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  • Tom : Nous marchons avec Dieu avec des doutes et des convictions. Doutes et convictions font partie de notre cheminement spirituel. Après tout, comme Hé 11:1 nous le rappelle ‘La foi est une manière de posséder déjà ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas’. Et comme le dit Paul dans 1 Co 13:12, ‘nous voyons dans un miroir et de façon confuse’. Voilà ce qu’est la foi : doute et conviction coexistent.

    Rebecca et moi abordons ce sujet dans des contextes très différents, Rebecca du Kenya et moi du Canada. C’est la meilleure façon d’approfondir nos convictions : être à l’écoute de la Parole de Dieu avec des oreilles différentes et à partir de milieux différents.

    Rebecca : Dans ma langue, le mot pour doute est kiawa. Chez les Luos du Kenya, kiawa est utilisé dans une situation où le résultat final n’est pas certain. En l’absence de traduction directe, kiawa signifie simplement ‘peut-être’. Cela peut-être négatif ou positif.

    Le doute dépend du contexte. L’expression, jakol kudho (celui qui enlève les épines) a été formée avec kiawa pour souligner le positif, ainsi que pour gommer les aspects négatifs du doute. Jakol kudho s’applique littéralement à quelqu’un qui enlève l’épine qui a percé le pied du voyageur. En tant que concept, ce terme s’applique à un aide, un assistant ou un compagnon.

    Dans mon pays, marcher à travers bois et forêts est très courant, surtout en milieu rural. Ce n’est pas une petite marche d’agrément, mais une marche remplie d’incertitudes et de dangers. On peut être attaqué par des marginaux ou des criminels, des membres d’un clan hostile, des serpents venimeux, des animaux sauvages, ou encore blessé par des arbustes épineux. On n’est pas sûrs d’arriver à bon port.

    Dans ce contexte, les moindres piqûres d’épines demandent des soins, car généralement elles pénètrent profondément dans la chair. Celui ou celle qui enlève les épines accompagne le voyageur et intervient. Il ou elle est utile, que le trajet soit facile ou dangereux : il ou elle rassure, soutient et guide le voyageur.

    Les deux sens du mot kiawa (doute) sont présents dans la traduction de la Bible en Luo. Dans Mt 14:31, Jésus demande à Pierre pourquoi il doute. Ici, ‘doute’ n’a pas de complément. La traduction littérale en Luo est ‘Pourquoi as-tu rajouté le doute ? ‘ C’est une réprimande.

    D’autre part, la traduction de ‘doute’ dans Ac 12:11 (l’histoire de l’emprisonnement de Pierre) en Luo est positive : ‘Maintenant, je sais que cela est vrai !’, plutôt que ‘Maintenant, je n’ai aucun doute !’ Les traductions dans Matthieu et Actes s’accordent avec l’usage culturel de ‘doute’ en Luo, qui peut être un blâme ou un compliment.

    Pierre est profondément endormi bien que son exécution soit prévue pour le lendemain, et la prison est très bien gardée (Ac 12:6). C’est très étonnant. Est-ce un acte de foi ? Pierre attendait-il tranquillement d’être avec Christ, ainsi que Paul l’écrit dans Ph 1:21 ‘Car pour moi, vivre, c’est Christ, et mourir m’est un gain’ ? Le parcours spirituel de Pierre sur la terre est sur le point de se conclure de manière horrible, mais il dort profondément ! Quelqu’un qui doute de sa destinée ne peut être plongé dans un tel sommeil.

    Dans ma tribu (Luo), la manière apparemment paisible dont Pierre attend sa fin, est exprimée par cette phrase : ‘wuoth gi jakok kudho’, qui signifie ‘en marche avec celui qui enlève les épines’. Tout au long, Pierre devait marcher avec jakol kudho, son compagnon et son aide ! Celui qui retire les épines est aux côtés de Pierre, en la personne de la servante Rhoda (v.13), dans le groupe de prière (v.5 et 12), et comme l’ange de Dieu (v.7). Différentes formes de jakol kudho sont parmi nous aujourd’hui, prêtes à répondre à nos besoins si nous voulons bien y prêter attention.

    Un écrivain africain, Kwame Wiredu, remarque à juste titre que la philosophie africaine (la pensée) est transmise oralement par les proverbes et le folklore. De même dans les Évangiles, nous trouvons l’utilisation idiomatique des mots ‘oreille’ et entendre’ : ‘Que celui qui a des oreilles […] entende !’ Dans Ac 12:7 et 8, jakol kudho apparait à Pierre, stupéfait, et lui parle. La responsabilité de Pierre est de prêter une oreille attentive et d’obéir : ‘Lève-toi vite […] Mets ta ceinture et lace tes sandales !’ Pierre a suivi jakol kudho (l’ange) vers la liberté, loin de la prison.

    Jakol kudho (‘celui qui enlève les épines’) devient une expression proverbiale qui complète le mot kiawa. La possibilité de douter lors de wuoth (marche ou voyage) est remplacée par une conviction empreinte d’espoir.

    Avec jakol kudho, kiawa est utilisé dans un sens qui connote une forte conviction. Jakol kudho intervient dans les situations difficiles pour permettre au voyageur de formuler ses questions et de répondre de manière adéquate. C’est ce qui se passe avec le retard de l’exécution de Pierre qui a donné aux frères le temps de prier avec ferveur. L’obéissance totale de Pierre aux instructions données par l’ange (v.7–10) a ouvert la porte vers la liberté. Ainsi, tout voyageur est redevable à jakol kudho lorsqu’il arrive sain et sauf. Il faut une prière fervente ou une communauté spirituelle, et l’obéissance des croyants qui demandent l’intervention de Dieu.

    Quand le voyageur—et jakol kudho—se mettent en route, la parenté du voyageur invoque des pouvoirs surnaturels. Ils ne cessent de chanter pour qu’il revienne sain et sauf, après quoi a lieu une cérémonie d’action de grâce. Dans Ac 12, la communauté des croyants, encore sous le choc de la perte de Jacques, prie de manière continue et fervente (avec compassion) pour Pierre. La prière communautaire a une importance primordiale dans notre cheminement spirituel.

    L’Église d’aujourd’hui fait face à des forces qui menacent son existence même. Elle est protégée par des systèmes économiques et sociopolitiques qui perpétuent l’hégémonie culturelle au détriment de l’harmonie et du calme. Il nous faut invoquer continuellement Jésus-Christ pour qu’il nous libère par l’Esprit Saint.

    Jésus, le plus grand jakol kudho, interviendra toujours, car il intercède pour nous auprès du Père (Hé 7:25).

    Passons cette semaine dans la prière de reconnaissance et de supplication. Avec la CMM, Dieu nous a donné un espace de communion. Ce n’est pas le moment d’être critique ou de prendre nos distances.

    Dans 1 Co 11:18, Paul met en garde contre les divisions dans l’Église, en particulier concernant des personnes ou des factions qui cherchent l’approbation de Dieu (v.18). Il est bon d’intercéder pour nos frères et sœurs chrétiens qui souffrent à cause de leur foi, comme par exemple les objecteurs de conscience, ceux qui croupissent dans les prisons de la pauvreté, ceux qui sont menacés par la présence envahissante de la laïcité et du radicalisme religieux, etc. Il est temps que notre théologie participe à la construction de la société et de l’économie mondiale pour établir une église mondiale de ‘paix juste’ !

    Christ, le plus grand jakol kudho est avec nous, même quand il semble n’y avoir aucune issue. N’oublions pas qu’il fait plus sombre juste avant l’aube ! Avec jakol kudho, les doutes sont des fenêtres qui s’ouvrent sur des convictions. Il est sain de douter, non pour provoquer des divisions, mais plutôt pour nous rassembler pour explorer, examiner et analyser les doutes de manière fraternelle. Le doute fait partie de la foi, car en doutant nous découvrons les questions, et en cherchant, nous arrivons à la vérité. Jakol kudho nous guidera vers la sécurité, loin des prisons gardées (Ac 12:6, v.11, 12 et 17) !

    Tom : Rebecca, mes pensées font écho aux tiennes. Pour nous, dans le Nord, le doute est inévitable, et souvent nécessaire et bon, comme tu le dis. Douter, quand c’est être vigilant ou soupçonner de probables fausses certitudes, est une bonne chose. Lorsque nous aspirons à des réponses simples un ‘doute bien orienté’ peut empêcher notre foi de devenir ‘aveugle’ et nos convictions dures et cassantes, incapables de répondre aux questions complexes de la foi et du discipulat. Cette forme de doute est essentielle pour que nos convictions reposent sur la foi et non sur la peur.

    Mais il y a aussi des formes de doute qui ont dévasté les églises de l’hémisphère Nord. Permettez-moi d’en nommer quelques-unes :

    Bien que nous souffrions de la pauvreté et du racisme dans le Nord, la richesse et les privilèges sont parmi les épines les plus dangereuses. Si la pauvreté et l’oppression constituent une prison pour beaucoup dans le Sud, comme le dit Rebecca, un trop grand nombre d’entre nous sont emprisonnés dans la forteresse de la richesse, des privilèges et du pouvoir. Nous pensons souvent que ce sont des ‘bénédictions’ et, comme Isra√´l, nous transformons Dieu en veau d’or de la prospérité, de la cupidité et de la violence. Nous devrions—non, nous devons—douter d’un tel dieu ! Est-il étonnant que beaucoup aujourd’hui se détournent avec dégoût d’une telle foi et ne veulent rien à voir à faire avec elle.

    Connaissance, science, technologie—les prétendues ‘bénédictions’ de notre culture—nous donnent l’illusion d’êtres maîtres de notre propre destin. Évidemment, un Dieu devenu inutile n’a guère d’intérêt, et beaucoup perdent la foi.

    Voilà notre monde. Qu’en est-il de l’Église, de notre foi ? Ici, il y a beaucoup plus d’épines. Par exemple, nous confessons que la Bible est la Parole de Dieu. Mais cette conviction peut être ébranlée par la pensée qu’il nous faut être experts pour la comprendre, ou parce qu’il est difficile de se mettre d’accord sur ce qu’elle dit, ou parce que nous sommes scandalisés par la façon dont nous voyons les autres l’utiliser. Pensons aux conflits actuels dans le Nord sur la sexualité. Beaucoup d’entre nous ont cessé de lire ensemble la Bible. Le doute peut facilement amener à l’indifférence, voire au mépris ou à la négligence, et finalement à la perte de la mémoire commune.

    Pour certains, la source la plus dommageable du doute est, ironiquement, l’Église elle-même. Notre longue complicité avec l’esclavage, le colonialisme et le traitement génocidaire des peuples indigènes nous hante jusqu’à ce jour. Au cours du siècle précédent, des millions de chrétiens ont tué des millions de chrétiens. En même temps, nous détruisons cyniquement la création de Dieu. Est-ce là le corps du Christ qu’un Dieu d’amour a envoyé pour sauver le monde, et non pour le condamner ?

    Nos propres églises peuvent ébranler nos convictions, soit parce qu’elles sont trop fermées et craintives, soit trop ouvertes et audacieuses. Vous avez peut-être même été profondément blessés par un membre de votre paroisse que vous regardiez comme un modèle et un enseignant. Les blessures et les trahisons conduisent trop souvent à une forme de doute qui mine convictions et foi.

    Dans de tels moments, il est tentant de pointer les autres du doigt. Mais si je suis honnête, c’est difficile pour moi de croire, d’aimer, de pardonner, de parler de l’évangile, de partager mes biens, de compatir avec ceux qui souffrent, de travailler à la paix et à la justice. Où est la puissance transformatrice de l’Esprit dans ma vie? Ma propre foi est-elle une illusion ? Je deviens moi-même la source de mon doute.

    Ces dangers font de notre parcours spirituel autant une lutte pour la survie que n’importe quelle épine ou animal sauvage.

    Comment marcher alors, non seulement avec des doutes, mais aussi avec des convictions fermes ?

    Concernant la foi, le début d’Hé 11 est réaliste : ‘un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas’. (v.1). ‘Car nous cheminons par la foi, non par la vue’ nous rappelle Paul dans 2 Co 5:7.

    Mais Hébreux insiste également sur le fait que quelqu’un marche avec nous sur ce chemin—Jésus. Nous voyons Jésus (Hé 2: 9), le ‘pionnier de notre foi’, selon Hé 12:2, notre jakol kudho, avec les mots de Rebecca, mis à l’épreuve tout comme nous (Hé 2:14–18).

    Certains jours, nous allons tous dans la même direction, chantant les mêmes cantiques, comme ici, lors de ce rassemblement. Dieu soit loué ! D’autres fois, nous trébuchons, nous nous accrochons les uns aux autres pour ne pas tomber ou même, nous nous disputons sur la voie à suivre. Avec Thomas, ce ‘douteur’ célèbre, nous demandons ‘Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment en connaîtrions-nous le chemin ? (Jn 14:5). Vous souvenez-vous de la réponse de Jésus ? ‘Je suis le chemin, la vérité, et la vie’ (v.6). Il est notre pionnier. Jésus est Dieu qui marche avec nous dans les doutes et les convictions. C’est sûrement la conviction la plus fondamentale dont nous avons besoin : non pas tant marcher avec Dieu mais que Dieu marche avec nous !

    Dans cette Bible, qui est souvent source de difficultés, Dieu marche aussi avec nous. C’est là que nos espoirs et nos convictions sont ancrées. C’est dans la longue histoire d’Isra√´l et des premiers disciples de Jésus que nous apprenons qu’un Dieu marche avec nous, que le fils de Dieu nous enseigne à marcher, qu’un Esprit nous anime et nous donne de la force, que nous recevons nos convictions concernant notre identité, notre vocation, notre mission. Nous ne pouvons négliger un tel don.

    Mais la Bible est Dieu marchant avec nous d’une autre manière aussi. Avec une honnêteté souvent brutale, elle parle de notre propre combat avec les doutes. L’histoire de Job a réconforté d’innombrables personnes aux prises au doute devant une souffrance incompréhensible. Le recueil des psaumes contient des cris de rage, des ressentiments, des lamentations et de la perplexité. ‘Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’, dit même Jésus sur la croix (Ps 22). Souvent ma prière désespérée reprend les paroles du père qui plaide pour que Jésus guérisse son fils. Quand Jésus lui demande s’il croit, il répond ‘Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi !’ (Mc 9:24).

    Parfois, notre foi n’est pas beaucoup plus que le doute avoué honnêtement devant Dieu. Mais c’est la foi—une confiance fondamentale au cœur de la plus sombre des nuits !

    La Bible n’est pas toujours une carte claire ou une lumière brillante, mais elle est toujours un témoin véridique d’un Dieu solidaire, même quand nous ne voyons rien, nous rappelant que nous ne sommes pas les premiers pour qui la foi est une lutte.

