Catégorie : Non classifié(e)

  • La Communion mondiale : pourquoi est-elle importante ? Explorer notre engagement commun à être une famille à l’échelle du monde

    Les membres de la Conférence Mennonite Mondiale se sont engagés à être une communion de foi et de vie à l’échelle du monde (koinonia). Nous cherchons à être une communion transcendant les frontières de nationalité, de race, de classe, de sexe et de langue. Pourtant, en raison de leur diversité, les églises membres ont une compréhension différente de l’importance de la communion mondiale.

    L’édition d’avril 2015 de Courier / Correo / Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Pourquoi mon assemblée locale ou régionale a t-elle besoin d’une communion mondiale ?

    L’union fait la force

    J’ai eu récemment l’occasion de voyager dans les neuf unions d’églises mennonites / anabaptistes et Frères en Christ d’Inde et du Népal. Elles ont des assemblées locales (dont des églises de maison) surtout dans les zones rurales où les non-chrétiens sont beaucoup plus nombreux que les chrétiens. Souvent, elles ont très peu de membres. Les pasteurs sont peu nombreux et, en raison de contraintes géographiques et du manque de ressources, ils sont incapables de rendre visite à chaque membre et de les nourrir spirituellement. En conséquence, beaucoup de ces assemblées ont succombé à un complexe de minorité : elles ont peur, sont méfiantes et se sentent seules et même abandonnées.

    Dans cette situation, il est difficile de comprendre ce que signifie faire partie de la grande famille de Dieu. Bien que ces assemblées connaissent l’union d’églises à laquelle elles appartiennent, elles n’ont pas le sentiment de faire partie d’une communion mondiale.

    Cette réalité m’a conduite à faire une tournée des unions d’églises indiennes et népalaises, avec d’autres responsables anabaptistes : Madhukant Masih, le nouveau directeur de la Mennonite Christian service Fellowship of India (MCSFI – une organisation inter-mennonite qui permet aux neuf dénominations mennonites d’Inde d’avoir des relations et d’aider les autres), Henk Stenvers, secrétaire de la Commission Diacres de la CMM et César Garcia, le secrétaire général de la CMM. Un des objectifs de notre visite était de parler de la MCSFI et de la CMM, de leurs rôles et projets. Un autre objectif – peut-être le plus important – était d’aider chaque union d’églises à comprendre ses liens au niveau mondial. Nous voulions leur faire comprendre que, par la CMM, nous sommes liés comme frères et sœurs en Christ.

    Lors de notre tournée, nous avons remarqué que très peu de gens connaissaient la CMM (ceux qui la connaissaient avaient assisté au Rassemblement de Calcutta en 1997). Nous avons commencé notre explication par ce qui est local avant d’aller vers la dimension mondiale. Nous avons utilisé des statistiques et des photographies pour expliquer le travail de la CMM et comment elle connecte les unions d’églises partout dans le monde pour la communion fraternelle, la louange, le témoignage et le service. Pendant que nous parlions, l’assistance dressait l’oreille et écarquillait les yeux. Elle était heureuse d’apprendre qu’elle faisait partie d’une famille de Dieu beaucoup plus grande. Ê la fin, les unions d’églises voulaient savoir quand aurait lieu la prochaine visite ! Les églises, petites et grandes, désiraient en savoir plus et vivre une plus grande communion avec les chrétiens du monde entier. Beaucoup ont désiré participer à ‘l’offrande d’un déjeuner’ présenté lors du Dimanche de la Fraternité Mondiale. Apprendre à connaître les besoins des gens partout dans le monde incite même les groupes les plus pauvres à vouloir partager le peu qu’ils ont.

    En Inde et au Népal, nos églises ont désespérément besoin de savoir ce que cela signifie qu’être une église de paix. La CMM a fourni les ressources et la formation nécessaires pour le devenir. En octobre et novembre 2014, elle a coparrainé (avec la MCSFI et le Comité Central Mennonite) une série d’ateliers dans nos union d’églises pour renforcer l’identité anabaptiste. Environ 500 pasteurs et responsables – y compris des femmes et des jeunes – ont bénéficié d’un excellent enseignement apporté par des responsables d’églises (pour en savoir davantage sur ces ateliers, consultez le numéro de février 2015 des Nouvelles de Courrier). Le concept si nécessaire de ‘la paix avec la justice’ est devenu plus clair dans le contexte de nos églises, fait de pauvreté, d’injustice et de violence. Les responsables des églises locales se sont engagés à faire connaître les enseignements reçus dans ces ateliers, en partageant les vérités bibliques et la sagesse avec un groupe plus large dans les régions rurales.

    Un autre de nos besoins est la communion fraternelle. Le ‘complexe de minorité’ a parfois été un obstacle à la croissance spirituelle. Pourtant, les sentiments associés à ce complexe semblent disparaître alors que les responsables et les membres d’églises découvrent la communauté mondiale anabaptiste. De plus en plus, ils savent qu’ils sont en chemin avec des frères et sœurs à travers le monde, pour se connaître, lutter ensemble et apporter de l’espoir au sein du désespoir, de l’injustice et de la violence.

    L’engagement avec la CMM a apporté des changements positifs dans les esprits, les attitudes et les actions des églises. Ceux qui ont un ministère local devront continuer à tout faire pour développer ce nouveau sentiment de communion mondiale. La CMM crée un espace dans lequel les chrétiens peuvent se réunir pour apprendre et partager. Alors nous comprenons mieux comment Dieu travaille parmi tous les peuples en toutes circonstances – comment le royaume de Dieu est à l’œuvre dans le monde.

    Cynthia Peacock est la représentante régionale de la CMM pour l’Asie du Sud. Elle préside la Commission Diacres de la CMM. Avant sa retraite en 2006, elle a travaillé dans le domaine social avec le Comité Central Mennonite pendant 38 ans.

  • Explorer notre engagement commun à être une famille à l’échelle du monde

    Les membres de la Conférence Mennonite Mondiale se sont engagés à être une communion de foi et de vie à l’échelle du monde (koinonia). Nous cherchons à être une communion transcendant les frontières de nationalité, de race, de classe, de sexe et de langue. Pourtant, en raison de leur diversité, les églises membres ont une compréhension différente de l’importance de la communion mondiale.

     

    Jésus en chair et en os 

    (Darrell Winger, Canada)

    La CMM permet aux Frères en Christ (BIC) du Canada de comprendre cette vérité importante : nous appartenons à une famille d’Église répartie dans le monde entier. Certes, nous savons que partout, les disciples sont un par la foi en Jésus ; Cependant, nous pouvons expérimenter cette vérité précieuse d’une manière concrète depuis que la CMM est devenue ‘chair et os’ pour nous. Cette ‘incarnation’ de notre fraternité mondiale en Christ, renforce nos paroisses BIC du Canada de façon significative.

     

    Un coup d’œil sur l’Église Universelle 

    (Rainer W. Burkart, Allemagne)

    Cependant, notre assemblée doit aussi réaliser que notre famille anabaptiste mennonite va bien au-delà. Cette vision élargie du monde est le fruit de notre participation à la Conférence Mennonite Mondiale.

     

    Exister de manière interdépendante 

    (Rebecca Osiro, Kenya)

    L’orundu et le puodho sont des images du lien entre assemblée locale et famille mondiale de l’Église. Plus important encore, cette image représente la manière dont le mondial dépend du local, et vice versa – ce que j’appelle exister de manière interdépendante.

     

    L’union fait la force 

    (Cynthia Peacock, Inde)

    Un autre objectif – peut-être le plus important – était d’aider chaque union d’églises à comprendre ses liens au niveau mondial. Nous voulions leur faire comprendre que, par la CMM, nous sommes liés comme frères et sœurs en Christ.

     

  • Le contexte du témoignage anabaptiste

    Les États-Unis ont été créés en 1776 en tant que république moderne. Ses fondateurs pensaient s’engager dans une expérience politique pionnière qui accordait une liberté de conscience relativement généreuse à divers groupes chrétiens. C’est aussi une nation qui, jusqu’en 1865, avait réduit en esclavage au moins 12 personnes sur 100, hommes et femmes d’origine africaine. Les États-Unis sont aussi façonnés par l’immigration, de sorte qu’aujourd’hui, des personnes originaires du monde entier considèrent ce pays comme le leur. Son économie est très complexe, la recherche scientifique est renommée, il a une tradition de liberté civique et une armée extraordinairement importante et active au niveau mondial. C’est le contexte dans lequel vivent les chrétiens américains (dont les mennonites et les autres anabaptistes).

    Comme d’autres pays, les États-Unis ont leurs mythes. Il y a, par exemple, le mythe du ‘melting pot’, qui fait croire à de nombreux Américains que l’assimilation est inévitable ou bénigne, ou les deux. Le plus important est peut-être le mythe de la ‘transcendance individuelle’, une promesse qu’il est possible de laisser toutes les traditions derrière soi et de recommencer, que l’avenir est meilleur que le passé et que tout ce qui est nouveau est meilleur. Les Américains des États-Unis sont beaucoup plus aptes à abandonner un produit, un groupe ou une situation quand ils sont insatisfaits, plutôt que de travailler à améliorer ou adapter ce qui existe. Cette façon de faire influence même les églises. Les États-Unis ont donné naissance à un nombre inégalé de dénominations et d’’églises indépendantes’ de toutes tendances théologiques.

    Deux grands groupes

    Globalement, les anabaptistes des États-Unis sont constitués de deux groupes : les anabaptistes bien intégrés dans les modèles économiques et d’éducation américains, et ceux que la vie quotidienne distingue de leurs voisins. On trouve dans le premier groupe la plupart des membres de la Mennonite Church USA, la U.S. Conference of Mennonite Brethren, les Frères en Christ (BIC) des États-Unis, la Conservative Mennonite Conference (toutes membres de la CMM) et d’autres. Bien que ces frères et sœurs s’efforcent généralement de vivre leur foi d’une manière qui fasse une différence dans leur contexte local, ils ont très souvent des professions bien rémunérées, appartiennent à la classe moyenne et vivent en ville. Ils suivent les informations sur les médias classiques, possèdent leurs propres voitures, pensent que la réussite scolaire est fondamentale pour l’avenir économique de leurs enfants et que les soins médicaux sont meilleurs qu’ils ne l’étaient du temps de leurs grands-parents.

    En revanche, les amish Old Order (le plus grand groupe d’assemblées anabaptistes des États-Unis), ainsi que les mennonites Old Order et de nombreux groupes apparentés ne partagent généralement pas ces hypothèses et ces valeurs. De la manière dont ils s’habillent et vont travailler jusqu’à ce qu’ils espèrent pour leurs enfants, ces anabaptistes sont délibérément décalés par rapport à ce que la grande majorité des citoyens américains considèrent être ‘la bonne vie’. Des dizaines de milliers se déplacent en voiture à cheval (buggy), rejettent l’enseignement supérieur et refusent de s’affilier à des compagnies d’assurance.

    Bien sûr, il y a des exceptions. Des membres de groupes acculturés diront peut-être qu’ils vont à contre-courant en étant pacifistes et en défendant des normes morales élevées. Et certains anabaptistes Old Order s’intègrent de plus en plus dans l’économie nationale. Pourtant, la première chose que remarqueront les nouveaux venus est la différence entre ceux qui se sont adaptés à la société américaine (ou, pour les nouveaux immigrants et les communautés de couleur, cherchent à y avoir un meilleur accès) et les groupes dits ‘plain’ (ordinaires) qui résistent de manière impressionnante aux mythes nationaux de l’assimilation et de la transcendance individuelle.

    Des histoires d’immigration et de renouvellement

    Les premiers mennonites sont arrivés dans ce qui allait devenir les États-Unis en petit nombre dans les années 1600. De grandes vagues de mennonites et d’amish ont émigré d’Europe occidentale dans les années 1700 et au début des années 1800. Les mennonites et les huttérites de l’Empire russe sont arrivés dans les années 1870. Lentement – parfois très lentement – ces groupes germaniques se sont ouverts à d’autres groupes, dont les Amérindiens, sur les terres desquels ils se sont installés. Au milieu des années 1900, des lois strictes ont restreint l’immigration mais depuis 1970, des millions de nouveaux immigrants arrivent chaque décennie, dont des mennonites d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Certains immigrants anabaptistes sont venus avec leur union d’églises. Par exemple, le Sinode Jemaat Kristen Indonesia compte maintenant huit paroisses sur la côte ouest des États-Unis et Amor Viviente (Honduras) a des assemblées locales dans plusieurs États du sud. Lorsque les membres mexicains des paroisses de l’Evangelical Mennonite Mission Church (EMMC), basée au Canada, ont immigré aux États-Unis, ils y ont fondé des églises EMMC (maintenant Active Mission Conference).

    Il y a aussi des mouvements de renouveau spirituel qui ont engendré des dizaines de nouveaux groupes d’églises anabaptistes. Les Frères en Christ sont apparus dans les années 1780 en Pennsylvanie parmi les mennonites attirés par le piétisme et une compréhension wesleyenne de la sanctification. Au milieu des années 1800, le mouvement de renouveau Old Order a insisté sur l’humilité et le contentement, avec une approche communautaire de la foi, et la conviction que la pratique de la discipline dans l’église renforce (plus qu’elle ne nuit à) la relation de la personne avec Dieu. Au XXe siècle, la Conservative Mennonite Conference (CMC) a connu un renouveau quand l’activisme missionnaire des évangéliques américains a mis en valeur le patrimoine amish de la CMC. Le pentecôtisme a aussi été une source de puissance spirituelle pour quelques groupes anabaptistes.

    Paradoxes de la croissance

    Aujourd’hui, les anabaptistes des États-Unis sont de plus en plus urbanisés et diversifiés sur le plan ethnique et racial, et en même temps de plus en plus ruraux et blancs. D’une part, ce sont des assemblées comme la Casa del Dios Viviente BIC à Pompano Beach (Floride) ou celle des Hmong à St. Paul (Minnesota) qui grandissent le plus vite. La moitié des paroisses Frères mennonites a des caractéristiques latines, asiatiques, slaves ou afro-américaines. Calvary Community Church à Hampton (Virginie), compte plus de 2 200 membres, surtout afro-américains : c’est la plus grande assemblée locale de la Mennonite Church USA.

    Dans le même temps, ce sont les groupes amish et mennonites Old Order qui connaissent la plus forte croissance. Les mennonites évangéliques et les BIC dédaignent souvent la croissance de ces groupes car elle est presque entièrement constituée par leur descendance. Néanmoins, les églises anabaptistes conservatrices font un travail remarquable pour attirer et retenir leurs jeunes. La taille et l’augmentation de ces églises (bien que généralement ignorée des principales églises mennonites et BIC) signifie que la population américaine anabaptiste, dans son ensemble, est légèrement plus blanche et plus rurale, en termes de pourcentage, qu’elle ne l’était il y a 30 ans.

    Réalités contemporaines et témoignage

    1. Les anabaptistes américains constituent une très petite partie d’un très grand pays. Les États-Unis se considèrent comme une superpuissance mondiale et ses choix économiques et militaires affectent la vie des peuples du monde entier. Les anabaptistes américains font partie de cette superpuissance. Mais ils n’attirent pas autant l’attention qu’au Canada. Ils n’ont pas non plus autant d’influence économique ou politique qu’au Paraguay. √ätre une infime minorité au cœur d’un empire a souvent mis les mennonites mal à l’aise quant à leur relation avec l’État.

    Pour certains, dont les Old Order, la préoccupation majeure a été de résister à la puissance coercitive de l’État pour les assimiler. Ils résistent non seulement au patriotisme et à la participation militaire, mais aussi (dans la plupart des cas) à l’enseignement public et aux programmes de santé publique. D’autres mennonites sont très mal à l’aise à cause du rôle surdimensionné que jouent les États-Unis dans les affaires mondiales et de ses engagements militaires fréquents à l’étranger. Certains, protestent publiquement très régulièrement. La taille de la communauté anabaptiste par rapport au pays a souvent conduit à une position défensive ou prophétique concernant les affaires publiques plutôt qu’à rechercher à s’associer à des organisations gouvernementales pour faire progresser une vision anabaptiste du monde.

