Le pouvoir dans l’Église : Réflexions sur notre engagement commun à être Église
Notre communion mondiale d’Églises anabaptistes est engagée à être Église ensemble. Nous reconnaissons aussi que l’Église a besoin de personnes assumant la responsabilité de guider le troupeau. Ceci posé, nous sommes conscients que le pouvoir s’exerce de différentes manières dans nos divers contextes. Dans ce numéro de Courrier/Correo/Courrier, des responsables de notre communion réfléchissent aux façons diverses dont les anabaptistes abordent la question du pouvoir en Église : luttes et difficultés, bénédictions et avantages.
Il ne doit pas en être ainsi parmi vous
L’anabaptisme est apparu sur la scène chrétienne en Corée du Sud il y a moins de 20 ans. En 1996, un groupe d’amis chrétiens – ayant une vision émergente de l’anabaptisme – ont mis fin à un lien de longue date avec leurs églises mères, pour la plupart protestantes. Après avoir passé de longues heures dans l’étude de la Bible et des recherches historiques et théologiques, ils ont réalisé que ce qu’ils voulaient, c’était de commencer une nouvelle Église fondée sur le Nouveau Testament.
Rompre avec les grandes Églises était une chose ; en commencer une nouvelle est tout autre chose. L’anabaptisme avait encore mauvaise réputation à cette époque, si bien qu’adopter cette vision c’était aller à contre-courant de la tradition dominante. Une provocation de plus était que l’objectif était de revenir aux débuts de l’Église du premier siècle !
Depuis, le réseau anabaptiste de Corée du Sud s’est développé peu à peu, au fur et à mesure de l’intérêt manifesté pour cette nouvelle conception de l’Église.
On peut se poser la question : pourquoi ont-ils quitté leurs paroisses et ont-ils commencé un nouveau mouvement ? Parmi les facteurs ayant amené la séparation, l’un des principaux était leur conception de la nature de l’Église. Pour ces chrétiens, l’Église n’était pas une dénomination institutionnalisée qui crée inévitablement une structure de pouvoir inégale. Ils voyaient l’Église comme le corps du Christ, dans lequel le pouvoir est équitablement réparti entre frères et sœurs.
Par nature, les êtres humains désirent le pouvoir. Tout au long de l’histoire, personne n’a échappé complètement à l’attrait du pouvoir ; même Jésus a été tenté par Satan dans ce domaine. L’Église n’en a pas été exempte. En fait, de nombreux responsables d’églises sont tentés d’exercer leur autorité pour dominer les autres.
C’est exactement ce qui est arrivé aux disciples de Jésus il y a 2 000 ans : ils se sont querellés pour savoir qui était le plus grand parmi eux. Et deux d’entre eux, Jacques et Jean, ont demandé des places particulières, l’un à gauche et l’autre à la droite de Jésus glorifié (Mc 10/37). Même leur mère voulait que Jésus leur donne le pouvoir : « Promets-moi de faire siéger l’un à ta droite, l’autre à ta gauche, dans ton royaume » (Mt 20/21). Ces requêtes ont fâché les autres disciples et ils ont été indignés. Il n’est pas étonnant que cela ait été un sujet de désaccord !
Finalement, Jésus les a appelé et leur a dit : « Vous savez ce qui se passe dans les nations : ceux que l’on considère comme les chefs politiques dominent sur leurs peuples, et les grands personnages font peser leur autorité sur eux. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous ! Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir lui-même et donner sa vie en rançon de beaucoup. » (Mc 10/42-45).
Il est gênant de voir que, parfois, les chrétiens cherchent le pouvoir et la célébrité pour maintenir le statu quo. Je ne dis pas cela parce que je suis meilleur que les autres, mais parce que, moi aussi, je suis tenté de rechercher le pouvoir comme dans le monde, si je n’agis pas poussé par l’Esprit de Dieu. Malheureusement, trop peu de gens reconnaissent l’influence corruptrice du pouvoir, et trop peu se rendent compte que le pouvoir peut être utilisé à mauvais escient par des soi-disant ‘responsables’ d’églises.
On aime être appelé ‘responsable’ ou ‘directeur’. Nous avons tous tendance à demander ce titre, avec le pouvoir et la popularité qui l’accompagnent. Pourtant ce que nous désirons, ce n’est pas le type de pouvoir recherché par le monde. C’est plutôt le pouvoir que nous recevons de Dieu lorsque nous sommes faibles et pourtant rendus forts par l’Esprit de Dieu. C’est le pouvoir du serviteur, pas du chef. C’est le pouvoir de l’humilité, du renoncement au contrôle. C’est le pouvoir de ne pas tuer nos ennemis, mais de les aimer, et de donner sa vie comme notre Seigneur est venu pour donner sa vie en rançon de beaucoup.
Ne tombons pas dans le piège du diable : penser que c’est une récompense de Dieu d’être ‘au dessus des autres’. Le discipulat ne comporte pas une telle récompense. Au lieu de cela, c’est la coupe et la croix : « Vous boirez en effet la coupe que je vais boire, et vous subirez le baptême par lequel je vais passer, mais quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de vous l’accorder : ces places reviendront à ceux pour qui elles ont été préparées. » (Mc 10/40).
Que Dieu nous accorde le pouvoir de nous libérer des attentes du monde, et de nous appuyer sur Sa puissance, même dans notre faiblesse.
Kyong-Jung Kim est le représentant régional de la CMM pour l’Asie du Nord-Est. Depuis 2004, il est directeur du Centre Anabaptiste de Corée, un ministère des églises anabaptistes de la Corée du Sud.
Le pouvoir dans l’Église : Réflexions sur notre engagement commun à être Église
Notre communion mondiale d’Églises anabaptistes est engagée à être Église ensemble. Nous reconnaissons aussi que l’Église a besoin de personnes assumant la responsabilité de guider le troupeau. Ceci posé, nous sommes conscients que le pouvoir s’exerce de différentes manières dans nos divers contextes. Dans ce numéro de Courrier/Correo/Courrier, des responsables de notre communion réfléchissent aux façons diverses dont les anabaptistes abordent la question du pouvoir en Église : luttes et difficultés, bénédictions et avantages.
Au-delà de la domination et du contrôle
Périodiquement, des responsables d’assemblées et d’organisations chrétiennes me tapent sur l’épaule pour que j’explique ce que signifie être fidèle en devenant un corps diversifié et réconcilié selon Dieu. Il y a quelques années, j’aurais répondu en réaffirmant la vision biblique de la communauté chrétienne du Nouveau Testament, dans laquelle toutes les barrières sont brisées, d’abord entre juifs et gentils, et ensuite entre chaque groupe social, y compris les groupes raciaux. J’aurais peut-être commencé par souligner les implications radicales de l’Église en tant que nouvelle société multiethnique, dans laquelle les anciennes identités et les réseaux relationnels sont reconfigurés à cause de l’œuvre de Jésus ; et enfin par la mention de la destruction en et par Dieu en Jésus-Christ du mur qui nous séparait.
Théologiquement, j’y crois toujours. Pourtant, cette interprétation ne prend pas en compte certaines forces historiques à l’œuvre dans la plupart des églises nord-américaines, et dont on parle rarement.
Serait-il possible que notre principal problème ne concerne pas seulement la division et les différences culturelles et ethniques en Amérique du Nord ? Serait-il possible que la véritable question soit celle de la façon dont le pouvoir a été utilisé historiquement parmi les chrétiens dans l’Église et dans la société en général ?
En Amérique du Nord, l’Église ne s’est jamais vraiment repentie (ou détournée) de la domination raciale qui a imprégnée ses pratiques et sa théologie depuis le XVIIe siècle. Certes, l’esclavage a été officiellement aboli ; il est stigmatisé, et la société en général réagit négativement à la mention même du mot. Il n’est pas nécessaire d’avoir du courage pour regarder l’histoire (chrétienne) de l’esclavage aux États-Unis de 1619 à 1865, et de le dénoncer comme étant incompatible avec le chemin de Jésus.
Cependant, dans la plupart des communautés chrétiennes des États-Unis, il faut des convictions solides à ceux qui se rassemblent sous la seigneurie de Jésus pour parler des pratiques de la domination blanche avec sincérité et patience tout en se montrant vulnérable. Ê ce jour ces pratiques ont continué à être utilisées dans et par l’Église, constituant un contre-témoignage dans le monde. L’esclavage a disparu, mais la logique du raisonnement racial qui a produit la domination et le contrôle des blancs dans la communauté chrétienne (et au-delà de ses murs) est restée intacte.
Nous devons nous demander pourquoi l’Église nord-américaine (dont les anabaptistes) n’a pas su comprendre que le racisme est une question théologique et concerne le discipulat. L’Église est troublée par le déploiement du pouvoir en son sein et le justifie inconsciemment par un regard raciste.
De nombreux chrétiens aimeraient vivre dans une communauté ‘diverse’, signe de la réconciliation de Dieu en Jésus-Christ. Cependant, très peu d’assemblées sont prêtes à renoncer au pouvoir et au contrôle exercés dans leurs communautés. En général, quand des personnes ‘diverses’ entrent dans ces communautés ‘accueillantes’, elles doivent se convertir théologiquement, culturellement et socialement aux normes établies. Ainsi que le dit le dicton : « The White way is the right way » (la bonne manière de faire est celle des blancs). Ces normes ne sont pas de valeurs chrétiennes ‘pures’ et indemnes des normes sociales et culturelles. Néanmoins, c’est ainsi qu’elles sont souvent utilisées et justifiées.