    Et l’Église? Bien sûr, l’Église met notre foi à l’épreuve. Après tout, vous et moi en faisons partie ! Cependant, elle est créée par Dieu, elle est l’œuvre de Dieu en devenir, un peuple qui apprend à marcher ensemble. Nous partageons des convictions, et nous partageons des doutes. Quand Paul dit aux Galates qu’ils doivent porter les fardeaux les uns des autres, cela veut dire aussi une foi parfois vacillante. Nous sommes tristes quand les doutes sont écrasants et que la foi s’estompe. Nous nous réjouissons quand la foi devient plus forte. Nous remercions Dieu pour ceux qui ont une forte conviction et une foi solide. Nous avons besoin d’eux dans notre parcours spirituel.

    Il suffit de penser aux sœurs et frères du passé, et à ceux qui marchent avec vous. Beaucoup sont ici, à côté de vous, venant de tous les coins du monde ! Ils sont des modèles de témoignage courageux et joyeux, d’amour patient, de pardon à couper le souffle, de passion pour la justice et la paix. Ils vous portent lorsque vous êtes faible, ils vous prennent par la main quand vous ne voyez pas le chemin. Ils incarnent celui qui enlève les épines. Vous êtes le corps de Christ, vous et nous tous ensemble, nous sommes Dieu en marche, avec foi, doute et conviction. Loué soit Dieu !

    Rebecca : Nous concluons comme nous avons commencé, avec des versets d’Hébreux :

    Redressez donc les mains défaillantes et les genoux chancelants, et pour vos pieds, faites des pistes droites, afin que le boiteux ne s’estropie pas, mais plutôt qu’il guérisse.

    Recherchez la paix avec tous, et la sanctification sans laquelle personne ne verra le Seigneur. Veillez à ce que personne ne vienne à se soustraire à la grâce de Dieu ; (Hé 12:12–15)

    Amen.

    —Rebecca Osiro est pasteure de l’assemblée EFC à Nairobi (Kenya), Église mennonite du Kenya. Elle a été élue vice-présidente de la CMM au cours des réunions du Conseil général de 2015. Tom Yoder Neufeld est professeur mennonite à la retraite et enseignait la théologie biblique à Waterloo (Ontario, Canada).

  • Les organisateurs de cette conférence sont tellement gentils qu’ils ne m’ont pas imposé de sujet, mais m’ont donné le choix parmi différents thèmes. Choisir parmi des choix est difficile ! Mais pas cette fois.

    J’ai choisi sans hésiter ‘En marche avec des doutes et des convictions’. Choisir les ‘doutes’ sans avoir de doutes, semble ironique, mais c’est ce qui s’est passé. Vous vous demandez peut-être pourquoi ce sujet m’intéresse. C’est en partie parce qu’il est proche de mon cœur, car c’est l’histoire de ma vie. D’une certaine manière, il y a apparemment dans ma vie des contradictions : des doutes et des convictions.

    Soyez patients avec moi : je vais vous expliquer.

    Bien sûr, le poids des doutes et des convictions ne s’équilibre pas toujours. Ê certains moments, je ressens les deux à la fois, et à d’autres moments, l’un des deux est plus fort que l’autre : il me semble que je grimpe une montagne faite de fortes convictions ou que je me retrouve dans les profondeurs de la fosse des doutes.

    Je suppose que mon parcours n’est pas unique. Dans ma ville natale, Addis-Abeba (Éthiopie), ainsi que dans le reste du monde (Afrique, Asie, Amérique latine, Amérique du Nord et Europe), beaucoup de jeunes connaissent les mêmes luttes. C’est notre vie. Et c’est particulièrement vrai quand on vit dans une époque post-moderne, où on peut ‘tout mettre sur la table’, où tout est bien, et où chacun croit pouvoir ‘enlever les épines’. Il est courant de trouver dans ma paroisse, dans ta paroisse, dans sa paroisse, des jeunes qui vivent entre doutes et convictions.

    Je vais répondre par une métaphore qui représente les jeunes de notre communauté mondiale spirituelle.

    La foi, c’est comme marcher avec des doutes et des convictions. J’aime profondément la tradition africaine [dont nous a parlé Rebecca]. Nous, les jeunes, dans notre cheminement avec Dieu, nous sommes confrontés à ces animaux sauvages et ces reptiles venimeux que sont les doutes. En effet, malgré tout leur courage et leurs efforts, il est impossible aux voyageurs de réussir à échapper aux épines.

    Poursuivant la métaphore des épines le long du voyage, je voudrais ajouter une dimension positive. Je partage ce qu’a écrit Timothy Keller dans son livre The Reason for God : ‘Une foi qui ne connait aucun doute est comme un corps humain sans anticorps’. Même si nous ne cherchons pas à avoir des doutes, ils permettent d’approfondir nos convictions dans notre marche avec Dieu. Mais cela ne signifie pas que les doutes ne pourraient pas nous pousser au bord d’un précipice où l’incrédulité, antithèse de la foi, remplacent les convictions.

    Bien sûr, la limite entre incrédulité et doute n’est pas toujours claire. Dans ce qui suit, je vais essayer de présenter brièvement l’origine de mes doutes.

    « D’où viennent mes doutes ? » Ainsi que vous le savez, certaines personnes sont importantes dans notre cheminement spirituel, nous avons des ancêtres, mères et pères spirituels. Quelquefois, il semble que la foi ne vaut pas la peine d’être poursuivie avec passion, elle est assimilée à la religion. Il me semble que ce n’est pas moi qui l’ai choisie, mais que j’en ai héritée. La constante diminution de membres [d’églises] dans le Nord et leur augmentation dans le Sud (dont la qualité de vie en Christ est médiocre) sèment le doute dans mon cœur. Un tel doute est négatif car il m’entraîne loin de mes convictions au lieu de les aiguiser.

    Outre le fait que la foi est devenue une religion, il y a aussi des facteurs contextuels. Malheureusement, il semble que personne ne se soucie de protéger et d’entretenir la semence de la foi dans mon cœur. Le contexte dans lequel je vis n’est pas facile ; il est même antagoniste. Cette époque est différente à la fois qualitativement et quantitativement de celle qu’ont connue mes pères et mères. Notre vision du monde est en train de changer de façon spectaculaire. Nous sommes à l’époque postmoderne. Les valeurs dominantes m’intimident chaque jour. Prêcher l’évangile, par exemple, est de plus en plus perçu comme imposer ses vues. Le pluralisme religieux se répand de plus en plus : une vision du monde qui enseigne que tous les chemins sont valables même si, parfois, ils se contredisent. Donc, mon être intérieur est continuellement bombardé par ces voix porteuses de doutes.

    Permettez-moi de partager brièvement mon histoire concernant le rôle de l’église dans mon cheminement spirituel.

    J’ai grandi dans une église et je fais partie de la troisième génération. Ma vie est un peu différente de celle de mes frères africains : je ne connaissais rien de la colonisation, car nous, en Éthiopie, nous n’avons jamais été colonisés. Pendant ma deuxième année d’études universitaires, cependant, j’ai lu un livre citant Jomo Kenyatta au sujet de la prière et de la Bible : ‘Quand les blancs sont venus, ils avaient la Bible, et nous nous avions notre terre … Mais ils nous ont enseignés à prier en fermant les yeux, et quand nous les avons ouverts, ils avaient notre terre et nous avions leur Bible’. J’ai été profondément choquée. Personne ne m’avait ‘vaccinée’: j’ai ressenti le doute comme un virus envahissant progressivement mes cellules.

    J’ai commencé à examiner ma foi. La plupart de mes amis, qui sont des chrétiens orthodoxes, m’ont tout de suite jugée et m’ont dit que ma foi était ‘importée’ et même que c’était un produit astucieux des colonisateurs. J’étais en plein désarroi ; j’ai couru vers ma mère et lui ai posé des questions. Même si nous n’avions pas connu la colonisation, ce doute m’est longtemps resté.

    Mon identité n’était pas non plus très claire. Différentes organisations missionnaires et une contextualisation sans critique du christianisme m’ont donné une identité bizarre. De temps en temps, je me pose ces questions : « Suis-je une chrétienne éthiopienne ? Puis-je me définir ainsi ? Si c’est le cas, ai-je perdu une bonne partie de ma tradition ? » Beaucoup d’autres questions me hantent. Dans ma tradition chrétienne, je ne peux pas exprimer ma culture parce que je suis chrétienne, je ne peux pas m’amuser et sortir avec des amis, parce qu’on me dit que je suis chrétienne… Alors, qu’est la vie sans mon identité ? L’église, bien sûr… OK… mais de toute façon je vais à l’église… J’ai été élevée avec des pratiques religieuses : mon baptême, ma conversion etc. Je ne suis pas vraiment sûre que tout cela a un sens.

    Malgré toutes ces questions, je vais toujours à l’église – avec tous mes doutes. Une chose est claire : je ne veux pas que mes doutes me rendent folle et me détournent de ma marche avec le Seigneur. Bien sûr, je suis jeune et beaucoup de choses me passent par la tête… Ê certains moments, mes doutes sont si forts que j’ai l’impression d’être sur le point de couler, ou que j’ai déjà coulé. Je me sens complètement impuissante.

    Cependant, dans toutes ces expériences, il y a une lueur d’espoir : Jésus. Jésus-Christ qui est le commencement et la fin de notre foi. (Hé 12:2). Je veux le connaître, lui, jakol kudho – celui qui enlève les épines. Aussi je supplie le corps du Christ de montrer son œuvre dans vos vies, afin que je puisse vraiment en faire l’expérience.

    Jésus est Emmanuel, Dieu avec nous, il marche avec nous dans les hauts et les bas. Comment pourrais-je transformer ces propositions cognitives en convictions vivantes surmontant mes doutes ? Je le demande au Seigneur. Il est là pour m’aider et lutter avec moi. En grandissant en lui, « Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité » est devenu, plus que jamais, ma prière fervente.

    Bien sûr, les doutes sont les doutes, mais leur influence peut être positive ou négative. Nous les jeunes, nous avons souvent des doutes sur le contenu de notre foi. Comme cela a été dit, nous devons faire appel à notre jakol kudho. Nous pouvons obtenir une réponse à nos doutes ou nous pouvons apprendre à vivre avec eux dans notre marche avec Dieu. L’important c’est que le Christ est au-delà de notre culture, de la religion dont on a hérité et de la compréhension de notre foi. Les doutes, lorsqu’ils sont bien gérés avec l’aide de la communauté spirituelle et de notre engagement pour le Christ, nous aident à mieux comprendre et approfondir notre foi.

    Pourtant, il nous faut discerner ceux qui sont destructeurs, ceux qui émanent de notre désir charnel d’être indulgent envers notre nature déchue. Parfois, les doutes sont une excuse à la désobéissance, un moyen de rejeter les exigences de la Parole de Dieu. Alors, il faut se réveiller ! La Parole de Dieu est toujours le moyen de discerner la nature des doutes : ceux qui approfondissent les convictions ou ceux qui entraînent vers l’incrédulité.

    Que cette semaine nous permette de partager nos doutes, que nous venions du Nord, où l’abondance nous pousse à douter, ou du Sud, où c’est le besoin et l’instabilité qui nous y conduisent. Partageons nos convictions les uns avec les autres devant le Seigneur Jésus qui nous permet de dépasser nos doutes. En renforçant notre relation avec lui avec l’aide de la communauté de foi, le doute approfondira nos convictions.

    Marcher avec des doutes et des convictions, c’est comme rouler en bicyclette : une pédale pour le doute et l’autre pour la conviction. Sans les deux, le parcours spirituel n’est pas possible.

    Que Dieu vous bénisse et bénisse cette semaine.

    ‚ÄîTigist Tesfaye Gelagle est engagée dans son église à Addis-Abeba (Éthiopie) ; elle a été stagiaire au bureau de la CMM/MCC aux Nations Unies à New York et a travaillé en Éthiopie avec Mennonite Economic Development Associates et Compassion International.

  • Au nom de nos frères et sœurs de l’Église Mennonite Intégrée aux Philippines et des églises d’Asie du Sud-Est, que je représente en tant qu’oratrice des Jeunes Anabaptistes, je voudrais vous saluer avec un joyeux « Bonjour ! ».

    C’était aussi en juillet, il y a 10 ans, que j’ai dit « Au revoir ! » à ce pays dans lequel j’ai vécu pendant un an en tant que participante à IVEP (International Visitor Exchange Program), neuf mois ici en Pennsylvanie et près de trois mois dans le Colorado. Je considère les États-Unis comme mon deuxième pays, car c’est le seul où j’ai vécu à part mon propre pays. Je voudrais donc rencontrer ceux qui viennent de Chambersburg, (Pennsylvanie), en particulier de Shalom Christian Academy où j’ai travaillé comme bénévole en 2004. Je voudrais aussi saluer les membres de l’assemblée mennonite de Marion, où je suis allée pendant quelques mois avec ma première famille d’accueil.

    Ê la mi-mai 2005, je me suis envolée pour Divide, dans le Colorado, et j’ai travaillé environ trois mois dans le Camp mennonite de Rocky Mountain, avant de finir mon année avec IVEP. Si vous aviez un emploi d’été à Rocky Mountain en 2005, ou étiez un des campeurs, nous nous sommes probablement déjà croisés et j’aimerais vous rencontrer pendant cette conférence.

    Mon expérience avec IVEP a changé ma vie. Elle a élargi ma vision du monde et m’a ouvert de nouvelles perspectives sur un grand nombre de questions internationales, telles que la diversité culturelle et celle des pratiques religieuses. Pendant cette année, je suis allée dans différentes églises, dont des églises non-mennonites. C’est aussi avec IVEP que pendant le Rassemblement de la CMM au Paraguay en 2009, j’ai pu témoigner et faire l’expérience de l’adoration de Dieu en esprit et en vérité, dans des styles différents fortement influencés par le contexte géo-culturel : depuis le style européen avec des hymnes harmonieux à la musique entraînante de l’Asie, de la musique sud-américaine aux accents luau à la danse enthousiaste de l’Afrique. Aucune n’est mauvaise, elles sont simplement différentes les unes des autres. Mélangez-les toutes, et Dieu doit en sourire de là-haut ! De la même manière, Dieu savoure le doux parfum du culte de ses enfants du monde entier s’élevant jusqu’à son trône.

    Ainsi, je me demande : Dieu pleure-t-il lorsque ces mêmes enfants ne peuvent marcher ensemble dans la paix ? Que pense Dieu quand il nous voit entrer en conflit, essayer de se réconcilier, et trop souvent, choisir de se séparer parce que c’est la solution la plus simple ?

    Le texte de la Parole sur lequel je voudrais fonder ma réponse se trouve dans Éphésiens 4:1–7.

