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  • En 2012, la CMM s’est associée à l’Institute for the Study of Global Anabaptism, de Goshen College (États-Unis) pour lancer un projet de recherche à long terme comprenant plusieurs parties. L’objectif ? Dresser un tableau plus nuancé des membres de la CMM en particulier, et de l’Église anabaptiste mondiale en général.

    Le projet comporte deux volets. Le premier, ‘Profil Anabaptiste Mondial’ (GAP), est une enquête articulée autour des ‘Convictions Communes’ de la CMM, qui vise à recueillir des données démographiques ainsi que des informations sur les co+H98nvictions et les pratiques. Le deuxième volet, ‘Témoignages du Monde’ (BWS), cherchera à recueillir des histoires personnelles de discipulat et de souffrance, dans l’esprit du Martyr’s Mirror (Miroir des Martyrs).

    Courier/Correo/Courrier a contacté les personnes travaillant sur ce projet pour savoir comment il est né et où il en est.

    Quelle est l’origine de cette initiative de recherche sur l’anabaptisme mondiale ?

    John D. Roth (JR) : L’église anabaptiste mondiale a subi une transformation radicale au cours des 30 dernières années, passant d’environ 600 000 membres en 1980 à plus que 1,7 millions aujourd’hui. Bien que la CMM ait beaucoup travaillé pour faciliter les échanges entre ses groupes membres, nous en sommes encore à apprendre à mieux nous connaître. Le projet est une étape pour avoir une idée plus juste des données démographiques, tout en recueillant des informations beaucoup plus détaillées sur les convictions, les pratiques, les espoirs et les rêves des églises membres de la CMM.

    Y a-t-il déjà eu des études sur les convictions et les pratiques de la communauté internationale anabaptistemennonite ?

    Conrad Kanagy (CK) : Pas beaucoup. Il y a quelques années, Richard Showalter (alors président de l’Eastern Mennonite Missions – EMM – et président de la Commission Missions de la CMM) et moi avons inauguré le Multi-Nation Anabaptist Profile (MNA). Notre objectif était de mieux connaître les convictions et les pratiques de la communauté anabaptiste internationale, et en particulier des églises liées à l’EMM. Les résultats de cette étude ont été récemment publiés dans le livre Winds of the Spirit (Vents de l’Esprit), Herald Press, 2012.

    Alfred Neufeld (AN) : Winds of the Spirit démontre très bien comment une étude de profil peut stimuler le travail théologique et contribuer au renouvellement identitaire. Nous nous attendons à ce que le GAP soit utile également au travail de notre commission.

    CK : Le GAP aura une portée plus large que le MNA, et nous espérons qu’il fournira davantage d’informations.

    Comment envisagez-vous de recueillir des récits pour le projet ‘Témoignages du Monde’ ?

    JR : Un des aspects du projet portera sur la collecte de témoignages des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, c’est à dire de la fin du Martyr’s Mirror (1685) à nos jours. Mais nous voulons aussi recueillir des témoignages de l’église contemporaine, et en particulier des églises anabaptistes-mennonites du Sud.

    En août 2012, une quarantaine de personnes de neuf pays (représentant au moins six différents groupes anabaptistes) se sont réunis à Goshen College pour définir un cadre du BWS. Il en est clairement ressorti que la collecte de témoignages n’est jamais un processus simple. Nous espérons que des sollicitations personnelles et générales, l’utilisation d’internet et des réseaux existants (comme la CMM) va lentement susciter de l’intérêt.

    Quels progrès ont été réalisés à ce jour ?

    JR : Après presque une année de conversations avec les responsables de la CMM et des organisations missionnaires, des représentants du Comité Central Mennonite et d’un grand nombre de personnes intéressées, l’ISGA reçu l’approbation préliminaire pour le projet du Comité Exécutif de la CMM lors de sa réunion en mai 2011, approbation qui a été confirmée par le Conseil Général en mai 2012.

    En août 2012, un sous-groupe de la Commission Foi et Vie de la CMM s’est réuni pour examiner la logistique du GAP. Conrad a aussi organisé une consultation avec plusieurs sociologues mennonites, ayant une vaste expérience des enquêtes transculturelles, pour qu’ils nous conseillent sur la méthodologie. Fin octobre, nous avons finalisé notre modèle, et en novembre, le bureau de la CMM à Bogotá a envoyé des lettres officielles à un échantillon représentatif de 25 églises membres, les invitant à participer. Ê l’heure actuelle, nous répondons aux questions et définissons les groupes qui prendront part au projet. Nous espérons terminer l’enquête en 2013-2014.

    De nos jours, il est courant que des chercheurs nord-américains aillent dans le Sud pour mener ce genre d’études. Je suis sûr que vous êtes sensible à cette question. Quelles mesures avez-vous prises pour y remédier ?

    JR : Oui, certains pourraient avoir l’impression qu’il s’agit d’un projet universitaire purement nord-américain, consistant à ‘extraire’ des informations de l’Église mondiale. Ce n’est pas vrai, mais je comprends. De toute évidence, l’ISGA – qui se trouve aux États-Unis – est un catalyseur, et la totalité du financement provient d’Amérique du Nord. Mais pour nous, c’est un projet commun de toutes les églises membres de la famille de la CMM. L’enquête elle-même est fondée sur les ‘Convictions Communes’, fruit d’un long processus de discernement auquel ont participé des groupes du monde entier. Chaque groupe participant pourra ajouter au GAP des questions qui lui sont spécifiques. Et les résultats de l’enquête de chaque groupe seront disponibles sous une forme accessible aux responsables de chaque église.

    La collecte d’informations n’est pas une fin en soi ; il s’agit d’aider les églises, localement et au niveau mondial, à être des disciples plus fidèles de Jésus.

    Comment pensez-vous que les données recueillies aideront la CMM à connecter la communauté anabaptiste mondiale ?