Au lieu de pratiquer la ‘kénose’ (Phm 2/5-11) – l’abaissement et le renoncement au pouvoir – et de développer des relations avec des chrétiens opprimés et victimes du racisme dans une attitude de vulnérabilité réciproque, ce qui peut conduire à la transformation, les groupes qui ont le pouvoir dominent les autres. La tentation a toujours été de se tromper en gardant le pouvoir et le contrôle sur les minorités raciales, ce qui empêche toute possibilité de réconciliation authentique, pourtant si souvent souhaitée. La réconciliation ce n’est pas seulement des groupes différents partageant le même espace tous les dimanches matins. Tant que la domination et la supériorité subsistent, il n‘y a pas de réconciliation. Quand des minorités raciales qui ont toujours été écrasées et exclues par l’exercice du pouvoir dans l’Église ne sont pas incluses, et quand la prise de décision n’est pas le fait de tous, dans la vulnérabilité, il ne peut se produire de réconciliation authentique. Quand on ne donne pas la priorité aux plus faibles et que les membres de l’assemblée locale ne sont pas à leur écoute pour privilégier leur voix, le Royaume de Dieu ne règne pas entièrement parmi nous.
Ne pas tenir compte de la dynamique du pouvoir à l’œuvre dans la racialisation de nos communautés anabaptistes nord-américaines conduit à un diagnostic erroné de ce qui nous empêche d’aller au-delà du modèle figé de conformité raciale dans notre société. Nous ne témoignons pas de notre soumission à la manifestation de la puissance de Dieu dans notre faiblesse humaine. Dans nos communautés anabaptistes nord-américaines, il nous faut aller au-delà de la domination et du contrôle vers une solidarité et une réciprocité pratiquée dans l’humilité.
Le temps est venu de reformuler notre théologie et ses pratiques afin de pouvoir suivre plus fidèlement le chemin de Jésus dans une société raciste. Nos paroisses anabaptistes sont probablement plus enclines que les autres à comprendre que nous ne devrions pas dominer ou écraser les autres. Pourtant, nous avons besoin d’actualiser cette théologie dans nos églises et dénominations dominées et contrôlées par des blancs.
Que se passerait-il si les chaires et les rayons de bibliothèques anabaptistes n’étaient pas dominés par les auteurs et les orateurs blancs ? S’ils cherchaient vraiment à utiliser tous les dons de l’Église, en particulier de ceux qui ont été dominés et exclus dans le passé ? Nos paroisses ne pourraient-elles rendre visible le règne de Dieu devant le monde en suivant l’exemple créatif des mouvements chrétiens prophétiques ‘non-blancs’ qui incluent des personnes vulnérables et sans défense ?
Nos cultes en commun ne seraient-ils pas enrichis par la solidarité et la vie quotidienne avec des personnes qui ont été systématiquement exclues sur la base du racisme ? Comment l’anabaptisme contemporain – qui a commencé au XVIe siècle avec surtout des groupes opprimés économiquement formant un rassemblement visible de disciples engagés à suivre Jésus concrètement – pourrait-il se renouveler par le renoncement à la domination et au contrôle des blancs, sur les autres ? Comment pourrait-il choisir de devenir vulnérable et solidaire de ceux qui sont opprimés à cause de leur race ? Comment pourrait-il chercher le shalom et le bien de tous, à l’intérieur et au-delà de nos communautés chrétiennes ?
Drew G. I. Hart (drewgihart.com/) se présente comme anabaptiste noir, ‘MennoNerds blogger’ et ancien pasteur de l’église Frères en Christ d’Harrisburg (États-Unis). Il est aussi étudiant en doctorat qui fait des recherches sur la théologie noire et l’anabaptisme.
Réflexions sur notre engagement commun à être Église
Notre communion mondiale d’Églises anabaptistes est engagée à être Église ensemble. Nous reconnaissons aussi que l’Église a besoin de personnes assumant la responsabilité de guider le troupeau. Ceci posé, nous sommes conscients que le pouvoir s’exerce de différentes manières dans nos divers contextes.
On peut se poser la question : pourquoi ont-ils quitté leurs paroisses et ont-ils commencé un nouveau mouvement ? Parmi les facteurs ayant amené la séparation, l’un des principaux était leur conception de la nature de l’Église. Pour ces chrétiens, l’Église n’était pas une dénomination institutionnalisée qui crée inévitablement une structure de pouvoir inégale. Ils voyaient l’Église comme le corps du Christ, dans lequel le pouvoir est équitablement réparti entre frères et sœurs.
Moi laïque, j’ai connu autant de styles de leadership que de responsables ! Ils ont tous le pouvoir, et ce pouvoir peut être bon ou mauvais. Tous, êtres humains faillibles, donnent le ton dans l’assemblée par la manière dont ils l’exercent.
Nous devons nous demander pourquoi l’Église nord-américaine (dont les anabaptistes) n’a pas su comprendre que le racisme est une question théologique et concerne le discipulat. L’Église est troublée par le déploiement du pouvoir en son sein et le justifie inconsciemment par un regard raciste.
Aujourd’hui, notre communauté d’églises anabaptistes s’étend au monde entier et est formée de groupes d’origines culturelles, ethniques et politiques différentes. Nous sommes, sans aucun doute, une communauté diversifiée. Chaque fois que nous nous réunissons, nous apprécions cette diversité et nous nous en sentons enrichis.
Pourtant, parfois des questions se posent. Certaines choses nous irritent. La diversité est aussi un défi ! Y a t-il des limites à cette diversité ?
Afin d’y réfléchir, il est nécessaire de commencer par clarifier notre identité. C’est déjà un défi en soi ! Quand nous voulons expliquer qui nous sommes, nous mentionnons habituellement de notre histoire. Quelles sont nos racines ? Même les communautés mennonites dont la généalogie ne remonte pas aux anabaptistes européens du XVIe siècle se réfèrent à cette histoire, parce qu’ils l’ont intégrée dans leur propre identité. Et même lorsque l’on veut aborder cette histoire de manière critique, on l’utilise toujours comme référence pour expliquer qui nous sommes aujourd’hui.
Les débuts de l’anabaptisme : né dans la diversité
L’anabaptisme n’a jamais été totalement homogène. Depuis ses débuts, au temps de la Réforme, la diversité a été un défi pour le mouvement anabaptiste. Il n’a pas commencé avec la conception unique d’un nouveau visage de l’Église, mais a plutôt développé des idées différentes dans ses nombreuses luttes dans les contextes variés en Europe. Lentement, des principes communs ont émergé et lui ont permis de s’affirmer face à l’Église dominante du Moyen Age.
Tout en partageant la conviction principale de réformateurs Luther, Calvin et Zwingli (le salut par grâce, par la foi seule), les anabaptistes ont adopté une compréhension plus radicale de l’Église comme une communauté non-conformiste de croyants engagés. Son expression la plus forte était le baptême des croyants – un acte radical et librement choisi, basé sur une confession de foi individuelle. Cette nouvelle communauté a rejeté l’autorité de l’État et de l’Église dans l’interprétation de la foi. Elle a opté pour un modèle non hiérarchique et sans credo : ‘le sacerdoce universel’.
Le mouvement grandissant, il est devenu évident que seule une structure d’assemblée locale était appropriée. Rejetant la structure hiérarchique des prêtres et des évêques, ses membres lisent ensemble la Bible et partagent leurs connaissances pour discerner la volonté de Dieu. La suivance du Christ, exprimée le plus clairement dans le Sermon sur la Montagne, est de première importance.
De toute évidence, la revendication de cette liberté de conscience et de foi a représenté une menace pour l’Église et l’État. Beaucoup des anabaptistes de première et de deuxième génération l’ont payé de leur vie.
Une histoire de discorde et de schisme
Cette histoire commune façonne notre identité en tant qu’individus et en tant qu’assemblées locales, ainsi que notre manière de vivre ensemble l’Église.
Pourtant, alors même que le mouvement anabaptiste des débuts unissait des individus et des groupes ayant des idées variées mais complémentaires sur la manière de vivre la foi chrétienne, des désaccords se sont produits. Notre histoire est aussi marquée par la discorde et le schisme – qui sont des aspects douloureux de notre passé. On peut remarquer que ces discordes sont tout à fait en contradiction avec les déclarations spirituelles de nos premiers frères et sœurs.
Par exemple, des disputes sur la quantité d’eau à utiliser pour le baptême ou sur le genre de musique joué lors des cultes sont devenues des raisons suffisantes pour se séparer et se condamner mutuellement. Un comportement patriarcal, le mauvais usage du pouvoir (sans contrôle), la victimisation des personnes et l’anathème jeté sur des groupes entiers qualifiés de ‘hérétiques’, font tout autant partie de notre histoire que de celle des autres églises.
L’incapacité à vivre selon les convictions théologiques précieuses des premiers anabaptistes peut être très décevante. Alors que nous continuons d’affirmer, comme l’ont fait les fondateurs, que le modèle d’assemblée reposant sur le baptême de croyants entraîne la plus grande diversité possible dans l’Église – car il fait confiance à la personne et la respecte – il semble que nous n’ayons jamais réussi à prouver sa légitimité et sa faisabilité.
Diversité dans l’anabaptisme contemporain
Pourtant, un autre point commun à toutes les églises de la Réforme est la conviction que l’église est semper reformanda : elle doit toujours être réformée. Nous revendiquons la liberté et la responsabilité de renouveler l’Église à chaque génération, si cela semble nécessaire et approprié.
Aujourd’hui, nous formons une communauté mondiale d’églises anabaptistes, la Conférence Mennonite Mondiale. C’est en son sein que nous avons appris à respecter et à apprécier la diversité. Les différentes expressions culturelles, les identités ethniques multiples, la lecture biblique et la théologie contextuelles ainsi que les manières diverses et authentiques de célébrer l’amour de Dieu constituent toute la richesse de cette communauté. Nous avons appris à voir cette diversité comme un don de Dieu, car nous comprenons maintenant mieux que jamais que la diversité et l’unité ne sont pas des dimensions contradictoires mais complémentaires du mouvement créateur de Dieu. La CMM est d’abord un espace de gratitude et de réjouissance pour cette richesse commune.
Cependant, cette célébration de la diversité peut devenir très superficielle si nous adoptons une approche ‘touristique’, une unité à bon marché. Tant que la diversité de la famille mondiale ne remet pas en cause le pouvoir dans les assemblées locales, il sera assez facile d’accepter toutes sortes d’opinions.
Sommes-nous prêts à permettre à d’autres membres de la famille mondiale de questionner notre manière traditionnelle de croire ? Sommes-nous prêts à vraiment tolérer (c’est-à-dire à être patients avec) les autres ? Serions-nous vraiment prêts à changer une opinion ou un comportement, s’il offensait quelqu’un ?