    Introduction

    Trop souvent, l’Église se complait dans la situation décrite par l’image du mouton se reposant dans de verts pâturages arrosés par un ruisseau tranquille… Et souvent, lorsque d’autres troupeaux s’approchent, ils s’enfuient de l’autre côté, où l’herbe semble toujours plus ‘verte’. Que diriez-vous de dessiner une autre image de l’Église, celle d’un bataillon de l’armée du Dieu vivant, ainsi que l’illustre l’hymne ‘Onward Christians soldiers’ ?

    Il est décevant qu’aujourd’hui de nombreux chrétiens ne se comportent pas comme des soldats, mais agissent comme des enfants bagarreurs, qui débattent et se disputent, et recourent à la division comme seule solution à leurs problèmes. Et plutôt que de se multiplier par l’implantation d’églises, ils le font par ‘splanting’ (jeu de mot entre planting : implanter, et splitting : séparer).

    Qu’est-il arrivé au corps du Christ unie par une seule espérance, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême qui adore et sert un seul Dieu et Père de tous ? Qu’est-il arrivé au désir de maintenir l’unité de l’Esprit par le lien de la paix ? Permettez-moi de présenter trois raisons des conflits dans les églises : tout d’abord, lorsque le corps du Christ devient vaniteux et reflète la culture du ‘selfie’, avec la tendance narcissique d’aujourd’hui en considérant comme mineurs des problèmes majeurs, et les enjeux majeurs comme mineurs ; ensuite lorsqu’elle n’adhère plus à la fondation même sur laquelle elle est construite, ou pire, par orgueil, quand elle construit sa propre fondation ; enfin, quand les soldats de Dieu laissent tomber leur armure entière, et abandonnent la lutte.

    1. La Culture du ‘Selfie’

    Dans Ép 6:10–18, l’apôtre Paul exhorte les églises d’Éphèse à revêtir l’armure de Dieu, afin de lutter contre les ruses du diable. Les soldats chrétiens sont appelés à faire partie de l’armée du Dieu vivant pour mener une guerre spirituelle. Le problème est que l’ennemi se déguise si bien que beaucoup de chrétiens ne le reconnaissent pas, aussi ces mêmes soldats chrétiens finissent par ne pas attaquer l’ennemi, mais d’autres camarades.

    2. Jésus, notre Fondement

    Pour que l’Église vive dans le lien de la paix, elle ne doit pas perdre de vue le fondement sur lequel elle est construite : Car les fondations sont déjà en place dans la personne de Jésus-Christ, et nul ne peut en poser d’autres. (1 Co 3:11 BFC). Parfois, l’Église pense qu’inclure Jésus (le fondement même de notre foi) dans sa structure n’est pas ‘cool’ pour les jeunes : la mention de Jésus ne ferait que provoquer des problèmes avec ceux qui adhèrent à d’autres religions, et son nom en gros freinerait la croissance des églises. Ainsi, l’Église met Jésus à l’arrière-plan et lui intime de rester dans l’ombre, caché par la foule des activités et des rituels religieux. Comme le pivot central—et la seule raison de l’existence de l’Église—est mis de côté, il n’est pas surprenant que chacun commence à avoir ses propres orientations, ce qui finalement provoque des conflits.

    Jésus ne s’intéresse pas à la religion. Tout ce qu’il voulait, c’était une relation avec l’Église pour laquelle il est mort. Si l’Église ne retourne pas à la prédication de l’évangile et à la puissance salvatrice de Jésus-Christ, elle continuera à vivre dans l’impuissance, les conflits et la souffrance. Rappelez-vous que : […] prêcher la mort du Christ sur la croix est une folie pour ceux qui se perdent ; mais nous qui sommes sur la voie du salut, nous y discernons la puissance de Dieu. (1 Co 1:18).

    3. L’Armure complète de Dieu

    Éphésiens 6:11 dit : Prenez sur vous l’armure de Dieu. Parfois, l’armure peut être lourde, incitant les soldats chrétiens à la poser pour ‘faire une pause’. Pourtant la bataille n’est pas contre la chair et le sang, mais contre les puissances cosmiques et les forces spirituelles du mal. Un vrai soldat chrétien porte toujours la ceinture de la vérité, la cuirasse de la justice, les chaussures de l’Évangile de paix, le bouclier de la foi, le casque du salut et l’épée de l’Esprit. Il ne se bat pas pour provoquer un conflit, mais contre les conflits pour conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix.

    Jésus donne la paix, mais pas comme le monde la donne. Il nous appelle à la guerre, mais pas la guerre que mène le monde. Jésus nous appelle à lutter contre les injustices, les conflits et les doutes. La bonne nouvelle est que la bataille a déjà été gagnée à la croix, il y a 2 000 ans, quand Jésus est mort et ressuscité. Il a vaincu l’ennemi en conquérant la mort et l’enfer : il est ressuscité pour que l’Église vive dans la victoire. Bien plus, Jésus ne peut-il pas gagner pour nous ces batailles que sont les conflits ?

    Conclusion

    Église, arrête de rêver d’une Église parfaite et idéale. Appelle tous les soldats chrétiens ici-bas à cette guerre pour l’Église que le Christ a rachetée, sauvée par grâce, par la foi et non par les œuvres ; l’Église, qui n’agit pas selon ses propres désirs qui engendrent une religion, mais qui a une relation avec le Sauveur.

    Permettez-moi de terminer par une courte histoire, celle d’une jeune fille philippine prénommée Lenlen.

    Les parents de Lenlen ont rencontré les premiers missionnaires mennonites dans les années 1970. En fait, c’était dans une petite école biblique que ses parents se sont rencontrés et, plus tard, se sont mariés.

    Le plus ironique, c’est que deux groupes de missionnaires mennonites ayant des convictions et des pratiques bien différentes sont venus à peu près au même moment et ont implantés des églises chacun de son côté. Le premier groupe (qui avait fondé l’école biblique) était connu comme ‘progressiste’ parce que les femmes ne portaient pas la cape dress ni le head covering (vêtements portés par les femmes dans les milieux mennonites conservateurs) et ils chantaient des chants contemporains. L’autre, le groupe ‘conservateur’, menait une vie très simple comme en Amérique du Nord, et ses membres chantaient des hymnes.

    Les parents de Lenlen, ainsi que la plupart de ses grands-parents maternels et paternels, oncles, tantes et cousins, décidèrent de se joindre à l’assemblée ‘conservatrice’ quand elle avait deux ans. Grandissant dans cette paroisse, elle pensait que c’était la paroisse la plus parfaite, et la seule qui obéissait exactement aux enseignements de la Bible dans ses moindres détails : les vêtements, la tête couverte des femmes, le saint baiser, etc.

    Cependant, quelque chose de terrible s’est passé, qui a changé sa vie et son regard sur cette assemblée ‘parfaite’.

    Ses grands-parents maternels, tantes, oncles et cousins ont quitté l’assemblée en raison de différences irréconciliables. Ce fut un énorme exode, un exode amer qui plus est. Il y avait environ 9 enfants et la plupart d’entre eux étaient mariés, ils avaient leur propre famille et ils étaient des membres actifs de l’église !

    Le monde de Lenlen a basculé. Elle avait écouté en cachette des conversations entre adultes sur d’autres membres de l’assemblée et elle avait été complètement bouleversée. Elle ne comprenait pas pourquoi ils étaient tellement en colère et fâchés avec d’autres membres, et particulièrement avec les missionnaires blancs ! Cela a été un événement tragique car il avait des répercussions sur toutes les relations familiales.

    Quelques années plus tard, ce sont ses parents, et toute la famille de ses grands-parents paternels qui ont décidé de quitter les mennonites conservateurs. Son père, qui était un diacre ordonné de la paroisse, a emmené toute sa famille. Une des principales raisons de la séparation était que dans quelques années, Lenlen serait en âge d’aller à l’université, or ce n’était pas permis par les mennonites conservateurs ! Cette fois, son monde déjà sens dessus-dessous s’effondra totalement.

    Cette décision de se séparer de l’assemblée mennonite conservatrice entraîna la rupture brutale de ses relations avec ses amis les plus proches, et avec sa meilleure amie. Lenlen ne fut plus autorisée à participer aux camps de jeunes ; et le fait que cet ordre venait des responsables de son ancienne assemblée lui rendit encore plus pénible cette interdiction. La raison était incompréhensible pour elle : ils craignaient qu’elle ne pousse les autres à quitter aussi la paroisse ! Ce rejet la mit en colère parce qu’elle ne comprenait pas ce dont il s’agissait, ni pourquoi ces mêmes responsables qui disaient qu’ils voulaient que toute la famille revienne à l’assemblée, l’ostracisaient et ne lui permettaient pas de voir ses amis.

    Ce qui était le plus douloureux pour Lenlen était que son monde tout entier tournait autour de cette paroisse : même son école en faisait partie ! En fait, elle n’avait jamais fait de distinction entre la paroisse et l’école. Alors, quand sa famille quitta l’assemblée, non seulement son monde bascula, mais il disparut, et elle se retrouva flottant dans une bulle…

    Ce sentiment de flotter dans une bulle continua dans sa nouvelle école et dans la nouvelle assemblée locale dans laquelle elle se trouva transplantée. Elle vivait dans un état de confusion et de faiblesse, et elle se renferma sur elle-même. Ce fut la période la plus sombre, la plus triste, la plus déchirante, de sa vie. Ce fut sa ‘vallée de l’ombre de la mort’. Elle pleura beaucoup, silencieusement, pendant le plus profond de la nuit quand tout le monde dormait dans la maison.

    Par la grâce de Dieu, quelques années plus tard, sa famille retourna dans la paroisse mennonite ‘progressive’ dont ses parents avaient été membres auparavant. Lentement, l’angoisse de la séparation avec ses amis mennonites conservateurs s’atténua. Elle commen√ßa à accepter et à aimer la nouvelle assemblée où sa famille allait et se fit de nouveaux amis. Mais il lui fallut six ans pour être enfin heureuse dans une église.

    Malheureusement, cela n’a pas été le cas pour certains de ses oncles et tantes et d’autres amis : ils ont quitté l’Église. Aujourd’hui, certains de ses proches sont ‘sans église’ et n’ont pas envie d’y retourner. Ce qui est encore plus triste est qu’ils ont entendu parler de Jésus, mais ils n’ont plus aucune relation avec Lui.

    Avec cette histoire, je voudrais lancer un appel aux responsables d’églises déclenchant un conflit. Vous avez de grandes responsabilités et vous ne pourrez pas gagner ces batailles si 1) vous vous accrochez à vos propres désirs, 2) vous oubliez de garder vos yeux fixés sur Jésus, et 3) si vous posez les armes de Dieu, parce que vous êtes trop fatigués. Rappelez-vous qu’il y a des enfants et des jeunes pris au piège des conflits. La plupart du temps, ce sont eux qui grandissent en ha√Øssant les églises. Est-il étonnant que nous perdions nos jeunes dans nos assemblées ?

    Je veux dire à ceux d’entre vous, en particulier les jeunes qui se trouvent actuellement pris au piège dans un conflit d’église : il faut que vous sachiez que l’amour de Dieu est tenace, tendre et fidèle. Demeurez dans l’amour de Dieu, abandonnez-vous à lui, et ne perdez jamais de vue l’Évangile de Jésus-Christ. Rappelez-vous que Jésus-Christ a tout accompli sur la croix. Jésus a déjà remporté la victoire sur nos péchés et nos questions. Nos responsables sont aussi des êtres humains. Ils ont besoin de nos prières, et peut-être même de notre pardon.

    Ne nous attardons pas sur la mort de Jésus, mais réjouissons-nous aussi de la victoire de sa glorieuse résurrection. Gardons nos yeux fixés sur lui, en qui nous trouvons la guérison. Il est l’auteur et le consommateur de notre foi. Combattons le bon combat de la foi en étant des soldats vaillants et audacieux.

    Voyez-vous, mes amis, je suis moi aussi une victime des conflits et des séparations dans l’église. Lenlen, c’est mon surnom, Lenlen, c’est moi.

    —Remilyn G. Mondez est professeure adjointe d’anglais et prépare un doctorat en communication. Elle a participé au programme IVEP du Mennonite Central Committee en 2004, et était déléguée des Philippines au Sommet Mondial de la Jeunesse à Paraguay 2009.

  • Salutations à mes frères et sœurs anabaptistes. Merci de m’avoir invité et merci d’être venus. C’est une grande joie d’être ensemble. J’habite à Lancaster, à 45 minutes d’ici ; certains d’entre vous en ont peut-être entendu parler, et beaucoup d’entre vous y logent sans doute cette semaine. Je peux donc vous dire ‘Bienvenue !’ Je suis tellement heureux que cet événement se passe dans ma communauté. Je me souviens de la Conférence Mennonite Mondiale au Zimbabwe en 2003, et de la joie de me trouver dans un groupe de croyants si divers. J’avais l’impression d’assister à une réunion de famille !

    Mes parents, Dale Ressler et Dorca Kisare, ont tous deux été élevés dans des familles de pasteurs mennonites, mon père dans l’Ohio aux États-Unis, et ma mère dans la région de North Mara en Tanzanie. Ils se sont rencontrés quand mon père était missionnaire en Tanzanie. J’ai donc non seulement deux origines raciales différentes mais aussi deux origines nationales. Il n’y a pas de catégorie correspondant à mes origines, et je voudrais bien un jour qu’il y ait une case : ‘Suba-Luo-Suisse-Allemand-Tanzanien-Américain-anabaptiste mennonite’ ! Remarquez que je mets aussi mennonite. Certains aiment utiliser le terme ‘mennonite ethnique’ pour indiquer leur origine biologique européenne où l’anabaptisme s’est d’abord manifesté. Bien que ce soit l’origine de mon père, ce n’est pas celle de ma mère. Pourtant, je suis mennonite ethnique des deux côtés.

    Mais cette origine—Aussi variée sur le plan racial et culturel –est unifiée, et pas seulement en Christ, mais dans une même compréhension du Christ et de son appel. Dans ce sens, je suis ‘monoculturel’. Ainsi que Shant l’a dit ce matin, il y a ici de nombreuses personnes venant de divers endroits. Par nos parents, nous portons des noms très différents et nous avons des origines très variées, mais nous avons tous en commun l’histoire et la pensée anabaptistes. Nous sommes tous ethniquement anabaptistes car nous servons le Christ dans cette tradition partout où nous allons, et l’anabaptisme est devenu notre identité fondamentale.