    2. Les anabaptistes des États-Unis vivent dans l’abondance matérielle. Indépendamment de la manière dont ils ressentent l’étiquette de citoyens américains, de nombreux mennonites et BIC sont, généralement, à l’aise financièrement. L’opulence qui caractérise leur vie s’exprime positivement par des dons à l’Église et à des causes sociales, mennonites et autres. En effet, des études philanthropiques ont tendance à classer les mennonites comme de généreux donateurs comparés à beaucoup d’autres chrétiens américains. Outre leurs dons à des causes mondiales, les mennonites et BIC acculturés dépensent plus d’argent pour eux-mêmes, à la construction ou à la rénovation de b√¢timents d’église (souvent un million de dollars ou plus pour un seul projet).

    3. Les systèmes juridiques et financiers fiables ont permis aux anabaptistes de créer une foule d’institutions, de sociétés missionnaires, de lieux de retraite, de fonds d’investissement et de maisons de retraite. L’œuvre de ces grandes institutions, o√π travaillent des professionnels est bien médiatisée dans la presse mennonite, mais cela ne doit pas occulter les nombreux, nombreux ministères exercés par des bénévoles et avec des ressources limitées, et qui font une énorme différence dans la vie des gens avec qui ils sont en contact. Par exemple, des centaines d’assemblées mennonites et BIC ont des écoles maternelles, des garderies et des œuvres dirigées par des femmes, qui profitent à des milliers de familles chaque année, mais ne reçoivent pas du tout la même attention que les universités mennonites.

    4. Les anabaptistes des États-Unis vivent dans une société pluraliste qui façonne leur vie d’église. Beaucoup de paroisses anabaptistes chantent des hymnes et des chants contemporains écrits par des musiciens protestants et catholiques. Le style et la spiritualité du mouvement charismatique a influencé un nombre considérable d’assemblées. D’autres ont adopté le Ecumenical Revised Common Lectionary (lectionnaire œcuménique révisé) et le calendrier de l’année liturgique pour harmoniser les cultes. Des mennonites et des BIC artisans de paix travaillent avec les catholiques et les évangéliques pour mettre fin à la peine de mort ou soutenir les mères célibataires. D’autres encore se sont joints à des groupes interconfessionnels pour militer pour l’environnement.

    5. Les anabaptistes des États-Unis sont connectés au monde de bien des manières, que ce soit par des entreprises, le travail du Comité Central Mennonite, du ministère des Mennonite Economic Development Associates ou de Christian Aid ; et aussi par les voyages, l’adoption, le mariage ou l’accueil d’étudiants internationaux. Des assemblées ont noué des relations d’églises-sœurs avec des assemblées mennonites ou BIC dans d’autres parties du monde. Les anabaptistes des États-Unis ont beaucoup à apprendre de la famille mondiale spirituelle. Que le prochain Rassemblement, Pennsylvania 2015, permette que davantage de liens se forment et se développent !

    Steven M. Nolt est professeur d’histoire à Goshen College (Goshen, Indiana), et co-auteur (avec le canadien Royden Loewen) de ‘Seeking Places of Peace’ ‚Äî North America, le cinquième et dernier volume de la série d’Histoire Mennonite Mondiale.

     

     

     

     

    Une ‘tente/abri de branchages’ construite pour les réunions d’évangélisation des Frères en Christ à Leedy (Oklahoma) en 1919. Les BIC sont une communauté anabaptiste formée par de nombreux mouvements de renouveau spirituel. Photo : aimable autorisation de la Bibliothèque historique et des Archives des Frères en Christ

     

     

    Le collaborateur du Comité Central Mennonite (MCC) Michael Sharp rend visite à Elizabeth Namavu et ses enfants, dans le cadre de son travail en République démocratique du Congo. Beaucoup de mennonites et de BIC des États-Unis ont développé des liens internationaux en travaillant avec le MCC. Photo : Jana Asenbrennerova

     

     

     

     

     

     

     

    Pendant la Première Guerre mondiale, de nombreux mennonites et BIC ont été emprisonnés pour avoir refusé d’être enrôlés dans l’armée en raison de leur engagement en faveur de l’Évangile de la paix. Ici, des mennonites chantent des cantiques en prison. Photo : aimable autorisation des Archives de Mennonite Church USA

     

     

     

     

     

    Au début des années 1950, les femmes de la First Mennonite Church de Bluffton (Ohio) mettent de la viande en conserve qui sera distribuée dans le monde entier par le MCC. Photo : aimable autorisation des Archives de l’Université de Bluffton

     

     

     

    Overflow’, un groupe musical de jeunes latino-américains Frères en Christ de Miami, (Floride), se produisent lors d’une conférence de l’église en 2014. Un tiers de tous les BIC des États-Unis parlent espagnol. Photo : Will Teodori/BIC U.S. Communications

     

     

  • J’avais 17 ans quand un capitaine de l’armée m’a demandé « Que feriez-vous si notre bataillon était attaqué cette nuit ? Que feriez-vous si quelqu’un venait et vous tirait dessus ? »

    « Je prierais » ai-je répondu.

    Alors, j’ai senti une vive douleur à la tête. Le capitaine m’avait frappé avec un instrument en fibre de verre utilisé pour jouer de la lyre. La douleur était intense.

    Le capitaine m’a demandé à nouveau « Que feriez-vous si quelqu’un vous attaquait ? » Je lui ai dit « je ne me défendrais pas ».

    Il m’a frappé à nouveau et m’a demandé « Pourquoi êtes-vous chrétien ? Vous ne voulez pas défendre votre pays ? » « Ma réponse a été « Je suis un disciple du Christ parce que j’ai trouvé la vie en Lui ».

    « Pourquoi ai-je répondu ainsi ? J’avais juste 17 ans, et j’étais rempli de doutes. En fait, je traversais une crise spirituelle au point d’avoir presque perdu la foi. J’avais quitté mon église, et je n’avais pas de convictions anabaptistes. Le service militaire était obligatoire en Colombie, et mes convictions chrétiennes n’étaient pas assez fortes pour que je sois prêt à aller en prison.

    En marche en apprenant

    Je pense que la raison pour laquelle j’ai eu le courage de répondre de cette façon se trouve dans Luc 24. Deux disciples sont sur la route d’Emmaüs après la mort et la résurrection du Christ. ‘Marcher’ dans l’évangile de Luc a une signification spéciale : c’est un mode de vie ou un comportement. Dans cet évangile, ‘marcher’ est liée au discipulat.

    Dans Luc, on apprend de nombreuses leçons tout en marchant. Ici, les deux disciples discutent et ils ne sont pas d’accord. Jésus les rejoint au milieu de la discussion et leur demande « De quoi discutez-vous en marchant ? » Dans la langue originale, le verset 15 indique qu’il y avait une forte divergence d’opinion entre les deux disciples.

    En marche malgré les désaccords

    Est-il possible de marcher ensemble si nous sommes en désaccord ? Est-il possible de vivre dans une communauté aussi diverse que la nôtre?

    Lorsque nous regardons la carte de la CMM, nous voyons immédiatement que le mouvement anabaptiste est répandu dans le monde entier. Est-il possible de marcher ensemble dans notre communauté mondiale, alors que nous avons tant de différences culturelles, théologiques et ecclésiologiques ?

    Dans Luc, les deux disciples qui avaient quitté Jérusalem étaient en profond désaccord. Ils en étaient probablement au point de se demander si cela valait la peine de continuer ensemble. Mais ce n’est pas ainsi que Jésus voulait que ses disciples quittent Jérusalem.

    Si nous sommes divisés en quittant Jérusalem nous ne pouvons pas répondre à notre mission ou à notre appel. Jésus voulait que ses disciples quittent Jérusalem remplis de l’Esprit pour témoigner. C’est pourquoi les deux disciples ont dû retourner à Jérusalem.

    « Si vous voulez arriver rapidement, marchez seul ; si vous voulez aller loin, marchez avec d’autres », dit un proverbe africain. C’est ce que les disciples ont découvert sur le chemin d’Emmaüs. C’est à la fin de leur marche ensemble, malgré leurs différences, au moment de célébrer la communion, que les yeux des disciples se sont ouverts et qu’ils ont compris (Lc 24:30-31). Si bien qu’ils sont retournés à Jérusalem dans l’unité.

    Marcher de diverses manières

    Il y a différentes leçons à tirer du thème de notre Rassemblement ‘En marche avec Dieu’. Ce que signifie marcher avec Dieu est différent dans chaque langue.

    En anglais, ‘walking’ est une action continue. C’est un processus sans fin, un engagement pour toute notre vie. Quand nous marchons avec Dieu, nous devons constamment nous demander « Que laissons-nous ? Que devons-nous emporter ? »

    En espagnol, ‘Caminemos’ est une invitation. Une invitation à abandonner nos craintes, à ouvrir nos cœurs et à devenir vulnérable. Il faut de la patience : nous devons attendre ceux qui sont moins rapides ou fatigués. Si nous agissons de manière individualiste et indépendante, pensant que nous n’avons pas besoin d’aide, nous serons tentés de suivre des chemins différents. Cependant, l’invitation à marcher ensemble demeure.

    En français, ‘en marche’, c’est s’investir complètement dans la marche. Il y aura certainement des tensions avec d’autres marcheurs, ce qui causera des sentiments mitigés. Mais, si nous marchons vraiment engagés pour Dieu et pour les autres, les tensions ou les problèmes qui peuvent survenir nous transformeront. Si nous ne marchons pas dans un engagement total, ces mêmes tensions ou problèmes conduiront à la division.

    Le reste de la phrase : ‘with God / con Dios / avec Dieu’ se réfère à la communion avec Dieu. Il est impossible de marcher ensemble si nous ne marchons pas avec Dieu.

    Les disciples sur la route d’Emmaüs marchaient ensemble malgré leurs différences parce que Dieu était présent. Ils ont découvert que l’unité n’était pas de l’ordre du miracle ; elle se construit au long du chemin. Cette unité mène à une transformation accessible seulement dans la communauté.

    Chaque jour, pendant ce Rassemblement, nous allons réfléchir sur ce dont nous faisons l’expérience en marchant avec Dieu.

    Comme les disciples l’ont sûrement vécu sur la route d’Emmaüs, il y aura des temps de doute et des temps où nous serons sûrs d’être sur la bonne voie.

    Il y aura des temps de conflits et des temps de réconciliations.

    Il y aura des temps où nous voudrons marcher seul, autonomes, et il y aura des temps où nous reconnaitrons notre besoin de marcher en communauté.

    Il y aura des temps où nous aurons besoin d’aide et des temps où nous serons prêts à aider.

    C’est la vie du disciple. C’est un processus ; nous n’avons pas encore atteint notre objectif, mais nous avançons.

    Ce passage m’aide à comprendre pourquoi j’ai répondu au capitaine de cette manière. Ê côté de moi, il y avait quatre autres soldats qui étaient aussi chrétiens. Ils n’étaient pas mennonites ou anabaptistes. Mais quand le capitaine leur a posé la même question, ils ont répondu qu’ils ne faisaient qu’obéir à Jésus et n’étaient pas prêts à tuer pour se défendre.

    Certains de ces amis ont été terrassés par la douleur des coups. J’ai pu répondre comme je l’ai fait parce qu’avec eux j’avais trouvé une nouvelle communauté. Quatre amis avec qui j’étais prêt à marcher dans la souffrance, la violence et la persécution. Quatre amis à qui je pouvais dire « Marchons avec Dieu » malgré nos différences. Et ce soir, je voudrais vous dire ‘En marche avec Dieu !’ Cette semaine et dans les années à venir, marchons ensemble ! »

    César García est intervenu mardi soir, 21 juillet 2015, lors du 16e Rassemblement. Il est secrétaire général de la Conférence Mennonite Mondiale. Il vit à Bogotá (Colombie).

     

     

     

     

     

     

     

     

  • La compassion du Saint-Esprit : ‘défroisser nos cœurs fripés’ ?

    ‘Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ’ (1 P 1:3). Pierre commence cette lettre par des louanges, en célébrant la Gloire de Dieu. Ces louanges sont une expression d’adoration. Ces mots sont très souvent utilisés comme doxologie pour bénir Dieu, en particulier dans les psaumes. Les premières églises d’Asie Mineure pouvaient facilement comprendre que Pierre commence ainsi sa lettre.

    Mais cela me semble un peu étrange. D’après le contexte de cette lettre, les chrétiens des églises d’Asie Mineure se trouvaient dans une situation périlleuse. Ils risquaient leur vie à cause d’une persécution mondiale. Pierre a écrit cette lettre pour des chrétiens vivant dans des circonstances aussi terribles. Mais je me demande : comment louer le Seigneur lorsque l’on vit dans de telles situations ? Comment Pierre le pouvait-il ? Comment les membres de l’église primitive comprenaient-ils cette lettre ?

    Vivre dans une situation dangereuse

    Il est certain que Pierre a écrit cette lettre à des chrétiens. Il leur faisait confiance et avait un grand respect pour eux. Pierre devait connaître leur situation et en être très malheureux. Sa lettre leur a probablement rappelé que le peuple élu de Dieu est ‘purifiés par l’aspersion de son sang’ (1:2).

    Pierre savait donc que ses lecteurs connaissaient la signification du sang dans la réalité présente, parce que tant de gens mouraient. Et maintenant aussi, tant de gens meurent.

    Lorsque nous sommes confrontés à une réalité que nous ne pouvons changer, nous devons lutter. Nous nous accrochons à notre foi, mais c’est une lutte. Et cela provoque en nous des sentiments de malaise, d’anxiété ou de peur. Nous sommes déprimés et nos cœurs se serrent. Nous sommes terrifiés.

    Cela arrive à tout le monde, surtout lorsque nous traversons des temps particulièrement éprouvants. Cette époque est très difficile à vivre parce qu’elle nous interpelle. Des questions nous amènent à douter, et le doute nous fait perdre nos convictions. Alors, nous sommes déprimés et nous nous apitoyons sur nous-même. La crainte nous envahit.

    ‘Défroisser un cœur fripé’

    Cependant, la Bible dit ‘dans sa grande compassion’. Le caractère japonais Kanji pour le mot ‘compassion’ (à l’origine un pictogramme du caractère chinois) montre quelqu’un qui ‘repasse’ ou ‘défroisse’ un cœur fripé avec un ancien fer à repasser (pas le fer électrique moderne que nous utilisons maintenant). Utilisant l’ancien fer à repasser, quelqu’un ‘défroisse notre cœur fripé’ à température modérée. Le fer n’est ni trop chaud, ni trop froid, mais exactement à la bonne température. Le cœur guérit et il est restauré. C’est l’œuvre du Saint-Esprit, le Consolateur.

    Dieu a fait cela pour nous et continue de le faire. Et ce Dieu a ressuscité Jésus d’entre les morts.

    Ce passage de 2 Pierre nous dit qu’à cette époque, tant de personnes mouraient. Et aujourd’hui c’est toujours le cas. Jésus est mort, comme nous mourons tous, mais il a remporté la victoire totale sur la mort (1 Co 15:54-55).

    C’est l’œuvre de la grande puissance de Dieu. Et Dieu utilise cette puissance pour protéger notre foi du danger et restaurer notre confiance en sa grande miséricorde.

    Parfois, nous disons que nous avons la foi. Mais la foi n’est pas innée. La foi vient de l’extérieur, nous devons l’intégrer dans nos vies.

    Dieu nous fait comprendre que nous avons tous été régénérés en croyant que Jésus Christ est ressuscité. Avec la puissance ultime de Dieu, nous pouvons croire à nouveau avec une espérance vivante grâce à la résurrection. Et dans cette espérance vivante, il y a une vie qui donne la vraie vie.

    La lumière de notre espérance vivante

    Pierre veut partager cette joie du salut afin que les autres aussi puissent être sauvés dans la lumière de cette espérance vivante. Il sait bien à quel point il était malheureux. Par le sang de Christ, Pierre a découvert quelque chose dont il n’avait aucune idée. Grâce à la résurrection, Peter a été régénéré. C’est ce qu’il a découvert. Tout ce qu’il lui reste à faire est de vivre dans la lumière de cette espérance vivante. Telle est notre espérance chrétienne : le salut qui sera révélé dans les derniers temps.