Je conçois aussi la CMM comme un espace de discernement commun des limites de notre diversité, et d’exercice de la responsabilité mutuelle. Ceci peut être difficile, frustrant, parfois même douloureux. Pourtant, si nous ne sommes pas prêts à relever ce défi, nous passerons à côté de l’essentiel : une ‘unité coûteuse’.
Pratiquer la diversité
Bien sûr, ceci doit aussi se concrétiser. Comment, aujourd’hui, gérer la complexité de la diversité ? En d’autres termes, comment mettre en pratique ce processus de discernement mutuel concernant les limites de notre diversité ? Comment pouvons-nous nous tenir mutuellement responsables?
Pour y répondre, il peut être utile de mentionner deux questions étroitement liées.
Quels sont lespoints présentant un danger pour l’unité ?
Comment discerner les points fondamentaux pour garder l’unité ? Pour les prophètes de l’Ancien Testament, la limite de la diversité était atteinte quand une conviction ou un comportement conduisait au blasphème. Quand quelqu’un mettait en doute l’unicité et l’unité de Dieu – le Dieu qui avait libéré Israël de l’esclavage – les prophètes demandaient une confession claire et sans ambiguïté. Cela est aussi vrai dans le Nouveau Testament : chaque fois que la Seigneurie du Christ était mise en question, la tolérance ne semblait plus être une option.
En termes théologiques, cette approche est appelée status confessionis, une situation où la confession de Christ elle-même est en danger. Ce fut le cas lorsque les chrétiens allemands du début du XXe siècle se sont soumis à l’autorité absolue du régime nazi, même en ce qui concerne l’Église. Dans l’opposition, l’Église Confessante émergente a publié la Déclaration Théologique de Barmen (1934), dans laquelle elle condamne l’acceptation de l’idéologie nazie par les chrétiens allemands et confesse la seigneurie inaliénable du Christ comme unique chef de l’Église.
Comment abordons-nous ces questions ?
Aujourd’hui, les mennonites sont connus (et respectés) comme étant l’une des églises historiquement pacifistes. Face aux défis de la diversité au sein de l’Église, l’approche non-violente à la résolution des conflits a été un principe fondamental depuis les débuts du mouvement anabaptiste. Pourtant, nous ne pouvons certainement pas prétendre être des experts en médiation quand il s’agit de conflits internes. Cependant, je veux croire en la sagesse et au potentiel de cette caractéristique identitaire. Si nous sommes convaincus que Jésus appelle tous ses disciples à être des artisans de paix et à rechercher d’abord la justice du Royaume, cela doit influencer notre méthodologie pour aborder nos propres différences.
Les principales questions à poser lors d’un conflit devraient être :
La question en jeu est-elle vraiment une question de status confessionis, ou peut-on tolérer (supporter) que l’autre prétende également suivre l’Écriture ?
Quel est le point de vue des personnes vulnérables ou discriminées dans cette affaire ?
Victimisons-nous quelqu’un dans le conflit et, si oui, comment cesser ?
Nous présentons-nous à tort comme une victime et, si c’est le cas, comment adopter une position plus appropriée ?
Restons-nous conscients que toutes les personnes impliquées sont et demeurent éternellement créées à l’image de Dieu, même si nos opinions ou nos comportements diffèrent ?
Je veux croire qu’être Église ‘de paix juste’ exige une approche profondément humble : différencier toujours la vérité absolue, qui est en Dieu seul, de nos approximations de la vérité. Si nous y ajoutons l’humilité à l’ambition d’être une église ‘de paix juste’, non seulement la crédibilité de notre témoignage pour la paix grandira, mais nous redécouvrirons aussi la capacité du Christ de tolérer (supporter) nos diversités.
La communauté qui prie, réunie au nom de Dieu, reste l’espace ultime de responsabilité mutuelle. La CMM a le potentiel pour devenir une telle communauté.
Fernando Enns est directeur de l’Institute for Peace Church Theology à l’Université de Hambourg (Allemagne), et professeur de Paix (théologie et éthique) à l’Université Libre d’Amsterdam (Pays-Bas).
Comme les mennonites (et d’autres anabaptistes) de tous les pays du monde, les mennonites canadiens sont enracinés dans leur pays et affectés par son histoire. Le Canada est un très grand pays, long de 7 000 km de l’Atlantique au Pacifique jusqu’à l’Arctique. C’est également un des pays les plus riches du monde, avec un très bon système d’enseignement et de santé. L’anglais est dominant, à cause du lien historique avec la Grande-Bretagne, mais la langue française est parlée au Québec. Ce pays peuplé de colons (agriculteurs immigrants, en particulier en Ontario et dans l’Ouest du Canada) a également une longue histoire parfois violente, de relations avec les peuples autochtones.
Bilingue, le Canada a toujours toléré les cultures minoritaires et, en particulièrement pendant le dernier tiers du XXe siècle, il a accueilli un grand nombre de nouveaux immigrants venant du Sud. Aujourd’hui, seulement deux tiers des 35 millions de Canadiens se disent chrétiens (presque deux fois plus de catholiques que de protestants). Huit millions ne sont pas religieux et environ un million sont musulmans ; un autre million ont une religion d’origine indienne (hindous ou sikhs) ; il y a 300 000 bouddhistes et
300 000 juifs.
Les mennonites, de 127 000 (membres d’églises mennonites en 2010) à 175 000 (recensement de 2011 au Canada), constituent une minorité. Ils sont aussi très différents, avec plus de 20 dénominations utilisant le nom ‘mennonite’.
Mennonite Church (MC) et Mennonite Brethren (MB)(Église mennonite et Frères mennonites)
Ce sont les deux groupes les plus nombreux : les Mennonite Brethren comptent environ 38 000 membres et la Mennonite Church, 32 000. Ce sont aussi les plus urbanisés, ils attirent de nombreux ‘non-mennonites’ canadiens, ainsi que des immigrants latino-américains et chinois.
Les assemblées locales MB viennent de Russie (1860), après leur séparation des groupes mennonites principaux, pour mettre l’accent sur la foi personnelle et choisir le baptême par immersion. La première paroisse MB du Canada a été créée en 1888 en tant que poste missionnaire, mais les MB canadiens sont restés peu nombreux jusqu’en 1923, quand des immigrants fuyant le communisme d’Union soviétique ont commencé à arriver au Canada.
L’histoire des paroisses MC est plus complexe ; elle a son origine dans la fusion (1999) de deux dénominations généralement appelées ‘General Conférence’ (GC) et ‘(Old) Mennonite’ (OM). Les OM se sont développés après l’arrivée des mennonites au Haut-Canada aujourd’hui l’Ontario) de Pennsylvanie, d’abord en 1786, mais en bien plus grand nombre après 1800. Bien qu’au début (1860), la GC d’Amérique du Nord comprenait une assemblée en Ontario, la présence permanente de la GC au Canada a commencé avec la fondation de la Conference of Mennonites in Canada en 1903, et a été renforcée par l’immigration des mennonites d’Union soviétique dans les années 1920 et 1940. Compte tenu de leur diversité, les paroisses MC soulignent l’unité et la communion fraternelle dans la diversité, ainsi que la justice sociale, en particulier avec le Comité Central Mennonite (MCC).
Autres groupes anabaptistes-mennonites au Canada
Plusieurs dénominations de taille moyenne (entre 4 000 et 6 000 membres) ont ‘panaché’ l’anabaptisme et le protestantisme évangélique. L’Église Frères en Christ est issue des migrations de mennonites américains suisses-allemands (fin du XVIIIe siècle) vers le Haut-Canada. La Evangelical Mennonite Conference (EMC) et la Evangelical Mennonite Mission Conference (EMMC) descendent des émigrants russo-hollandais (années 1870), et sont influencées par le mouvement évangélique du milieu du XXe siècle. Elles sont connues pour leur travail missionnaire et leur soutien au MCC.
Il est peut-être surprenant que parmi les dénominations mennonites canadiennes, 17 (plus de 30 000 membres) soient des groupes appelés ‘plain’ (ordinaire) ou ‘old order’ (ancien ordre). Ils cherchent rarement à adhérer à la CMM. Ils se distinguent généralement par une vie simple, la non-conformité et la séparation du ‘monde’ ; ils portent des vêtements neutres, des coverings (petit bonnet de dentelle) pour les femmes et des chemises boutonnées avec des manches longues pour les hommes. Environ 20 % des plus conservateurs sont des mennonites ‘Horse and Buggy’ (cheval et carriole).
Deux unions d’églises évangéliques (anciennement Mennonites Brethren in Christ et Evangelical Mennonite Brethren, maintenant Evangelical Missionary Church of Canada et Fellowship of Evangelical Bible Churches) ont abandonné le nom ‘mennonite’. Il y a aussi des huttérites et quelques Amish.
Institutions mennonites canadiennes
La communauté canadienne mennonite présente un large éventail d’institutions. En fait, il est tout à fait possible de ne vivre que dans des contextes largement mennonites – en particulier dans les zones rurales et dans des villes telles que Kitchener-Waterloo (Ontario), Winnipeg (Manitoba), Saskatoon (Saskatchewan) et Abbotsford (Colombie-Britannique). Beaucoup d’enfants fréquentent des écoles mennonites. Les jeunes peuvent continuer leurs études universitaires générales ou religieuses dans de nombreuses universités anabaptistes-mennonites, en particulier à Canadian Mennonite University à Winnipeg, Columbia Bible College à Abbotsford et Conrad Grebel University College, à Waterloo. Les jeunes familles peuvent facilement obtenir des prêts auprès d’une douzaine de banques coopératives d’origine mennonite : la plus grande, au capital de quatre milliards de CND, est la Steinbach Credit Union, au Manitoba. Des assurances incendie sont proposées par plusieurs entreprises mennonites (Mennonite Union Aid – 1866 à 2002 – est la plus ancienne). Les mennonites trouvent même des voyages organisés, tels que Mennonite Heritage Cruise, bien que le réseau ‘Mennonite Your Way’ * soit aussi utilisé.