    Je suis reconnaissant à la Commission Diacres de la CMM de m’avoir invité à prendre la parole aujourd’hui, car ce thème est important dans le monde d’aujourd’hui. Marcher avec autonomie et en communauté n’est pas facile. Partout dans le monde, le christianisme est confronté à des défis. Ici, des gens sont harcelés et tués pour leur foi en Jésus. Là, les églises se divisent parce que les croyants ne peuvent se mettre d’accord. Encore ailleurs, des portes se ferment car les membres vieillissent et leur nombre diminue. Je m’intéresse à la façon dont l’Église anabaptiste pourrait regagner son assurance et redevenir prophétique et audacieuse.

    Ce matin, méditons sur Matthieu 23:1–29.

    Malheur à vous, maîtres de la loi et Pharisiens, hypocrites ! […] (v.13, 15, 23, 25, 27, 29). Malheur à vous, conducteurs aveugles ! […] (v.16 BFC)

    C’est l’Église d’aujourd’hui, frères et sœurs. Beaucoup d’entre nous sont devenus des pharisiens et des scribes (maîtres de la loi) si bien versés dans les Écritures que les mots ont perdu leur signification. Par exemple, être chrétien aux États-Unis aujourd’hui est davantage une question d’image que de substance. Il faut avoir les bonnes opinions (celles qui sont couramment adoptées). Il faut agir comme tout le monde. Il faut dire que l’on croit la même chose que les autres… Finalement, nous nous protégeons, nous, notre pouvoir et nos privilèges en créant un état d’esprit de ‘nous-contre-eux’. Nous ne sommes pas ouverts à la nouveauté et nous diluons ce que nous avons d’unique.

    Aux États-Unis, beaucoup de mennonites ont abandonné leur pacifisme pour être se conformer au christianisme américain. Aussi, nous nous taisons, bien que nous soyons le premier vendeur d’armes du monde, avec la plus grande puissance militaire et une politique économique, environnementale et étrangère des plus destructrices. L’intérieur de notre coupe est sale. Pourtant, ce que l’on entend du haut des chaires et dans les informations ne concerne que les péchés des autres, le fait que l’extérieur de la coupe des autres est plus sale que la nôtre.

    Dans notre désir de confort et de puissance, nous avons bâti l’Église davantage pour les personnes que pour le Royaume de Dieu. Nous avons oublié que le péché n’est pas seulement individuel mais communautaire. Malheur à nous, car nous avons choisi d’utiliser égoïstement la puissance de Jésus Christ pour notre propre gain et pour laisser dehors ceux qui sont différents de nous, afin de nous sentir meilleurs qu’eux.

    Le rôle de la Commission Diacres est d’aider nos églises à se soutenir mutuellement. Je crois que c’est par la vulnérabilité que l’Église y arrivera. Nous devons nous soutenir les uns les autres non en soulignant les péchés des autres, mais en reconnaissant les nôtres. C’est difficile et peu naturel sans l’appel de Jésus-Christ à le faire. J’aimerais vous inviter à vous joindre à moi. Se repentir, ce n’est pas seulement s’excuser ou chercher à être pardonné. La repentance c’est reconnaître avoir mal agi, avoir péché, et choisir de se détourner de cette acte ou de ce mode de vie.

    Les péchés communautaires que je commets entant qu’Américain, sont différents de ceux que je commets en tant que Tanzanien. Je ne peux présenter des excuses qu’en mon propre nom. Je vous invite donc à réfléchir à la façon dont vous avez injustement bénéficiés [de privilèges de par votre nationalité].

    Je vous invite à vous joindre à moi pour prononcer ces mots : « Nous nous repentons et nous demandons pardon. Seigneur, conduis-nous. »

    Jésus, je confesse que avoir plus profité du capitalisme que beaucoup d’autres et que trop souvent, j’ai négligé ton appel à partager mon abondance avec ceux qui ont moins que moi. Je confesse que j’ai agi par intérêt, sans souci de ceux qui en paient les conséquences.

    « Nous nous repentons et nous demandons pardon. Seigneur, conduis-nous. »

    Jésus, je confesse que nous avons choisi la destruction plutôt que la construction, les bombes plutôt que le pain. Je suis resté silencieux devant la violence de l’État, et de la violence des individus, parce que je voulais être tranquille.

    « Nous nous repentons et nous demandons pardon. Seigneur, conduis-nous. »

    Jésus, je confesse que l’Église m’a privilégié en refusant d’accueillir les autres. Ce refus ne permet pas au Royaume de Dieu de croître autant qu’il le pourrait. Nous avons choisi le confort plutôt que les enfants du Christ.

    « Nous nous repentons et nous demandons pardon. Seigneur, conduis-nous. »

    Jésus, je confesse que la Bible et la prière sont trop souvent utilisées comme une arme pour rétrécir la porte plutôt que d’élargir le chemin. Nous faisons attendre trop longtemps ceux qui ont des questions difficiles et nous ignorons trop longtemps ceux que tu nous envoies pour nous aider à mieux comprendre.

    « Nous nous repentons et nous demandons pardon. Seigneur, conduis-nous. »

    Le monde évolue rapidement. La technologie évolue à une vitesse incroyable. Les pays qui étaient autrefois si puissants ne le sont plus. Les systèmes judiciaires et les systèmes économiques ont vu leurs fissures devenir des canyons. Trop souvent, l’Église chrétienne dans son ensemble a considéré le leadership comme la conquête du pouvoir politique, et a imposé cette perspective aux autres. Cela a été la cause de beaucoup de péchés auxquels les églises ont participé ; au siècle dernier, le colonialisme a probablement été le plus grand d’entre eux. Au XXIe siècle, nous devons apprendre à nous écouter mutuellement. Nous devons voir la valeur de celui auquel s’adresse la mission, tout autant que celle du missionnaire. Nous devons apprendre à grandir ensemble. Je me réjouis de la façon dont l’Église va grandir dans l’égalité, plutôt que comme ‘jardiniers et plantes’, inégaux en puissance et en influence.

    C’est toujours un défi d’équilibrer autonomie et communauté. Quelquefois, il semble plus naturel de dire ‘autonomie par opposition à communauté’. Mais c’est notre diversité qui nous permet de m√ªrir. Bien que nous ne découvrions notre autonomie qu’en découvrant notre différence avec les autres, elle n’a aucune valeur si nous ne faisons pas passer nos priorités individuelles après celles de la communauté en l’enrichissant grâce à nos dons uniques. C’est vrai pour nous en tant qu’individus dans les assemblées locales ainsi que pour les assemblées présentes à cette conférence.

    Merci de m’avoir invité à prendre la parole ce matin. ‘Asante Sana. Mungu atubariki’. (Merci et que Dieu nous bénisse, en swahili).

    ‚ÄîKevin Ressler a une double culture : une mère tanzanienne et un père nord-américain. Il a une maîtrise en théologie et a étudié la justice, la paix et les conflits.

  • Pendant ce 16e Rassemblement de la CMM, Pennsylvanie 2015, nous célébrons de nouveau notre foi anabaptiste mennonite et notre vie commune dans le Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

    Je vous salue en cette occasion en vous souhaitant le ‘meilleur’ au nom de la Commission Diacres de la CMM, au nom des églises et des chrétiens anabaptistes mennonites d’Inde et au nom de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

    Je remercie la Commission Diacres de la CMM de m’avoir invité à m’adresser à cette assemblée en cette journée de la Commission Diacres. Ceci m’a permis de participer au 16e Rassemblement de la CMM.

    La méditation d’aujourd’hui est tirée de Galates 5, versets 13 et 14 : Frères (y compris les sœurs), vous avez été appelés à la liberté ; seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte pour vivre selon la chair, mais par amour, soyez serviteurs les uns des autres. Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même’.

    Ê mon sens, ces versets résument très bien notre vie dans la communauté spirituelle, et fournissent une bonne base pour le thème de notre méditation ‘En marche avec autonomie et en communauté’, dans le cadre du thème général de ce Rassemblement ‘En marche avec Dieu’. Je vous invite donc à vous joindre à moi dans cette méditation (toutes les citations bibliques sont tirées de la Bible Segond Révisée).

    Méditation

    Dans ces deux versets de Ga 5:13–14, trois expressions correspondent aux trois mots-clés de notre thème. Examinons-les.

    La première expression ‘appelés à la liberté’ explique ce qu’est l’autonomie. Le Dieu de la Bible, le Père de notre Seigneur, est un Dieu merveilleux. Sa volonté et son plan, c’est que ceux qui sont en Christ Jésus soient libérés de tous les esclavages, y compris ceux de la soumission aux ‘tuteurs et administrateurs’ et aux ‘principes élémentaires du monde’ (Ga 4:2–3). En d’autres mots, en Christ Jésus, nous sommes libérés de l’esclavage de toutes les règles humaines et des règlements sociaux, religieux, moraux, spirituels et politiques de ce monde.

    En fait, en Christ Jésus nous sommes libérés pour cette liberté dont Dieu lui-même jouit, parce qu’en Jésus-Christ, le Fils de Dieu, nous sommes appelés à être enfants de Dieu (Ga 4:4-7). C’est l’autonomie, c’est-à-dire la liberté de s’autodéterminer, liberté dont toute personne ou communauté est appelée à jouir du fait d’être en Christ Jésus.

    La deuxième expression est ‘par amour, soyez serviteurs’ ; ceci définit ‘en marche’. Le Dieu qui nous a libérés en Jésus-Christ pour une sainte liberté est un Dieu d’amour. En Jésus-Christ, à cause de son amour, ce Dieu est devenu serviteur, pour servir les êtres humains ; il est mort sur la croix (Ph 2:6–9) pour nous amener à la sainte liberté. Ainsi, marcher avec Dieu, c’est-à-dire marcher comme des enfants de Dieu, c’est marcher dans l’amour, s’engager librement au service des autres comme l’a fait Jésus notre Seigneur.

    Il convient de noter que le mot grec utilisé sous sa forme nominale et traduit par ‘esclave’ dans Philippiens 2:7 pour parler de notre Seigneur, est employé ici sous sa forme verbale et rendu par ‘soyez serviteurs’. Dans Marc 10/44, utilisant le même mot sous sa forme nominale, Jésus notre Seigneur nous exhorte, nous responsables chrétiens, à être les ‘esclaves’ de tous.

    Le commandement de Lévitique 19:18 : ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même’ cité ici au v 14 est fondamental pour comprendre l’expression ‘par amour, soyez serviteurs’. Cet amour, décrit dans cette loi de l’Ancien Testament, qualifiée de ‘loi royale’ dans Jacques 2/8, est explicité en Matthieu 5/43-44 par notre Seigneur, comme ne s’adressant pas seulement aux membres de la communauté de foi, mais aussi aux ennemis.

    Le corps enseignant du CeFor Bienenberg (Centre de Formation et de Rencontre européen) a déclaré, dans un communiqué datant du 15 octobre 2014 et posté sur le site internet de la CMM: ‘la terreur de l’État Islamique ne rend pas le pacifisme désuet’. Ceci veut dire qu’aucun terrorisme ne peut nous forcer à recourir à la violence, ni nous empêcher d’aimer et de faire du bien aux autres, même à ceux qui nous terrorisent. C’est cela notre marche.

    La troisième expression, ‘les uns les autres’ décrit la communauté. Cette expression rappelle la mutualité, une communauté qui vit dans l’unité. Dieu appelle des personnes différentes à la foi en Christ Jésus et les unit dans une nouvelle humanité, le corps du Christ Jésus, qui est l’Église, la communauté de foi. Le commandement ‘par amour, soyez serviteurs les uns des autres’ signifie que, malgré notre sainte liberté en Jésus-Christ, nous tous qui appartenons à cette communauté spirituelle, avons besoin du soutien plein d’amour des autres ; cela signifie aussi que nous avons tous des dons et des capacités pour nous soutenir les uns les autres.

    Tout comme notre Seigneur est incomplet sans son corps, l’Église, et qu’il en a besoin pour son ministère dans le monde (Ép 1:23), ainsi nous aussi sommes incomplets sans les autres et nous avons besoin des contributions de chacun dans notre communauté spirituelle mondiale pour notre vie chrétienne, notre témoignage et notre ministère dans le monde.

    Ainsi la communauté spirituelle, c’est le partage de vies libérées en Christ Jésus et unies pour un service mutuel dans l’amour. Cette liberté a pour but, non seulement de s’entraider, mais également d’aider et de faire du bien aux personnes qui ne sont pas membres de la communauté de foi, et même à ceux qui nous haïssent. C’est le style de vie royal et divin que nous sommes appelés à pratiquer tant individuellement que collectivement, c’est notre marche avec autonomie et en communauté.

    Le défi

    Le défi est maintenant ‘Demeurez donc fermes, et ne vous remettez pas de nouveau sous le joug de l’esclavage’ (Ga 5:1). Ce défi lancé aux Galates consiste à vivre dans la liberté de l’Esprit et à crucifier la chair au quotidien. Libérés en Christ Jésus pour une vie d’autonomie, et réunis dans une communauté spirituelle, notre marche, tant individuellement que collectivement, est de servir librement dans l’amour nos amis et nos ennemis (Mt 5:43-48).

    Dans cette épître au Galates, je discerne pour nous quatre aspects du défi dans lesquels nous devons tenir fermes dans la liberté de nos vies personnelles et communautaires :

    Dans l’amour, ‘nous sommes tous un en Christ-Jésus’ (Ga 3:28) : La CMM est une fraternité mondiale de plus de 1,3 millions de membres baptisés répartis dans les cinq continents, vivant dans de nombreux pays et appartenant à plus de 100 unions d’églises formées de milliers d’assemblées locales. Nous sommes nécessairement différents les uns des autres. Cette diversité et ce caractère unique sont des atouts qui enrichissent notre communauté spirituelle mondiale dans sa vie et son ministère dans le monde.

    Comme la Nouvelle Jérusalem, qui sera parée de ‘la gloire et l’honneur des nations’ (Ap 21:24–26), cette communauté mondiale est aujourd’hui plus riche de par sa diversité et son caractère unique. Dès lors, acceptons, apprécions, savourons et chérissons le caractère exceptionnel, la diversité, ainsi que les dons et services de chacun dans notre communauté.

    Dans l’amour ‘marchons aussi par l’Esprit (Ga 525). Au lieu de nous livrer aux œuvres de la chair énumérées dans Galates 5/19-21, nous sommes incités à porter le fruit de l’Esprit (Ga 5/22-23) dans nos vies personnelles et communautaires. Les fruits de l’Esprit, un éventail caractéristique d’une vie remplie de l’Esprit : ‘amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur, maîtrise de soi’ doivent être les caractéristiques évidente pour les autres de la vie de chacun et de la communauté de foi.

    Nos premiers ancêtres anabaptistes mennonites, partout où ils allaient, étaient connus pour leur honnêteté, leur dur labeur, leur esprit paisible, leur esprit de service, leur éthique biblique et leur vie communautaire. Et des premiers chrétiens, on disait : ‘voyez comme ils s’aiment les uns les autres’.

