aux sources
Le dernier jour, j’ai demandé aux étudiants ce qu’ils retiendraient de ce cours. Leurs réactions ont été fortes et ont suscité la réflexion. Plusieurs étudiants ont été étonnés d’apprendre que l’Église en Afrique était présente bien avant l’arrivée des puissances coloniales. Ils ont considéré que cela changeait la donne. Zongo Sibiri Samuel, l’un des étudiants les plus anciens, a commenté le fait que de nombreuses contributions importantes des chrétiens africains à l’Église en Afrique restent inconnues et non documentées. Il a déploré que l’Église africaine soit « comme une pirogue qui part sans laisser de trace ». En même temps, lui et d’autres ont exprimé leur sentiment que, malgré les difficultés persistantes d’accès aux sources et aux récits, ils avaient maintenant « des outils pour écrire l’histoire ».
Un mouvement qui se poursuit
Je suis enthousiaste à l’idée de travailler aux côtés de ces historiens africains. Mais je suis aussi frappée par les barrières persistantes qui font que certaines histoires ont encore bien plus de poids que d’autres. Je suis reconnaissante d’avoir l’occasion d’être en Afrique et de participer au mouvement missionnaire qui fleurit sur ce continent depuis les temps anciens : un mouvement diversifié, fidèle, et inspiré par l’Esprit.
Anicka Fast, ouvrière pour le Mennonite Mission Network (MMN) et le Comité central mennonite (MCC)
Tiéba Traoré (1958-1994), évangéliste et leader d’Église
Tiéba Traoré a joué un rôle-clé dans le développement des communautés mennonites au Burkina Faso. Sa biographie, rédigée par un étudiant, permet de (re)découvrir cette figure trop méconnue de l’Église africaine. Extraits.
Tiéba Traoré est né en 1958 à Kotoura, à l’ouest du Burkina Faso. En 1982, deux missionnaires de l’Africa Inter-Mennonite Mission (AIMM), Anne Garber et Gail Wiebe, sont arrivées à Kotoura. Tiéba leur a servi de traducteur senoufo-français. Curieux au sujet de Dieu, il était content d’entendre la bonne nouvelle. Lors d’une campagne d’évangélisation en 1983 avec un évangéliste venu de la Côte d’Ivoire, il fut le premier à donner sa vie à Jésus. Sa première femme Mariam décida de se convertir aussi. En 1985, Tiéba et quatre autres personnes furent les premiers chrétiens à être baptisés parmi le peuple sénoufo.
Après son baptême, Tiéba vivait une vie pieuse et annonçait la Parole de Dieu. Un jour, quand un renommé voleur a volé son mil, Tiéba alla lui donner encore plus de mil au lieu de lui faire du mal. (…) Les chrétiens des trois villages – Kotoura, Kangala et Sayaga – se sont mis ensemble pour aller évangéliser au village voisin de Sokouraba. Tiéba et deux autres frères chrétiens, Larito et Joël Traoré, visitèrent régulièrement les nouveaux convertis et collaborèrent avec les Assemblées de Dieu dans les campagnes d’évangélisation.
Tiéba décéda d’une méningite le 22 février 1994 à l’âge de 36 ans. (…) Mais Dieu veilla sur son Église pour qu’elle ne meure pas. L’Église de Kotoura, l’une des premières assemblées de l’Église évangélique mennonite du Burkina Faso, a continué à se développer, d’abord sous la direction des anciens, puis des pasteurs Mamadou Traoré et Daouda Traoré. Elle est un héritage de la vie et du témoignage de Tiéba Traoré.
Josué Coulibaly
Pour aller plus loin…
Le site du DIBICA compte presque 3000 biographies, dont environ 500 en français. Pour lire la version intégrale de la biographie de Tiéba Traoré et celle d’autres chrétiens burkinabè, écrites par les étudiants à Logos, voir : www.dacb.org/fr/sort/stories/burkina-faso