Ils peuvent consulter leur arbre généalogique dans des archives mennonites ou se souvenir du passé dans l’un des nombreux musées. Des testaments et des legs sont souvent faits par l’intermédiaire de la Mennonite Foundation of Canada. Il y a aussi des résidences ‘mennonites’ pour personnes âgées dans de nombreux endroits, Menno Terrace East, à Abbotsford, par exemple. Des mennonites sont aussi propriétaires d’entreprises de pompes funèbres.
Les mennonites canadiens comptent de plus en plus sur les institutions nationales pour soutenir leur mission. Tout en étant plus ouverts sur le monde, ils sont devenus plus centrés sur eux-mêmes, se séparant d’institutions nord-américaines **. Par exemple, en 1963, le MCC Canada a été créé, distinct du MCC d’Akron (États-Unis) le siège, pour mieux « parler d’une seule voix pour les mennonites canadiens ». En 1967, la Mennonite Historical Society of Canada a été créée afin de présenter une identité historique unifiée, en particulier avec les trois volumes de la série historique Mennonites in Canada commencée par Frank H. Epp. En 1999, la fusion de l’OM et de la GC pour former une Église mennonite unifiée a créé une nouvelle division, Canada/États-Unis, donnant naissance à la MC Canada (qui a son homologue aux États-Unis). La MB, l’EMC, les Frères en Christ et d’autres unions d’églises ont connu une évolution similaire.
La création du MCC Canada a également permis le développement d’une relation étonnamment étroite avec les gouvernements provinciaux et fédéraux. En 1975, par exemple, le MCC Canada a ouvert un bureau à Ottawa, non seulement pour obtenir des privilèges du gouvernement, mais aussi pour pouvoir influer sur la politique. En effet, les mennonites canadiens ont acquis la réputation d’être prêts à travailler avec les agences gouvernementales. La Canadian Foodgrains Bank, fondée par le MCC, a réussi en partie grâce aux matching funds¬ß du gouvernement fédéral. En outre, un nombre croissant de mennonites travaille au Parlement fédéral et avec les législatures provinciales.
Caractéristiques mennonites canadiennes
Au fil du temps, des caractéristiques mennonites spécifiques se sont développées. Par exemple, les mennonites canadiens ont créé des liens avec des mennonites d’autres parties du monde pour construire une forte communauté mondiale. Ils se sont joints à des organisations binationales, comme le MCC après 1920, Mennonite Disaster Service après 1951 et Mennonite Economic Development Associates après 1952. Historiquement, les Églises MB et MC ont eu des liens étroits avec les missions d’Amérique du Nord* à l’étranger, en particulier au Congo, en Inde et en Amérique centrale. Parmi eux, la missionnaire canadienne Susanna Plett a été un modèle pour une génération de missionnaires EMC quand elle est partie pour le Brésil sans soutien d’églises en 1942. Jacob Loewen d’Abbotsford est peut-être le plus connu à l’échelle mondiale : missiologue OM, il a développé l’auto-analyse critique et soutenu le leadership autochtone. Christian Peacemaker Teams a transformé la façon dont les jeunes mennonites canadiens abordent le pacifisme et la non-violence. Les Églises canadiennes sont de ferventes partisanes de la Conférence Mennonite Mondiale.
Les mennonites canadiens ont appris à s’exprimer autrement. Ils ont toujours été chanteurs (Benjamin Eby a produit le premier livre de cantiques canadiens dans les années 1830) et musiciens (Ben Horch de Winnipeg, chorales et orchestres). Parmi eux, certains auteurs sont de renommée nationale ; Peace Shall Destroy Many (1962) de Rudy Wiebe est encore considéré comme un travail pionnier. Les films ‘mennonites’ sont devenus populaires, And When They Shall Ask, (qui décrit les souffrances en Union soviétique) a attiré des milliers de spectateurs. Enfin, de nombreuses ressources sont apparues sur internet, dont GAMEO, l’encyclopédie mondiale anabaptiste mennonite, projet de la Mennonite Historical Society of Canada.
Ce qui caractérise le plus l’histoire canadienne mennonite est peut-être la migration, avec sept vagues. Les trois premières ont eu lieu dans les années 1800, chaque groupe visant à construire des communautés agricoles frontalières exclusives, sous la protection du monarque britannique. Il y a eu d’abord des mennonites des États-Unis originaires de Suisse, qui sont arrivés dans le Haut-Canada après la guerre d’Indépendance américaine, puis des amish d’Europe dans les années 1820, et enfin 8 000 mennonites d’origine néerlandaise au Manitoba, dans les années 1870 après que la Russie ait modifié ses lois d’exemption militaire.
Les deux groupes suivants sont venus d’Ukraine et de Russie, déchirées par la guerre : 20 000 dans les années 1920, et
8 000 (dont des femmes étaient le plus souvent chefs de famille) après 1948.
Les sixième et septième groupes viennent du Sud. Beaucoup sont des Latino-Américains parlant le ‘bas-allemand’, descendants de mennonites qui ont quitté le Canada dans les années 1920 pour éviter l’assimilation anglaise. Ce qui a changé le plus l’image des mennonites étant euro-canadiens, ce sont les nouveaux arrivants des pays du Sud qui ont rejoint les églises mennonites en arrivant au Canada : Chin (Birmans), Chinois, Hmong, Coréens, Hmong du Laos, Punjabis (Indiens et Pakistanais), Latino-Américains et Vietnamiens, entre autres. Ce sont souvent des réfugiés de guerre civile ou des victimes de la pauvreté.
Développements récents
Au cours des dernières décennies, les mennonites canadiens se sont ouverts à de nouvelles formes de culte et de vie d’église. Janet Douglas Hall était en avance sur son temps quand elle a été pasteure d’une église mennonite Frères en Christ à Dornoch, en Ontario, en 1886. Elle a été une précurseuse pour les femmes qui sont devenues de plus en plus souvent pasteure principal, d’abord dans les assemblées MC dans les années 1970, et plus récemment, dans les paroisses MB, EMC et Frères en Christ.
Certaines églises ont adopté un leadership informel, y compris les églises de maison comme Pembina Fellowship à Morden, au Manitoba, ou des assemblées sans pasteur payé, comme Fort Garry Mennonite Fellowship à Winnipeg. √Ä Oakville, en Ontario la Meeting House, une grande paroisse Frères en Christ, est une « église pour ceux qui n’aiment pas l’église ». Ils se réunissent dans des salles de cinéma à plusieurs endroits, connectés par vidéo. D’autres assemblées, comme la Toronto United Mennonite Church (MC) ‘accueillent’ les membres de la communauté LGBT.
L’implantation d’églises fait partie de l’histoire récente. La MB en particulier a expérimenté différentes formes d’implantations d’églises, notamment en créant les Églises des Frères Mennonites au Québec. Ces dernières décennies, la GC du Manitoba a cherché à toucher les communautés autochtones, en présentant davantage Dieu comme Créateur.
Enfin, de nombreuses paroisses ont abandonné les hymnes traditionnels pour des chants plus dynamiques, avec l’aide de projections PowerPoint et de groupes de musicien. De nombreuses églises, comme Bakerview MB Church à Abbotsford, ont en même temps introduit des cultes liturgiques, qui attirent de plus en plus les jeunes mennonites.
Royden Loewen est président du département d’Études mennonites et professeur d’histoire à l’Université de Winnipeg (Canada). Marlene Epp, Bruce Guenther, Mary Ann Loewen et Hans Werner ont contribué à la rédaction de cet article.
Des responsables participant à une rencontre de Mennonite Frères en Christ à Kitchener, en Ontario, en 1917. Aujourd’hui, après plusieurs fusions et changements de noms, ce groupe a pris le nom d’Evangelical Missionary Church of Canada. Photo : Archives mennonites d’OntarioDes dirigeants de Hmong Mennonite Church (Kitchener) en 1991. De gauche à droite : Ge Yang, Toua Jang, Lee Xong, Tou Vang. L’augmentation de la diversité ethnique a été l’un des nombreux développements récents dans l’histoire des anabaptistes canadiens. Photo : Larry Boshart / Archives mennonites d’OntarioAlice Snyder étiquette des paquets de No√´l pour la distribution internationale en 1954, du MCC, qui fournit des vivres et une aide maté- rielle dans des zones sinistrées. Photo : David Hunsberger / Archives mennonites d’Ontario
La Communion mondiale : pourquoi est-elle importante ? Explorer notre engagement commun à être une famille à l’échelle du monde
Les membres de la Conférence Mennonite Mondiale se sont engagés à être une communion de foi et de vie à l’échelle du monde (koinonia). Nous cherchons à être une communion transcendant les frontières de nationalité, de race, de classe, de sexe et de langue. Pourtant, en raison de leur diversité, les églises membres ont une compréhension différente de l’importance de la communion mondiale.
L’édition d’avril 2015 de Courier / Correo / Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Pourquoi mon assemblée locale ou régionale a t-elle besoin d’une communion mondiale ?
Un coup d’œil sur l’Église Universelle
Je suis pasteur de l’assemblée mennonite d’Enkenbach près de Kaiserslautern, dans la région du Palatinat (sud-ouest de l’Allemagne). Notre paroisse compte 260 membres et une centaine de personnes participent régulièrement au culte.
Elle a été fondée après la Seconde Guerre Mondiale par des réfugiés mennonites d’une partie de la Prusse (aujourd’hui la Pologne), qui ont dû quitter leur pays à cause de la guerre, alors que d’autres assemblées mennonites du Palatinat ont été fondées au XVIIe siècle par des réfugiés mennonites de Suisse, cherchant refuge contre la persécution. Des jeunes sont venus de l’étranger avec le programme PAX du Comité Central Mennonite (une initiative d’après-guerre en Europe) pour construire des maisons à Enkenbach pour les réfugiés mennonites, ce qui a contribué à la croissance de notre assemblée. Les membres actuels sont des réfugiés arrivés ici tout jeunes ou des Allemands de première génération.