    Les églises mennonites de Taiwan, sous les auspices de la Fellowship of Mennonite Churches in Taiwan (communauté des églises mennonites de Taiwan – FOMCIT) ¬´ cherchent de nouvelles perspectives à partir de leurs origines théologiques, espérant montrer au monde un exemple de la vie sous la seigneurie du Christ ¬ª1. Essayons donc, particulièrement ceux d’entre nous qui sont des leaders, de développer en nous-mêmes et dans nos communautés, un style de vie qui reflète la vie divine en Jésus-Christ notre Seigneur, à la gloire de notre Père céleste (Mt 5:16).

    Dans l’amour ‘Portez les fardeaux les uns des autres’ (Ga 6:2). Nous appartenons à une communauté spirituelle mondiale. Par conséquent, il est pratiquement impossible pour beaucoup de paroisses et d’unions d’églises d’avoir des relations directes avec des paroisses et unions d’églises sœurs dans d’autres pays ou continents. La CMM avec ses commissions, particulièrement la Commission Diacres, est notre forum et notre canal pour de telles relations.

    Le site internet de la CMM précise que ¬´ la Commission Diacres favorise une attitude et une pratique de diaconie au sein des églises membres au moyen de visites, d’enseignements et de documents ¬ª. 2 Corinthiens 8/14 nous recommande de pratiquer l’égalité et l’interdépendance afin que ‘votre abondance pourvoie à leur indigence, et que leur abondance pourvoie également à votre manque’.

    L¬∂LLL a Bihar Mennonite Mandali (Inde) écrit : ¬´ Le Fonds de Partage de l’Église Mondiale de la Conférence Mennonite Mondiale a été une bénédiction pour l’Église : avec l’argent que Minj a re√ßu de ce Fonds, il a pu lancer de nouveaux programmes pour l’Église2. Lors d’un entretien personnel, le pasteur Emmanuel Minj m’a dit que les fonds avaient servi à équiper les pasteurs et les responsables pour des ministères dans l’Église et à former les jeunes à l’évangélisation. Utilisons la Commission Diacres de la CMM comme un canal pour partager les uns avec les autres nos dons et nos talents dans la communauté spirituelle mondiale, afin de manifester notre amour les uns pour les autres.

    Dans l’amour ‘pratiquons le bien envers tous’ (Ga 6:10). Le commandement du v 14 ‘tu aimeras ton prochain comme toi-même’, est appelé ‘loi royale’ par Jacques : notre Seigneur veut dire que cet amour inclut même ceux qui nous haïssent et nous persécutent.

    Dans de nombreux endroits à travers le monde, les chrétiens font face à la haine et aux persécutions. Cette haine et cette persécution subies par les chrétiens jaillissent sporadiquement en Inde encore maintenant. En outre, de nombreuses églises souffrent souvent de la désunion et des divisions internes en raison d’ambitions égoïstes et de conflits de personnalités. Ces maladies internes affaiblissent la vie et le témoignage de l’Église.

    Ma propre union d’églises, la Mennonite Church in India (Église mennonite en Inde), a souffert d’une division de six ans (entre 1984 et 1990) en raison de conflits internes. Mais l’amour mutuel a prévalu et l’unité a été restaurée. La même chose s’est produite dans la Bharatiya General Conference Mennonite Church (Inde). L’union d’églises est restée divisée pendant dix ans ; mais ici aussi l’amour mutuel a finalement prévalu4. Les deux lois royales divines jumelles stipulent : ‘par amour soyez serviteurs les uns des autres’ comme des esclaves volontaires, et ‘tu aimeras ton prochain comme toi-même’. C’est le seul remède aux maladies internes des églises et la seule forteresse chrétienne contre la haine et les persécutions externes.5¬∂

    Que chacun de nous ici présents prenne la résolution dans son cœur et dans son esprit, en tant que membre de la communauté chrétienne anabaptiste mennonite, de pratiquer cette loi royale divine d’aimer et de servir dans sa vie individuelle et communautaire, quel qu’en soit le co√ªt.

    En outre, quand nous voyons la détermination de Jésus ‘il prit la ferme résolution de se rendre à Jérusalem’ (Lc 9:51), sa déclaration ‘les enfants de ce siècle sont plus prudents‚Ķ que les enfants de lumière’ (Lc 16:8), son commandement ‘soyez prudents comme les serpents’ (Mt 10:16) et d’autres enseignements semblables, nous sommes appelés à nous préparer à faire face aux persécutions et au terrorisme.

    Par conséquent j’encourage les assemblées locales, les unions d’églises et la Conférence Mennonite Mondiale à élaborer des directives pratiques sur les moyens d’entretenir des relations amicales et paisibles, tant individuellement que collectivement, avec nos amis, mais aussi avec des persécuteurs ou des terroristes (Ro 12 :18–21).

    Conclusion

    Chers amis, en Jésus-Christ, nous avons été libérés pour un style de vie royal, divin d’amour et de service. La liberté en Jésus-Christ est une liberté qui nous invite à manifester dans nos vies personnelles et communautaires le caractère de Dieu en Jésus-Christ, et à partager nos dons et talents, c’est-à-dire à nos vies, par une entraide empreinte d’amour. C’est une liberté qui, permet de manifester de l’amour à notre prochain, et même à ceux qui nous haïssent et veulent nous nuire. C’est notre ‘marche avec Dieu avec autonomie et en communauté’.

    Une fois encore, à l’occasion de ce 16e Rassemblement, Pennsylvania 2015, je vous présente toutes mes amitiés. Merci à tous. Jai Masihki ! (Victoire/louange au Christ).

    ‚ÄîShantkumar S. Kunjam a été pasteur de plusieurs paroisses de l’Église mennonite d’Inde et a été ordonné évêque.

  • Présentation du matin – PA 2015

    Dieu marche avec nous ( Rebecca Osiro, Kenya et Tom Yoder Neufeld, Canada )

    Le doute dépend du contexte. L’expression, jakol kudho (celui qui enlève les épines) a été formée avec kiawa pour souligner le positif, ainsi que pour gommer les aspects négatifs du doute. Jakol kudho s’applique littéralement à quelqu’un qui enlève l’épine qui a percé le pied du voyageur. En tant que concept, ce terme s’applique à un aide, un assistant ou un compagnon.

    Le doute raffermit nos convictions ( Tigist Tesfaye Gelagle, Éthiopie )

    La foi, c’est comme marcher avec des doutes et des convictions. J’aime profondément la tradition africaine [dont nous a parlé Rebecca]. Nous, les jeunes, dans notre cheminement avec Dieu, nous sommes confrontés à ces animaux sauvages et ces reptiles venimeux que sont les doutes. En effet, malgré tout leur courage et leurs efforts, il est impossible aux voyageurs de réussir à échapper aux épines.

    Les enfants de la lumière ( Nancy Heisey, États Unis )

    Puissions-nous entrer dans le cœur pastoral de Paul et de ceux qui avaient entendu son appel, de sorte que notre lumière en tant qu’enfants de la Lumière soit vue là où nous vivons.

    Soldats dans l’armée du Dieu vivant ( Remilyn Mondez, Philippines )

    Ne nous attardons pas sur la mort de Jésus, mais réjouissons-nous aussi de la victoire de sa glorieuse résurrection. Gardons nos yeux fixés sur lui, en qui nous trouvons la guérison. Il est l’auteur et le consommateur de notre foi. Combattons le bon combat de la foi en étant des soldats vaillants et audacieux.

    En Christ, nous sommes libre d’aimer ( Shant Kunjam, Inde )

    Nous avons été libérés pour un style de vie royal, divin d’amour et de service. La liberté en Jésus-Christ est une liberté qui nous invite à manifester dans nos vies personnelles et communautaires le caractère de Dieu en Jésus-Christ, et à partager nos dons et talents, c’est-à-dire à nos vies, par une entraide empreinte d’amour.

    Repentance et pardon ( Kevin Ressler, États Unis )

    C’est toujours un défi d’équilibrer autonomie et communauté. Quelquefois, il semble plus naturel de dire ‘autonomie par opposition à communauté’. Mais c’est notre diversité qui nous permet de mûrir. Bien que nous ne découvrions notre autonomie qu’en découvrant notre différence avec les autres, elle n’a aucune valeur si nous ne faisons pas passer  nos priorités individuelles après celles de la communauté en l’enrichissant grâce à nos dons uniques.

     L’Église doit s’intéresser à la mission globale ( Hippolyto Tshimanga, Canada )

    L’offre de Jésus de prendre part à son Royaume est un don à accueillir avec gratitude. Et la gratitude (« hakarat ha’tov » selon la traduction hébraïque) évoque le fait de reconnaître tout ce qui nous a été donné, et à en rendre grâce. Soyons reconnaissants à Dieu pour l’offre de son Royaume, car la reconnaissance est contagieuse.

     

  • Depuis la Conférence Mondiale des missions à Bangkok, qui a eu lieu fin 1972—début 1973, en Thaïlande, il y a un sentiment de malaise au sujet de la ‘mission’ dans les églises du monde occidental. Ê Bangkok, les représentants des pays nouvellement décolonisés ont accusé les missionnaires occidentaux d’avoir lié la proclamation de l’Évangile à la propagation de la civilisation occidentale et ainsi d’avoir détruit les cultures autochtones au nom de l’évangélisation. Afin que les assemblées locales d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et du Pacifique puissent définir leurs propres priorités dans le domaine de la mission, la proposition a été faite d’un ‘moratoire’ temporaire concernant l’envoi d’argent et de missionnaires du Nord. Les délégués à la conférence ont reconnu le rôle de la culture dans le développement des théologies contextualisées. C’est aussi à Bangkok que les délégués ont mis l’accent sur le fait que l’Évangile doit être proclamé en termes holistiques et de manière équilibrée dans les domaines spirituels, socio-économiques et politiques.

    43 ans après Bangkok, on pourrait penser que le débat sur la mission est définitivement derrière nous, mais la vérité est que ce n’est pas le cas. Les remous et l’inquiétude que suscite la mission perturbent toujours l’Église.

    C’est certainement le cas dans ma propre église, Mennonite Church Canada. De temps à autres, je suis invité à parler de mon travail dans nos paroisses. Parfois, on me demande pourquoi nous avons toujours des activités missionnaires dans des pays étrangers. D’autres fois, on me pose la question du respect des cultures et des religions étrangères. Certains mennonites se demandent « Qui sommes-nous pour évangéliser les autres ? » Ce qui rend ces questions encore plus douloureuses et difficiles à aborder est notre propre histoire : le traitement des peuples autochtones canadiens par notre gouvernement dominé par les Blancs et les églises chrétiennes.

    Une autre difficulté est liée au concept même de mission. La principale question posée est : « Que devrions-nous faire : ‘évangéliser ou faire un travail social ? » Cette controverse, née à la suite de la Conférence de Bangkok, avec le missiologue hollandais Johannes Christiaan Hoekendijk, divise encore les ‘évangéliques’ et les ‘œcuméniques’.

    Les membres de nos églises mennonites d’Amérique du Nord sont généralement ouverts et soutiennent le secours, le service et le développement au nom du Christ. Mais ‘évangéliser’ et ‘‘implanter des églises’ sont considérés comme imposer et contrôler. Un de mes amis, responsable d’une assemblée mennonite, nous a récemment dit qu’il est allergique à des mots comme ‘implantation d’église’ etc. Lors des réunions de délégués de Mennonite Church USA, il y a quatre ans, André Gingrich Stoner a fait remarquer que « les mennonites aiment le concept de service, flirtent avec celui de la paix et sont allergiques à l’évangélisation ».

    Quand je rencontre une opposition au témoignage de notre foi, clair et enthousiaste, je suis troublé. Cependant, je ne peux m’empêcher de penser aux conseils donnés dans la première lettre de Pierre : Soyez toujours prêts à vous défendre face à tous ceux qui vous demandent de justifier l’espérance qui est en vous. Mais faites-le avec douceur et respect. (1 Pi 3:15, BFC). Et je ne trouve pas de meilleure réponse que de me tourner vers Jésus, le fondateur de l’Église, concernant cette institution dont je fais partie. Quelle était son intention quand il envoya les Douze vers les brebis perdues de la maison d’Israël ? Que veut vraiment dire Jésus quand il a donné son ordre missionnaire aux disciples?

    Les récits du Nouveau Testament témoignent du fait que Jésus s’est d’abord présenté en disant : ’L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a consacré pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé pour proclamer la délivrance aux prisonniers et le don de la vue aux aveugles, pour libérer les opprimés, pour annoncer l’année où le Seigneur manifestera sa faveur.’ (Lc 4:18–19). Les Évangiles utilisent le mot grec ????????ov. Le préfixe grec ?? pourrait être rendu par ‘bon’ et la racine ??????ov par ‘message’. Quelle que soit la manière dont nous traduisons ces mots, nous devrions toujours nous rappeler que, non seulement c’est Dieu qui parle, mais aussi, que Dieu nous adresse un message bon pour nous. L’Évangile de Jésus le Messie est une bonne nouvelle apportant une grande joie, tout comme l’était l’annonce de sa naissance par les anges : ‘Mais l’ange leur dit : « N’ayez pas peur, car je vous apporte une bonne nouvelle qui réjouira beaucoup tout le peuple : cette nuit, dans la ville de David, est né, pour vous, un Sauveur ; c’est le Christ, le Seigneur »‘ (Lc 2:10–11). En fait, ‘joie’ est le mot clé. Avec la proclamation de la Bonne Nouvelle de Jésus, c’est une grande joie que nous offre Dieu, celle d’avoir part à son Royaume.

    L’évangile de Matthieu nous dit que, après la tentation, quand il apprit que Jean avait été arrêté, Jésus était retourné en Galilée et s’était installé à Capharnaüm. C’est à partir de là qu’il a commencé à proclamer son message ‘Changez de comportement, disait-il, car le Royaume des cieux s’est approché !’ (Mt 4:17). Dans l’évangile de Marc, Jésus dit que la bonne nouvelle – ????????ov – du Royaume de Dieu est la raison de sa venue dans ce monde : ‘car c’est pour cela que je suis venu’. (Mc 1:38) L’évangile de Luc souligne ‘Je dois annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu aux autres villes aussi, car c’est pour cela que Dieu m’a envoyé.’ (Luc 4:43).

    Selon les récits du Nouveau Testament, Jésus n’a pas proclamé seul le Royaume ; il a réuni un groupe d’amis et il les a invités à participer à cette mission. Les auteurs du Nouveau Testament nous disent qu’il les a appelés en utilisant des expressions telles que ‘Venez avec moi’ ou ‘Suis-moi !’ comme dans Mt 4:19; 9:9 ; ‘Venez avec moi et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes’. Le verbe ???????? (suivre) apparaît 56 fois dans les synoptiques et 14 fois dans l’évangile de Jean. Dans la plupart des cas, il est associé à la notion de faire des disciples (???????). Pour devenir disciple, il faut suivre un maître, s’asseoir à ses pieds et apprendre de lui afin de mettre en pratique tout ce que l’on apprend.