    AN : Au XVIe siècle, il y a eu une ‘multigenèse’ d’origines anabaptistes : le groupe néerlandais-allemand du Nord, dirigé par Menno Simons, était tout à fait différent culturellement, historiquement, spirituellement et politiquement du groupe suisse-allemand du Sud qui a commencé en 1525 à Zurich. Et ces deux groupes étaient considérablement différents du mouvement dirigé par Hans Hut et Thomas Münzer, et plus tard du ‘Royaume des Cieux’ dans la ville de Münster.

    Aujourd’hui, les nouvelles églises anabaptistes, se développant par exemple dans le contexte islamique en Indonésie ou au Nigeria, ou de la société catholique espagnole résultant de la Conquista en Amérique latine, ou du mouvement de ‘l’église clandestine‘ en Chine, ont des vies spirituelles et des luttes quotidiennes bien différentes des membres d’églises mennonites d’Amsterdam (Pays-Bas) ou de Berne (Suisse), de Lancaster (États-Unis) ou de Winnipeg (Canada). Mais nous avons besoin les uns les autres et nous avons besoin de nous comprendre.

    CK : Dans le livre de l’Apocalypse, Jésus- Christ a un message pour les sept églises d’Asie. Je me plais à imaginer que ce travail sera une nouvelle façon d’entendre, partiellement bien sûr, le message du Christ pour nous en ces premières années du XXIe siècle.

    Participants
    John Roth (JR) Directeur de l’Institute for the Study of Global Anabaptism (ISGA) à Goshen College et secrétaire de la Commission Foi et Vie de la CMM.
    Alfred Neufeld (AN) Président de la Commission Foi et Vie de la CMM.
    Conrad Kanagy (CK) Directeur adjoint du projet ‘Profil Anabaptiste Mondial’

  • Explorer nos engagements communs

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes est de se retrouver régulièrement pour le culte. Cependant, de par notre immense diversité, cet engagement se manifeste de manières très différentes. Dans le numéro d’octobre 2013, des responsables de notre communion décrivent différentes formes de culte anabaptistes : aspects visuel et sonore, difficultés et bénédictions.

    Résister au culte du ‘Royaume magique’ nord-américain

    Dans son livre inachevé Believing Is Only the Beginning (Thomas Nelson Publishers, 2013), Rich Stearns pose la question : “Ê quoi ressemblerions-nous si nous étions nés et avions grandi dans le parc du Royaume magique et que nous n’ayons jamais vu le monde extérieur ? ». Par ‘Royaume magique’, Rich Stearns se réfère au parc d’attractions Disneyland des États-Unis, construit par la Walt Disney Corporation – un lieu associé, pour beaucoup, à des personnages imaginaires, à un monde de féérie et de fantaisie.

    Nous pourrions décrire ainsi une grande partie de l’église de l’hémisphère nord. Beaucoup d’entre nous vivent dans une sorte de pays imaginaire, très loin (et peu conscients) des combats quotidiens de ceux qui vivent dans ce que Rich Stearns appelle le ‘Royaume tragique’ : le Sud (le reste du monde).

    Malgré la disparité de nos situations, le royaume de Dieu est le dénominateur commun des royaumes magique et tragique. En tant que disciples du Christ, peu importe où nous nous trouvons géographiquement, politiquement, culturellement ou économiquement, notre loyauté va au Royaume de Dieu. Nous chrétiens partageons les mêmes objectifs. Nous voulons parler d’espérance et de grâce à ceux qui nous entourent. Nous voulons construire des passerelles pour montrer que Jésus transcende les cultures et qu’il est pertinent. Dans son Royaume, la louange reflète notre conception de Dieu. Dans le royaume du monde, les actions des êtres humains suscitent une réponse de leurs dieux. Dans le Royaume céleste, les actions de Dieu suscitent la louange et l’émerveillement pour sa création.

    Nous croyants, de toutes origines, partageons une même citoyenneté, celle du Royaume de Dieu. Par conséquent, nous devrions être unis, au niveau local, national et mondial.

    C’est la vision de l’Apôtre Paul dans Éphésiens 4/4-6. Ces trois versets contiennent sept fois le mot seul – l’unité ‘verticale’ et ‘horizontale’ des chrétiens. Il n’y a qu’un seul corps, une seule espérance, une seule foi et un seul baptême (unité horizontale) parce qu’il n’y a qu’un seul Dieu : Père, Fils et Esprit, auquel nous appartenons tous (unité verticale).

    Mais comment cela se traduit-il dans la louange, surtout dans notre communauté mondiale d’églises ?

    L’unité des chrétiens traverse le temps, l’espace et les cultures. Bien que nos lieux de vie, notre style de culte et nos conceptions de l’autorité soient différents, nous devrions discerner une unité dans la diversité des expressions théologiques. Le fait de se rassembler, par exemple, est une expression commune de notre unité, quelles que soient les différences culturelles.

    L’unité des chrétiens s’exprime aussi dans la manière dont nous vivons notre citoyenneté dans le Royaume de Dieu : la contestation de l’oppression et des injustices, et les actions pour transformer les modèles égocentriques et capitalistes en s’occupant des démunis et de notre terre sont aussi une expression de notre louange.

    Malheureusement, aujourd’hui, en Amérique du Nord, nous vivons dans une culture très individualiste. Sans se soucier de leur environnement, jeunes et vieux marchent, conduisent, mangent et même dorment, enfermés dans leur propre conversation et dans diverses formes de divertissement. Notre culture du ‘Royaume magique’ nous conduit même à banaliser le culte. Ainsi que l’affirme Tom Kraeutner dans son article de 1992, ‘adorer/louer est un verbe’, “ Nous voulons tellement faire les choses ‘bien’ pour obtenir une ‘bonne’ réponse de notre entourage, que nous passons à cote de l’essentiel : Adorer/louer Dieu « .