Notre paroisse est l’une des plus grandes d’Allemagne, beaucoup plus grande que la moyenne des assemblées membres de la Arbeitsgemeinschaft Mennonitischer Gemeinden (outre les grandes paroisses d’origine russes-allemandes).
L’assemblée locale joue un rôle très important dans la tradition mennonite allemande. Les premiers anabaptistes ont souligné sa centralité, et cela a aidé le mouvement à survivre en temps de persécution. Au fil des années, cependant, cela a aussi eut des inconvénients, dont un sentiment trop fort d’autonomie. Par exemple, de nombreux membres se considèrent non seulement mennonites, mais ‘mennonites d’Enkenbach’ et ne sont pas intéressés par les autres traditions mennonites. L’assemblée a rapidement compté 500 membres, ce qui lui a permis de soutenir de nombreux projets – et l’a rendue indépendante des autres groupes mennonites. Cela a changé au fil des décennies, en raison de la baisse du nombre de membres. Pourtant, un réel danger existe toujours : la possibilité que les assemblées locales se perdent de vue, et développent une mentalité de « nous, c’est nous, et chacun s’occupe de ses affaires ».
Heureusement, beaucoup d’Allemands, dont de nombreux membres de notre paroisse, ont une vision œcuménique. C’est probablement lié à l’histoire de l’Allemagne, avec la rupture entre catholiques et protestants lors de la Réforme du XVIe siècle. Nous apprécions la collaboration avec d’autres dénominations pour mieux témoigner. Dans notre ville, nous avons de bonnes relations avec les églises catholiques et protestantes (Église unie). Nous avons le sentiment que l’Église chrétienne est unie.
Cependant, notre assemblée doit aussi réaliser que notre famille anabaptiste mennonite va bien au-delà. Cette vision élargie du monde est le fruit de notre participation à la Conférence Mennonite Mondiale.
La participation à la CMM présente plusieurs avantages tangibles. Premièrement, elle nous aide à renforcer notre identité commune en tant qu’anabaptistes mennonites. Dans notre paroisse, deux petits groupes ont lu et étudié les convictions communes de la CMM, en utilisant le livre d’Alfred Neufeld ‘What we believe together’*, qui fait parti du Rayon de Littérature Anabaptiste-Mennonite Mondial, recommandé par la CMM. En ce moment, un petit groupe lit un autre livre de la CMM : ‘Shalom Le projet de Dieu’ de Bernhard Ott. Ces deux livres nous aident à ‘rester connectés’ avec les autres sur les questions de foi et de mise en pratique, ainsi que sur les conceptions théologiques de la tradition anabaptiste plus large. Nous ne les lisons pas parce qu’ils sont recommandés, mais parce que nous voulons nous associer à une réflexion spirituelle à l’échelle plus large. Ils nous sont utiles.
En outre, la participation à la CMM nous rappelle que la famille anabaptiste mennonite s’est accrue bien au-delà de la culture ethnique allemande (suisse ou prussienne) dans laquelle l’anabaptisme s’est développé. Par exemple, nous participons au Dimanche de la Fraternité Mondiale (WFS), et par conséquent nous recevons régulièrement des informations intéressantes sur la vie des frères et sœurs de la CMM. En outre, lors de chaque WFS, nous recueillons une offrande spéciale pour la CMM, en plus de ce que nous donnons par l’intermédiaire de notre union d’églises dans le cadre de la ‘part équitable’ de la CMM. En 2012, lorsque le Conseil Général de la CMM s’est réuni en Europe, nous avons invité deux théologiennes / pasteures du Japon et de République démocratique du Congo à prêcher lors du culte. C’était exceptionnel et cela a donné une idée du développement de la tradition anabaptiste mennonite en un phénomène multiculturel mondial. Un an auparavant, en 2011, nous avons eu la chance que le secrétaire général de la CMM, César García, vienne présenter le travail de la CMM dans notre église. Sa présence nous a aidé à mieux percevoir la réalité de la foi anabaptiste mondiale.
D’autre part, grâce à Intermenno, nous avons accueilli des jeunes nord-américains. Ce programme d’échange leur permet de vivre en Europe et de découvrir la culture et les langues européennes. Nous avons aussi accueilli des bénévoles paraguayens qui ont travaillé avec nous. Certains sont même restés et se sont mariés ici.
Au-delà de ces activités de notre assemblée locale, un grand nombre de nos membres qui ont les moyens de voyager ont assisté aux Rassemblements de la CMM ces dernières décennies, en Inde (1997), au Zimbabwe (2003) et au Paraguay (2009). Ê chaque fois, ils sont revenus enrichis et impressionnés, et ont partagé leurs expériences.
Il est évident que la conception biblique de l’Église va au-delà de l’assemblée locale. Les chrétiens de nombreuses tribus et nations sont liés par davantage qu’une identité locale. D’un point de vue biblique, l’Église est une communion de croyants qui transcende les notions de nation, d’ethnie et de race. C’est un corps universel (ou catholique, dans le vrai sens du mot). Nous avons besoin de la CMM pour le faire connaître et pour en faire l’expérience au niveau local. En fin de compte, la CMM nous offre un aperçu de l’identité universelle et même œcuménique, du peuple de Dieu.
Rainer W. Burkart est pasteur de l’Église mennonite d’Enkenbach (Allemagne). Il fait partie du Comité Exécutif de la CMM et de la Commission Foi et Vie, et a co-présidé la Commission d’Étude internationale de la Fédération luthérienne mondiale et de la Conférence Mennonite Mondiale (2005-2008), qui a jeté les bases d’une réconciliation entre luthériens et anabaptistes.
* N’est pas traduit en français (anglais, allemand, espagnol)
La Communion mondiale : pourquoi est-elle importante ? Explorer notre engagement commun à être une famille à l’échelle du monde
Les membres de la Conférence Mennonite Mondiale se sont engagés à être une communion de foi et de vie à l’échelle du monde (koinonia). Nous cherchons à être une communion transcendant les frontières de nationalité, de race, de classe, de sexe et de langue. Pourtant, en raison de leur diversité, les églises membres ont une compréhension différente de l’importance de la communion mondiale.
L’édition d’avril 2015 de Courier / Correo / Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Pourquoi mon assemblée locale ou régionale a t-elle besoin d’une communion mondiale ?
Exister de manière interdépendante
Quand j’étais enfant, la cuisine de ma mère avait un toit de chaume avec un orundu – un petit jardin derrière la cuisine où poussaient toutes sortes de légumes. L’orundu était aussi un ‘terrain d’essai’ pour tester de nouvelles semences. Ensuite, seulement, les nouvelles plantes étaient cultivées dans le puodho, un jardin plus grand, ou à la ferme.
Un orundu bien entretenu ne suffit pas pour nourrir une famille ; cependant le puodho pousse à partir de l’orundu à bien des égards. Pendant mon enfance, l’orundu nourrissait notre famille en attendant que les cultures arrivent à maturité dans le puodho. Il était plus facile de s’occuper de l’orundu qui était plus près que le puodho, plus grand, mais éloigné de la ferme et qui demandait plus de travail, même si les récoltes étaient plus abondantes.
L’orundu et le puodho sont des images du lien entre assemblée locale et famille mondiale de l’Église. Plus important encore, cette image représente la manière dont le mondial dépend du local, et vice versa – ce que j’appelle exister de manière interdépendante.
Les termes « mondial » et « local » sont intrinsèquement interdépendants, notamment au sein de l’Église, communauté de croyants unis par la foi en Dieu. En tant que pasteure et représentante régionale de la CMM, mes domaines d’orundu sont de deux ordres : le Eastleigh Fellowship Centre (CEF), une petite paroisse mennonite de l’est de Nairobi (Kenya), et la communauté mennonite d’Afrique orientale. Mes responsabilités sont lourdes (d’autant plus qu’elles sont bénévoles). Cependant, la beauté de la communion en Jésus-Christ et l’interdépendance des communions locales et mondiales valent bien tous les efforts.
Ê la paroisse de l’EFC, nous louons Dieu par des chants de louange, la prière, la prédication, la communion fraternelle, les visites, les enseignements et l’école du dimanche, dans une région où la majorité des gens sont musulmans d’origine somalienne. Ce n’est pas seulement un contexte difficile, mais c’est parfois désolant. Nous apprécions la diversité de notre région et reconnaissons que tous les peuples sont créés par Dieu. Cependant, concernant la foi, nous avons besoin de la communauté plus large – une communauté mondiale dans laquelle nous sommes liés à des frères et sœurs en Christ du monde entier, une communauté qui va au-delà de notre région, dans laquelle nous sommes une minorité religieuse. Notre orundu végétera si nous ne recherchons pas constamment courage, force et réconfort en Dieu à travers l’existence et l’encouragement de la communauté plus large.
Notre affiliation régionale à la communauté mennonite d’Afrique orientale facilite nos liens avec le monde. Notre partage au niveau régional nous permet de mieux nous identifier à la communauté mondiale et d’y participer. Sans la communauté internationale, les caucus régionaux n’auraient aucun sens. Ce sont des intermédiaires efficaces entre le local et le mondial et ils les maintiennent connectés. Les évêques, les bureaux exécutifs et les divers départements au niveau national de l’Église mennonite du Kenya et de Kanisa la Mennonite Tanzania (église mennonite de Tanzanie) jouent un rôle essentiel pour guider les croyants vers un but commun : être un seul corps, le corps du Christ (1 Co 12/27).
Quels avantages y a t-il à avoir des liens entre le local et le mondial ? D’abord, l’harmonie. Les sociologues identifient le concept de ‘l’autre’ ou de ‘l’altérité’ comme une force de division. Cette altérité n’est pas innée, mais construite. On décide de ce qui est ‘différent’ et on l’exclut. Cela peut être très destructeur dans le corps du Christ. En tant que chrétiens, nous sommes unis en Jésus-Christ, et cela devrait être notre objectif, indépendamment de nos différences géographiques, culturelles et raciales, ou même de déséquilibres économiques et de crises politiques. Nous devrions faire des efforts particuliers pour déconstruire toutes les forces de l’’altérité’ dans l’église afin qu’un ‘autre, un opprimé’ puisse trouver sa place parmi nous comme ‘un autre, un accueillant’. Par exemple, le fait que la CEF coexiste en harmonie avec une communauté à majorité non chrétienne ne doit pas passer inaperçu.