    Ce n’est pas par hasard que l’évangile de Matthieu décrit le ministère de Jésus en commençant par la tentation dans le désert, où Jésus affirme la royauté de Dieu et de Dieu seul. Après la tentation, cet évangile présente les enseignements sur l’éthique du Royaume dans le Sermon sur la montagne et les Béatitudes (Mt 3–7). Pour Matthieu, il est clair que Jésus faisait des disciples. L’Évangile dit :’Quand Jésus vit ces foules, il monta sur une montagne et s’assit. Ses disciples vinrent auprès de lui et il se mit à leur donner cet enseignement. (Mt 5:1)

    Jésus a commencé sa proclamation en disant : ‘Repentez-vous’ ou ‘Changez de comportement’ [selon les traductions], en grec : metanoei/te ! Cette ???????? implique un changement d’allégeance pour retourner à Dieu comme centre de toutes nos valeurs. Même aujourd’hui, nous aussi, en tant qu’Église de Jésus, nous devons ????????, nous devons changer, afin que nous puissions voir ce monde comme Jésus, le fondateur de l’Église l’a vu. Les auteurs des évangiles témoignent que Jésus a regardé le monde avec compassion (rachamim). Ê l’image du Dieu de compassion (Ha’ Rachaman) qui l’a envoyé, Jésus a nourri les affamés (Mt 15:32) ; cette même compassion l’a conduit à proclamer la Bonne Nouvelle à la foule, à faire des disciples à qui il a confié une mission : ‘La moisson à faire est grande, mais il y a peu d’ouvriers pour cela. Priez donc le propriétaire de la moisson d’envoyer davantage d’ouvriers pour la faire.’ (Mt 9:37–38). C’est par compassion qu’il a envoyé son Église faire des disciples de toutes les nations. Et il a promis de l’accompagner dans cette t√¢che jusqu’à la fin des temps (Mt 28:18–20).

    La mission était dans l’ADN de Jésus, et la mission est dans l’ADN de l’Église. Il n’y a pas d’Église sans mission. Nous devons nous engager dans la mission, et nous devons le faire à la manière de Jésus, en obéissant à Dieu et à Dieu seul, et en dénonçant toute principauté ou pouvoir menaçant les vies humaines.

    Frères et sœurs, ne prenez pas à la légère l’ordre missionnaire de Jésus. Ne diluez pas le commandement de Jésus, et ne remplacez pas son dernier commandement à son Église par vos penchants théologiques individuels. Ê l’exemple de notre Seigneur et Maître Jésus de Nazareth, prêchons la bonne nouvelle du Royaume de Dieu pleinement en annonçant la parole et en servant le monde tout à la fois.

    Si nous ne nous enthousiasmons pas pour l’ordre missionnaire de Jésus, dans son double sens d’évangélisation et de service, nous cesserons peut-être d’être Église. L’Église ne peut pas choisir de faire ou non la mission ; l’église est missionnaire par nature.

    Conclusion

    L’offre de Jésus de prendre part à son Royaume est un don à accueillir avec gratitude. Et la gratitude (« hakarat ha’tov » selon la traduction hébraïque) évoque le fait de reconnaître tout ce qui nous a été donné, et à en rendre gr√¢ce. Soyons reconnaissants à Dieu pour l’offre de son Royaume, car la reconnaissance est contagieuse. Soyons reconnaissants à Dieu, comme l’est l’enseignant juif hassidique, le rabbin Nahman de Breslov, qui dit « La reconnaissance se réjouit avec sa sœur la joie, elle est toujours prête à allumer une bougie et à faire la fête. »

    —Hippolyto Tshimanga est responsable de différents projets missionnaires en Afrique, en Europe et en Amérique latine pour Mennonite Church Canada.

  • Les jeunes anabaptistes du monde entier apprennent et partagent

    Les trois jours du Sommet mondial de la Jeunesse (GYS) de la CMM au Messiah College (Mechanicsburg, Pennsylvanie), ont pris fin dimanche 19 juillet 2015, avec le profond désir d’avoir un impact dans le monde par le partage des dons.

    Le thème ‘Appelés au partage : ‘Mes dons, Nos dons’ a rassemblé 42 délégués et plus de 400 participants qui ont discuté de ce qu’ils voulaient offrir à l’Église mondiale. Pendant trois jours, ils ont fait don (parmi beaucoup d’autres) de leur présence, de leur service, de leur solidarité, de leur créativité, de leurs connaissances, de leur sens des responsabilités, et de leur capacité à accepter des opinions différentes et à savoir utiliser la technologie. Ils ont passé un temps considérable à discuter de la meilleure manière d’utiliser ces dons pour le Royaume de Dieu.

    « Les délégués du GYS font déjà du bon travail dans leurs paroisses et leurs communautés respectives », a déclaré Rodrigo Pedroza (Amérique latine), représentant et président du Comité des Jeunes Anabaptistes (YABs). Après trois jours d’interactions et d’explorations interculturelles des textes bibliques sur les dons et la vocation, leur confiance et leur compréhension du partage a grandi.

    « Maintenant, leur tâche est de partager ce message avec enthousiasme », dit Rodrigo.

    « Nous espérons que les responsables d’églises les aideront à développer leurs capacités spirituelles et leurs dons de leadership. La pratique des dons des différentes générations sera un témoignage puissant pour le Royaume de Dieu ».

    Cette offre de dons à l’Église a été très appréciée par la délégation Koinonia de la CMM, composée du nouveau président, Nelson Kraybill, du trésorier, Ernst Bergen, et du secrétaire général, César García. « Ces dons, remis entre les mains de Dieu, transformeront le monde. »

    « N’oubliez jamais que, bien que vous ayez besoin de la sagesse de ceux qui sont plus âgés et plus expérimentés que vous, la révolution commence avec des jeunes !» a déclaré César García. « Jésus était jeune. Ainsi que ses disciples. Et ils ont renversé le monde. »

    Un temps pour renouer avec les enseignements anabaptistes

    Pendant que les délégués étudiaient la meilleure manière d’utiliser leurs dons pour l’Église mondiale, de nombreuses activités donnaient aux participants l’occasion d’en apprendre davantage sur leurs racines anabaptistes et sur l’Église mondiale.

    « Nous voulons que le GYS soit un lieu où les participants développent leur spiritualité, en particulier une meilleure compréhension des enseignements anabaptistes et de l’Église mondiale », a déclaré Lani Prunés, représentant nord-américain du comité YABs.

    « Nous faisons cela en donnant aux participants de nombreuses occasions d’entendre et de discuter de la façon dont ils vivent leur foi dans le monde ».

    Les thèmes des ateliers allaient de l’engagement interreligieux et interculturel, à l’utilisation des réseaux sociaux sans oublier les relations authentiques et les programmes d’échange, aux études de cas sur la pratique de la paix et de la justice dans différentes parties du monde.

    Concerts, sport et jeux, projets artistiques collaboratifs, cercles de percussions et de dance, et aussi des projections de film, ont renforcé cette expérience interculturelle.

    Les Jeunes Anabaptistes ont organisé un stand au Village de l’Église Mondiale où ils donnaient aux participants au Rassemblement davantage d’informations sur le vécu du GYS.

    Points forts du GYS

    Wycliff Ochieng Otieno, délégué GYS (Kenya)

    Le point fort du GYS était de rencontrer des jeunes de partout dans le monde et d’apprendre en tant que groupe, ce qui est mieux qu’apprendre en tant qu’individus. Je vais utiliser ce que j’ai appris sur le thème ‘Appelés au partage : Mes dons, Nos dons’, avec les jeunes de mon assemblée afin qu’ils se rendent compte qu’ils ont des dons uniques et qu’ils peuvent les utiliser pour construire le royaume de Dieu, en partageant ce qu’ils ont avec toute la communauté.

    Marisabel Castillo, participante au GYS (Costa Rica)

    Ce que j’ai aimé le plus au GYS était de louer un seul Dieu tous ensemble dans des langues différentes, mais dans un seul esprit, comme Jésus nous a appelés à le faire dans Luc 10:27 : l’aimer de tout notre cœur, de toute nôtre âme, de toute notre force et de toute notre intelligence. Une autre chose importante était d’apprendre qu’ensemble en réponse à l’amour de Dieu, nous pouvons faire beaucoup, et non pas juste un peu, dans notre paroisse et notre communauté.

    Kelvin Jimenez, participant au GYS (Porto Rico)

    Pendant le GYS, je me souviens d’un atelier dans lequel nous avons partagé les difficultés auxquelles sont confrontés nos pays respectifs. C’était frappant de découvrir la diversité de nos situations et de nos luttes. Pourtant, nous cherchions tous des instructions et de la sagesse de la même source, notre Dieu. Nous avons tous notre espérance en Jésus et son message, afin d’être lumières au sein des ténèbres, communautés au sein de la ségrégation, et amour au sein de la souffrance de notre monde.

    Jantine Huisman, déléguée GYS (Pays-Bas)

    Mon souvenir le plus mémorable du GYS, ce sont les conversations dans la salle à manger, où il était possible de s’asseoir n’importe où et de rencontrer des gens de partout. Quelquefois, ces conversations, au départ assez superficielles, se transformaient en discussions profondes et ouvertes sur des sujets comme le divorce, l’homosexualité, le remariage, les femmes pasteurs et les problèmes dans nos assemblées. Bien que nous ne soyons pas toujours d’accord, on sentait toujours le respect et la compréhension. Je reviens chez moi avec le sentiment que nous avons les mêmes problèmes, que chacun d’entre nous n’est pas le seul jeune mennonite dans le monde, et qu’un avenir lumineux attend les assemblées mennonites partout. Le GYS m’a permis de mieux comprendre les autres et leurs convictions. J’en ai plus appris en trois jours que parfois en un mois dans ma vie quotidienne de Néerlandaise. J’attends déjà avec impatience la prochaine rencontre dans six ans !

    Nita Purwidaningsih, déléguée GYS (Indonésie)

    Non seulement notre communion était fantastique, mais j’ai découvert un sentiment d’appartenance à la famille mondiale grâce à la prière pour les autres continents et au soutien pour les objecteurs de conscience de Corée du Sud. Le GYS est pour moi un appel à prendre soin des autres, et lorsque nous ne pouvons pas aller vers eux directement, nos prières les atteindront.

    Venant du pays hôte du prochain Rassemblement, qu’as-tu à nous dire sur Indonésie 2021 ?

    L’Indonésie est un archipel très riche culturellement, qui a trois unions d’églises mennonites, chacune louant Dieu à sa manière. À Indonésie 2021, vous pourrez voir l’œuvre magnifique de Dieu dans la nature et dans la culture, et ce sera aussi une grande bénédiction pour la communauté anabaptiste d’Indonésie de vous conna√Ætre !

    Elina Ciptadi-Perkins est rédactrice et consultante en communication. Mennonite indonésienne, elle vit à Singapour avec sa famille.

     

  • Paulus Hartono (Indonésie)

    Être mêlé à la foule présente à PA 2015 a fait réfléchir Paulus Hartono (Indonésie) sur les débuts de sa vie et sur le peu de chances qu’il avait de se trouver à Harrisburg…

    Élevé dans une famille bouddhiste, Paulus est maintenant pasteur mennonite et il est très engagé pour la paix à Solo, Surakarta, au centre de Java (Indonésie), où la communauté musulmane est importante.

    « Ê l’école primaire, on m’a enseigné l’islam. Mes amis allaient à la mosquée, alors j’y suis aussi allé, et finalement je suis devenu imam. Je me rends compte maintenant que je ressentais l’appel à être pasteur, mais je ne connaissais pas Jésus.

    Quand je suis devenu chrétien et que j’ai été baptisé en 1984, j’ai pris le nom de Paulus. »

    Engagement pour la paix

    Dès ses débuts en tant que pasteur, l’engagement de Paulus a été clair : « Notre assemblée a démarré en 1994 avec 40 membres et la vision d’être une église de paix ».

    Des organisations mennonites nord-américaines lui ont donné des idées pour mettre sa vision en pratique. « En 1997, j’ai découvert le travail de secours, d’aide et de développement du Mennonite Central Committee. En même temps, j’ai été influencé par le témoignage et la mission mondiale de Eastern Mennonite Missions.

    J’ai appris l’existence de Mennonite Disaster Service en 2002. Et en 2005, peu de temps après que le tsunami ait frappé l’Indonésie, notre église a commencé Indonesia MDS, Mennonite Diakonia Service. Nous associons témoignage, secours, développement et transformation des conflits.

    En 2007, j’ai suivi la formation sur la transformation des conflits et la guérison des traumatismes, proposée par l’Eastern Mennonite University. Nous avons adapté ces idées pour l’Indonésie et nous les associons à notre travail de témoignage et de développement ».

    Écrire l’évangile avec nos vies

    « Maintenant, en 2015, il y a deux paroisses mennonites à Solo, 400 membres en tout. Nos églises mennonites travaillent activement à la réconciliation entre musulmans et chrétiens. Nous avons beaucoup de relations avec nos voisins musulmans, dont un groupe musulman radical, qui participe à un cours que nous proposons sur la transformation des conflits et le secours aux sinistrés.

    Le président de l’Indonésie cherche actuellement la réconciliation avec la Papouasie, une partie de notre pays où les mennonites ont mis en place un programme de transformation des conflits et de guérison des traumatismes. Il nous a demandé de l’aider à travailler sur ce dossier de manière pacifique.

    Je pense que l’Église doit développer des relations avec les musulmans afin qu’ils puissent lire l’évangile dans nos vies.

    Paulus a animé deux ateliers à PA 2015 : ‘’Marcher’ dans la Tragédie : l’Église mondiale répond aux catastrophes naturelles’ et ‘Pratiques et Dialogue interreligieux sur la Paix en Indonésie’.

    Être ici, rencontrer de nombreux pasteurs dans une atmosphère spirituelle, m’a donné beaucoup de courage » dit Paulus tranquillement.

    Barbara Hege-Galle, Allemagne

    La première fois que Barbara Hege-Galle, de Bammental (Allemagne), a assisté à un Rassemblement de la CMM, c’était en 1984 à Strasbourg (France), où elle a dirigé le programme des enfants. Mais elle était si prise par ses responsabilités qu’elle n’a eu qu’une petite idée de la partie concernant les adultes.