    Utilisons notre théologie anabaptiste pour réfléchir à cette tendance. La louange est notre réponse à la Parole de Dieu et à sa création. Elle touche tous les aspects de la vie, et cette vision du monde influence nos choix en tant que disciples de Jésus. Notre accent sur la communauté et la valeur des dons de chaque personne pour le corps tout entier, est inclusif et participatif.

    Ceux d’entre nous qui vivent dans le ‘Royaume magique’ doivent reconnaître que tout ce qu’ils ont les détourne du culte. Il faut travailler beaucoup plus dur pour accorder paroles et actions. Cela m’a frappé quand j’ai comparé ces deux réflexions entendues après un culte. En Afrique, j’ai entendu : “J’aimerais que nous puissions rester et prier encore une heure. C’est si bon d’être ensemble ». En Amérique du Nord, j’ai entendu : “J’ai bien aimé le culte aujourd’hui, l’animateur du culte était super et la sono excellente. J’aimerais juste qu’ils regardent l’heure. Je suis en retard pour le déjeuner ».

    Je sais que ces commentaires sont des généralisations, et je suis reconnaissant aux nombreux Nord-Américains qui s’efforcent d’aller à contre-courant. Les ressources pour nous aider a réfléchir a qui et comment nous adorons sont abondantes. Voici quelques-unes des questions que je me pose :

    1. La forme et la fonction de notre culte reflètent-t-elles notre théologie ? Par exemple, compte tenu de notre diversité, le style ne devrait pas être un critère d’évaluation important de la forme du culte. Et pourtant, la théologie s’exprime dans le style que nous choisissons.

    2. Avons-nous exprimé toute la gamme des émotions humaines lors des cultes de l’année écoulée ? Devons-nous seulement chanter des cantiques joyeux, ou y a t-il une place pour la réflexion et la peine ? Sommes-nous tellement centrés sur un seul aspect que nous perdons la vision d’en- semble ?

    3. Notre culte exprime-t-il notre vie communautaire plutôt que l’évolution culturelle individualiste ?

    4. Sommes-nous assez créatifs pour encourager une large participation des per- sonnes présentes lorsqu’il y a des activités particulières ? L’inclusivité concerne tout le monde. Quels efforts faisons-nous pour être inclusifs ?

    5. Lorsque nous préparons nos ‘expériences’ de culte, ne nous arrive-t-il pas de trop réfléchir à ce nous allons ‘faire’ et pas assez à la vision de Dieu que nous transmettons ?

    Peut-être que, comme moi, vous avez connu des expériences particulières lors des rassemblements mondiaux de la CMM. Toutes les voix unies, qui s’élèvent et répondent à la grandeur de notre Créateur, Sauveur et Seigneur dans un culte multi-culturel, me donnent une idée du culte décrit dans le livre de l’Apocalypse. J’ai hâte de partager cet aperçu d’éternité avec mes frères et sœurs du monde entier lorsque nous nous retrouverons pour le 16e Rassemblement en 2015.

    Don McNiven (Kitchener, Ontario, Canada) est le directeur exécutif de l’International Brethren In Christ Association (IBICA), membre associe de la CMM. Il est membre du Comité de Supervision du Programme du 16e Rassemblement, et responsable des chants et des cultes.

  • Explorer nos engagements communs

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes est de se retrouver régulièrement pour le culte. Cependant, de par notre immense diversité, cet engagement se manifeste de manières très différentes. Dans le numéro d’octobre 2013, des responsables de notre communion décrivent différentes formes de culte anabaptistes : aspects visuel et sonore, difficultés et bénédictions.

    Le livre ou le mur ?

    Si vous assistez à un culte dominical dans une assemblée mennonite européenne, vous rencontrerez probablement deux styles de louange différents. Dans l’un de ces cultes, l’assemblée chante à partir d’un livre. Ce style affectionne les chants à quatre voix et utilise souvent l’orgue, l’harmonium ou le piano comme instrument d’accompagnement.

    Dans l’autre de ces cultes, l’assemblée s’en remet à un vidéoprojecteur pour afficher les paroles des hymnes sur un mur. Cette louange se veut plus “contemporaine » : ses mélodies et ses rythmes ont des accents pop distinctifs, ils sont généralement accompagnés par des guitares électriques, une basse et une batterie.

    Bien sûr, ces distinctions ne sont pas toujours aussi claires. Par exemple, dans mon assemblée, qui est membre de la conférence française, on utilise de vieux recueils revivalistes aux côtés de chants contemporains évangéliques – quand ils ne sont pas charismatiques – projetés contre le mur. Nous nous sommes séparés de notre harmonium depuis longtemps, et la batterie se porte bien. Certains frères et sœurs – parmi les plus âgés – sont encore capables de chanter à quatre voix, mais cette aptitude tend à disparaître parmi les plus jeunes. Cela ressemble à un processus de transition : combien de temps allons-nous continuer à chanter avec ces livres poussiéreux ? Combien de temps avant qu’un changement technologique efface des pans entiers de notre mémoire, de nos pratiques et de notre spiritualité ?

    La teneur de mon propos peut sembler quelque peu nostalgique, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Ce n’est pas non plus de la technophobie : les projecteurs vidéo peuvent être des outils fonctionnels. Cependant, nous devons réfléchir à la façon dont nous les utilisons, car les objets jouent un rôle important dans notre louange. Ils sont des instruments qui façonnent notre spiritualité. Parfois, nous sommes conscients de ce fait. La plupart du temps, nous ne le sommes pas. Et lorsque nous n’en sommes pas conscients, la technologie n’est pas régulée et devient un maître silencieux auquel nous obéissons sans même y prêter garde.