Notre Église mondiale doit se tenir aux côtés des minorités qui luttent dans des domaines où l’Évangile est menacé. Il est temps de réexaminer la relation entre la théologie et l’économie. L’Église mondiale devrait orienter ses objectifs vers le bien-être de ses membres. C’est certainement une énorme responsabilité, mais Jésus a clairement dit qu’il n’est pas facile d’entrer dans le Royaume de Dieu (Mt 18/3-4, Mc 9/47, Lc 18/24-25), pourtant nous pouvons tout par Christ qui nous fortifie (Phm 4/3).
Un autre avantage est l’identité. Ayant assisté et participé à un certain nombre de forums de la CMM, je peux attester qu’un grand effort est fait pour développer une identité commune. La formulation de théologies et de terminologies théologiques soulignant l’unité plutôt que l’homogénéité est d’une importance primordiale.
Lorsque nous participons à des forums mondiaux de l’Église, nous en sortons renforcés, nous désirons ensuite reformuler nos catégories sociales pour fortifier l’identité commune de corps du Christ. Avoir une identité commune ne nous oblige pas à essayer d’être homogène. Mais cela nous permet de sortit de nos zones de confort pour nous tourner vers une communion fraternelle qui a du sens. Nous pouvons véritablement identifier et tenter de remodeler positivement nos catégories sociales lorsque nous participons à la communauté mondiale.
Accords, désaccords et négociations sont utiles pour remodeler notre identité. Nous ne devons pas nous tenir à l’écart de la communion par crainte de ces conflits sains, sinon nous fermons la porte à la communion avec Dieu. Le résultat c’est que nous adaptons nos comportements et notre image de nous-mêmes fondées sur nos interactions, et sur nos réflexions sur ces interactions.
En conclusion, alors que nous préparons cette année le prochain Rassemblement de la CMM, nous ne devrions pas nous attarder à des perspectives libérales, conservatrices ou entre les deux. Au lieu de cela, notre mot d’ordre doit être ‘la communion du Corps du Christ’. Nous avons besoin de l’orundu et du puodho, locaux et mondiaux. Nous avons besoin les uns des autres.
Rebecca Osiro est pasteure et théologienne. Elle est la première femme ordonnée de l’Église mennonite du Kenya. Représentante régionale de la CMM pour l’Afrique orientale et membre de la Commission Foi et Vie de la CMM, elle a représenté la CMM dans le dialogue trilatéral entre mennonites, catholiques et luthériens.
La Communion mondiale : pourquoi est-elle importante ? Explorer notre engagement commun à être une famille à l’échelle du monde
Les membres de la Conférence Mennonite Mondiale se sont engagés à être une communion de foi et de vie à l’échelle du monde (koinonia). Nous cherchons à être une communion transcendant les frontières de nationalité, de race, de classe, de sexe et de langue. Pourtant, en raison de leur diversité, les églises membres ont une compréhension différente de l’importance de la communion mondiale.
L’édition d’avril 2015 de Courier / Correo / Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Pourquoi mon assemblée locale ou régionale a t-elle besoin d’une communion mondiale ?
L’union fait la force
J’ai eu récemment l’occasion de voyager dans les neuf unions d’églises mennonites / anabaptistes et Frères en Christ d’Inde et du Népal. Elles ont des assemblées locales (dont des églises de maison) surtout dans les zones rurales où les non-chrétiens sont beaucoup plus nombreux que les chrétiens. Souvent, elles ont très peu de membres. Les pasteurs sont peu nombreux et, en raison de contraintes géographiques et du manque de ressources, ils sont incapables de rendre visite à chaque membre et de les nourrir spirituellement. En conséquence, beaucoup de ces assemblées ont succombé à un complexe de minorité : elles ont peur, sont méfiantes et se sentent seules et même abandonnées.
Dans cette situation, il est difficile de comprendre ce que signifie faire partie de la grande famille de Dieu. Bien que ces assemblées connaissent l’union d’églises à laquelle elles appartiennent, elles n’ont pas le sentiment de faire partie d’une communion mondiale.
Cette réalité m’a conduite à faire une tournée des unions d’églises indiennes et népalaises, avec d’autres responsables anabaptistes : Madhukant Masih, le nouveau directeur de la Mennonite Christian service Fellowship of India (MCSFI – une organisation inter-mennonite qui permet aux neuf dénominations mennonites d’Inde d’avoir des relations et d’aider les autres), Henk Stenvers, secrétaire de la Commission Diacres de la CMM et César Garcia, le secrétaire général de la CMM. Un des objectifs de notre visite était de parler de la MCSFI et de la CMM, de leurs rôles et projets. Un autre objectif – peut-être le plus important – était d’aider chaque union d’églises à comprendre ses liens au niveau mondial. Nous voulions leur faire comprendre que, par la CMM, nous sommes liés comme frères et sœurs en Christ.
Lors de notre tournée, nous avons remarqué que très peu de gens connaissaient la CMM (ceux qui la connaissaient avaient assisté au Rassemblement de Calcutta en 1997). Nous avons commencé notre explication par ce qui est local avant d’aller vers la dimension mondiale. Nous avons utilisé des statistiques et des photographies pour expliquer le travail de la CMM et comment elle connecte les unions d’églises partout dans le monde pour la communion fraternelle, la louange, le témoignage et le service. Pendant que nous parlions, l’assistance dressait l’oreille et écarquillait les yeux. Elle était heureuse d’apprendre qu’elle faisait partie d’une famille de Dieu beaucoup plus grande. Ê la fin, les unions d’églises voulaient savoir quand aurait lieu la prochaine visite ! Les églises, petites et grandes, désiraient en savoir plus et vivre une plus grande communion avec les chrétiens du monde entier. Beaucoup ont désiré participer à ‘l’offrande d’un déjeuner’ présenté lors du Dimanche de la Fraternité Mondiale. Apprendre à connaître les besoins des gens partout dans le monde incite même les groupes les plus pauvres à vouloir partager le peu qu’ils ont.
En Inde et au Népal, nos églises ont désespérément besoin de savoir ce que cela signifie qu’être une église de paix. La CMM a fourni les ressources et la formation nécessaires pour le devenir. En octobre et novembre 2014, elle a coparrainé (avec la MCSFI et le Comité Central Mennonite) une série d’ateliers dans nos union d’églises pour renforcer l’identité anabaptiste. Environ 500 pasteurs et responsables – y compris des femmes et des jeunes – ont bénéficié d’un excellent enseignement apporté par des responsables d’églises (pour en savoir davantage sur ces ateliers, consultez le numéro de février 2015 des Nouvelles de Courrier). Le concept si nécessaire de ‘la paix avec la justice’ est devenu plus clair dans le contexte de nos églises, fait de pauvreté, d’injustice et de violence. Les responsables des églises locales se sont engagés à faire connaître les enseignements reçus dans ces ateliers, en partageant les vérités bibliques et la sagesse avec un groupe plus large dans les régions rurales.
Un autre de nos besoins est la communion fraternelle. Le ‘complexe de minorité’ a parfois été un obstacle à la croissance spirituelle. Pourtant, les sentiments associés à ce complexe semblent disparaître alors que les responsables et les membres d’églises découvrent la communauté mondiale anabaptiste. De plus en plus, ils savent qu’ils sont en chemin avec des frères et sœurs à travers le monde, pour se connaître, lutter ensemble et apporter de l’espoir au sein du désespoir, de l’injustice et de la violence.
L’engagement avec la CMM a apporté des changements positifs dans les esprits, les attitudes et les actions des églises. Ceux qui ont un ministère local devront continuer à tout faire pour développer ce nouveau sentiment de communion mondiale. La CMM crée un espace dans lequel les chrétiens peuvent se réunir pour apprendre et partager. Alors nous comprenons mieux comment Dieu travaille parmi tous les peuples en toutes circonstances – comment le royaume de Dieu est à l’œuvre dans le monde.
Cynthia Peacock est la représentante régionale de la CMM pour l’Asie du Sud. Elle préside la Commission Diacres de la CMM. Avant sa retraite en 2006, elle a travaillé dans le domaine social avec le Comité Central Mennonite pendant 38 ans.
Explorer notre engagement commun à être une famille à l’échelle du monde
Les membres de la Conférence Mennonite Mondiale se sont engagés à être une communion de foi et de vie à l’échelle du monde (koinonia). Nous cherchons à être une communion transcendant les frontières de nationalité, de race, de classe, de sexe et de langue. Pourtant, en raison de leur diversité, les églises membres ont une compréhension différente de l’importance de la communion mondiale.
La CMM permet aux Frères en Christ (BIC) du Canada de comprendre cette vérité importante : nous appartenons à une famille d’Église répartie dans le monde entier. Certes, nous savons que partout, les disciples sont un par la foi en Jésus ; Cependant, nous pouvons expérimenter cette vérité précieuse d’une manière concrète depuis que la CMM est devenue ‘chair et os’ pour nous. Cette ‘incarnation’ de notre fraternité mondiale en Christ, renforce nos paroisses BIC du Canada de façon significative.
Cependant, notre assemblée doit aussi réaliser que notre famille anabaptiste mennonite va bien au-delà. Cette vision élargie du monde est le fruit de notre participation à la Conférence Mennonite Mondiale.
L’orundu et le puodho sont des images du lien entre assemblée locale et famille mondiale de l’Église. Plus important encore, cette image représente la manière dont le mondial dépend du local, et vice versa – ce que j’appelle exister de manière interdépendante.
Un autre objectif – peut-être le plus important – était d’aider chaque union d’églises à comprendre ses liens au niveau mondial. Nous voulions leur faire comprendre que, par la CMM, nous sommes liés comme frères et sœurs en Christ.