    Donc, Pierre pouvait louer Dieu. Il nous semble l’entendre chanter d’une voix forte, les larmes aux yeux. Même si Dieu nous fait traverser des épreuves, nous pouvons aussi le louer.

    Bien sûr, nos nombreuses épreuves peuvent nous faire trébucher, et parfois tomber. Mais notre foi ne meurt jamais à cause du bouclier de Dieu. Rien ne peut détruire le bouclier de Dieu. ‘Dieu lui-même essuiera toute larme de leurs yeux’ (Ap 7:17).

    Il nous semble entendre des voix joyeuses dans cette lettre. Et maintenant, nous pouvons aussi élever nos voix ensemble. Nous suivons notre Seigneur Jésus Christ en chantant ses louanges.

    Père céleste, Seigneur,

    Aie pitié de ce monde,

    Par ton amour fidèle et ta grande miséricorde.

    Restaure en nous la joie de ton salut, et garde en nous un esprit bien disposé

    Marchons à nouveau dans une espérance vivante en disciples de Jésus notre Seigneur.

    Amen.

    Yukari Kaga (Japon) a parlé mercredi soir, le 22 juillet 2015, lors du 16e Rassemblement. Yukari est pasteure de plusieurs petites assemblées mennonites à Hokkaido. Elle est directrice du Peace Mission Center et travaille au Mennonite Education and Research Center au Japon.

  • Lumière et espoir dans les ténèbres

    Aujourd’hui, la sécurité mondiale est menacée par les conflits internationaux, intertribaux et même interreligieux. Quelquefois les forces de sécurité entrent en conflit avec les personnes qu’elles sont censées protéger. Le terrorisme a crée un climat d’insécurité au niveau international. Les nations sont déchirées par les guerres – comme en Ukraine, en Syrie ou au Yémen. Les mouvements politico-religieux tels qu’Al-Qaïda, État islamique et Boko-Haram font couler le sang au nom de la religion. Les opinions et les philosophies divisent les gens et créent des tensions.

    Les conflits minent la cellule de base – la famille – de la société. Ils causent des divorces et envoient les enfants à la rue. Ils font des ennemis des membres d’une même famille, ils dissolvent les entreprises et renvoient le personnel au chômage.

    Depuis ses débuts, l’Église n’a pas non plus été épargnée par les conflits tant au niveau interne qu’externe. Au niveau externe, elle a été, et est encore, victime de persécutions. Au niveau interne, elle doit constamment faire face à des controverses et des conflits de hiérarchie. Ê titre d’exemple, les anabaptistes ont quitté le mouvement de la Réforme protestante au XVIe siècle, suite à un conflit.

    Malgré l’apparence de paix qu’il offre, notre monde est dominé par les conflits. Comment aujourd’hui, l’Église en général, et les chrétiens en particulier, peuvent-ils marcher vers la réconciliation dans ce monde conflictuel ? Nous est-il possible de promouvoir la réconciliation dans un monde où le conflit gagne toujours du terrain ?

    Analyse de 1 Samuel 25:1-35

    Le récit de 1 Samuel 25:1-35 est un modèle d’une ‘marche avec des conflits et vers la réconciliation’. Son analyse nous permet de dégager des implications pratiques qui aident à cerner la pensée de Dieu concernant les conflits et la réconciliation.

    En marche avec des conflits (v 1-13)

    Dans ce récit (v 2-13) nous rencontrons Nabal, Abigaïl, David et ses messagers. Leur rencontre les conduit vers une opposition qui se transforme en conflit. 

    Nabal est un homme très riche dépourvu de valeurs et sans caractère, dur et méchant (v 2-3), en d’autres termes, dépourvu de bonté et d’humanité.

    David ayant appris que cet homme tondait ses brebis, il avait envoyé ses collaborateurs solliciter son aide parce qu’ils étaient dans le besoin. C’était un moment opportun pour David car la tonte des brebis est pour les juifs un jour de joie et de festivités où l’hospitalité s’exerce particulièrement.

    Dans son message à Nabal, David fait preuve de gentillesse, de douceur et d’humilité. Militairement, il est au-dessus de Nabal, mais David adopte un mode pacifique en faisant appel à sa gratitude. Il rappelle  à Nabal que ses troupes ont protégé son bétail dans le désert.

    Malgré les efforts de David, qui a une attitude pacifique, Nabal répond à sa douceur par la dureté, à sa courtoisie par le mépris, à sa confiance par le dédain et la haine (v 10, 11). La méchanceté de Nabal face à la douceur de David engendre le conflit (v 13) parce que David est alors emporté par la colère et décide de faire payer à Nabal sa violence par la violence.

    Il ressort de ces 13 premiers versets que l’opposition des mentalités et des caractères, l’égoïsme et la transmission des informations sont des facteurs de conflits :  

    • La dureté et la méchanceté de Nabal s’opposent à la bonne foi et à la culture de paix de David (v 6-8) et incitent les deux parties à marcher vers le conflit.
    • L’égoïsme de Nabal le conduit non seulement à refuser de partager ce qu’il possède avec ceux qui se trouvent dans le besoin, mais aussi de refuse de reconnaître  et de remercier ceux ont contribué à la protection de ses biens. Cela suscite la colère de David qui décide de corriger ce dernier en utilisant la violence.
    • Le contact entre David et Nabal est assuré par des messagers qui jouent aussi un rôle actif dans ce conflit. La transmission des informations contribue à l’éclatement du conflit.

    Les facteurs d’aggravation du conflit dans ce passage sont d’actualité. Comment l’Église peut-elle promouvoir la paix dans de telles circonstances ?

    Du conflit à la réconciliation (v 14-35)

    La seconde section de notre récit a pour acteurs principaux le serviteur de Nabal, Abigaïl et David.

    La réaction de Nabal ne laisse pas son équipe indifférente. Ses serviteurs désapprouvent ses agissements et s’attendent à des représailles de la part de David et de ses troupes. Leur maître ne devrait pas payer en monnaie de singe ceux qui leur ont accordé l’hospitalité lorsqu’ils gardaient les troupeaux au désert (v 15, 16). En homme prudent, qui voit le danger de loin et se cache (tel que l’enseigne Proverbes 22/3, 27/12), ce serviteur aide sa maîtresse à comprendre la situation. Il lui propose de contourner leur maître dont le caractère ne peut faciliter une réconciliation et promouvoir la paix (v 17).

    Abigaïl sait l’écouter et décide d’aller du conflit vers la réconciliation. Dans son approche, elle fait preuve de courage, de tact et d’humilité (v 18-20). Sa stratégie pacifique repose sur une équipe en quête de paix (v 19). Elle  affronte le conflit avec un plan pacifique (v 20) tout en gérant les obstacles à la paix (v 19). Sans gêne, elle demande pardon et s’engage à satisfaire les besoins et à apaiser les esprits.

    Quelle leçon pouvons-nous tirer de l’attitude et du modèle de cette femme dans la résolution des conflits et dans le processus de réconciliation ?

    La réconciliation, voie de la résolution des conflits

    Dieu veut que ses enfants n’aient pas part aux conflits mais recherchent plutôt la paix (Ép 4:1-3), à l’instar d’Abigaïl. Elle choisit une voie de réconciliation qui consiste à abandonner l’inimitié et à rétablir la bonne volonté et la communion entre les parties hostiles.

    La réconciliation est une urgence pour notre monde. C’est un besoin pour le rétablissement de la communion entre Dieu et l’humanité (Rm 5:8-11 ; 2 Co 5:18-19 ; Col 1:19-22), entre les êtres humains (Ép 2:11-22) et pour le rétablissement de l’harmonie dans toute la création (Rm 8:18-22).

    L’espérance de notre réconciliation est enracinée dans l’œuvre du Christ à la croix qui a anéanti la colère et le jugement de Dieu sur l’humanité. La croix du Christ pourvoit à la réconciliation. Par elle, Christ a effacé l’acte qui nous condamnait et a triomphé de l’inimitié et de toutes les barrières culturelles qui nous séparaient (Col 2:14-15).

    L’œuvre de la croix nous procure la paix et la justice – non seulement à l’Église, mais au monde entier. Nous sommes appelés non seulement à croire à la paix et à la justice, mais à les appliquer sans distinction et sans discrimination, et à les promouvoir dans le monde entier par la proclamation de la Bonne Nouvelle du salut.

    A l’instar du Christ, l’Église doit travailler pour l’amour, la paix et la justice malgré le prix à payer (És 11:1-5 ; 61:1-3 ; Lc 4:13,19). Elle doit démontrer la compassion par sa capacité à voir et à écouter les cris des opprimés et à s’identifier aux causes justes. Dieu seul nous réconcilie avec lui par le sacrifice de Christ sur la croix, le pivot de la réconciliation.

    La réconciliation entre les êtres humains est enracinée en Christ qui est la paix du monde (Ép 2:14-17) et la source de l’unité de toute l’humanité (Jn 17:11, 22, 23). En ce qui nous concerne, le processus de la réconciliation passe par la résolution des conflits non seulement au niveau personnel, mais aussi ethnique et tribal, et de l’Église.

    La résolution des conflits personnels

    La Parole de Dieu nous enseigne que la meilleure façon de résoudre un conflit personnel inclut : la confession devant Dieu de tout péché que nous reconnaissons (1 Jn 1:9-10 ; Ps 139:23-24) ; l’engagement à demander  pardon avec la décision de ne plus refaire la même faute (Ép 4:32 ; Jc 5:16).

    Les évangiles nous proposent ce processus :

    • Prier Dieu sincèrement et demander pardon ;
    • Parler seul avec l’intéressé ;
    • Parler seul avec l’intéressé en présence de 2 ou 3 personnes ;
    • Parler avec l’intéressé devant l’église (Mt 18:15-17).

    Le désir d’honorer Dieu et d’aimer son prochain est nécessaire pour la résolution des conflits (Ps 34/15). Nous devons toujours demander le secours divin et la sagesse, la maîtrise de soi et la parole appropriée (Pr 16:32 ; Jc 1:5).

    En outre, nous devons faire usage des règles de bonne communication : écouter l’autre, dire la vérité, parler de manière juste dans l’amour, exprimer clairement ses idées et avoir des objectifs intègres. Tout ceci pour la gloire de Dieu et le bien de l’autre. L’objectif est de résoudre les problèmes qui ont suscité les conflits. Terminez par un temps de prière et des paroles fraternelles (Jc 3:13-18).

    La résolution des conflits ethniques, tribaux et raciaux

    Les conflits ethniques, tribaux et raciaux sont souvent la honte de l’Église. Notre silence est une forme de complicité telle qu’aujourd’hui les esprits avisés accusent l’Église d’entretenir ou de participer à ce genre de conflits, comme l’histoire et l’héritage du racisme, la traite des noirs, la shoah contre les juifs, l’apartheid, l’épuration ethnique, la discrimination des populations autochtones, les violences interreligieuses, politiques et ethniques, la souffrance des Palestiniens, l’oppression du système de castes et les génocides tribaux.

    Face à cette situation,  nous exhortons les pasteurs et les responsables de paroisse à enseigner la vérité biblique concernant la diversité ethnique, et aussi à reconnaître le péché dans ces ethnies. En Christ, toutes nos identités ethniques sont subordonnées à notre identité de rachetés, acquise à la croix. D’une manière pratique, l’Église doit :

    • Favoriser la guérison et la réconciliation : en cas d’agression, l’auto-défense est permise, mais non le recours à la violence. Comme Jésus qui, lorsqu’il a été agressé, n’a pas utilisé d’arme, l’Église doit emboîter le pas de son maître. Elle doit prendre soin de ses ennemis ainsi que l’illustre la parabole du bon Samaritain, et pratiquer la non-violence comme porte vers la réconciliation.
    • Promouvoir la justice est un moyen efficace de réduire les conflits ethniques et religieux. Ê cet effet, ’Église doit s’engager à faire face à l’injustice, à l’ethnocentrisme, au racisme et à l’oppression. Elle doit s’engager à la réconciliation et s’identifier avec les opprimés, travailler à la justice en leur nom.
    • Développer des églises inclusives : les paroisses ne peuvent être un lieu de divisions ethniques ou de discrimination raciale, mais un cadre où tous sont invités et intégrés. La sélection des responsables ne doit pas se faire sur des critères qui privilégient une ethnie ou une race au détriment de la spiritualité. Les églises ne devraient pas prendre en compte l’ethnie. Elles sont une entité d’unité dans la diversité où tous les membres sont un en Christ ainsi que l’enseigne Galates 3:28. Elles constituent un nouveau groupe ethnique conscient de la nécessité de protection mutuelle en vue de la sécurité de tous.
    • Avoir des principes chrétiens pour guider leur approche de la politique et de la gestion des choses publiques : les opinions politiques doivent être basées non sur les préjugés ethniques, tribaux ou raciaux mais sur des principes chrétiens. Les chrétiens engagés dans la politique doivent correctement traiter tout le monde sans tenir compte de leurs idéologies politiques et religieuses. Les politiciens doivent éviter le favoritisme ethnique et le fanatisme religieux car ils encouragent souvent la haine.
    • Pratiquer l’amour et le pardon envers les ennemis : prier pour les ennemis est l’un des signes d’obéissance  et de soumission au Seigneur Jésus. Nous devons aimer les autres parce qu’ils sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu (Ge 9:6 ; Jc 3:9). Souvent, le pardon n’est pas facile surtout lorsque nous sommes victimes de l’injustice, de la haine et de l’oppression. Mais nous devons obéir à la Parole de Dieu.

    La résolution des conflits dans l’Église

    La marche vers la réconciliation exige que l’Église observe des principes scripturaires et les défende devant le monde par sa façon de vivre. Elle doit faire preuve de transparence en s’appuyant sur les enseignements bibliques. Elle doit continuer à compter sur le secours de Dieu pour mieux résoudre les conflits.

    Elle doit éviter le favoritisme. En tant que prophète, elle doit veiller et s’engager à :

    • rappeler toujours aux siens la volonté de Dieu, ses commandements, ses préceptes et enfin les transmettre au monde ;
    • découvrir la vraie nature des problèmes en son sein et dans le monde en étudiant profondément leurs causes, leur origines, leurs motifs, leurs sources lointaines ou proches tout en proposant les solutions sans parti pris ;
    • rechercher la paix et combattre les politiques d’exclusion et de marginalisation qui sont un péché, et privilégier une politique qui vise la promotion de l’unité et la réconciliation.

    La réconciliation de l’homme avec la création

    Nous devons prendre soin de la création car la réconciliation inclut aussi la création. La vie humaine et la création sont liées parce que la terre prend soin de nous (Ge 1:29,30) ; la terre souffre avec nous à cause du péché de l’humanité et de ses lourdes conséquences (Os 4:1-3) ; la rédemption de Dieu inclut la création (Ps 96:10-13) ; tout a été réconcilié à la croix (Col 1:15-23) ; et enfin la bonne nouvelle inclut toute la création.

    Vu cet état de choses, l’Église en général et les chrétiens en particulier doivent être à l’avant-garde de la protection de la création. Notre quête doit inclure également le désir de vivre sur une planète verte en évitant le gaspillage de l’énergie, en réduisant notre empreinte carbone, en recyclant et en évitant la pollution.

    Dans ce même ordre d’idées nous devons soutenir les initiatives politiques et économiques qui protègent l’environnement de toutes formes de destruction. Ainsi, nous devons soutenir ceux parmi nous qui sont appelés et envoyés par Dieu avec la mission spéciale de protéger la création, de faire de la recherche scientifique dans le domaine de l’écologie et de la conservation de la nature.

    Conclusion

    En somme, la violence a été employée sous différentes formes comme moyen pour résoudre les conflits incessants dans le monde entier. Mais au cours de l’histoire l’expérience prouve que cette voie n’a pas réussi à apporter de solution aux problèmes du monde. La voie de la violence promet la haine, la colère, la vengeance, etc. au lieu de résoudre pacifiquement les conflits.

    En effet, la non-violence est la solution ultime aux conflits. Elle est la manière de résoudre les conflits au sein des églises locales.