    Il y a un contraste entre les styles de louange en vigueur parmi les mennonites européens, et il se répercute sur nos différentes manières de cultiver une spiritualité. Les objets que nous utilisons, dimanche après dimanche, alors que nous nous rassemblons pour célébrer notre foi, jouent un rôle important dans ces différences. Et les outils que nous employons pour chanter ensemble sont significatifs du genre de chrétiens que nous tendrons à devenir sur le long terme.

    Chanter est une puissante activité qui façonne profondément ce que nous croyons. Nos pensées peuvent vagabonder alors que nous écoutons un sermon que nous n’en- tendrons probablement qu’une seule fois. C’est toute autre chose avec les psaumes, les hymnes et les chants de louange, car ils appartiennent à un répertoire que notre communauté – ce qui inclut chacun de nous – chantera souvent. Les idées théologiques exprimées dans un sermon peuvent aller et venir, peu importe qu’elles résonnent de façon frappante, intéressante ou profonde. Communiquées par un chant, les mêmes idées acquièrent une longévité. Elles se sédimentent quelque part dans notre subconscient.

    Ê nouveau, les Églises mennonites européennes sont intéressantes à cet égard. Comme je le disais, certaines d’entre elles chantent à partir d’un livre : par là j’en- tends qu’un recueil mennonite existe dans la langue d’une conférence d’Églises, et que les communautés l’utilisent pour leur louange.

    L’Europe du Nord possède une tradition de recueils mennonites : les Doopsgezinden hollandais ont le leur, et les mennonites germanophones d’Allemagne et de Suisse en partagent un. Évidemment, les anabaptistes n’ont pas composé tous les hymnes contenus dans ces livres. Bien des chants viennent d’un arrière-plan réformé, catholique ou œcuménique. Cependant, le répertoire compris entre les pages de couverture de ces recueils est en accord avec une théologie et une spiritualité anabaptistes. En ce sens, lorsqu’ils louent, ces croyants et leurs communautés font entendre une façon distinctive d’être chrétien.

    Les choses en vont autrement en Europe du Sud. Les mennonites espagnols ou francophones (Belgique, France, Suisse) ne jouissent pas du privilège d’avoir un « livre ». Ils ont tendance à chanter ce qui est projeté contre le mur. La plupart du temps, leur répertoire emprunte à des sources plus évangéliques et charismatiques. Le caractère distinctif de l’anabaptisme tend à s’effacer, en particulier lorsque ces chants soulignent la « puissance » de Dieu tout en minimisant le fait que, en Jésus, Dieu s’est vide de lui-même et est devenu faible afin de nous atteindre.

    Au cours des dernières décennies, les historiens de l’anabaptisme ont fait un travail remarquable pour nous rappeler, à nous, mennonites européens, nos racines historiques. Cela nous a donné le sens de notre identité. Néanmoins, pour convertir cette perspective en une spiritualité plus profonde, nous aurons probablement besoin d’une génération d’auteurs, de compositeurs et de théologiens qui nous offriront, ici, en Europe du Sud, un « livre » en accord avec notre foi. Et si ce livre est compatible avec un vidéoprojecteur ou une tablette, c’est encore mieux.

    Philippe Gonzalez est prédicateur dans une Église mennonite de France (Saint- Genis-Pouilly). Il enseigne la sociologie dans une université suisse.

  • Être disciple du Christ : Réflexions

    Lorsque je réfléchis à mon cheminement chrétien, un héritage précieux de mon église (Frères en Christ) est l’enseignement simple de l’obéissance du disciple du Christ. C’est un enseignement facteur de transformation, en ce qu’il demande un engagement sacrificiel et un dévouement au Christ et à sa cause.

    Le mot ‘obéissance’ signifie simplement ‘soumission à l’autorité’. C’est la volonté d’exécuter les instructions de cette autorité. C’est ainsi que les premiers anabaptistes comprenaient le discipulat. Feuilletez les pages d’un livre d’histoire sur les premiers anabaptistes et sur leurs sacrifices, et vous ne manquerez pas de remarquer que leur motivation sous-jacente était l’obéissance et la fidélité au Christ, à l’Église et aux Écritures telles qu’ils les comprenaient.

    Confesser le Christ comme Seigneur est un appel à le considérer comme la plus haute autorité dans nos vies. Par conséquent, tout ce qu’il dit doit être soigneusement accompli par ses disciples. Dans cet esprit, les premiers anabaptistes ont pris les paroles du Christ au sérieux (en particulier le Sermon sur la montagne), car ne pas le faire pourrait entraîner une grande ruine – derniers versets du sermon de Jésus (Mt 7/24-27).

    Que signifie donc être disciple du Christ ? Autrement dit, qu’est-ce que l’obéissance au Christ ?

    Une confiance qui conduit parfois à la souffrance

    La nécessité de l’obéissance est la nécessité de faire confiance à Dieu et à son Fils, Jésus-Christ. Ne pas le faire conduit potentiellement à l’idolâtrie, ce qui déplaît à Dieu. L’Ancien Testament comme le Nouveau sont émaillés de récits qui mettent l’accent sur la nécessité et l’importance de l’obéissance à Dieu et à Sa Parole.

    Étonnamment, l’obéissance à Dieu – bien que recommandée et bénie – ne conduit pas nécessairement au bonheur. En fait, elle a souvent conduit beaucoup de chrétiens à souffrir. Les premiers anabaptistes ont trouvé une source de force dans cette vérité, et ils ont persévéré. En raison de leur obéissance à Dieu, ces disciples ont souffert aux mains de ceux qui étaient opposés à la volonté de Dieu. Dans leurs souffrances, ils ont trouvé des encouragements dans les récits bibliques concernant Moïse, Elie, Daniel, Jérémie, et Shadrack, Meshack et Abednego, et surtout, dans la vie et les enseignements du Christ.