    « J’ai décidé d’aller au Rassemblement suivant, en 1990 à Winnipeg (Manitoba, Canada), pour participer, et après cela, j’ai su que ce ne serait pas mon dernier Rassemblement ! »

    Depuis lors, Barbara a participé à la CMM de plusieurs façons : en tant que membre du Conseil Général, de la Commission Diacres, du comité de coordination du Réseau Anabaptiste Mondial d’Entraide, et maintenant en tant que membre de la Commission Mission.

    Barbara est directrice exécutive de Christliche Dienste, un programme mennonite d’entraide, parrainé par les églises mennonites d’Allemagne. Elle fait aussi partie de l’équipe de direction de l’assemblée mennonite de Bammental, où elle a été ordonnée prédicatrice.

    Au-delà des assemblées locales

    Pourquoi ne veut-elle pas manquer un Rassemblement de la CMM ? « Parce que ce rendez-vous mondial nous permet de dépasser notre vision de l’assemblée locale. Cette rencontre me motive.

    Cette fois-ci, j’ai été vraiment encouragée à me concentrer sur nos spécificités anabaptistes ; non parce que c’est notre tradition particulière, mais parce que c’est ce que nous croyons. En Jésus nous avons la paix. S’il peut donner force et courage à quelqu’un comme Paulus Hartono, nous pouvons tous faire plus que simplement être tranquillement membre d’une paroisse qui ne fait pas de bruit.

    Dans mon travail, j’ai maintenant des partenaires dans d’autres pays – et je les rencontre ici. En Allemagne, nous travaillons avec ces frères et sœurs quand je place des jeunes de 18 à 20 ans pour faire un travail bénévole dans leurs pays. »

    Spiritualité communautaire

    Que ramène Barbara chez elle ? « Quand j’aurai un sermon à faire, j’intégrerai certaines de mes expériences. Je ne sais pas encore comment. Les classes bibliques de notre paroisse pourront aussi en bénéficier.

    Un de nos responsables est très attaché à la pratique et à l’enseignement de la méditation, en particulier concernant ce que Dieu dit à chacun. Mais certains disent que c’est une approche trop individualiste et que nous avons besoin de quelque chose de plus communautaire.

    Ici, à PA 2015, je commence à entrevoir ce dont nous pourrions avoir besoin. Ce n’est qu’une idée à ce point. J’aime cette place donnée à la méditation, mais ce n’est pas la seule forme de spiritualité. Je m’en suis souvenue ici. »

    Mthokozisi Ncube et Morgen Moyo (Zimbabwe)

    C’était la première fois que ces deux administrateurs d’écoles secondaires du Zimbabwe (frères en Christ) participaient à un Rassemblement de la CMM.

    Mthokozisi Ncube, de l’École biblique Eiluphileni, est venu pour « la communion fraternelle et pour découvrir ce que font les autres. Je ne suis pas seulement zimbabwéen, je suis anabaptiste et je fais partie d’une famille internationale. Je voulais m’asseoir avec mes frères et sœurs et connaître leurs expériences et la manière dont Dieu agit dans leur vie. »

    Les Groupes d’Amitié [qui se réunissaient tous les jours après le culte du matin] sont un bon moyen pour apprendre à connaître les autres. Nous nous sommes fait des amis. Nous avons échangé nos adresses électroniques. Nous espérons développer cette communion.

    J’ai été encouragé à m’engager davantage dans la mission, et à être en paix avec moi-même et ma famille, ceux avec qui je vis. Voilà ce que je ramène chez moi.

    Oh, et j’ai entendu que douter n’est pas toujours mauvais ! Cela peut être utile ». (‘En marche avec des doutes et des convictions’ était le thème du 22 juillet.)

    Interagir et apprendre

    Morgen Moyo est le principal de l’école secondaire de Mtshabezi. Ê PA 2015, il a été vraiment béni par les chants. « Je désirais savoir comment les autres louent [Dieu]. Je voulais apprendre d’eux. J’en ai eu l’occasion ici, dans notre Groupe d’Amitié. J’ai participé et appris ».

    Mthokozisi rajoute « Et j’ai vraiment apprécié les jeunes intervenants lors des cultes. C’est une idée que je ramènerai chez nous. »

    Unité d’esprit

    J’ai découvert quelque chose d’autre : quand nous nous promenions dans les rues de Harrisburg, personne ne nous saluait. Mais chaque fois que nous entrions dans la salle à manger de PA 2015, on nous regardait, nous souriait et nous accueillait. Toujours. Je ne me sentais pas différent. Nous étions unis.

    En fait, une chose que je n’ai pas aimée, c’était, en entrant dans les toilettes du b√¢timent, de me voir dans les grands miroirs. Alors, je voyais que j’étais différent. Je ne le sentais pas le reste du temps ! »

    Célébrer les différences

    Morgen a une suggestion pour les futurs Rassemblements. « Pourquoi ne pas offrir des repas de différentes cultures pendant la semaine ? La journée de l’Afrique, on pourrait avoir de la nourriture africaine, et ainsi de suite. C’est peut-être être difficile à faire, mais pourquoi pas ?!

    La planification et l’organisation de cet événement étaient très bonnes. Nous avons tout particulièrement apprécié qu’il n’y ait pas de ‘glamour’. »

    Mais pour Mthokozisi, les inégalités dans le monde ont refait surface en pensant à son retour chez lui. « Chez nous, les courriels n’arrivent pas souvent, ni les appels téléphoniques. Ê la campagne, c’est difficile de recevoir des messages. Nous espérons que nos nouvelles amitiés et connexions dureront quand même ».

    Todd Friesen, États-Unis

    Todd Friesen est pasteur de l’assemblée mennonite de East Chestnut Street à Lancaster, (Pennsylvanie, États-Unis). Un mois après PA 2015, il réfléchit sur l’expérience d’assister au Rassemblement pendant toute une semaine.

    « Que seraient nos paroisses – et nos jeunes – sans ces aperçus du corps mondial du Christ, et sans l’expérience de faire partie de quelque chose de beaucoup plus grand que notre assemblée locale ?

    Une semaine comme celle-ci fait éclater notre provincialisme et notre sentiment américain d’exceptionnalisme. Cet événement est une sorte de vaccination contre ces comportements, même si nous n’y sommes pas toujours sensibles. »

    Impact sur les jeunes

    « Nous ne pouvons pas minimiser l’énorme impact formateur de ces Rassemblements sur nos jeunes. J’ai assisté au Rassemblement à Strasbourg en 1984 quand j’avais 20 ans. Le chant et la louange m’ont fait une impression profonde. Je suis tellement reconnaissant que notre paroisse ait permis [financièrement] à notre groupe de jeunes de participer à PA 2015. Cela a été une expérience fantastique pour eux !

    Se frotter aux réalités éternelles

    « J’aime la façon dont nous avons voyagé d’un continent à l’autre pendant les cultes matin et soir. Les cieux seront plus riches et plus diversifiés que nous ne l’imaginons. Par cette expérience de l’Église mondiale, nous nous sommes frottés aux réalités éternelles.

    Certains d’entre nous sont allés à Kansas City [lieu de la rencontre de Mennonite Church USA 2015] : pourquoi PA 2015 semble si différent ? Ê PA 2015, l’accent était mis sur l’adoration, nos témoignages, la communion fraternelle et le service. Nous étions là tout simplement pour être ensemble autour du Christ, le centre.

    Et j’ai appris que dans notre grande diversité, il est probablement préférable de commencer par louer Dieu ensemble, servir les autres et parler de son vécu, plut√¥t que de se focaliser sur nos différences ou de débattre sur nos points de désaccord ».

    Ce qui fait encore écho en moi

    « Les voix des jeunes orateurs lors des cultes du matin ne me quitteront pas.

    J’ai entendu des idées nouvelles, et riches, sur certains passages de l’Écriture.

    Nous étions si heureux d’accueillir des personnes d’autres pays dans notre assemblée, dimanche, le dernier jour du PA 2015. De cette manière, nous pouvions tous – y compris ceux qui n’avaient pas assisté à l’Assemblée Réunie – nous rendre compte que chaque croyant a quelque chose de précieux à partager et que nous avions tous des préjugés profondément ancrés à surmonter ».

    Un don durable

    « Ma communion avec ces croyants d’ailleurs a fait d’eux mes interlocuteurs spirituels et émotionnels, même si je ne continue pas à parler avec eux. J’ai souvent en tête ce qu’ils pensent, ce qu’ils diraient ou feraient, et je peux m’en inspirer ».

    Phyllis Pellman Good est écrivaine et consultante pour la CMM.

    Photos de Paulus, Barbara, Mthokozisi et Morgen de Merle Good. Photo de Todd Friesen de Marilyn High.

     

     

  • Les YABs prennent la parole à PA 2015 et font des projets pour leur avenir

    Ils ont une histoire relativement courte, mais leurs voix à PA 2015 étaient saisissantes et incisives.

    En fait, les présentations des Jeunes Anabaptistes pendant le culte du matin au Rassemblement ont provoqué certaines des conversation les plus animées, et elles ont été postées et discutées largement sur les médias sociaux et au-delà.

    Sous le nom de ‘YABs’ (jeunes anabaptistes), ces représentants des jeunes des Églises membres à la CMM ont dit la vérité sans ambiguïté. Ils ont posé des questions percutantes. Leurs convictions ont fait réfléchir.

    Ce n’était pas par hasard. Les membres du Comité YABs, responsables de la mission et des activités des YABs, sont disciplinés et très matures. Moyenne d’âge : 28 ans et demi.

    Ce groupe a vu le jour en 2003, juste avant le Rassemblement de la CMM à Bulawayo (Zimbabwe). Plus de 220 jeunes (18-30 ans et +) de 28 pays se sont réunis pour le premier Sommet Mondial de la Jeunesse (GYS) pour développer des relations entre eux.

    La rencontre a rencontré un tel succès que les jeunes responsables ont demandé qu’un deuxième GYS soit organisé.

    Elina Ciptadi-Perkins (Indonésie) dit : « Lorsque nous étions ensemble à Bulawayo, nous avons demandé à être représentés de façon permanente au sein de la CMM. Nous voulions créer un groupe directeur de cinq jeunes pour y être actifs, composé d’un représentant d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique, d’Europe et d’Amérique du Nord.

    Elina, déléguée de l’union d’églises mennonites de la GKMI (Indonésie) en 2003, a été nommée responsable du groupe, qui s’appelait alors ‘Amigos’.

    Le troisième GYS, auquel plus de 400 jeunes ont participé, a eu lieu au Messiah College à Grantham, Pennsylvanie, du 17 au 19 juillet 2015, juste avant le Rassemblement à Harrisburg. Elina, toujours fervente partisane des YABs, et deux membres actuels du comité YABs, Rodrigo Pedroza (Mexique) et Marc Pasques (Espagne et Australie), parlent des YABs aujourd’hui.

    « Nous étions mieux préparés que jamais pour le GYS 2015. Nous avions interrogé des jeunes de chaque pays. Leurs requêtes et leurs souhaits ont guidé nos cultes, nos séminaires, nos jeux et tout le temps que vous avons passé ensemble » dit Rodrigo.

    Mais les YABs étaient bien préparés aussi pour le Rassemblement qui a suivi. « Au Zimbabwe, en 2003, les jeunes avaient un verset à lire pendant les sessions principales. Dans le passé, on nous considérait comme ‘créatifs’ et ‘remplis d’énergie’… ‘Peut-être pourraient-ils faire un peu de musique ?’… Mais à PA 2015, les YABs ont eu un rôle clé chaque matin » précise Elina.

    « On voit maintenant que nous avons le don de discernement et l’esprit critique. Nous voulons travailler avec nos frères et sœurs plus âgés. Maintenant, nous dialoguons ».

    Dans certains pays, les YABs ont des responsabilités majeures dans leurs paroisses. « La moitié des pasteurs du Mexique sont des jeunes », dit Rodrigo, président du Comité YABs et l’un des intervenants du matin à PA 2015. « Les assemblées mennonites mexicaines ont abandonné la bureaucratie, aussi les jeunes sont très engagés.

    Dans mon pays, les idéaux anabaptistes ont été perdus de génération en génération. On ne les a pas enseignés à nos anciens responsables, préférant une approche charismatique et pentecôtiste. Nous aidons à mettre en pratique l’anabaptisme et à redécouvrir sa fraîcheur ».

    Marc Pasques a été invité à être délégué YABs au deuxième GYS au Paraguay en 2009. « L’union d’églises de Marc est devenue membre de la CMM juste avant le Rassemblement au Paraguay », se souvient Elina. « Outre les compétences évidentes de Marc, nous l’avons invité pour encourager son union d’églises à être immédiatement connectée à l’Église mondiale. »

    Le Comité YABs est formé d’un représentant de chacun des cinq continents, plus un mentor, travaillant pour la CMM. Les membres qui ont achevé leur mandat à PA 2015 sont Rodrigo Pedroza (Mexique) Tigist Tesfaye Gelagle (Éthiopie), Soumana Basumata (Inde), Marc Pasques (Espagne/Australie) Lani Prunés (États-Unis) et Ayub Omondi (Kenya), à titre de mentor.

    Dès le début, le Comité YABs a eu une vision inhabituelle. « Le premier groupe a ‘semé les premières graines’ sur la façon dont nous, les jeunes, pourrions contribuer à la CMM » dit Elina.

    « Notre deuxième équipe a rencontré les différents groupes de la CMM ; nous avons expliqué qui nous étions et quels étaient nos dons, et nous avons demandé à collaborer davantage. C’était l’étape d’infiltration : nous voulions aller plus loin qu’une participation symbolique. Depuis le Paraguay, nous avons rédigé notre projet

    Nous avons toujours désiré développer des relations et créer des réseaux. Beaucoup d’entre nous avaient accès au courrier électronique, mais à l’époque, dans le Sud, peu de jeunes avaient un accès régulier. Cette réalité est en train de changer. »

    Rodrigo continue « Maintenant, ces intérêts relationnels sont un élément clé de notre plan. »

    « Nos projets concernent les jeunes que nous représentons, mais aussi les adolescents qui veulent être connectés. Dans les petites paroisses à travers le monde, les distinctions d’âge ne sont pas aussi importantes », dit Tigist Gelagle. « Nous concevons des activités spécifiques pour eux, et en même temps, nous les exposons aux réalités des autres. Et c’est comme un rappel : ‘Tu appartiens à une grande famille. Tu n’es pas seul’.

    Nous préparons du matériel didactique sur le livre des Actes. Ce sera une étude biblique, dans laquelle figureront des explications sur l’anabaptisme. Elle montrera comment intégrer les interprétations anabaptistes de la Bible dans sa propre culture.

    « Le Comité YABs a été particulièrement attentif à son propre développement en tant que groupe responsable, » dit Elina. « Quand nous avons commencé, nous avions besoin d’une vision. Nous n’avions jamais fait partie d’un groupe multiculturel. Il y a eu entre nous des tensions qui auraient pu être évitées si nous avions eu plus d’expérience. Des responsables de la CMM nous ont aidés, mais aucun n’avait été spécifiquement nommé pour nous donner des conseils.