    Christ était non-violent face aux conflits. Il nous offre donc un modèle à adopter dans la résolution des conflits. Adopter un mode non-violent dans le processus de résolution des conflits, tel que nous venons de découvrir dans la vie d’Abigaïl, n’est pas synonyme d’une acceptation passive de toutes les formes d’injustice et d’agression sans se protéger. Cela implique la non-utilisation de la force comme moyen de résoudre le conflit.

    L’Église doit résister de manière active aux conflits religieux et ethniques. Et seul l’amour pour l’ennemi et la détermination à ne pas utiliser la force ou la violence peuvent surmonter les conflits et gagner pacifiquement l’ennemi. Ceci est possible par l’élimination des structures d’injustice qui doivent être remplacées par de bonnes structures qui mettent Dieu au centre.

    La diversité ethnique est le don et le plan de Dieu dans la création. Elle a été salie et déformée par le péché et l’orgueil humain, qui ont produit la confusion, les querelles, la violence et les guerres entre les nations.

    Cependant, cette diversité sera préservée dans la nouvelle création quand des personnes de toutes nations, des toutes tribus, de tous peuples et de toutes langues seront rassemblées parce qu’elles forment le peuple que Dieu a racheté.

    Ê cause de l’Évangile, nous supplions l’Église, corps du Christ, et chaque chrétien à se repentir et à demander pardon chaque fois qu’ils ont participé à la violence, à l’injustice et à l’oppression ethnique.

    Aujourd’hui, l’Église doit embrasser la plénitude de la puissance de la réconciliation qui réside dans l’Évangile et l’enseigner, car Christ n’a pas porté nos péchés sur la croix pour nous réconcilier uniquement avec Dieu, mais aussi pour détruire nos inimitiés et nous réconcilier les uns avec les autres.

    Adoptons un style de vie de réconciliation en pardonnant à ceux qui nous persécutent tout en ayant le courage de mettre en cause l’injustice qu’ils font subir aux autres. Apportons notre aide et offrons l’hospitalité à ceux de l’autre bord du conflit en prenant l’initiative de franchir les barrières pour chercher la réconciliation. Continuons à rendre témoignage du Christ dans les contextes violents en étant prêts à souffrir, voire même à mourir, plutôt que de participer à des actes de destruction ou de vengeance. Engageons-nous, après le conflit, dans le long processus de guérison des blessures, faisant de l’Église un lieu s√ªr, de refuge et de guérison pour tous, y compris les anciens ennemis.

    Nous devons être un phare et porter l’espoir. Nous devons rendre ce témoignage : ¬´ Dieu était en Christ, réconciliant les hommes avec lui-même ¬ª. La croix et la résurrection du Christ nous octroient l’autorité pour affronter les puissances démoniaques du mal qui aggravent les conflits humains. 

    Nzuzi Mukawa (République démocratique du Congo) a parlé jeudi soir, 23 juillet 2015. Nzuzi est le chef de l’équipe de la Mission MB en Afrique sub-saharienne. Il est professeur de missiologie et pasteur associé d’une paroisse des Frères mennonites de RD Congo.

     

  • Note sur l’auteur (ci-dessous)

    Rock on !’: Accomplir la loi du Royaume de Dieu

    Nous sommes une église de paix parce que nous sommes d’abord et avant tout l’église de Jésus, et Jésus nous conduit sur le chemin de la paix. La justice est importante pour nous parce que Jésus est important et qu’il se soucie de la justice. La réconciliation et la Parole de Dieu imprimée sont importantes que parce que nous voulons apprendre à connaître la Parole de Dieu en personne.

    Jésus est au cœur de notre identité. Et nous continuons à le garder au centre et à transmettre son message clair et simple. C’est un don que nous faisons au corps de Christ et qui améliore notre santé spirituelle.

    L’amour est le fruit de l’Esprit

    Je veux vous parler de l’amour, fruit de l’Esprit. Le travail de l’Esprit en nous est le travail de l’amour. Lorsque nous travaillons contre l’amour, nous travaillons contre l’œuvre de l’Esprit en nous, et lorsque nous reconnaissons l’amour, nous sommes partenaires de l’Esprit Saint.

    La plupart des théologiens conviennent que la liste de fruits de l’Esprit dans Galates 5 ne commence pas seulement avec l’amour. L’amour est le fruit de l’Esprit, et ce qui suit en est une description en huit points. Comme dans 1 Corinthiens 13, il s’agit d’une liste descriptive. Le fruit de l’Esprit est l’amour, et vous commencez à le reconnaître quand vous voyez la joie, la paix, la patience, l’amabilité, la bonté, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi.

    Je suis de plus en plus convaincu de la centralité de l’amour dans notre louange. Dieu nous appelle à l’adorer en aimant ceux qui sont autour de nous. C’est de plus en plus important pour moi de le reconnaître et de le considérer comme une forme de louange.

    En grandissant, il me semblait que ma priorité était d’avoir une bonne relation avec Dieu. Aussi je passais de plus en plus de temps sur ma relation verticale. Je pensais que quand, finalement j’y arriverai, cela se répercutera sur ceux qui m’entourent. J’apprendrai alors à vraiment aimer les autres, mais d’abord il me fallait, seul chez moi, étudier l’Écriture, prier et méditer.

    Le deuxième commandement

    En grandissant, nous sommes encouragés à avoir des moments de culte personnel, mais Jésus a été le premier à me mettre eu défi d’aller plus loin, par la manière dont il réunit les deux grands commandements en un seul, quand il a demandé à un chef religieux quel était le plus grand commandement. Le plus grand commandement – singulier. Jésus a répondu que c’est d’aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, son âme, son esprit et sa force. Je me représente les chefs religieux qui lui ont posé la question, disant « merci beaucoup », et prêts à s’en aller. Mais Jésus ajoute : ‘et le deuxième lui est semblable’.

    Le deuxième ? Quel deuxième commandement ? Le chef religieux n’avait pas demandé les deux premiers, il n’en avait demandé qu’un. Mais Jésus ne voulait pas lui en donner seulement un. Quel est le plus grand commandement ? ‘Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. […] Et il y en a un second qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.’ (Mat 22:37-39).

    Et puis Jésus dit : ‘Tout ce qu’enseignent la Loi et les prophètes est contenu dans ces deux commandements.’ (Mt 22:40). Il les relie dans une sorte de spiritualité à deux directions, verticale et horizontale. Si nous oublions de pratiquer la spiritualité horizontale, nous perdons la spiritualité verticale.

    Ainsi que l’écrit l’apôtre Jean : ‘Si quelqu’un prétend aimer Dieu tout en détestant son frère, c’est un menteur’. (1 Jean 4:20). Jean ne dit pas que vous êtes insensé. Il ne dit pas que vous avez besoin de mieux aimer votre frère, et pas seulement Dieu. Non. Il faut aimer les deux. Ne dites pas que vous aimez Dieu si vous n’aimez pas ceux qui vous entourent, qui reflètent l’image de Dieu, qui sont créés à sa ressemblance.

    C’est comme si Jésus savait que nous avons tendance à donner priorité à Dieu et que nous pourrions utiliser la religion comme excuse pour ne pas aimer les autres.

    Jésus a dit d’aimer le Seigneur Dieu de toutes ses forces. Voilà votre mission sur la terre. Mais sans un axe à double direction, nous pourrions utiliser cet amour envers Dieu pour tout excuser, que ce soit nous faire exploser (nous-mêmes et les autres), torturer, brûler les hérétiques sur le bûcher, nous lancer dans des guerres non seulement contre d’autres religions, mais contre d’autres ‘tribus’ de notre propre religion.

    Au nom de l’amour de Dieu et si c’est notre unique objectif, nous pouvons avoir un  comportement tout à fait anti-chrétien.

    Et pas seulement violent. Nous pourrions nous focaliser sur Dieu au point d’ignorer ceux qui nous entourent.

    Comment discuter le fait de passer davantage de temps avec Dieu ? Davantage de temps à méditer, à prier, à étudier la Bible… cela semble si pieux. Mais Jésus dit, ‘vous n’allez pas vous en tirer comme ça’. Vous allez aimer Dieu et vous allez aimer votre prochain comme vous-même, et si vous ne faites pas l’un, vous mentez concernant l’autre aspect.

    Dépasser ‘l’éthique du rocher’

    Mes filles ont participé à une sortie avec des enfants souffrant de handicaps mentaux. J’ai utilisé cette expérience pour qu’elles comprennent mieux ce que signifie aimer comme Jésus l’a fait.

    J’ai dit à mes filles : « Je veux que vous passiez cette journée en prenant des initiatives pour manifester de l’amour. L’amour, ce n’est pas seulement ne pas faire de mauvaises choses, l’amour, c’est aussi prendre l’initiative de faire de bonnes choses pour les autres. »

    J’ai essayé de leur expliquer simplement. Elles ont dit : « Oh oui, nous serons polies ».

    « C’est plus que d’être poli », ai-je dit. « Ça ne suffit pas d’être gentil. L’amour va au-delà. »

    Elles ont répondu : « Eh bien, nous ne dirons rien de méchant. »

    Ce n’est pas non plus ne pas être méchant, c’est faire du bien. C’est remarquer quelqu’un assis à part et aller vers lui. C’est agape, un mot grec qui signifie choisir de considérer l’autre comme ayant de la valeur.

    Je pense que c’est cette bonté qui est le fruit de l’Esprit, pas la gentillesse. Être gentil, c’est ne pas faire de mal, mais faire du bien c’est être actif.

    J’ai illustré mes paroles. Quand nous sommes sortis de la voiture, il y avait un gros rocher. « Est-ce que ce rocher aime quelqu’un ? leur ai-je demandé. « Non, les rochers n’aiment personne » ont-elles répondu. « Mais est-ce qu’il fait du mal à quelqu’un ? » ai-je persisté.

    Elles ont compris. Le rocher n’est ni grossier ni méchant, il est juste là. Les rochers ne font rien de mal ; mais ils ne font rien de bien non plus.

    Cet été, nous avons choisi la devise de la famille Cavey : ‘Rock on !’ : ‘dépasser l’éthique d’un rocher’. C’est cet amour qui est fruit de l’Esprit.

    C’est ce que les anabaptistes m’ont enseigné ces dernières années.

    Un nouveau commandement

    Il ne suffit pas de ne pas être mauvais ; aimer, c’est donner la priorité à ceux qui nous entourent. Cela devient notre louange à Dieu. Et dans le Nouveau Testament, nous voyons les apôtres faire quelque chose de fascinant. Vous rappelez-vous la spiritualité à deux dimensions ?

    Juste avant la liste des fruits de l’Esprit dans Galates 5, l’apôtre Paul écrit : ‘Car toute la loi se résume en un seul commandement’ (5:14). Un unique commandement. Et puis il cite le deuxième commandement : aime ton prochain comme toi-même.

    Jésus n’a t-il pas dit que la loi et les prophètes sont contenus dans ces deux commandements ? Paul va droit au deuxième. Et de même dans Romains 13:8 ‘Car celui qui aime l’autre a satisfait à toutes les exigences de la Loi.’ Pierre aussi : ‘Avant tout, aimez-vous ardemment les uns les autres, car l’amour pardonne un grand nombre de péchés.’ (1 P 4:8).  Jacques, le frère de Jésus, l’appelle ‘la loi du Royaume de Dieu’ (Jc 2:8).

    Ce sont les seuls exemples d’apôtres citant la loi à deux dimensions dans le Nouveau Testament. Pourquoi ? Quand Jésus a dit ces mots, il parlait à quelqu’un qui n’était pas encore un disciple, quelqu’un qui avait besoin de venir à Dieu d’abord.

    Mais à ses disciples, à ceux qui ont dit qu’ils aimaient Dieu et qu’ils étaient prêts à renoncer à tout pour le suivre, Jésus dit : voici ce que vous allez faire. Le but de votre vie sera d’aimer les autres comme vous vous aimez. C’est le commandement qui réalise toute la loi pour nous.

    C’est ce que Jésus a dit à ses disciples dans Jn 13 : ‘Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres’. ‘Nouveau’ dans le sens que pour la première fois, le commandement est seul. Il dit à ses disciples ’N’aimez pas Dieu comme si c’était un but en soi. Vous aimerez Dieu en obéissant à ce nouveau commandement : aimez-vous les uns les autres’. Jésus dit la même chose dans Jn 15:12: ‘Voici quel est mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme moi-même je vous ai aimés.’

    Jésus ressuscité dit à Pierre, ‘As-tu de l’amour pour moi ? Vraiment, m’aimes-tu ? Et si oui, prends soin de mes brebis’. (Jean 21:17). C’est le nouvel accent qu’apporte le Christ.

    La louange

    La parabole des brebis et des chèvres peut se résumer en disant que c’est en aimant et en étant au service de ceux qui, autour de nous, sont dans le besoin, que nous aimons, louons et servons Jésus. Donc, nous ne pouvons pas les séparer et dire : ‘Ceci est la louange et cela est le service’, ou ‘Ceci est la louange et cela est l’évangélisation’.

    Tout est louange. Nous louons quand nous chantons, nous louons quand nous prions, nous louerons quand nous quitterons cet endroit et quand le Rassemblement sera terminé depuis longtemps.

    La louange est un flux continu qui coule quand nous sommes en relation avec les autres. Notre religion n’est pas contenue dans un lieu saint, un espace saint et une prêtrise sainte. Notre religion est relation. Elle se manifeste dans la manière dont nous aimons ceux qui nous entourent.

    Frères et sœurs, je voudrais vous laisser une dernière pensée.

    L’assemblée locale est un laboratoire pour expérimenter ce que signifie aimer Dieu en nous aimant les uns les autres avec des personnes ayant les mêmes idées. Parce que, lorsque nous quittons l’assemblée locale et que nous essayons d’aimer ceux qui sont en dehors, parfois on nous comprend, et parfois pas. Quelquefois, c’est reçu comme un don de Dieu, et quelquefois pas. Parfois, on est applaudi, et parfois on se moque de nous. Mais l’assemblée peut être un endroit sûr o√π pratiquer notre talent pour aimer.

    Chacun de vous a reçu de Dieu un don particulier : qu’il le mette au service des autres comme un bon gérant de la grâce infiniment variée de Dieu.’ (1 Pi 4:10).

    Nous nous transmettons mutuellement la grâce de Dieu. Il nous fait confiance pour le faire. Quel privilège ! Quelle responsabilité !

    En tant qu’évangéliste occidental, je connaissais le sacerdoce universel. Je l’interprétais comme signifiant qu’en tant que prêtre, je n’avais besoin de personne d’autre, c’était juste moi et Dieu. Je pouvais être le prêtre de ma propre relation avec Dieu.

    Mais je pense que, pour un hébreu, il ne s’agissait pas d’être connectés à Dieu, mais d’être prêtres les uns des autres, de se confesser mutuellement ses péchés, de partager la grâce de Dieu. Dieu t’a donné la grâce de quelqu’un d’autre – et lui a donné ta grâce. Dieu veut vous révéler la vérité, vous encourager et vous nourrir de sa grâce. Il aurait pu faire cela individuellement mais cela nous aurait séparés les uns des autres.

    Au lieu de cela, Dieu donne sa grâce à quelqu’un d’autre et dit ‘maintenant allez le trouver’. Et il vous donne la grâce de cette personne. Il veut que vous vous retrouviez. Il veut que nous soyons les intendants de la grâce les uns des autres pour que nous nous réunissions et que nous apprenions à nous aimer et à être au service les uns les autres.

    Nous connaissons de plus en plus la grâce de Dieu dans nos vies. Quel privilège c’est d’être simplement Église.

    Je t’encourage à rechercher ta grâce. Et à donner ta grâce. En donnant et en recevant la grâce, nous développons notre capacité à aimer et à aimer bien.

    Et je conclus avec ces mots : ‘Rock on !’

    Bruxy Cavey (Canada) est intervenu samedi soir, le 25 juillet 2015 lors du 16e Rassemblement. Bruxy est pasteur de The Meeting House, l’une des églises les plus grandes et les plus novatrices du Canada. Membre des Frères en Christ, Bruxy écrit et prêche dans le monde entier.