    Nos ancêtres auraient dit ‘Amen !’ aux paroles du pasteur et écrivain américain Chuck Swindoll, qui a écrit : « Lorsque vous souffrez et que vous perdez, cela ne signifie pas que vous désobéissez à Dieu. En fait, cela pourrait signifier que vous êtes au cœur de sa volonté. Le chemin de l’obéissance est souvent marqué par des moments de souffrance et de perte ».

    Mener une vie d’obéissance est un choix. Dieu ne nous contraint pas à lui obéir. Nous obéissons volontairement à Dieu en toutes circonstances, sachant que Dieu sait toujours ce qui est le mieux pour nous. Et que ce ‘mieux’ s’accomplit parfois en passant par les épreuves et les triomphes de la vie. La missionnaire Elisabeth Elliot dit : « Dieu est Dieu. Parce qu’il est Dieu, il est digne de ma confiance et de mon obéissance. Je ne trouverai le repos que dans sa sainte volonté qui est au-delà de toute compréhension ».

    C’est dans une telle vie de confiance en Dieu que l’on peut chanter en toute confiance : « Là où il me mène, je le suivrai / je vais avec lui jusqu’au bout ». En tant que disciples du Christ, nous devons comprendre que la souffrance est inévitable. Et, alors que nous ne devons pas l’accepter aveuglément, elle est pourtant un signe de vrai discipulat – de notre confiance en Dieu.

    Confiance en Dieu dans la pauvreté et l’abondance

    L’appel à l’obéissance dans l’Église a toujours été compris comme un appel à la fidélité aux Écritures ; aussi, les anabaptistes considéraient le Sermon sur la Montagne comme un guide normatif de vie avec Dieu, les uns avec les autres, avec leurs ennemis et avec les institutions telles que l’État.

    Pensez à la vie des premiers anabaptistes. La majorité d’entre eux étaient pauvres, et certains le sont devenus en raison de la persécution, conséquence de leur foi en Christ et de leur compréhension des Écritures. Il n’est pas surprenant que ces croyants aient été attirés par des passages tels que Mt 6/25-34, qui enseigne à faire confiance à Dieu qui pourvoira à tous les besoins. La survie quotidienne était réellement dans les mains de Dieu. Pour eux, Dieu était tout.

    Ces passages ont le même attrait aujourd’hui pour nos communautés qui connaissent des situations d’oppression, de conflit ou d’injustice. Pour nos frères et sœurs du monde entier dont le quotidien est fait d’incertitude, l’obéissance aux paroles du Christ n’est pas une option, c’est une marque de fidélité, une nécessité pour pouvoir persévérer.

    D’autre part, ceux qui ont le privilège d’aider les démunis par obéissance aux Écritures sont appelés à donner sans que leur main gauche sache ce que fait leur main droite. Ils sont récompensés par le Père qui voit dans le secret (Mt 6/1-4). L’obéissance signifie la fidélité aux paroles du Christ sur des questions de nature éthique. Cela demande de vérifier constamment les motivations de ses décisions et des actions qui en résultent, pour pouvoir dire avec Paul : «Tout ce que vous pouvez dire ou faire, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâce par lui à Dieu le Père.» (Col 3/17).

    Vivre dans la vérité sans avoir besoin de serments

    Les vrais disciples du Christ vivent dans la vérité et par la vérité. Il n’y a jamais d’excuse pour mener une vie désordonnée. La vérité doit marquer toute leur vie.

    Les premiers anabaptistes sont un exemple de vie authentique. Par exemple, ces croyants ne faisaient pas de serment. Ê cette époque, faire un serment était considéré comme l’aveu qu’un ‘oui’ n’était pas toujours un ‘oui’ et un ‘non’ pas toujours un ‘non’ (Mt 5/33-37). Les vrais chrétiens ne devraient-ils pas vivre dans la vérité tout le temps – pas seulement lorsqu’ils parlent aux représentants du gouvernement ou font des affaires ?

    Pour obéir au Christ dans un monde qui glorifiait les serments, il fallait refuser de faire des actes semblables et être prêt à en assumer les conséquences.

    Sur le chemin de l’obéissance au Christ, il y a des épines : diverses pratiques, nationales ou culturelles, dont certaines semblent inoffensives mais sont dangereuses pour la foi. En tant que chrétiens, nous ne devons jamais être naïfs. Nous devons étudier ensemble notre contexte à la lumière des Écritures et abandonner les pratiques qui nous empêchent de vivre la vérité de l’Évangile. En d’autres termes, que notre ‘oui’ soit ‘oui’ et que notre ‘non’ soit ‘non’! Notre obéissance au Christ se manifeste dans la façon dont nous répondons aux questions éthiques de notre époque.

    Un esprit d’amour, d’humilité, et non de crainte

    On ne peut parler d’obéissance chrétienne sans considérer le Christ comme notre modèle. Jésus, exprimant son obéissance à Dieu le Père, dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. » (Jn 4/34). Jésus s’est soumis lui-même à l’autorité de Dieu le Père, parce qu’il l’aimait. Dans la prière sacerdotale de Jn 17/20-26, nous avons un aperçu de la relation intime de Jésus et de Dieu. Des expressions comme « comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi » et « comme nous sommes un », nous montre ce qu’était leur relation. « Je t’ai connu et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître encore, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et moi en eux » – révèle la manière dont cette intimité se manifeste dans le ministère terrestre de Jésus.

    Je veux souligner ici que l’amour entre eux était intense. Il est important de constater que Jésus obéissait à Dieu par amour non par peur ou coercition.

    Nous, nous obéissons au Christ par amour, cet intense amour que nous avons pour lui, comme le décrit cette prière puissante. Jésus était prêt à aller jusqu’au bout et à payer le prix ultime, la mort sur la croix, parce qu’il connaissait Dieu et qu’il l’aimait sans condition. L’Église de Jésus Christ aujourd’hui ne peut se démarquer qu’en reflétant la gloire de Christ, lui montrant une soumission et un amour absolu.