    Donc, après le GYS au Paraguay, nous avons décidé d’inviter deux membres du comité précédent dans la nouvelle équipe pour parler des différents mode de communication interpersonnelle et pour nous aider à mieux nous comprendre et éviter de gaspiller du temps et de l’énergie en conflits.

    Nous avons également nommé un mentor, membre du précédent comité YABs, pour nous aider à organiser notre travail ; ce rôle de mentor est très important. »

    « Nous ne voulons pas être l’avenir de l’Église », dit Rodrigo catégoriquement. « Nous voulons être le présent de l’Église. On croit enfin en nous. On nous fait confiance. Nous devons utiliser cette opportunité pour être écoutés – à bon escient.

    Nous devons continuer à être respectueux les uns des autres. Nous sommes différents. Nous pensons différemment. Mais nous avons besoin les uns des autres. Par exemple, nous devons garder nos convictions sur la paix, surtout quand nous sommes chacun chez nous. »

    « Ma prière », dit Elina, « c’est que les jeunes ne pensent pas ‘qu’ils sont arrivés’. Les choses pourraient sembler faciles maintenant, car nous avons été pris au sérieux à PA 2015. J’espère que cela n’ira pas de soi sans travail ni effort. »

    – Phyllis Pellman Good est écrivaine et éditrice à Lancaster (États-Unis).

    Lors du Rassemblement, les futurs anabaptistes avaient leur propre programme pour explorer le thème ‘En marche avec Dieu’ lors des sessions pour les enfants et les adolescents. Photo : Jonathan Charles

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  • Piring Bukan Beling: l’hospitalité, pas l’hostilité

    Les Indonésiens sont réputés pour leur hospitalité. Si vous allez chez eux, ils vous offriront à manger et à boire. Dans les villages, la maîtresse de maison préparera le seul poulet de la famille pour un visiteur.

    Mes parents m’ont appris l’hospitalité. J’ai grandi dans une famille de neuf enfants, dans une petite maison qui n’avait que trois petites chambres. Nous n’étions pas riches, mais notre famille aidait les cousins et les amis qui avaient besoin d’un toit et de repas. Ils logeaient souvent chez nous pour pouvoir continuer leurs études. Notre petite maison était une oasis pour tous ceux qui avaient besoin d’amour et d’attention. Mon père et ma mère étaient les parents de tous.

    Ma mère et mon père nous ont appris à aimer, à nous occuper les uns des autres, à nous comprendre, nous aider et nous soutenir. Nous partagions ce que nous avions avec les autres, et nous ne pensions pas seulement à nous-mêmes. Mes parents nous ont appris aussi à respecter chacun, quel que soit son statut social, sa foi ou sa tribu. Par exemple, mon cousin est bouddhiste, l’ami de mon frère (d’origine arabe) est musulman, parmi les amis de ma sœur il y a un chrétien catholique de Java et un croyant hindou de Bali. Tous ont été chaleureusement accueillis chez nous. Mes parents nous ont aussi enseigné l’égalité et le respect. Notre employée de maison est devenue un membre de notre famille, elle s’asseyait avec nous et mangeait à notre table.

    Après un séjour aux États-Unis (1995–2001), je suis revenue en Indonésie, où la situation avait complètement changé. Je fus surprise de voir des femmes musulmanes portant de longues robes, des blouses à manches longues et le hijab. Avant, leurs vêtements n’étaient pas différents des autres. Des ecclésiastiques enseignaient qu’il était haram (interdit) à un musulman de saluer un chrétien en lui souhaitant « Joyeux Noël ! » et à un musulman de se rendre dans un lieu de culte chrétien. Cela m’a rendu très triste. Je me souvenais du temps où nous avions de bonnes relations et nous nous respections les uns les autres. Nous allions voir nos voisins musulmans pour Idul Fitri (Aïd al-Fitur, la fin du Ramadan) avec de la nourriture, et nos voisins musulmans venaient chez nous à Noël. La tradition de se rendre visite et de se réjouir ensemble a disparu. Ê Moluku et Poso, Sulawesi, les chrétiens et les musulmans vivaient jadis côte à côte en paix, et j’ai été bouleversée d’apprendre qu’ils s’étaient battus et même entretués.

    Dans de nombreuses régions du monde, il y a des personnes déplacées et des réfugiés à cause de la violence des conflits. Notre communion anabaptiste mondiale veut réfléchir à ce que signifie accueillir les étrangers, en particulier lorsque ces étrangers ont une croyance religieuse différente de la nôtre. Que devrions nous faire ?

    Méditons sur ces trois histoires.

    Elie et la veuve de Sarepta (1 Rois 17:8-16)

    Elie fuit Jézabel qui cherche à le tuer. Le ruisseau est à sec, mais Dieu a promis de répondre aux besoins d’Elie. ‘Alors le Seigneur adressa la parole à Élie : « En route, lui dit-il, va dans la ville de Sarepta, proche de Sidon, pour y habiter. J’ai commandé à une veuve de là-bas de te donner à manger’. » (BFC).

    Élie reste où il est jusqu’à ce que Dieu communique avec lui. Il attend jusqu’à ce que le Seigneur lui dise : ‘Va à Sarepta’. Le mot hébreu halak, utilisé ici pour ‘va’ a le sens de voyager ou de traverser des difficultés et des dangers, ‘En route’ celui de se réveiller.

    Il est intéressant de noter qu’Élie se rend à Sarepta, qui se trouve sur les terres de Jézabel qui veut le tuer. Dieu répond aux besoins d’Élie par l’intermédiaire d’une femme païenne, une femme qui ne fait pas partie du peuple de Dieu. Cette femme veuve est pauvre, sans ressources, déprimée et sur le point de mourir de faim.

    Et pourtant, cette veuve est prête à offrir le seul repas qui lui reste. Elle est prête à partager ses ressources/sa nourriture bien qu’elle ait si peu. Elle ouvre la porte à Élie et lui permet de rester chez elle. Grâce à Élie, elle découvre Dieu.

    Le Hezbollah et les mennonites (Yogyakarta)

    Le tremblement de terre de Yogyakarta de 2006 (aussi appelé tremblement de terre de Bantul), d’une magnitude de 6,3 sur l’échelle de Richter et d’une intensité maximale de IX (destructif) sur l’échelle de Medvedev-Sponheuer-Karnik a eu lieu à 5 h 54, le 27 mai 2006. La secousse s’est produite sur la côte sud de Java, près de la ville indonésienne de Yogyakarta, et a fait plus de 5 700 morts et 37 000 blessés. Son coût financier est évalué à 29,1 milliards de roupies indonésiennes (3,1 milliards USD).

    Le tremblement de terre a démoli tous les bâtiments et toutes les maisons. Presque tous les foyers des membres de notre église mennonite de Pundong (GKMI Yogyakarta Cabang Pundong) ont été détruits.

    Quel pouvaient faire les mennonites ? Nous avons monté des tentes, construit une cuisine communautaire, une salle de bainnourr communautaire et une clinique. Avec l’aide du Comité Central Mennonite et d’autres ONG, nous avons aidé tous ceux qui souffraient, quelle que soit leur religion. Nous avons partagé notre électricité avec la communauté.

    Des volontaires de différentes origines et confessions ont collaboré avec nous. Des soldats du Hezbollah (division de Sunan Bonang) ont surveillé notre camion chargé de matériel (tout était rare, il y avait beaucoup de vols). Les mennonites et le charpentier du Hezbollah ont travaillé ensemble pour construire des maisons. Une fois que toutes les maisons étaient reconstruites, nous avons construit un bâtiment pour l’église et la communauté.

    Un déferlement d’aide

    Le Mont Merapi au centre de Java (Indonésie) est entré en activité : des éruptions de plus en plus violentes se sont produites de fin octobre à novembre 2010. L’activité sismique autour du volcan a augmenté à partir de mi-septembre, avec des jaillissements répétés de lave et de cendres. L’éruption a causé de nombreuses coulées pyroclastiques sur les pentes très peuplées du volcan. Les autorités ont déclaré que c’était la plus importante éruption du Merapi depuis les années 1870.

    Plus de 350 000 personnes ont été évacuées de la zone touchée. Cependant, beaucoup d’entre elles sont restées en arrière ou sont rentrées chez elles, pendant que les éruptions se poursuivaient ; 353 personnes ont été tuées. Les panaches de cendres du volcan ont provoqué de graves perturbations dans le trafic aérien de Java. Le 3 décembre 2010, l’activité volcanique s’est ralentie et le niveau d’alerte a été réduit de 4 à 3.

    L’église a souffert de l’éruption du mont Merapi. Plus de 350 000 personnes ont été évacuées et installés dans le stade, l’école, l’église et la cour du village. Elles étaient affamées.

    Quel devions-nous faire ? Notre assemblée mennonite est petite, de 100 à 150 membres, et la plupart sont pauvres. Mais nous voulions faire quelque chose. Nous avons demandé que Dieu nous bénisse. Nous avons recueilli 3 millions de roupies (environ 300 USD) et nous avons fait une cuisine communautaire dans l’église. Nous avons cuisiné et envoyé 1 500 repas chaque jour sur le lieu des secours.

    Dieu est bon ! Il a envoyé des personnes (dont certaines que nous ne connaissions pas du tout) pour nous aider. Comme la veuve de Sarepta, nous avons eu des provisions jusqu’à la fin. Lorsque nous étions trop fatigués, Dieu envoyait des gens pour nous aider. Nous avons donc pu nous reposer et continuer notre ministère jusqu’à la fin.

    De la nourriture, pas des miettes

    Piring Bukan Beling. C’est une illustration javanaise des relations. (Piring = assiette, beling = du verre cassé). Beling peut être une bouteille dont le fond a été cassé pour blesser quelqu’un dans une bataille entre hommes ivres. Ce sont aussi les tessons de bouteilles qui sont parfois cimentés sur les murs pour empêcher son escalade. Donc Piring beling bukan veut dire : il est inutile de construire un haut mur ; vous n’êtes toujours pas en sécurité car le mur vous sépare de votre voisin. Ne manifestez pas d’hostilité envers les autres et ne les attaquez pas. C’est mieux d’être hospitalier ; offrez ‘piring’ : une assiette pleine à votre voisin. Alors, votre ennemi deviendra peut-être votre ami. Vous pouvez travailler ensemble et vous entraider. Offrez l’hospitalité, pas l’hostilité.

    Ce qui nous arrive est utilisé par Dieu. Les événements qui nous éprouvent deviennent souvent un moyen par lequel Dieu nous forme à un ministère. En d’autres termes, nos épreuves peuvent devenir des occasions d’exercer un ministère, d’incarner la vie de Jésus-Christ, la puissance et l’amour de Dieu. Les besoins d’Élie sont devenus un moyen de répondre aux besoins de la veuve et de son fils, et de la même manière, nos besoins peuvent devenir des moyens de répondre aux besoins des autres.

    Ê travers les catastrophes qui nous arrivent, Dieu nous rappelle que nous ne sommes pas sur terre pour nous-mêmes, même lorsque nous souffrons et avons de grands besoins. Dieu prend soin de nous et nous ne sommes pas seuls. Dieu se soucie des autres aussi et il aide souvent ceux qui nous entourent par les changements qu’il apporte par notre propre souffrance ou nos besoins.

    Vivre l’hospitalité signifie que même dans des contextes de souffrance et de pénurie, il nous faut penser aux autres et les aider. Cela va à l’encontre de nos sociétés égocentriques dans lesquelles on cherche ce qui est le mieux pour soi sans se préoccuper des conséquences pour les autres.

    L’hospitalité, c’est ouvrir sa porte et être prêt à partager ce que l’on a, même si c’est tout ce qui nous reste.

    Il ne faut jamais s’arrêter à notre situation. Il faut regarder au-delà, vers la vraie source : le Seigneur. Ne jugez pas ou ne mesurez pas les bénédictions de Dieu par ce que nous en voyons. Dieu fait infiniment plus que tout ce que nous pouvons demander ou penser – comme l’aide qu’a re√ßue l’église mennonite lorsque le mont Merapi est entré en éruption.

    Il nous faut marcher par la foi et non par la vue. Ne comptons pas seulement notre argent, mais comptons aussi nos bénédictions. Travaillons pour Dieu avec amour et compassion. Commen√ßons avec ce que nous avons, n’attendons pas d’être sûrs d’avoir assez. Nous savons qu’en partageant nos bénédictions, nous ne manquerons de rien.

    L’hospitalité c’est ouvrir sa porte (accueillir), être ouvert, pour que l’autre apprenne à nous connaître et à connaître notre Dieu. Nous devons même ouvrir la porte à un ennemi et lui offrir de la nourriture et gentillesse. C’est aussi entrer en relation avec les autres, être assez humbles pour recevoir leur amour, même celui de quelqu’un qui nous semble plus faible que nous. Nous devons ouvrir les yeux, choisir de vivre côte à côte et apprendre à nous comprendre mutuellement.

    L’hospitalité, c’est traiter les autres comme des égaux, quelle que soit leur foi, leur famille, leur tribu, leur organisation ou leur église. N’ayons pas de préjugés. Traitons les autres comme des amis ou des membres de notre famille. Respectons-les. Rappelons-nous que nous appartenons tous à la communauté mondiale. Nous sommes la création de Dieu.

    L’hospitalité c’est être ouvert à la manière de faire de Dieu. Nous devons lui demander de nous donner compassion et amour pour aller vers les autres avec sa puissance et son amour.

    Quand un étranger viendra s’installer dans votre pays, ne l’exploitez pas ; au contraire, traitez-le comme s’il était l’un de vos compatriotes : vous devez l’aimer comme vous-mêmes. Rappelez-vous que vous avez aussi été des étrangers en Égypte. Je suis le Seigneur votre Dieu,’ (Lév 19:33–34, BFC) .

    ‚ÄîJanti Diredja Widjaja est pasteure de l’une des unions d’églises mennonites, Gereja Kristen Muria Indonesia (GKMI) à Yogyakarta (Indonésie). Elle a fait partie de la Commission Foi et Vie de la CMM (2009-2015) et étudie la psychologie à l’Université Gajah Mada à Yogyakarta.

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2016 de Courier/Correo/Courrier

    Lors du 16e Rassemblement de la CMM en Pennsylvanie, des familles ouvrent leur maison à des participants venus du monde entier. Photo : Liesa Unger.

    Le Dimanche de la Paix, des églises men-nonites colombiennes partagent l’amour du Christ avec ‘Pan y Paz’, en offrant du pain à des inconnus dans la rue. Photo : Iglesia Cristiana Menonita de Ciudad Berna, Bogot√°, Colombia.

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