    Note sur l’auteur

    L’orateur de la plénière de l’Assemblée 2015, Bruxy Cavey, a démissionné le 3 mars 2022 de The Meeting House, Oakville, Ontario, Canada, une église membre de Be In Christ Church of Canada, église membre de la CMM. Le conseil d’administration de la congrégation a demandé sa démission après qu’une enquête menée par une tierce partie ait déterminé qu’il avait eu une relation sexuelle qui « constituait un abus du pouvoir et de l’autorité de Bruxy. » Les accréditations ministérielles de Cavey ont été retirées par la dénomination Be In Christ.

    En savoir plus:

    Pastor resigns, admits sexual misconduct | Anabaptist World (en anglais)

  • Lire les textes complets des predications de PA 2015 de César García, Yukari Kaga, Nzuzi Mukwa, Wieteke van der Molen et Bruxy Cavey. Ces textes peuvent aussi servir de resources pour vous aider à préparer le Dimanche de la Fraternité Mondiale dans votre église.

    Prédications soirées – PA 2015

    En marche avec Dieu (César García, Colombia)

    Ils ont découvert que l’unité n’était pas de l’ordre du miracle ; elle se construit au long du chemin. Cette unité mène à une transformation accessible seulement dans la communauté.. 

    En marche avec des doutes et des convictions (Yukari Kaga, Japon)

    C’est l’œuvre de la grande puissance de Dieu. Et Dieu utilise cette puissance pour protéger notre foi du danger et restaurer notre confiance en sa grande miséricorde.

    En marche avec des conflits et vers la réconciliation (Nzuzi Mukwa, RD.Congo)

    Nous devons être un phare et porter l’espoir. Nous devons rendre ce témoignage : « Dieu était en Christ, réconciliant les hommes avec lui-même ». La croix et la résurrection du Christ nous octroient l’autorité pour affronter les puissances démoniaques du mal qui aggravent les conflits humains.

    En marche avec autonomie et en communauté (Wieteke van der Molen, Les Pays-Bas)

    Dans la communauté, nous ne pouvons être seul. L’intérêt du groupe entre en conflit avec celui de l’individu. Et cela provoque des frictions, des souffrances et des frustrations. Mais il n’y a pas d’autre voie. Être humain, c’est faire partie d’une communauté. Nous ne pouvons pas survivre par nous-mêmes. 

    En marche en recevant et en donnant (Bruxy Cavey, Canada)

    Nous sommes une église de paix parce que nous sommes d’abord et avant tout l’église de Jésus, et Jésus nous conduit sur le chemin de la paix. La justice est importante pour nous parce que Jésus est important et qu’il se soucie de la justice. 

  • Certains d’entre nous se rappellent que le terme ‘anabaptiste’ était au début une insulte. Ce mot, qui signifie littéralement ‘rebaptiseur’, appartenait à l’arsenal d’autres insultes lancées à nos ancêtres, non par des païens ou des musulmans, mais par d’autres chrétiens d’Europe: on les qualifiait ‘d’enthousiastes, hérétiques, Donatistes, séditieux et blasphémateurs’. Nos prédécesseurs étaient capables de répliquer. Le leader anabaptiste Jorg Blaurock a dit pendant son procès: « Le pape et sa suite sont des voleurs et des meurtriers; Luther est un voleur et un meurtrier, lui et sa suite, et Zwingli [et ses collègues] sont des voleurs et des meurtriers du Christ. »

    Ce genre de vocabulaire n’était pas nouveau pour les chrétiens du XVIe siècle. Un langage agressif et des attitudes violentes étaient courants dans la communauté juive dans laquelle Jésus naquit. Dans leur Règle de la Guerre, les Esséniens du premier siècle, qui s’étaient retirés au désert pour former une communauté pure, décrivent leurs espérances d’une grande guerre où Dieu les dirigerait contre leurs ennemis: « la première attaque des Fils de Lumière sera menée contre les forces des Fils des Ténèbres ». Ce texte a souvent été comparé à 1 Thessaloniciens 5/5, où l’apôtre Paul appelle les disciples de Jésus des ‘enfants de la lumière’. En fait, 1 Thessaloniciens n’est pas vraiment utilisé comme source pour un enseignement sur le conflit dans l’église. D’habitude, ceux qui étudient la Bible cherchent de l’aide sur cette question en se tournant vers 1 Corinthiens, avec son lot de points de débats : des croyants se traînant mutuellement devant un tribunal, certaines personnes soutenant que le mariage était mauvais, des riches membres de la communauté s’empiffrant pendant le Repas du Seigneur, ou—Au centre de leur foi—doutant que la résurrection soit une réalité.

    Ou bien nous nous tournons vers Philippiens, où Paul présente le Christ comme notre modèle qui s’est humilié comme un esclave, pour ensuite nous recommander d’avoir ‘le même esprit’, et plus tard il exhorte deux femmes responsables de cette assemblée à ‘être d’un même sentiment’. Ou encore, nous nous tournons vers la grande épître aux Romains, dans laquelle Paul cherche à aider les croyants juifs et gentils à s’accepter les uns les autres en dépit de leurs nombreuses différences.

    Mais que dire de 1 Thessaloniciens? Certainement, cette épître rédigée tôt n’était pas une réponse à un conflit entre disciples de Jésus. En effet, la question primordiale semble être ici le fait que les chrétiens attendaient tous si ardemment le retour imminent du Seigneur que les choses de la vie quotidienne leur semblaient de peu d’importance—en fait à tel point que certains des croyants commencent à mourir. Pourtant, même ici, au milieu de toute cette ferveur eschatologique, Paul garde comme l’une de ses principales convictions le fait que la communauté de foi vit ensemble.

    Une partie de l’imagerie paulinienne pour les Thessaloniciens est sans doute familière aux habitants du désert de Qumran parce que, tout comme eux, il utilisait les Écritures de l’Ancien Testament pour réfléchir sur ‘le jour du Seigneur’. Mais Paul adopte une approche différente de la Règle de la Guerre de Qumran. Pour les membres de la communauté de la Mer morte, les chefs corrompus de Jérusalem et leurs brutaux maîtres romains personnifiaient les “enfants des ténèbres”. Paul RECONNAÎT la réalité des puissances des ténèbres dans les hommes aussi bien que dans la société: ‘ceux qui s’enivrent, s’enivrent la nuit’ (chap. 5 v.7). Il critique directement les troupes romaines qui ont imposé ‘paix et sureté’ (v. 3). Mais pour Paul, être des ‘enfants de la lumière’ est un label communautaire, au milieu des forces des ténèbres—non des personnes, mais des pouvoirs. Dans ce même cadre, les disciples de Jésus peuvent attendre le jour du Seigneur avec confiance, et non dans la peur ou la violence.

    Paul sait que les prophètes de l’Ancien Testament qui parlent du jour du Seigneur décrivent fréquemment Dieu comme un guerrier. Dans Ésaïe 59/17, Dieu se revêt ‘de la justice comme d’une cuirasse,’ du ‘casque du salut,’ des ‘vêtements de vengeance,’ et d’un ‘manteau de jalousie’. Selon Tom Yoder Neufeld, qui a parlé hier, les vêtements guerriers de Dieu démontrent la réponse divine face à l’injustice.

    Dans ce cas, le ‘manteau de jalousie [ou de zèle]’ renvoie à la passion que nous attendons dans des situations de profonde douleur et de besoin. En même temps, Paul reconnaît que la jalousie, ou la passion, même dans la recherche de ce qui est bon, peut être mauvaise. Paul pensait peut-être au ‘zèle de Phinées’ qui avait abattu un Israélite avec son épouse étrangère (Nombres 25). Peut-être pensait-il au massacre des prophètes de Baal par Elie (comme Millard Lind d’heureuse mémoire nous le rappelle : Dieu à ordonné à Elie de défier les prophètes de Baal, mais il ne lui a pas donné l’ordre de les tuer). Paul inclut certainement son propre passé, se rappelant sans doute le meurtre d’Etienne dans cette liste macabre : ‘quant au zèle, persécuteur de l’Église’ (Philippiens 3/6).

    Nous, disciples de Jésus, sommes COMME les auteurs de la Règle de la Guerre, dans notre analyse du cadre politique, économique, culturel et religieux dans lesquels nous vivons. Nous savons que les temps sont durs. Quelle que soit notre description de ce qui se produit dans nos communautés et dans notre monde, bon nombre d’entre nous conviendraient que les événements mondiaux, ou même les événements au sein de nos églises, ne semblent pas suivre le plan de Dieu. Les croyants de Thessalonique ont probablement ressenti la même chose à leur époque. Aussi est-il très significatif que dans cette épître, Paul ait décrit le PEUPLE de Dieu, plutôt que Dieu lui-même, portant l’armure. C’est nous maintenant qui sommes les passionnés, les zélés, entrant dans le monde où Dieu nous a placés. L’image verbale de l’armure chrétienne qu’emploie Paul a une perspective étonnante par rapport à sa source dans Ésaïe 59. Non seulement c’est nous qui portons cette armure, mais au lieu de ‘vêtements de vengeance’ et d’un ‘manteau de jalousie’, ce que les disciples de Jésus portent, ressemble aux vertus soulignées dans 1 Corinthiens 13 : la ‘cuirasse de la foi et de l’amour, et pour casque l’espérance du salut.’

    Alors, comment la première épître de Paul aux Thessaloniciens nous offre-t-elle des directives pour vivre comme des enfants de la lumière, particulièrement lorsque nous sommes en désaccord ? Nous SAVONS en quel temps nous sommes. Quel que soit ce que nous pourrions inclure dans nos pratiques et dans nos croyances, nous SAVONS qu’il est temps pour les disciples de Jésus de se trouver dans les endroits où l’obscurité menace—soit parmi les victimes de violences raciales, religieuses ou sexuelles, parmi ceux qui ploient sous le poids écrasant de la pauvreté ou des démons de l’abus de drogues, ou même avec des personnes assises près de nous dans l’église qui ont faim d’une expérience plus profonde de Dieu face à la surcharge de travail, aux divertissements excessifs ou aux excès de table. Le conseil de Paul semble simple : ‘c’est pourquoi exhortez-vous réciproquement et édifier-vous les uns les autres, comme en réalité vous le faites’ (v.11).

    L’un des objectifs fondamentaux de la Conférence Mennonite Mondiale est d’aider les membres de notre famille spirituelle chrétienne à s’édifier mutuellement. Mais nous savons tous qu’à plusieurs reprises et en de nombreux endroits nous ne l’avons pas fait correctement. Le choix du lieu devant accueillir le premier rassemblement de la CMM dans l’hémisphère sud avait soulevé des questions concernant la rectitude “politique” du lieu abritant une réunion de la CMM. Le comité exécutif de la CMM, réuni en 1969 à Kinshasa en RD Congo, a confirmé le projet de tenir le rassemblement de 1972 à Curitiba au Brésil. Motivés par le désir d’organiser le suivant dans ‘le tiers monde’, les membres du comité exécutif relevèrent le fait que se réunir où que ce soit en Amérique du Sud, en Afrique ou en Asie « signifiait que les conditions politiques et autres seraient différentes de celles qui règnent généralement en Europe ou en Amérique du Nord », et ils soutinrent que de telles différences « n’étaient pas considérées comme insurmontables ». Cependant, vers la fin de 1969, un dossier présenté au Pape Paul par soixante [responsables d’églises] Européens critiquait les actes de torture et la répression de dissidents politiques au Brésil. En guise de réponse, les luthériens déplacèrent leur rassemblement mondial de 1970 du Brésil en France, et les mennonites des Pays-Bas soulevèrent publiquement la possibilité de ne pas envoyer de délégués au rassemblement de 1972 si celui-ci se tenait à Curitiba.

    Tout au long de l’année 1971, et plus tard jusqu’au rassemblement de Curitiba en juillet 1972, des débats relatifs aux actions appropriées firent rage dans les pages de The Mennonite, sous forme de lettres au rédacteur, de bulletins de nouvelles et de rapports officiels de la CMM. Un groupe international de mennonites se réunit à Curitiba en janvier 1971, et annon√ßa la poursuite du projet d’y tenir le rassemblement. Ils annoncèrent que les autorités brésiliennes les avaient informés des règles interdisant les discussions politiques pendant le rassemblement. Le secrétaire exécutif de la CMM commenta, apparemment d’accord avec cet ordre : « Parler politique serait (pour la plupart des mennonites à travers le monde) une violation des objectifs fondamentaux de la Conférence Mennonite Mondiale ». Les mennonites latino-américains en convinrent, qualifiant les rapports sur la répression de « propagande et de demi-vérités inspirées par les communistes ». En réponse à un rapport officiel de la CMM publié plusieurs mois plus tard et qui prenait ses distances par rapport au fait que des questions politiques ne pouvaient pas être discutées pendant le rassemblement, un professeur mennonite canadien suggéra ironiquement que l’on ne fît aucun exposé sur « la seigneurie du Christ, parce que ceci a toujours été une catégorie clairement politique ». Un auteur de l’Ohio eut vite fait de condamner le point de vue du professeur comme étant ‘extrémiste’.

    Les réponses officielles que la CMM a données à la controverse essayaient de défendre l’idée d’un rassemblement ‘apolitique’. Toutefois, tout au long du débat, l’appel à la communion avec les frères et s≈ìurs semblait être un argument beaucoup plus persuasif en faveur de la rencontre au Brésil. Le président de l’union des mennonites d’Amérique latine déclara que ceux qui voulaient se retirer de Curitiba ne faisaient pas preuve d’un ‘esprit de fraternité’, alors que le secrétaire exécutif de la CMM relevait que les mennonites latino-américains « ont grandement besoin de notre communion fraternelle et de notre encouragement ». Un rédacteur qui réfléchissait par avance sur le thème choisi pour le rassemblement, ‘Jésus-Christ réconcilie’, lan√ßa un appel aux mennonites du monde entier pour qu’ils brisent les barrières existant entre eux à travers des expressions pratiques de leur relation, ce qui était un appel indirect à prendre part au rassemblement en guise de pèlerinage pour le peuple [d’Amérique latine].

    Les blessures causées par ce conflit étaient encore vives, comme on le voit dans les documents élaborés pour le rassemblement de 1972. Parlant de Curitiba comme de la ‘ville souriante’, le livret-programme préparé par les mennonites brésiliens décrivait les attractions touristiques de la ville et parlait brièvement de l’arrivée des mennonites au Brésil en 1929 et 1930, en provenance de Russie. Le livret déclare : « Pour la première fois les mennonites vont tenir leur conférence dans un pays dit du ‘Tiers Monde. Nous qui vivons au Brésil ne considérons pas notre gouvernement comme ‘corrompu’, ‘terroriste’, ou ‘extorqueur’ ». Le message officiel de l’union d’églises a toutefois indirectement reconnu les problèmes soulevés en rapport avec la rencontre du Brésil : « En tant que disciples de Jésus-Christ nous élevons une voix prophétique contre toute utilisation de la répression violente, de la persécution ou d’emprisonnements injustes, de la torture et de l’assassinat, en particulier pour des raisons politiques‚Ķ En tant que mennonites, nous qui, dans notre histoire, avons connu la persécution, nous reconnaissons que la gratitude pour une vie paisible et tranquille ne peut nullement fermer nos yeux devant les multiples inégalités inhérentes aux structures sociales et économiques du monde d’aujourd’hui ».

    Pourtant, quelque part dans notre propre histoire et dans celle d’ancêtres spirituels chrétiens venant d’autres cultures, des récits d’encouragements mutuels existent, comme de minuscules fils d’or cousus dans la texture des problèmes institutionnels. Ces récits nous indiquent quelques pistes, ni lisses ni faciles, plutôt des montées escarpées et rocailleuses au milieu de conflits profonds et non résolus.

    Un de ces modèles, c’est Hilda de Whitby, une abbesse anglaise du septième siècle. Depuis le début, les chrétiens divergent nettement sur la date de célébration de la résurrection du Seigneur. Quelques chrétiens honoraient leurs origines dans le judaïsme, alors que d’autres refusaient résolument de célébrer P√¢ques [chrétienne] le même jour que la P√¢que [juive]. Beaucoup de chrétiens celtiques, enracinés dans leur propre calendrier ancestral, avaient fixé la date de P√¢ques selon ces coutumes antiques. Mais ils avaient subi la pression des dirigeants de Rome, qui continuaient d’insister sur le fait que P√¢ques n’aurait JAMAIS pu se produire à la P√¢que.