    En outre, cette vie d’obéissance nous demande de pratiquer une vertu très importante : l’humilité. L’hymne de Philippiens 2/5-11 nous montre le lien entre l’humilité et la véritable obéissance. Christ a eu la volonté de se défaire de sa nature divine pour devenir un être humain, un serviteur. Il a remis son autorité à celle de Dieu. Christ a écouté cette autorité supérieure afin d’effectuer la mission pour laquelle il était venu. Il a bien voulu perdre ce qui paraissait précieux et important, afin de gagner ce qu’il ne pouvait encore voir, mais qui avait une importance cosmique.

    Par conséquent, l’obéissance illustrée par le Christ se trouve (en termes romantiques) là où l’amour et l’humilité s’embrassent ! La véritable obéissance telle qu’elle est enseignée par l’Église, est la volonté de se soumettre à la Seigneurie du Christ, et, par amour pour lui et par humilité, être prêt à faire tout ce que le Seigneur nous commande de faire.

    Aimer et prier pour ses ennemis

    Jésus n’était pas embarrassé de dire : « Si vous m’aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements » (Jn 14/15). Par conséquent, nous devons prendre au sérieux ce commandement important – parfois difficile – donné à chaque vrai disciple du Christ : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent [‚Ķ]. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense allez-vous en avoir ? [‚Ķ]. Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? » (Mt 5/43-44, 46, 47)

    Ces versets sont intimidants, mais très profonds. L’Église actuelle ne peut se permettre de lire ces passages sans se livrer à l’introspection ; l’Église d’autrefois faisait de même. Il n’est donc pas étonnant que notre théologie de la non-violence soit basée sur ces passages.

    On ne peut obéir au commandement de Jésus d’aimer son ennemi, et √¥ter la vie à ce supposé ennemi. Paul écrit : « Mais en ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs [ses ennemis !]. » (Rm 5/8). Dieu a tellement aimé ses ennemis – nous – qu’au lieu de nous anéantir, il nous a donné la vie par Jésus-Christ ! L’obéissance au Christ signifie que nous devons aimer ceux qui nous persécutent et, comme Dieu, souhaiter qu’ils vivent plut√¥t qu’ils meurent.

    Il nous est demandé de prier pour ceux qui nous persécutent. Beaucoup de chrétiens croient en la puissance de la prière. Beaucoup sont en mesure de dire sans y réfléchir : « La prière change les choses ». Mais souvent, les chrétiens ne sont pas prêts à prier pour leurs ennemis. Peut-être est-ce parce qu’ils savent que la prière change les choses ? Ils ont peur que Dieu pardonne à leur ennemi. Ils préfèrent le voir souffrir ou mourir ! Ou peut-être ne veulent-ils pas que Dieu ouvre les yeux de leur ennemi à la vérité et qu’il accepte son salut ? Ils ne veulent pas partager avec leur ennemi le glorieux héritage du Royaume de Dieu.

    Quand nous prions pour nos ennemis, Dieu transforme nos sentiments négatifs envers nos ennemis. Ces sentiments cultivent l’esprit de vengeance. Par conséquent, les entretenir manifeste un esprit rebelle : « Dieu, laisse-moi tranquille ! Je vais m’occuper de mes problèmes à ma façon. »

    Nous ne devrions pas être surpris que le Christ, à la fin de son enseignement sur la prière (Mt 6/5-13), fasse une déclaration forte sur le pardon : « En effet, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes. » (Mt 6/14-15). Cet enseignement va de pair avec l’enseignement sur l’amour des ennemis et la prière pour ceux qui nous persécutent.

    Ceux qui aiment et suivent Dieu en Christ aimeront leurs ennemis jusqu’au bout – même au prix de leur propre vie. Ils prieront pour eux, espérant les voir accepter le Christ comme Seigneur et Sauveur. Ce faisant, ils pourront être « invités au festin des noces de l’agneau ! » (Ap 19/09).

    Conclusion

    C’est cet enseignement que j’appelle mon héritage. C’est mon trésor, et je cherche à le transmettre à la génération suivante afin qu’elle puisse faire de même.

    Le monde est mieux servi par une Église obéissante, des disciples du Christ engagés à renoncer à tout pour lui afin de tout gagner (de lui). Telle est notre Église quand elle réalise qu’elle a tout ce dont elle a besoin pour être une force de transformation efficace dans le monde d’aujourd’hui.

    Danisa Ndlovu

     

    Danisa Ndlovu est président de la CMM et évêque de Ibandia Labazalwane kuKristu eZimbabwe (Église Frères en Christ du Zimbabwe).

     

  • Dans la matinée du 7 novembre 2013, Regina Mondez, ainsi que la plupart des habitants des Philippines, suivait anxieusement les images radar d’une énorme tempête qui se dirigeait directement sur eux. Même avant que le super typhon Haiyan s’abatte de plein fouet sur les îles du Centre des Philippines avec des vents approchant 322km par heure, Régina et d’autres membres de l’église de paix, une petite de maison à Manille qui est soutenue par Mennonite Church Canada Witness, songeaient à comment ils allaient devoir agir.

    Quand le typhon a touché terre plusieurs heures plus tard, la puissance destructrice du vent de la tempête, la pluie et les vagues de la marée défiaient toute description. En plus des 6 000 décès signalés, environ 14 millions de personnes, dont 1,8 millions d’enfants, ont été déplacés par la tempête, avec des centaines de villages dévastés et une grande ville, Tacloban, presque entièrement détruite. Alors que le gouvernement philippin éprouvait de la difficulté à répondre, des millions de personnes de la région – vivant sans électricité, ni abris, ni nourriture, ni eau ni sécurité – devenaient de plus en plus désespérées.