Le contexte du témoignage anabaptiste
Les États-Unis ont été créés en 1776 en tant que république moderne. Ses fondateurs pensaient s’engager dans une expérience politique pionnière qui accordait une liberté de conscience relativement généreuse à divers groupes chrétiens. C’est aussi une nation qui, jusqu’en 1865, avait réduit en esclavage au moins 12 personnes sur 100, hommes et femmes d’origine africaine. Les États-Unis sont aussi façonnés par l’immigration, de sorte qu’aujourd’hui, des personnes originaires du monde entier considèrent ce pays comme le leur. Son économie est très complexe, la recherche scientifique est renommée, il a une tradition de liberté civique et une armée extraordinairement importante et active au niveau mondial. C’est le contexte dans lequel vivent les chrétiens américains (dont les mennonites et les autres anabaptistes).
Comme d’autres pays, les États-Unis ont leurs mythes. Il y a, par exemple, le mythe du ‘melting pot’, qui fait croire à de nombreux Américains que l’assimilation est inévitable ou bénigne, ou les deux. Le plus important est peut-être le mythe de la ‘transcendance individuelle’, une promesse qu’il est possible de laisser toutes les traditions derrière soi et de recommencer, que l’avenir est meilleur que le passé et que tout ce qui est nouveau est meilleur. Les Américains des États-Unis sont beaucoup plus aptes à abandonner un produit, un groupe ou une situation quand ils sont insatisfaits, plutôt que de travailler à améliorer ou adapter ce qui existe. Cette façon de faire influence même les églises. Les États-Unis ont donné naissance à un nombre inégalé de dénominations et d’’églises indépendantes’ de toutes tendances théologiques.
Deux grands groupes
Globalement, les anabaptistes des États-Unis sont constitués de deux groupes : les anabaptistes bien intégrés dans les modèles économiques et d’éducation américains, et ceux que la vie quotidienne distingue de leurs voisins. On trouve dans le premier groupe la plupart des membres de la Mennonite Church USA, la U.S. Conference of Mennonite Brethren, les Frères en Christ (BIC) des États-Unis, la Conservative Mennonite Conference (toutes membres de la CMM) et d’autres. Bien que ces frères et sœurs s’efforcent généralement de vivre leur foi d’une manière qui fasse une différence dans leur contexte local, ils ont très souvent des professions bien rémunérées, appartiennent à la classe moyenne et vivent en ville. Ils suivent les informations sur les médias classiques, possèdent leurs propres voitures, pensent que la réussite scolaire est fondamentale pour l’avenir économique de leurs enfants et que les soins médicaux sont meilleurs qu’ils ne l’étaient du temps de leurs grands-parents.
En revanche, les amish Old Order (le plus grand groupe d’assemblées anabaptistes des États-Unis), ainsi que les mennonites Old Order et de nombreux groupes apparentés ne partagent généralement pas ces hypothèses et ces valeurs. De la manière dont ils s’habillent et vont travailler jusqu’à ce qu’ils espèrent pour leurs enfants, ces anabaptistes sont délibérément décalés par rapport à ce que la grande majorité des citoyens américains considèrent être ‘la bonne vie’. Des dizaines de milliers se déplacent en voiture à cheval (buggy), rejettent l’enseignement supérieur et refusent de s’affilier à des compagnies d’assurance.
Bien sûr, il y a des exceptions. Des membres de groupes acculturés diront peut-être qu’ils vont à contre-courant en étant pacifistes et en défendant des normes morales élevées. Et certains anabaptistes Old Order s’intègrent de plus en plus dans l’économie nationale. Pourtant, la première chose que remarqueront les nouveaux venus est la différence entre ceux qui se sont adaptés à la société américaine (ou, pour les nouveaux immigrants et les communautés de couleur, cherchent à y avoir un meilleur accès) et les groupes dits ‘plain’ (ordinaires) qui résistent de manière impressionnante aux mythes nationaux de l’assimilation et de la transcendance individuelle.
Des histoires d’immigration et de renouvellement
Les premiers mennonites sont arrivés dans ce qui allait devenir les États-Unis en petit nombre dans les années 1600. De grandes vagues de mennonites et d’amish ont émigré d’Europe occidentale dans les années 1700 et au début des années 1800. Les mennonites et les huttérites de l’Empire russe sont arrivés dans les années 1870. Lentement – parfois très lentement – ces groupes germaniques se sont ouverts à d’autres groupes, dont les Amérindiens, sur les terres desquels ils se sont installés. Au milieu des années 1900, des lois strictes ont restreint l’immigration mais depuis 1970, des millions de nouveaux immigrants arrivent chaque décennie, dont des mennonites d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Certains immigrants anabaptistes sont venus avec leur union d’églises. Par exemple, le Sinode Jemaat Kristen Indonesia compte maintenant huit paroisses sur la côte ouest des États-Unis et Amor Viviente (Honduras) a des assemblées locales dans plusieurs États du sud. Lorsque les membres mexicains des paroisses de l’Evangelical Mennonite Mission Church (EMMC), basée au Canada, ont immigré aux États-Unis, ils y ont fondé des églises EMMC (maintenant Active Mission Conference).
Il y a aussi des mouvements de renouveau spirituel qui ont engendré des dizaines de nouveaux groupes d’églises anabaptistes. Les Frères en Christ sont apparus dans les années 1780 en Pennsylvanie parmi les mennonites attirés par le piétisme et une compréhension wesleyenne de la sanctification. Au milieu des années 1800, le mouvement de renouveau Old Order a insisté sur l’humilité et le contentement, avec une approche communautaire de la foi, et la conviction que la pratique de la discipline dans l’église renforce (plus qu’elle ne nuit à) la relation de la personne avec Dieu. Au XXe siècle, la Conservative Mennonite Conference (CMC) a connu un renouveau quand l’activisme missionnaire des évangéliques américains a mis en valeur le patrimoine amish de la CMC. Le pentecôtisme a aussi été une source de puissance spirituelle pour quelques groupes anabaptistes.
Paradoxes de la croissance
Aujourd’hui, les anabaptistes des États-Unis sont de plus en plus urbanisés et diversifiés sur le plan ethnique et racial, et en même temps de plus en plus ruraux et blancs. D’une part, ce sont des assemblées comme la Casa del Dios Viviente BIC à Pompano Beach (Floride) ou celle des Hmong à St. Paul (Minnesota) qui grandissent le plus vite. La moitié des paroisses Frères mennonites a des caractéristiques latines, asiatiques, slaves ou afro-américaines. Calvary Community Church à Hampton (Virginie), compte plus de 2 200 membres, surtout afro-américains : c’est la plus grande assemblée locale de la Mennonite Church USA.
Dans le même temps, ce sont les groupes amish et mennonites Old Order qui connaissent la plus forte croissance. Les mennonites évangéliques et les BIC dédaignent souvent la croissance de ces groupes car elle est presque entièrement constituée par leur descendance. Néanmoins, les églises anabaptistes conservatrices font un travail remarquable pour attirer et retenir leurs jeunes. La taille et l’augmentation de ces églises (bien que généralement ignorée des principales églises mennonites et BIC) signifie que la population américaine anabaptiste, dans son ensemble, est légèrement plus blanche et plus rurale, en termes de pourcentage, qu’elle ne l’était il y a 30 ans.
Réalités contemporaines et témoignage
1. Les anabaptistes américains constituent une très petite partie d’un très grand pays. Les États-Unis se considèrent comme une superpuissance mondiale et ses choix économiques et militaires affectent la vie des peuples du monde entier. Les anabaptistes américains font partie de cette superpuissance. Mais ils n’attirent pas autant l’attention qu’au Canada. Ils n’ont pas non plus autant d’influence économique ou politique qu’au Paraguay. √ätre une infime minorité au cœur d’un empire a souvent mis les mennonites mal à l’aise quant à leur relation avec l’État.
Pour certains, dont les Old Order, la préoccupation majeure a été de résister à la puissance coercitive de l’État pour les assimiler. Ils résistent non seulement au patriotisme et à la participation militaire, mais aussi (dans la plupart des cas) à l’enseignement public et aux programmes de santé publique. D’autres mennonites sont très mal à l’aise à cause du rôle surdimensionné que jouent les États-Unis dans les affaires mondiales et de ses engagements militaires fréquents à l’étranger. Certains, protestent publiquement très régulièrement. La taille de la communauté anabaptiste par rapport au pays a souvent conduit à une position défensive ou prophétique concernant les affaires publiques plutôt qu’à rechercher à s’associer à des organisations gouvernementales pour faire progresser une vision anabaptiste du monde.
2. Les anabaptistes des États-Unis vivent dans l’abondance matérielle. Indépendamment de la manière dont ils ressentent l’étiquette de citoyens américains, de nombreux mennonites et BIC sont, généralement, à l’aise financièrement. L’opulence qui caractérise leur vie s’exprime positivement par des dons à l’Église et à des causes sociales, mennonites et autres. En effet, des études philanthropiques ont tendance à classer les mennonites comme de généreux donateurs comparés à beaucoup d’autres chrétiens américains. Outre leurs dons à des causes mondiales, les mennonites et BIC acculturés dépensent plus d’argent pour eux-mêmes, à la construction ou à la rénovation de b√¢timents d’église (souvent un million de dollars ou plus pour un seul projet).
3. Les systèmes juridiques et financiers fiables ont permis aux anabaptistes de créer une foule d’institutions, de sociétés missionnaires, de lieux de retraite, de fonds d’investissement et de maisons de retraite. L’œuvre de ces grandes institutions, o√π travaillent des professionnels est bien médiatisée dans la presse mennonite, mais cela ne doit pas occulter les nombreux, nombreux ministères exercés par des bénévoles et avec des ressources limitées, et qui font une énorme différence dans la vie des gens avec qui ils sont en contact. Par exemple, des centaines d’assemblées mennonites et BIC ont des écoles maternelles, des garderies et des œuvres dirigées par des femmes, qui profitent à des milliers de familles chaque année, mais ne reçoivent pas du tout la même attention que les universités mennonites.