    Un synode se réunit en 664 au monastère de Hilda pour une prise de décision. Bien que Hilda soutienne le calendrier celtique, la perspective romaine était dominante. Le leadership de Hilda fut la raison majeure pour laquelle les chrétiens celtes acceptèrent la décision romaine, même si cette dernière allait à l’encontre de leurs croyances et de leur culture. De fa√ßon étonnante, après la réunion, on continua de penser à Hilda comme à une responsable respectée et consultée par tous, même par ceux qui étaient en désaccord avec elle. La motivation de Hilda, c’était l’ordre de ‘s’encourager mutuellement’, même quand elle devait faire place à des vues différentes des siennes.

    Plus de 1000 ans après, des chrétiens des États-Unis prirent conscience de leur complicité dans le commerce transatlantique des esclaves. Les quakers, à l’instar des protestataires anabaptistes qui s’opposaient à la coercition de l’État et à l’utilisation de la violence, avaient parmi leurs membres des propriétaires d’esclaves, ou certains qui en achetaient et en vendaient. Le commer√ßant quaker John Woolman décrivait dans son journal intime datant des années 1750 une discussion prolongée et douloureuse sur cette question au sein de sa communauté de foi.

    Selon Woolman, « le problème de la possession d’esclaves pèse lourd pour moi », puisqu’il savait que certains quakers de sa communauté possédaient des esclaves. Aussi John Woolman se rendit-il d’abord à la Rencontre Trimestrielle des Amis à Philadelphie, puis à la Rencontre Annuelle. Bien que le discours de John Woolman semble lourd et fleuri, écouter ses paroles nous aide aussi à comprendre le poids de ce processus : « au cours de cette Rencontre Annuelle, plusieurs sujets importants furent examinés, jusqu’au dernier qui concernait les personnes qui achètent des esclaves. Pendant les multiples séances de ladite réunion, mon esprit était fréquemment en prière silencieuse, et je pourrais dire avec David, ‘les larmes étaient ma nourriture jour et nuit’. Le problème de la possession d’esclaves pèse lourd pour moi, et je n’avais senti aucune obligation de parler directement au sujet d’une autre matière avant la réunion ».

    Finalement, John Woolman s’est tout de même exprimé : « Dans les difficultés qui nous attendent dans cette vie, rien n’est plus précieux que la pensée de la vérité manifestée en nous ; et c’est mon désir le plus profond que dans cet important sujet nous puissions nous humilier réellement, au point d’être favorisés par une compréhension claire de la pensée de la vérité et de la suivre ; ceci serait d’un plus grand avantage à la société que n’importe quel moyen qui ne serait pas dans la clarté de la sagesse divine. Le cas est difficile pour certains qui ont des esclaves, mais s’ils mettaient de côté tout intérêt personnel, et venaient à être sevrés du désir d’acquérir des domaines, ou même de les joindre ensemble quand la vérité exigerait le contraire, je crois que la voie s’ouvrirait si bien qu’ils sauraient comment s’orienter à travers ces difficultés. »

    En dépit de ce défi lancé aux intérêts économiques des propriétaires d’esclaves quakers, la rencontre ne put résoudre le désaccord. Mais ils acceptèrent de mettre en place un groupe d’Amis qui rendraient visite à leurs frères et s≈ìurs propriétaires d’esclaves. En 1758, les quakers de Pennsylvanie « firent du fait de s’engager dans le commerce d’esclaves un acte de mauvaise conduite ». Et bien qu’ils aient continué à discuter de la question dans leurs rencontres pendant des décennies, les quakers jouèrent un rôle de plus en plus grand dans le mouvement abolitionniste.

    Dans notre propre passé, un désaccord important qui avait conduit à la séparation des anabaptistes avec les églises d’État en Europe continue de troubler nos relations avec d’autres chrétiens. Mais maintenant, nous parlons avec d’anciens ennemis chrétiens sur des sujets qui nous avaient souvent violemment séparés il y a 500 ans. Les théologiens de la CMM, ainsi que les théologiens luthériens et catholiques romains, ont des conversations sur la signification du baptême aujourd’hui. Un participant mennonite a remarqué : « Nous essayons tous de repenser les questions en termes de XXIe siècle, pas seulement en termes de XVIe siècle. [Nous tous] sommes conscients que c’est seulement par l’≈ìuvre du Saint-Esprit que ce dialogue nous rapprochera de la pensée du Christ ».

    Et aujourd’hui, les responsables mennonites du Congo encouragent les s≈ìurs et les frères à fonder leur travail sur la paix avec Dieu, et ainsi à pouvoir construire la paix avec des voisins et même par la suite avec des ennemis. Ces responsables en appellent à deux disciplines dans leur travail : ‘la discipline du discernement et une vie radicalement christocentrique’. Par ailleurs, des responsables des États-Unis appellent à avancer comme ‘une communauté unie et pourtant diverse, unifiée en raison de la centralité de la personne de Jésus-Christ, et à refuser de donner aux [questions au sujet desquelles nous sommes en désaccord] le pouvoir de causer la division parmi nous’.

    Paul le pasteur nous dit que nous SAVONS en quel temps nous sommes—il est temps pour le peuple de Dieu en Christ Jésus d’être des enfants de lumière dans notre monde. Ses paroles eschatologiques et son langage guerrier ne doivent pas pousser à la peur, à la violence ou aux divisions. Il veut que toutes les églises fassent ce qu’il fait : s’encourager mutuellement. Il devient bien plus insistant encore dans la section qui suit notre passage: ‘soyez en paix entre vous…. avertissez ceux qui vivent dans le désordre. Consolez ceux qui sont abattus. Supportez les faibles. Usez de patience envers tous. Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal, mais poursuivez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous. Soyez toujours joyeux. Priez sans cesse” (1 Thess 5/13‚Äì17). Dans beaucoup de contextes dans le monde mennonite, nous avons plutôt été tentés de continuer ce que nous faisions déjà : nous battre, nous diviser et utiliser des paroles dures et violentes les uns envers les autres. Il est TEMPS de prendre à c≈ìur les conseils de Paul et les récits peu communs des chrétiens dont nous venons de parler. Ils nous rappellent que nous POUVONS ‘nous encourager mutuellement’, même au milieu de différences criantes.

    Puissions-nous entrer dans le c≈ìur pastoral de Paul et de ceux qui avaient entendu son appel, de sorte que notre lumière en tant qu’enfants de la Lumière soit vue là où nous vivons.

    —Nancy R. Heisey enseigne la théologie biblique et l’histoire de l’Église à l’Eastern Mennonite University. Elle a été présidente de la CMM de 2003 à 2009.

  • Tom : Nous marchons avec Dieu avec des doutes et des convictions. Doutes et convictions font partie de notre cheminement spirituel. Après tout, comme Hé 11:1 nous le rappelle ‘La foi est une manière de posséder déjà ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas’. Et comme le dit Paul dans 1 Co 13:12, ‘nous voyons dans un miroir et de façon confuse’. Voilà ce qu’est la foi : doute et conviction coexistent.

    Rebecca et moi abordons ce sujet dans des contextes très différents, Rebecca du Kenya et moi du Canada. C’est la meilleure façon d’approfondir nos convictions : être à l’écoute de la Parole de Dieu avec des oreilles différentes et à partir de milieux différents.

    Rebecca : Dans ma langue, le mot pour doute est kiawa. Chez les Luos du Kenya, kiawa est utilisé dans une situation où le résultat final n’est pas certain. En l’absence de traduction directe, kiawa signifie simplement ‘peut-être’. Cela peut-être négatif ou positif.

    Le doute dépend du contexte. L’expression, jakol kudho (celui qui enlève les épines) a été formée avec kiawa pour souligner le positif, ainsi que pour gommer les aspects négatifs du doute. Jakol kudho s’applique littéralement à quelqu’un qui enlève l’épine qui a percé le pied du voyageur. En tant que concept, ce terme s’applique à un aide, un assistant ou un compagnon.

    Dans mon pays, marcher à travers bois et forêts est très courant, surtout en milieu rural. Ce n’est pas une petite marche d’agrément, mais une marche remplie d’incertitudes et de dangers. On peut être attaqué par des marginaux ou des criminels, des membres d’un clan hostile, des serpents venimeux, des animaux sauvages, ou encore blessé par des arbustes épineux. On n’est pas sûrs d’arriver à bon port.

    Dans ce contexte, les moindres piqûres d’épines demandent des soins, car généralement elles pénètrent profondément dans la chair. Celui ou celle qui enlève les épines accompagne le voyageur et intervient. Il ou elle est utile, que le trajet soit facile ou dangereux : il ou elle rassure, soutient et guide le voyageur.

    Les deux sens du mot kiawa (doute) sont présents dans la traduction de la Bible en Luo. Dans Mt 14:31, Jésus demande à Pierre pourquoi il doute. Ici, ‘doute’ n’a pas de complément. La traduction littérale en Luo est ‘Pourquoi as-tu rajouté le doute ? ‘ C’est une réprimande.

    D’autre part, la traduction de ‘doute’ dans Ac 12:11 (l’histoire de l’emprisonnement de Pierre) en Luo est positive : ‘Maintenant, je sais que cela est vrai !’, plutôt que ‘Maintenant, je n’ai aucun doute !’ Les traductions dans Matthieu et Actes s’accordent avec l’usage culturel de ‘doute’ en Luo, qui peut être un blâme ou un compliment.

    Pierre est profondément endormi bien que son exécution soit prévue pour le lendemain, et la prison est très bien gardée (Ac 12:6). C’est très étonnant. Est-ce un acte de foi ? Pierre attendait-il tranquillement d’être avec Christ, ainsi que Paul l’écrit dans Ph 1:21 ‘Car pour moi, vivre, c’est Christ, et mourir m’est un gain’ ? Le parcours spirituel de Pierre sur la terre est sur le point de se conclure de manière horrible, mais il dort profondément ! Quelqu’un qui doute de sa destinée ne peut être plongé dans un tel sommeil.

    Dans ma tribu (Luo), la manière apparemment paisible dont Pierre attend sa fin, est exprimée par cette phrase : ‘wuoth gi jakok kudho’, qui signifie ‘en marche avec celui qui enlève les épines’. Tout au long, Pierre devait marcher avec jakol kudho, son compagnon et son aide ! Celui qui retire les épines est aux côtés de Pierre, en la personne de la servante Rhoda (v.13), dans le groupe de prière (v.5 et 12), et comme l’ange de Dieu (v.7). Différentes formes de jakol kudho sont parmi nous aujourd’hui, prêtes à répondre à nos besoins si nous voulons bien y prêter attention.

    Un écrivain africain, Kwame Wiredu, remarque à juste titre que la philosophie africaine (la pensée) est transmise oralement par les proverbes et le folklore. De même dans les Évangiles, nous trouvons l’utilisation idiomatique des mots ‘oreille’ et entendre’ : ‘Que celui qui a des oreilles […] entende !’ Dans Ac 12:7 et 8, jakol kudho apparait à Pierre, stupéfait, et lui parle. La responsabilité de Pierre est de prêter une oreille attentive et d’obéir : ‘Lève-toi vite […] Mets ta ceinture et lace tes sandales !’ Pierre a suivi jakol kudho (l’ange) vers la liberté, loin de la prison.

    Jakol kudho (‘celui qui enlève les épines’) devient une expression proverbiale qui complète le mot kiawa. La possibilité de douter lors de wuoth (marche ou voyage) est remplacée par une conviction empreinte d’espoir.

    Avec jakol kudho, kiawa est utilisé dans un sens qui connote une forte conviction. Jakol kudho intervient dans les situations difficiles pour permettre au voyageur de formuler ses questions et de répondre de manière adéquate. C’est ce qui se passe avec le retard de l’exécution de Pierre qui a donné aux frères le temps de prier avec ferveur. L’obéissance totale de Pierre aux instructions données par l’ange (v.7–10) a ouvert la porte vers la liberté. Ainsi, tout voyageur est redevable à jakol kudho lorsqu’il arrive sain et sauf. Il faut une prière fervente ou une communauté spirituelle, et l’obéissance des croyants qui demandent l’intervention de Dieu.

    Quand le voyageur—et jakol kudho—se mettent en route, la parenté du voyageur invoque des pouvoirs surnaturels. Ils ne cessent de chanter pour qu’il revienne sain et sauf, après quoi a lieu une cérémonie d’action de grâce. Dans Ac 12, la communauté des croyants, encore sous le choc de la perte de Jacques, prie de manière continue et fervente (avec compassion) pour Pierre. La prière communautaire a une importance primordiale dans notre cheminement spirituel.

    L’Église d’aujourd’hui fait face à des forces qui menacent son existence même. Elle est protégée par des systèmes économiques et sociopolitiques qui perpétuent l’hégémonie culturelle au détriment de l’harmonie et du calme. Il nous faut invoquer continuellement Jésus-Christ pour qu’il nous libère par l’Esprit Saint.

    Jésus, le plus grand jakol kudho, interviendra toujours, car il intercède pour nous auprès du Père (Hé 7:25).

    Passons cette semaine dans la prière de reconnaissance et de supplication. Avec la CMM, Dieu nous a donné un espace de communion. Ce n’est pas le moment d’être critique ou de prendre nos distances.

    Dans 1 Co 11:18, Paul met en garde contre les divisions dans l’Église, en particulier concernant des personnes ou des factions qui cherchent l’approbation de Dieu (v.18). Il est bon d’intercéder pour nos frères et sœurs chrétiens qui souffrent à cause de leur foi, comme par exemple les objecteurs de conscience, ceux qui croupissent dans les prisons de la pauvreté, ceux qui sont menacés par la présence envahissante de la laïcité et du radicalisme religieux, etc. Il est temps que notre théologie participe à la construction de la société et de l’économie mondiale pour établir une église mondiale de ‘paix juste’ !

    Christ, le plus grand jakol kudho est avec nous, même quand il semble n’y avoir aucune issue. N’oublions pas qu’il fait plus sombre juste avant l’aube ! Avec jakol kudho, les doutes sont des fenêtres qui s’ouvrent sur des convictions. Il est sain de douter, non pour provoquer des divisions, mais plutôt pour nous rassembler pour explorer, examiner et analyser les doutes de manière fraternelle. Le doute fait partie de la foi, car en doutant nous découvrons les questions, et en cherchant, nous arrivons à la vérité. Jakol kudho nous guidera vers la sécurité, loin des prisons gardées (Ac 12:6, v.11, 12 et 17) !

    Tom : Rebecca, mes pensées font écho aux tiennes. Pour nous, dans le Nord, le doute est inévitable, et souvent nécessaire et bon, comme tu le dis. Douter, quand c’est être vigilant ou soupçonner de probables fausses certitudes, est une bonne chose. Lorsque nous aspirons à des réponses simples un ‘doute bien orienté’ peut empêcher notre foi de devenir ‘aveugle’ et nos convictions dures et cassantes, incapables de répondre aux questions complexes de la foi et du discipulat. Cette forme de doute est essentielle pour que nos convictions reposent sur la foi et non sur la peur.

    Mais il y a aussi des formes de doute qui ont dévasté les églises de l’hémisphère Nord. Permettez-moi d’en nommer quelques-unes :

    Bien que nous souffrions de la pauvreté et du racisme dans le Nord, la richesse et les privilèges sont parmi les épines les plus dangereuses. Si la pauvreté et l’oppression constituent une prison pour beaucoup dans le Sud, comme le dit Rebecca, un trop grand nombre d’entre nous sont emprisonnés dans la forteresse de la richesse, des privilèges et du pouvoir. Nous pensons souvent que ce sont des ‘bénédictions’ et, comme Isra√´l, nous transformons Dieu en veau d’or de la prospérité, de la cupidité et de la violence. Nous devrions—non, nous devons—douter d’un tel dieu ! Est-il étonnant que beaucoup aujourd’hui se détournent avec dégoût d’une telle foi et ne veulent rien à voir à faire avec elle.