    Objectivement, la présence mennonite aux Philippines est minuscule. En tant que douzième pays le plus peuplé du monde, les Philippines abritent près de 100 millions de citoyens – 80 % d’entre eux sont catholiques. Les mennonites, en revanche, comptent seulement 1 000 âmes : environ 200 appartiennent à la Church of God in Christ ; 150 sont affiliées à diverses églises de maison conservatrices ou ordinaires ; et les autres sont associées avec les Integrated Mennonite Church (IMC), dont les 21 églises locales sont dispersées autour de l’île centrale de Luzon, une région qui n’a pas été directement touchée par la récente tempête.

    Pourtant, Regina et les bénévoles de l’église de paix ne se sont pas découragés. En quelques jours, ils ont rejoint une équipe montée par la communauté des bâtisseurs de la paix et se sont dirigés vers la ville d’Ormoc, sur l’île de Leyte. Là, en étroite collaboration avec les pasteurs locaux, ils ont aidé à établir un réseau efficace de distribution d’aide qui commençait tout juste à arriver.

    Mondez Regina est le visage d’une nouvelle génération de mennonites dans l’église mondiale. Dans les années 1980, ses parents ont rejoint l’église Mennonite Conservatrice à Lumban, attirés par l’importance biblique qu’elle place sur la paix et par son sens communautaire très fort. Bien que la famille ait finalement quitté cette église locale, frustrée par ses restrictions sur l’éducation, Regina se souvient de l’église comme étant sa « deuxième maison – c’était ma famille. »

    Durant ses études à l’Université des Philippines, Regina a pris d’avantage conscience des réalités profondes de la pauvreté et de l’injustice dans son pays et a consacré son travail aux réformes sociales et politiques. Immédiatement après avoir obtenu son diplôme en Communication pour le développement, elle s’est installée sur l’île de Mindanao, une région dévastée par la pauvreté et des décennies de guérilla et de violences interreligieuses.

    Pendant les deux années qui ont suivi, elle a travaillé comme bénévole auprès de PeaceBuilders Community (la communauté des bâtisseurs pour la paix), une organisation soutenue par la Mennonite Church Canada Witness et qui a formé des centaines de pasteurs locaux et chefs de village dans les principes fondamentaux de justice réparatrice et de transformation des conflits.

    Cette expérience a restauré en Regina une profonde gratitude envers l’Église Mennonite et les racines théologiques de ses activités de rétablissement de la paix. « Grandissant, j’avais une faible connaissance des enseignements anabaptistes », a déclaré Regina. « Mais en entendant des défenseurs de la paix, des fonctionnaires et même des officiers militaires remercier le témoignage mennonite pour la paix, ma compréhension de la foi a commencé à s’approfondir ».

    Pendant les trois dernières années, Regina a été coordinatrice nationale de l’IMC, soutenant le travail du Conseil d’administration et du Conseil des évêques. Elle est un membre fondateur de l’église de la paix, une congrégation nouvellement établie à Global City, à Manille et qui apporte un témoignage de paix vigoureux au cœur de l’établissement politique et militaire de Manille. En 2010, Regina a écrit une histoire sur l’église Mennonite aux Philippines pour le chapitre du volume asiatique de la série histoire Mennonite mondiale de la CMM et elle est actuellement la chercheuse associée pour le Profil Anabaptiste Mondial de la CMM dans son pays. Regina, qui a également un emploi à temps plein, est âgée de 23 ans !

    Ces dernières décennies, l’église Mennonite aux Philippines a subi un certain nombre de divisions qui ont laissé certains jeunes désabusés. « Je veux aider notre église à devenir une famille qui n’est pas divisée par la culture ou l’origine ethnique, » reflète le Regina. « Je veux aider notre église à vivre sa compréhension de l’Évangile d’une manière plus puissante. » Elle rêve d’aider un jour à établir une école anabaptiste aux Philippines « qui permettrait à l’IMC de développer plus de leaders dépendants, efficaces et performants sans perdre la particularité de leur identité culturelle ou ethnique. »

    L’ampleur des défis auxquels les petites églises mennonites des Philippines doivent faire face – que ce soit le secours aux sinistrés, la consolidation de la paix ou le renouvellement de l’église – peut sembler écrasante. Mais je suis inspiré par le témoignage de Regina Mondez. Prions pour elle et la communauté qu’elle représente. Prions pour Darnell et Christina Barkman, pasteurs de l’église de la paix ; prions pour les dirigeants d’Integrated Mennonite Church; Prions pour le travail de PeaceBuilders Community (communauté des bâtisseurs pour la paix) à Mindanao ; et prions pour les habitants des Philippines, ravagés par le typhon Haiyan, qui sont en quête d’espoir et d’un avenir au milieu des décombres.

    Article par John D. Roth de Goshen (Indiana). Roth est professeur d’histoire au Collège Goshen et est également Secrétaire de la Commission Foi et Vie de la conférence Mennonite mondiale. Cet article a été publié dans The Mennonite, 1er janvier 2014.

  • L’inégalité économique : Explorer notre engagement commun pour le shalom

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes consiste à travailler au shalom. Nous croyons à l’engagement pour la justice et au partage de nos ressources, qu’elles soient matérielles, financières ou spirituelles. Pourtant, à cause de notre immense diversité, notre engagement prend différentes formes. Dans le numéro d’avril 2014, les responsables de notre communion analysent la manière dont les anabaptistes abordent la question de l’inégalité économique, et comment nous, en tant que disciples du Christ en quête du shalom, essayons de réduire les écarts de richesse dans nos communautés.

    L’égalité entre chrétiens : une utopie ?

    Vous vivons dans un monde déchu. Ce n’est pas le monde que Dieu avait prévu. Quand nous avons décidé de pécher, nous avons choisi notre propre chemin et notre propre seigneur, ce qui n’a pas été une bénédiction pour nous et pour les autres. Cependant, Dieu n’a pas abandonné ce monde déchu. Il tente constamment de racheter sa création, ainsi que l’attestent les Écritures.