4. Les anabaptistes des États-Unis vivent dans une société pluraliste qui façonne leur vie d’église. Beaucoup de paroisses anabaptistes chantent des hymnes et des chants contemporains écrits par des musiciens protestants et catholiques. Le style et la spiritualité du mouvement charismatique a influencé un nombre considérable d’assemblées. D’autres ont adopté le Ecumenical Revised Common Lectionary (lectionnaire œcuménique révisé) et le calendrier de l’année liturgique pour harmoniser les cultes. Des mennonites et des BIC artisans de paix travaillent avec les catholiques et les évangéliques pour mettre fin à la peine de mort ou soutenir les mères célibataires. D’autres encore se sont joints à des groupes interconfessionnels pour militer pour l’environnement.
5. Les anabaptistes des États-Unis sont connectés au monde de bien des manières, que ce soit par des entreprises, le travail du Comité Central Mennonite, du ministère des Mennonite Economic Development Associates ou de Christian Aid ; et aussi par les voyages, l’adoption, le mariage ou l’accueil d’étudiants internationaux. Des assemblées ont noué des relations d’églises-sœurs avec des assemblées mennonites ou BIC dans d’autres parties du monde. Les anabaptistes des États-Unis ont beaucoup à apprendre de la famille mondiale spirituelle. Que le prochain Rassemblement, Pennsylvania 2015, permette que davantage de liens se forment et se développent !
Steven M. Nolt est professeur d’histoire à Goshen College (Goshen, Indiana), et co-auteur (avec le canadien Royden Loewen) de ‘Seeking Places of Peace’ ‚Äî North America, le cinquième et dernier volume de la série d’Histoire Mennonite Mondiale.
 
 
 
 
Une ‘tente/abri de branchages’ construite pour les réunions d’évangélisation des Frères en Christ à Leedy (Oklahoma) en 1919. Les BIC sont une communauté anabaptiste formée par de nombreux mouvements de renouveau spirituel. Photo : aimable autorisation de la Bibliothèque historique et des Archives des Frères en Christ
 
 
Le collaborateur du Comité Central Mennonite (MCC) Michael Sharp rend visite à Elizabeth Namavu et ses enfants, dans le cadre de son travail en République démocratique du Congo. Beaucoup de mennonites et de BIC des États-Unis ont développé des liens internationaux en travaillant avec le MCC. Photo : Jana Asenbrennerova
 
 
 
 
 
 
 
Pendant la Première Guerre mondiale, de nombreux mennonites et BIC ont été emprisonnés pour avoir refusé d’être enrôlés dans l’armée en raison de leur engagement en faveur de l’Évangile de la paix. Ici, des mennonites chantent des cantiques en prison. Photo : aimable autorisation des Archives de Mennonite Church USA
 
 
 
 
 
Au début des années 1950, les femmes de la First Mennonite Church de Bluffton (Ohio) mettent de la viande en conserve qui sera distribuée dans le monde entier par le MCC. Photo : aimable autorisation des Archives de l’Université de Bluffton
 
 
 
‘Overflow’, un groupe musical de jeunes latino-américains Frères en Christ de Miami, (Floride), se produisent lors d’une conférence de l’église en 2014. Un tiers de tous les BIC des États-Unis parlent espagnol. Photo : Will Teodori/BIC U.S. Communications
 
 
J’avais 17 ans quand un capitaine de l’armée m’a demandé « Que feriez-vous si notre bataillon était attaqué cette nuit ? Que feriez-vous si quelqu’un venait et vous tirait dessus ? »
« Je prierais » ai-je répondu.
Alors, j’ai senti une vive douleur à la tête. Le capitaine m’avait frappé avec un instrument en fibre de verre utilisé pour jouer de la lyre. La douleur était intense.
Le capitaine m’a demandé à nouveau « Que feriez-vous si quelqu’un vous attaquait ? » Je lui ai dit « je ne me défendrais pas ».
Il m’a frappé à nouveau et m’a demandé « Pourquoi êtes-vous chrétien ? Vous ne voulez pas défendre votre pays ? » « Ma réponse a été « Je suis un disciple du Christ parce que j’ai trouvé la vie en Lui ».
« Pourquoi ai-je répondu ainsi ? J’avais juste 17 ans, et j’étais rempli de doutes. En fait, je traversais une crise spirituelle au point d’avoir presque perdu la foi. J’avais quitté mon église, et je n’avais pas de convictions anabaptistes. Le service militaire était obligatoire en Colombie, et mes convictions chrétiennes n’étaient pas assez fortes pour que je sois prêt à aller en prison.
En marche en apprenant
Je pense que la raison pour laquelle j’ai eu le courage de répondre de cette façon se trouve dans Luc 24. Deux disciples sont sur la route d’Emmaüs après la mort et la résurrection du Christ. ‘Marcher’ dans l’évangile de Luc a une signification spéciale : c’est un mode de vie ou un comportement. Dans cet évangile, ‘marcher’ est liée au discipulat.
Dans Luc, on apprend de nombreuses leçons tout en marchant. Ici, les deux disciples discutent et ils ne sont pas d’accord. Jésus les rejoint au milieu de la discussion et leur demande « De quoi discutez-vous en marchant ? » Dans la langue originale, le verset 15 indique qu’il y avait une forte divergence d’opinion entre les deux disciples.
En marche malgré les désaccords
Est-il possible de marcher ensemble si nous sommes en désaccord ? Est-il possible de vivre dans une communauté aussi diverse que la nôtre?
Lorsque nous regardons la carte de la CMM, nous voyons immédiatement que le mouvement anabaptiste est répandu dans le monde entier. Est-il possible de marcher ensemble dans notre communauté mondiale, alors que nous avons tant de différences culturelles, théologiques et ecclésiologiques ?
Dans Luc, les deux disciples qui avaient quitté Jérusalem étaient en profond désaccord. Ils en étaient probablement au point de se demander si cela valait la peine de continuer ensemble. Mais ce n’est pas ainsi que Jésus voulait que ses disciples quittent Jérusalem.
Si nous sommes divisés en quittant Jérusalem nous ne pouvons pas répondre à notre mission ou à notre appel. Jésus voulait que ses disciples quittent Jérusalem remplis de l’Esprit pour témoigner. C’est pourquoi les deux disciples ont dû retourner à Jérusalem.
« Si vous voulez arriver rapidement, marchez seul ; si vous voulez aller loin, marchez avec d’autres », dit un proverbe africain. C’est ce que les disciples ont découvert sur le chemin d’Emmaüs. C’est à la fin de leur marche ensemble, malgré leurs différences, au moment de célébrer la communion, que les yeux des disciples se sont ouverts et qu’ils ont compris (Lc 24:30-31). Si bien qu’ils sont retournés à Jérusalem dans l’unité.
Marcher de diverses manières
Il y a différentes leçons à tirer du thème de notre Rassemblement ‘En marche avec Dieu’. Ce que signifie marcher avec Dieu est différent dans chaque langue.
En anglais, ‘walking’ est une action continue. C’est un processus sans fin, un engagement pour toute notre vie. Quand nous marchons avec Dieu, nous devons constamment nous demander « Que laissons-nous ? Que devons-nous emporter ? »
En espagnol, ‘Caminemos’ est une invitation. Une invitation à abandonner nos craintes, à ouvrir nos cœurs et à devenir vulnérable. Il faut de la patience : nous devons attendre ceux qui sont moins rapides ou fatigués. Si nous agissons de manière individualiste et indépendante, pensant que nous n’avons pas besoin d’aide, nous serons tentés de suivre des chemins différents. Cependant, l’invitation à marcher ensemble demeure.
En français, ‘en marche’, c’est s’investir complètement dans la marche. Il y aura certainement des tensions avec d’autres marcheurs, ce qui causera des sentiments mitigés. Mais, si nous marchons vraiment engagés pour Dieu et pour les autres, les tensions ou les problèmes qui peuvent survenir nous transformeront. Si nous ne marchons pas dans un engagement total, ces mêmes tensions ou problèmes conduiront à la division.
Le reste de la phrase : ‘with God / con Dios / avec Dieu’ se réfère à la communion avec Dieu. Il est impossible de marcher ensemble si nous ne marchons pas avec Dieu.
Les disciples sur la route d’Emmaüs marchaient ensemble malgré leurs différences parce que Dieu était présent. Ils ont découvert que l’unité n’était pas de l’ordre du miracle ; elle se construit au long du chemin. Cette unité mène à une transformation accessible seulement dans la communauté.
Chaque jour, pendant ce Rassemblement, nous allons réfléchir sur ce dont nous faisons l’expérience en marchant avec Dieu.
Comme les disciples l’ont sûrement vécu sur la route d’Emmaüs, il y aura des temps de doute et des temps où nous serons sûrs d’être sur la bonne voie.
Il y aura des temps de conflits et des temps de réconciliations.
Il y aura des temps où nous voudrons marcher seul, autonomes, et il y aura des temps où nous reconnaitrons notre besoin de marcher en communauté.
Il y aura des temps où nous aurons besoin d’aide et des temps où nous serons prêts à aider.
C’est la vie du disciple. C’est un processus ; nous n’avons pas encore atteint notre objectif, mais nous avançons.
Ce passage m’aide à comprendre pourquoi j’ai répondu au capitaine de cette manière. Ê côté de moi, il y avait quatre autres soldats qui étaient aussi chrétiens. Ils n’étaient pas mennonites ou anabaptistes. Mais quand le capitaine leur a posé la même question, ils ont répondu qu’ils ne faisaient qu’obéir à Jésus et n’étaient pas prêts à tuer pour se défendre.
Certains de ces amis ont été terrassés par la douleur des coups. J’ai pu répondre comme je l’ai fait parce qu’avec eux j’avais trouvé une nouvelle communauté. Quatre amis avec qui j’étais prêt à marcher dans la souffrance, la violence et la persécution. Quatre amis à qui je pouvais dire « Marchons avec Dieu » malgré nos différences. Et ce soir, je voudrais vous dire ‘En marche avec Dieu !’ Cette semaine et dans les années à venir, marchons ensemble ! »
César García est intervenu mardi soir, 21 juillet 2015, lors du 16e Rassemblement. Il est secrétaire général de la Conférence Mennonite Mondiale. Il vit à Bogotá (Colombie).