    Connaissance, science, technologie—les prétendues ‘bénédictions’ de notre culture—nous donnent l’illusion d’êtres maîtres de notre propre destin. Évidemment, un Dieu devenu inutile n’a guère d’intérêt, et beaucoup perdent la foi.

    Voilà notre monde. Qu’en est-il de l’Église, de notre foi ? Ici, il y a beaucoup plus d’épines. Par exemple, nous confessons que la Bible est la Parole de Dieu. Mais cette conviction peut être ébranlée par la pensée qu’il nous faut être experts pour la comprendre, ou parce qu’il est difficile de se mettre d’accord sur ce qu’elle dit, ou parce que nous sommes scandalisés par la façon dont nous voyons les autres l’utiliser. Pensons aux conflits actuels dans le Nord sur la sexualité. Beaucoup d’entre nous ont cessé de lire ensemble la Bible. Le doute peut facilement amener à l’indifférence, voire au mépris ou à la négligence, et finalement à la perte de la mémoire commune.

    Pour certains, la source la plus dommageable du doute est, ironiquement, l’Église elle-même. Notre longue complicité avec l’esclavage, le colonialisme et le traitement génocidaire des peuples indigènes nous hante jusqu’à ce jour. Au cours du siècle précédent, des millions de chrétiens ont tué des millions de chrétiens. En même temps, nous détruisons cyniquement la création de Dieu. Est-ce là le corps du Christ qu’un Dieu d’amour a envoyé pour sauver le monde, et non pour le condamner ?

    Nos propres églises peuvent ébranler nos convictions, soit parce qu’elles sont trop fermées et craintives, soit trop ouvertes et audacieuses. Vous avez peut-être même été profondément blessés par un membre de votre paroisse que vous regardiez comme un modèle et un enseignant. Les blessures et les trahisons conduisent trop souvent à une forme de doute qui mine convictions et foi.

    Dans de tels moments, il est tentant de pointer les autres du doigt. Mais si je suis honnête, c’est difficile pour moi de croire, d’aimer, de pardonner, de parler de l’évangile, de partager mes biens, de compatir avec ceux qui souffrent, de travailler à la paix et à la justice. Où est la puissance transformatrice de l’Esprit dans ma vie? Ma propre foi est-elle une illusion ? Je deviens moi-même la source de mon doute.

    Ces dangers font de notre parcours spirituel autant une lutte pour la survie que n’importe quelle épine ou animal sauvage.

    Comment marcher alors, non seulement avec des doutes, mais aussi avec des convictions fermes ?

    Concernant la foi, le début d’Hé 11 est réaliste : ‘un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas’. (v.1). ‘Car nous cheminons par la foi, non par la vue’ nous rappelle Paul dans 2 Co 5:7.

    Mais Hébreux insiste également sur le fait que quelqu’un marche avec nous sur ce chemin—Jésus. Nous voyons Jésus (Hé 2: 9), le ‘pionnier de notre foi’, selon Hé 12:2, notre jakol kudho, avec les mots de Rebecca, mis à l’épreuve tout comme nous (Hé 2:14–18).

    Certains jours, nous allons tous dans la même direction, chantant les mêmes cantiques, comme ici, lors de ce rassemblement. Dieu soit loué ! D’autres fois, nous trébuchons, nous nous accrochons les uns aux autres pour ne pas tomber ou même, nous nous disputons sur la voie à suivre. Avec Thomas, ce ‘douteur’ célèbre, nous demandons ‘Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment en connaîtrions-nous le chemin ? (Jn 14:5). Vous souvenez-vous de la réponse de Jésus ? ‘Je suis le chemin, la vérité, et la vie’ (v.6). Il est notre pionnier. Jésus est Dieu qui marche avec nous dans les doutes et les convictions. C’est sûrement la conviction la plus fondamentale dont nous avons besoin : non pas tant marcher avec Dieu mais que Dieu marche avec nous !

    Dans cette Bible, qui est souvent source de difficultés, Dieu marche aussi avec nous. C’est là que nos espoirs et nos convictions sont ancrées. C’est dans la longue histoire d’Isra√´l et des premiers disciples de Jésus que nous apprenons qu’un Dieu marche avec nous, que le fils de Dieu nous enseigne à marcher, qu’un Esprit nous anime et nous donne de la force, que nous recevons nos convictions concernant notre identité, notre vocation, notre mission. Nous ne pouvons négliger un tel don.

    Mais la Bible est Dieu marchant avec nous d’une autre manière aussi. Avec une honnêteté souvent brutale, elle parle de notre propre combat avec les doutes. L’histoire de Job a réconforté d’innombrables personnes aux prises au doute devant une souffrance incompréhensible. Le recueil des psaumes contient des cris de rage, des ressentiments, des lamentations et de la perplexité. ‘Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’, dit même Jésus sur la croix (Ps 22). Souvent ma prière désespérée reprend les paroles du père qui plaide pour que Jésus guérisse son fils. Quand Jésus lui demande s’il croit, il répond ‘Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi !’ (Mc 9:24).

    Parfois, notre foi n’est pas beaucoup plus que le doute avoué honnêtement devant Dieu. Mais c’est la foi—une confiance fondamentale au cœur de la plus sombre des nuits !

    La Bible n’est pas toujours une carte claire ou une lumière brillante, mais elle est toujours un témoin véridique d’un Dieu solidaire, même quand nous ne voyons rien, nous rappelant que nous ne sommes pas les premiers pour qui la foi est une lutte.

    Et l’Église? Bien sûr, l’Église met notre foi à l’épreuve. Après tout, vous et moi en faisons partie ! Cependant, elle est créée par Dieu, elle est l’œuvre de Dieu en devenir, un peuple qui apprend à marcher ensemble. Nous partageons des convictions, et nous partageons des doutes. Quand Paul dit aux Galates qu’ils doivent porter les fardeaux les uns des autres, cela veut dire aussi une foi parfois vacillante. Nous sommes tristes quand les doutes sont écrasants et que la foi s’estompe. Nous nous réjouissons quand la foi devient plus forte. Nous remercions Dieu pour ceux qui ont une forte conviction et une foi solide. Nous avons besoin d’eux dans notre parcours spirituel.

    Il suffit de penser aux sœurs et frères du passé, et à ceux qui marchent avec vous. Beaucoup sont ici, à côté de vous, venant de tous les coins du monde ! Ils sont des modèles de témoignage courageux et joyeux, d’amour patient, de pardon à couper le souffle, de passion pour la justice et la paix. Ils vous portent lorsque vous êtes faible, ils vous prennent par la main quand vous ne voyez pas le chemin. Ils incarnent celui qui enlève les épines. Vous êtes le corps de Christ, vous et nous tous ensemble, nous sommes Dieu en marche, avec foi, doute et conviction. Loué soit Dieu !

    Rebecca : Nous concluons comme nous avons commencé, avec des versets d’Hébreux :

    Redressez donc les mains défaillantes et les genoux chancelants, et pour vos pieds, faites des pistes droites, afin que le boiteux ne s’estropie pas, mais plutôt qu’il guérisse.

    Recherchez la paix avec tous, et la sanctification sans laquelle personne ne verra le Seigneur. Veillez à ce que personne ne vienne à se soustraire à la grâce de Dieu ; (Hé 12:12–15)

    Amen.

    —Rebecca Osiro est pasteure de l’assemblée EFC à Nairobi (Kenya), Église mennonite du Kenya. Elle a été élue vice-présidente de la CMM au cours des réunions du Conseil général de 2015. Tom Yoder Neufeld est professeur mennonite à la retraite et enseignait la théologie biblique à Waterloo (Ontario, Canada).

  • Les organisateurs de cette conférence sont tellement gentils qu’ils ne m’ont pas imposé de sujet, mais m’ont donné le choix parmi différents thèmes. Choisir parmi des choix est difficile ! Mais pas cette fois.

    J’ai choisi sans hésiter ‘En marche avec des doutes et des convictions’. Choisir les ‘doutes’ sans avoir de doutes, semble ironique, mais c’est ce qui s’est passé. Vous vous demandez peut-être pourquoi ce sujet m’intéresse. C’est en partie parce qu’il est proche de mon cœur, car c’est l’histoire de ma vie. D’une certaine manière, il y a apparemment dans ma vie des contradictions : des doutes et des convictions.

    Soyez patients avec moi : je vais vous expliquer.

    Bien sûr, le poids des doutes et des convictions ne s’équilibre pas toujours. Ê certains moments, je ressens les deux à la fois, et à d’autres moments, l’un des deux est plus fort que l’autre : il me semble que je grimpe une montagne faite de fortes convictions ou que je me retrouve dans les profondeurs de la fosse des doutes.

    Je suppose que mon parcours n’est pas unique. Dans ma ville natale, Addis-Abeba (Éthiopie), ainsi que dans le reste du monde (Afrique, Asie, Amérique latine, Amérique du Nord et Europe), beaucoup de jeunes connaissent les mêmes luttes. C’est notre vie. Et c’est particulièrement vrai quand on vit dans une époque post-moderne, où on peut ‘tout mettre sur la table’, où tout est bien, et où chacun croit pouvoir ‘enlever les épines’. Il est courant de trouver dans ma paroisse, dans ta paroisse, dans sa paroisse, des jeunes qui vivent entre doutes et convictions.

    Je vais répondre par une métaphore qui représente les jeunes de notre communauté mondiale spirituelle.

    La foi, c’est comme marcher avec des doutes et des convictions. J’aime profondément la tradition africaine [dont nous a parlé Rebecca]. Nous, les jeunes, dans notre cheminement avec Dieu, nous sommes confrontés à ces animaux sauvages et ces reptiles venimeux que sont les doutes. En effet, malgré tout leur courage et leurs efforts, il est impossible aux voyageurs de réussir à échapper aux épines.

    Poursuivant la métaphore des épines le long du voyage, je voudrais ajouter une dimension positive. Je partage ce qu’a écrit Timothy Keller dans son livre The Reason for God : ‘Une foi qui ne connait aucun doute est comme un corps humain sans anticorps’. Même si nous ne cherchons pas à avoir des doutes, ils permettent d’approfondir nos convictions dans notre marche avec Dieu. Mais cela ne signifie pas que les doutes ne pourraient pas nous pousser au bord d’un précipice où l’incrédulité, antithèse de la foi, remplacent les convictions.

    Bien sûr, la limite entre incrédulité et doute n’est pas toujours claire. Dans ce qui suit, je vais essayer de présenter brièvement l’origine de mes doutes.

    « D’où viennent mes doutes ? » Ainsi que vous le savez, certaines personnes sont importantes dans notre cheminement spirituel, nous avons des ancêtres, mères et pères spirituels. Quelquefois, il semble que la foi ne vaut pas la peine d’être poursuivie avec passion, elle est assimilée à la religion. Il me semble que ce n’est pas moi qui l’ai choisie, mais que j’en ai héritée. La constante diminution de membres [d’églises] dans le Nord et leur augmentation dans le Sud (dont la qualité de vie en Christ est médiocre) sèment le doute dans mon cœur. Un tel doute est négatif car il m’entraîne loin de mes convictions au lieu de les aiguiser.

    Outre le fait que la foi est devenue une religion, il y a aussi des facteurs contextuels. Malheureusement, il semble que personne ne se soucie de protéger et d’entretenir la semence de la foi dans mon cœur. Le contexte dans lequel je vis n’est pas facile ; il est même antagoniste. Cette époque est différente à la fois qualitativement et quantitativement de celle qu’ont connue mes pères et mères. Notre vision du monde est en train de changer de façon spectaculaire. Nous sommes à l’époque postmoderne. Les valeurs dominantes m’intimident chaque jour. Prêcher l’évangile, par exemple, est de plus en plus perçu comme imposer ses vues. Le pluralisme religieux se répand de plus en plus : une vision du monde qui enseigne que tous les chemins sont valables même si, parfois, ils se contredisent. Donc, mon être intérieur est continuellement bombardé par ces voix porteuses de doutes.

    Permettez-moi de partager brièvement mon histoire concernant le rôle de l’église dans mon cheminement spirituel.

    J’ai grandi dans une église et je fais partie de la troisième génération. Ma vie est un peu différente de celle de mes frères africains : je ne connaissais rien de la colonisation, car nous, en Éthiopie, nous n’avons jamais été colonisés. Pendant ma deuxième année d’études universitaires, cependant, j’ai lu un livre citant Jomo Kenyatta au sujet de la prière et de la Bible : ‘Quand les blancs sont venus, ils avaient la Bible, et nous nous avions notre terre … Mais ils nous ont enseignés à prier en fermant les yeux, et quand nous les avons ouverts, ils avaient notre terre et nous avions leur Bible’. J’ai été profondément choquée. Personne ne m’avait ‘vaccinée’: j’ai ressenti le doute comme un virus envahissant progressivement mes cellules.

    J’ai commencé à examiner ma foi. La plupart de mes amis, qui sont des chrétiens orthodoxes, m’ont tout de suite jugée et m’ont dit que ma foi était ‘importée’ et même que c’était un produit astucieux des colonisateurs. J’étais en plein désarroi ; j’ai couru vers ma mère et lui ai posé des questions. Même si nous n’avions pas connu la colonisation, ce doute m’est longtemps resté.

    Mon identité n’était pas non plus très claire. Différentes organisations missionnaires et une contextualisation sans critique du christianisme m’ont donné une identité bizarre. De temps en temps, je me pose ces questions : « Suis-je une chrétienne éthiopienne ? Puis-je me définir ainsi ? Si c’est le cas, ai-je perdu une bonne partie de ma tradition ? » Beaucoup d’autres questions me hantent. Dans ma tradition chrétienne, je ne peux pas exprimer ma culture parce que je suis chrétienne, je ne peux pas m’amuser et sortir avec des amis, parce qu’on me dit que je suis chrétienne… Alors, qu’est la vie sans mon identité ? L’église, bien sûr… OK… mais de toute façon je vais à l’église… J’ai été élevée avec des pratiques religieuses : mon baptême, ma conversion etc. Je ne suis pas vraiment sûre que tout cela a un sens.

    Malgré toutes ces questions, je vais toujours à l’église – avec tous mes doutes. Une chose est claire : je ne veux pas que mes doutes me rendent folle et me détournent de ma marche avec le Seigneur. Bien sûr, je suis jeune et beaucoup de choses me passent par la tête… Ê certains moments, mes doutes sont si forts que j’ai l’impression d’être sur le point de couler, ou que j’ai déjà coulé. Je me sens complètement impuissante.

    Cependant, dans toutes ces expériences, il y a une lueur d’espoir : Jésus. Jésus-Christ qui est le commencement et la fin de notre foi. (Hé 12:2). Je veux le connaître, lui, jakol kudho – celui qui enlève les épines. Aussi je supplie le corps du Christ de montrer son œuvre dans vos vies, afin que je puisse vraiment en faire l’expérience.

    Jésus est Emmanuel, Dieu avec nous, il marche avec nous dans les hauts et les bas. Comment pourrais-je transformer ces propositions cognitives en convictions vivantes surmontant mes doutes ? Je le demande au Seigneur. Il est là pour m’aider et lutter avec moi. En grandissant en lui, « Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité » est devenu, plus que jamais, ma prière fervente.

    Bien sûr, les doutes sont les doutes, mais leur influence peut être positive ou négative. Nous les jeunes, nous avons souvent des doutes sur le contenu de notre foi. Comme cela a été dit, nous devons faire appel à notre jakol kudho. Nous pouvons obtenir une réponse à nos doutes ou nous pouvons apprendre à vivre avec eux dans notre marche avec Dieu. L’important c’est que le Christ est au-delà de notre culture, de la religion dont on a hérité et de la compréhension de notre foi. Les doutes, lorsqu’ils sont bien gérés avec l’aide de la communauté spirituelle et de notre engagement pour le Christ, nous aident à mieux comprendre et approfondir notre foi.

    Pourtant, il nous faut discerner ceux qui sont destructeurs, ceux qui émanent de notre désir charnel d’être indulgent envers notre nature déchue. Parfois, les doutes sont une excuse à la désobéissance, un moyen de rejeter les exigences de la Parole de Dieu. Alors, il faut se réveiller ! La Parole de Dieu est toujours le moyen de discerner la nature des doutes : ceux qui approfondissent les convictions ou ceux qui entraînent vers l’incrédulité.

    Que cette semaine nous permette de partager nos doutes, que nous venions du Nord, où l’abondance nous pousse à douter, ou du Sud, où c’est le besoin et l’instabilité qui nous y conduisent. Partageons nos convictions les uns avec les autres devant le Seigneur Jésus qui nous permet de dépasser nos doutes. En renforçant notre relation avec lui avec l’aide de la communauté de foi, le doute approfondira nos convictions.

    Marcher avec des doutes et des convictions, c’est comme rouler en bicyclette : une pédale pour le doute et l’autre pour la conviction. Sans les deux, le parcours spirituel n’est pas possible.

    Que Dieu vous bénisse et bénisse cette semaine.

    ‚ÄîTigist Tesfaye Gelagle est engagée dans son église à Addis-Abeba (Éthiopie) ; elle a été stagiaire au bureau de la CMM/MCC aux Nations Unies à New York et a travaillé en Éthiopie avec Mennonite Economic Development Associates et Compassion International.

  • Au nom de nos frères et sœurs de l’Église Mennonite Intégrée aux Philippines et des églises d’Asie du Sud-Est, que je représente en tant qu’oratrice des Jeunes Anabaptistes, je voudrais vous saluer avec un joyeux « Bonjour ! ».

    C’était aussi en juillet, il y a 10 ans, que j’ai dit « Au revoir ! » à ce pays dans lequel j’ai vécu pendant un an en tant que participante à IVEP (International Visitor Exchange Program), neuf mois ici en Pennsylvanie et près de trois mois dans le Colorado. Je considère les États-Unis comme mon deuxième pays, car c’est le seul où j’ai vécu à part mon propre pays. Je voudrais donc rencontrer ceux qui viennent de Chambersburg, (Pennsylvanie), en particulier de Shalom Christian Academy où j’ai travaillé comme bénévole en 2004. Je voudrais aussi saluer les membres de l’assemblée mennonite de Marion, où je suis allée pendant quelques mois avec ma première famille d’accueil.

    Ê la mi-mai 2005, je me suis envolée pour Divide, dans le Colorado, et j’ai travaillé environ trois mois dans le Camp mennonite de Rocky Mountain, avant de finir mon année avec IVEP. Si vous aviez un emploi d’été à Rocky Mountain en 2005, ou étiez un des campeurs, nous nous sommes probablement déjà croisés et j’aimerais vous rencontrer pendant cette conférence.

    Mon expérience avec IVEP a changé ma vie. Elle a élargi ma vision du monde et m’a ouvert de nouvelles perspectives sur un grand nombre de questions internationales, telles que la diversité culturelle et celle des pratiques religieuses. Pendant cette année, je suis allée dans différentes églises, dont des églises non-mennonites. C’est aussi avec IVEP que pendant le Rassemblement de la CMM au Paraguay en 2009, j’ai pu témoigner et faire l’expérience de l’adoration de Dieu en esprit et en vérité, dans des styles différents fortement influencés par le contexte géo-culturel : depuis le style européen avec des hymnes harmonieux à la musique entraînante de l’Asie, de la musique sud-américaine aux accents luau à la danse enthousiaste de l’Afrique. Aucune n’est mauvaise, elles sont simplement différentes les unes des autres. Mélangez-les toutes, et Dieu doit en sourire de là-haut ! De la même manière, Dieu savoure le doux parfum du culte de ses enfants du monde entier s’élevant jusqu’à son trône.

    Ainsi, je me demande : Dieu pleure-t-il lorsque ces mêmes enfants ne peuvent marcher ensemble dans la paix ? Que pense Dieu quand il nous voit entrer en conflit, essayer de se réconcilier, et trop souvent, choisir de se séparer parce que c’est la solution la plus simple ?

    Le texte de la Parole sur lequel je voudrais fonder ma réponse se trouve dans Éphésiens 4:1–7.

    Introduction

    Trop souvent, l’Église se complait dans la situation décrite par l’image du mouton se reposant dans de verts pâturages arrosés par un ruisseau tranquille… Et souvent, lorsque d’autres troupeaux s’approchent, ils s’enfuient de l’autre côté, où l’herbe semble toujours plus ‘verte’. Que diriez-vous de dessiner une autre image de l’Église, celle d’un bataillon de l’armée du Dieu vivant, ainsi que l’illustre l’hymne ‘Onward Christians soldiers’ ?

    Il est décevant qu’aujourd’hui de nombreux chrétiens ne se comportent pas comme des soldats, mais agissent comme des enfants bagarreurs, qui débattent et se disputent, et recourent à la division comme seule solution à leurs problèmes. Et plutôt que de se multiplier par l’implantation d’églises, ils le font par ‘splanting’ (jeu de mot entre planting : implanter, et splitting : séparer).

    Qu’est-il arrivé au corps du Christ unie par une seule espérance, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême qui adore et sert un seul Dieu et Père de tous ? Qu’est-il arrivé au désir de maintenir l’unité de l’Esprit par le lien de la paix ? Permettez-moi de présenter trois raisons des conflits dans les églises : tout d’abord, lorsque le corps du Christ devient vaniteux et reflète la culture du ‘selfie’, avec la tendance narcissique d’aujourd’hui en considérant comme mineurs des problèmes majeurs, et les enjeux majeurs comme mineurs ; ensuite lorsqu’elle n’adhère plus à la fondation même sur laquelle elle est construite, ou pire, par orgueil, quand elle construit sa propre fondation ; enfin, quand les soldats de Dieu laissent tomber leur armure entière, et abandonnent la lutte.

    1. La Culture du ‘Selfie’

    Dans Ép 6:10–18, l’apôtre Paul exhorte les églises d’Éphèse à revêtir l’armure de Dieu, afin de lutter contre les ruses du diable. Les soldats chrétiens sont appelés à faire partie de l’armée du Dieu vivant pour mener une guerre spirituelle. Le problème est que l’ennemi se déguise si bien que beaucoup de chrétiens ne le reconnaissent pas, aussi ces mêmes soldats chrétiens finissent par ne pas attaquer l’ennemi, mais d’autres camarades.

    2. Jésus, notre Fondement

    Pour que l’Église vive dans le lien de la paix, elle ne doit pas perdre de vue le fondement sur lequel elle est construite : Car les fondations sont déjà en place dans la personne de Jésus-Christ, et nul ne peut en poser d’autres. (1 Co 3:11 BFC). Parfois, l’Église pense qu’inclure Jésus (le fondement même de notre foi) dans sa structure n’est pas ‘cool’ pour les jeunes : la mention de Jésus ne ferait que provoquer des problèmes avec ceux qui adhèrent à d’autres religions, et son nom en gros freinerait la croissance des églises. Ainsi, l’Église met Jésus à l’arrière-plan et lui intime de rester dans l’ombre, caché par la foule des activités et des rituels religieux. Comme le pivot central—et la seule raison de l’existence de l’Église—est mis de côté, il n’est pas surprenant que chacun commence à avoir ses propres orientations, ce qui finalement provoque des conflits.

    Jésus ne s’intéresse pas à la religion. Tout ce qu’il voulait, c’était une relation avec l’Église pour laquelle il est mort. Si l’Église ne retourne pas à la prédication de l’évangile et à la puissance salvatrice de Jésus-Christ, elle continuera à vivre dans l’impuissance, les conflits et la souffrance. Rappelez-vous que : […] prêcher la mort du Christ sur la croix est une folie pour ceux qui se perdent ; mais nous qui sommes sur la voie du salut, nous y discernons la puissance de Dieu. (1 Co 1:18).

    3. L’Armure complète de Dieu

    Éphésiens 6:11 dit : Prenez sur vous l’armure de Dieu. Parfois, l’armure peut être lourde, incitant les soldats chrétiens à la poser pour ‘faire une pause’. Pourtant la bataille n’est pas contre la chair et le sang, mais contre les puissances cosmiques et les forces spirituelles du mal. Un vrai soldat chrétien porte toujours la ceinture de la vérité, la cuirasse de la justice, les chaussures de l’Évangile de paix, le bouclier de la foi, le casque du salut et l’épée de l’Esprit. Il ne se bat pas pour provoquer un conflit, mais contre les conflits pour conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix.

    Jésus donne la paix, mais pas comme le monde la donne. Il nous appelle à la guerre, mais pas la guerre que mène le monde. Jésus nous appelle à lutter contre les injustices, les conflits et les doutes. La bonne nouvelle est que la bataille a déjà été gagnée à la croix, il y a 2 000 ans, quand Jésus est mort et ressuscité. Il a vaincu l’ennemi en conquérant la mort et l’enfer : il est ressuscité pour que l’Église vive dans la victoire. Bien plus, Jésus ne peut-il pas gagner pour nous ces batailles que sont les conflits ?

    Conclusion

    Église, arrête de rêver d’une Église parfaite et idéale. Appelle tous les soldats chrétiens ici-bas à cette guerre pour l’Église que le Christ a rachetée, sauvée par grâce, par la foi et non par les œuvres ; l’Église, qui n’agit pas selon ses propres désirs qui engendrent une religion, mais qui a une relation avec le Sauveur.

    Permettez-moi de terminer par une courte histoire, celle d’une jeune fille philippine prénommée Lenlen.

    Les parents de Lenlen ont rencontré les premiers missionnaires mennonites dans les années 1970. En fait, c’était dans une petite école biblique que ses parents se sont rencontrés et, plus tard, se sont mariés.

    Le plus ironique, c’est que deux groupes de missionnaires mennonites ayant des convictions et des pratiques bien différentes sont venus à peu près au même moment et ont implantés des églises chacun de son côté. Le premier groupe (qui avait fondé l’école biblique) était connu comme ‘progressiste’ parce que les femmes ne portaient pas la cape dress ni le head covering (vêtements portés par les femmes dans les milieux mennonites conservateurs) et ils chantaient des chants contemporains. L’autre, le groupe ‘conservateur’, menait une vie très simple comme en Amérique du Nord, et ses membres chantaient des hymnes.

    Les parents de Lenlen, ainsi que la plupart de ses grands-parents maternels et paternels, oncles, tantes et cousins, décidèrent de se joindre à l’assemblée ‘conservatrice’ quand elle avait deux ans. Grandissant dans cette paroisse, elle pensait que c’était la paroisse la plus parfaite, et la seule qui obéissait exactement aux enseignements de la Bible dans ses moindres détails : les vêtements, la tête couverte des femmes, le saint baiser, etc.

    Cependant, quelque chose de terrible s’est passé, qui a changé sa vie et son regard sur cette assemblée ‘parfaite’.

    Ses grands-parents maternels, tantes, oncles et cousins ont quitté l’assemblée en raison de différences irréconciliables. Ce fut un énorme exode, un exode amer qui plus est. Il y avait environ 9 enfants et la plupart d’entre eux étaient mariés, ils avaient leur propre famille et ils étaient des membres actifs de l’église !

    Le monde de Lenlen a basculé. Elle avait écouté en cachette des conversations entre adultes sur d’autres membres de l’assemblée et elle avait été complètement bouleversée. Elle ne comprenait pas pourquoi ils étaient tellement en colère et fâchés avec d’autres membres, et particulièrement avec les missionnaires blancs ! Cela a été un événement tragique car il avait des répercussions sur toutes les relations familiales.

    Quelques années plus tard, ce sont ses parents, et toute la famille de ses grands-parents paternels qui ont décidé de quitter les mennonites conservateurs. Son père, qui était un diacre ordonné de la paroisse, a emmené toute sa famille. Une des principales raisons de la séparation était que dans quelques années, Lenlen serait en âge d’aller à l’université, or ce n’était pas permis par les mennonites conservateurs ! Cette fois, son monde déjà sens dessus-dessous s’effondra totalement.

    Cette décision de se séparer de l’assemblée mennonite conservatrice entraîna la rupture brutale de ses relations avec ses amis les plus proches, et avec sa meilleure amie. Lenlen ne fut plus autorisée à participer aux camps de jeunes ; et le fait que cet ordre venait des responsables de son ancienne assemblée lui rendit encore plus pénible cette interdiction. La raison était incompréhensible pour elle : ils craignaient qu’elle ne pousse les autres à quitter aussi la paroisse ! Ce rejet la mit en colère parce qu’elle ne comprenait pas ce dont il s’agissait, ni pourquoi ces mêmes responsables qui disaient qu’ils voulaient que toute la famille revienne à l’assemblée, l’ostracisaient et ne lui permettaient pas de voir ses amis.

    Ce qui était le plus douloureux pour Lenlen était que son monde tout entier tournait autour de cette paroisse : même son école en faisait partie ! En fait, elle n’avait jamais fait de distinction entre la paroisse et l’école. Alors, quand sa famille quitta l’assemblée, non seulement son monde bascula, mais il disparut, et elle se retrouva flottant dans une bulle…

    Ce sentiment de flotter dans une bulle continua dans sa nouvelle école et dans la nouvelle assemblée locale dans laquelle elle se trouva transplantée. Elle vivait dans un état de confusion et de faiblesse, et elle se renferma sur elle-même. Ce fut la période la plus sombre, la plus triste, la plus déchirante, de sa vie. Ce fut sa ‘vallée de l’ombre de la mort’. Elle pleura beaucoup, silencieusement, pendant le plus profond de la nuit quand tout le monde dormait dans la maison.

    Par la grâce de Dieu, quelques années plus tard, sa famille retourna dans la paroisse mennonite ‘progressive’ dont ses parents avaient été membres auparavant. Lentement, l’angoisse de la séparation avec ses amis mennonites conservateurs s’atténua. Elle commen√ßa à accepter et à aimer la nouvelle assemblée où sa famille allait et se fit de nouveaux amis. Mais il lui fallut six ans pour être enfin heureuse dans une église.

    Malheureusement, cela n’a pas été le cas pour certains de ses oncles et tantes et d’autres amis : ils ont quitté l’Église. Aujourd’hui, certains de ses proches sont ‘sans église’ et n’ont pas envie d’y retourner. Ce qui est encore plus triste est qu’ils ont entendu parler de Jésus, mais ils n’ont plus aucune relation avec Lui.

    Avec cette histoire, je voudrais lancer un appel aux responsables d’églises déclenchant un conflit. Vous avez de grandes responsabilités et vous ne pourrez pas gagner ces batailles si 1) vous vous accrochez à vos propres désirs, 2) vous oubliez de garder vos yeux fixés sur Jésus, et 3) si vous posez les armes de Dieu, parce que vous êtes trop fatigués. Rappelez-vous qu’il y a des enfants et des jeunes pris au piège des conflits. La plupart du temps, ce sont eux qui grandissent en ha√Øssant les églises. Est-il étonnant que nous perdions nos jeunes dans nos assemblées ?

    Je veux dire à ceux d’entre vous, en particulier les jeunes qui se trouvent actuellement pris au piège dans un conflit d’église : il faut que vous sachiez que l’amour de Dieu est tenace, tendre et fidèle. Demeurez dans l’amour de Dieu, abandonnez-vous à lui, et ne perdez jamais de vue l’Évangile de Jésus-Christ. Rappelez-vous que Jésus-Christ a tout accompli sur la croix. Jésus a déjà remporté la victoire sur nos péchés et nos questions. Nos responsables sont aussi des êtres humains. Ils ont besoin de nos prières, et peut-être même de notre pardon.

    Ne nous attardons pas sur la mort de Jésus, mais réjouissons-nous aussi de la victoire de sa glorieuse résurrection. Gardons nos yeux fixés sur lui, en qui nous trouvons la guérison. Il est l’auteur et le consommateur de notre foi. Combattons le bon combat de la foi en étant des soldats vaillants et audacieux.

    Voyez-vous, mes amis, je suis moi aussi une victime des conflits et des séparations dans l’église. Lenlen, c’est mon surnom, Lenlen, c’est moi.

    —Remilyn G. Mondez est professeure adjointe d’anglais et prépare un doctorat en communication. Elle a participé au programme IVEP du Mennonite Central Committee en 2004, et était déléguée des Philippines au Sommet Mondial de la Jeunesse à Paraguay 2009.