    Nous devons faire face à deux éléments contradictoires en nous et dans les structures dans lesquelles nous vivons. Bien que notre monde soit déchu, l’image de Dieu n’est pas complètement effacée : il y a des éléments de la ‘bonne’ création de Dieu en nous. D’autre part, notre décision consciente de nous rebeller contre Dieu et ses desseins affecte toute la terre. Nous avons tous des éléments de l’image de Dieu et des éléments de nature déchue.

    Nous chrétiens mennonites/anabaptistes, nous avons un héritage spirituel important. Le mouvement anabaptiste est né dans une période de crise. La recherche d’une vie chrétienne ressemblant à l’Église primitive des Actes a certainement influencé sa théologie. Comme ce fut le cas dans l’Église primitive, les communautés anabaptistes ont essayé de réduire les inégalités économiques en leur sein. La dimension radicale du ‘premier amour’ se voit aussi dans le souci des pauvres. La dimension économique était une façon concrète de manifester l’amour du Christ.

    Cependant, avec le temps, le christianisme est devenu plus ouvert au monde. Bien sûr, les chrétiens se sont toujours adaptés à la société, ainsi que le témoignent les lettres aux sept églises d’Apocalypse 2-3. Nous y constatons un dualisme : si au début la culture a généralement été considérée comme ‘mondaine’, après un certain temps les barrières sont tombées et elle a été vue positivement.

    Quelque chose de semblable s’est passé avec les mouvements anabaptistes. Les premières années de persécution ont cédé la place à la tolérance et à une certaine distance du monde. Ceci, cependant, n’a pas évité les tentations de la chair, amenées par la culture précédente. La distance avec le monde a créé un sentiment de fausse sécurité : le monde était loin et ne pouvait les influencer.

    Peu de mennonites brésiliens vivent encore dans les colonies. Le capitalisme et le matérialisme ont amené d’énormes inégalités, qui semblent encore plus marquées dans les contextes urbains. Les mennonites du Brésil ont été fortement influencés par la culture dominante. Les inégalités sont aussi grandes dans l’Église que dans la société.

    Les mennonites sont arrivés au Brésil de Russie en tant que réfugiés, avec très peu. Cependant, le désir de faire bouger les choses et leur esprit communautaire initial les ont poussés à chercher des occasions d’améliorer leur situation économique. Grâce à leur dur travail, la plupart d’entre eux ont rapidement progressé financièrement. Ceux dont la situation ne s’est pas améliorée ont souvent été accusés de paresse. Les inégalités se sont accrues avec l’évangélisation. Beaucoup de Brésiliens sont très pauvres. Les mennonites se sont comparés à ces Brésiliens : « Nous aussi n’avions rien au départ, et regardez-nous aujourd’hui. Il est évident qu’ils ne cherchent pas avoir une vie meilleure ».

    La croissance économique du Brésil est allée de pair avec celle du matérialisme chez les mennonites. L’individualisme a remplacé l’esprit communautaire et les inégalités sont ignorées, bien que nous les ayons sous les yeux. Il peut y avoir un manoir à côté d’un bidonville et cela ne pose généralement aucun problème aux Brésiliens. Ce manque de compassion se retrouve dans les assemblées mennonites. Elles n’avaient aucune action sociale jusque récemment, en raison de l’influence fondamentaliste et de la volonté de se démarquer de l’Église catholique. Aujourd’hui, la plupart des mennonites du Brésil parlent au moins de faire quelque chose pour les pauvres. Certains essaient d’aider les personnes ou les groupes en distribuant de la nourriture, des vêtements ou d’autres choses. Ils essaient de répondre à certains des besoins les plus urgents, mais, comme c’est le cas dans la société, les inégalités sont rarement mentionnées.

    Il y a quelques années, j’ai été invité lors d’une retraite familiale à parler du style de vie simple. Certaines personnes ont réfléchi à la question, mais il n’y a pas eu de discussion ni d’examen des questions pratiques. Il semble que nous ne soyons pas encore prêts ; allons-nous jamais l’être ?

    Arthur Dück est directeur et professeur des études interculturelles à l’Institut chrétien Faculdade Fidelis de Curitiba (Brésil), appartenant aux Frères Mennonites.

  • L’inégalité économique : Explorer notre engagement commun pour le shalom

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes consiste à travailler au shalom. Nous croyons à l’engagement pour la justice et au partage de nos ressources, qu’elles soient matérielles, financières ou spirituelles. Pourtant, à cause de notre immense diversité, notre engagement prend différentes formes. Dans le numéro d’avril 2014, les responsables de notre communion analysent la manière dont les anabaptistes abordent la question de l’inégalité économique, et comment nous, en tant que disciples du Christ en quête du shalom, essayons de réduire les écarts de richesse dans nos communautés.

    Réparer la brèche

    Depuis quelques temps, la télévision nord-américaine passe de nombreux clips d’organisations d’Amérique du Nord qui demandent de l’argent pour lutter contre la faim dans le monde. Ces clips, montrant des enfants tristes, la plupart africains, cherchent à nous émouvoir. L’un d’eux mentionnait que chaque année, 17 000 enfants meurent de faim, ce qui fait apparemment un mort toutes les cinq secondes. C’est déchirant.

    Mais, bien que la faim soit un problème en Afrique, il semble que ces clips ignorent le problème de la faim ici aux États-Unis, et perpétuent les stéréotypes de ‘ces pauvres Africains’. On dit souvent que les États-Unis sont le pays le plus riche du monde. Alors, pourquoi, selon World Hunger Education Services, 14,5 % des familles (soit près de 49 millions de personnes) souffrent d’insécurité alimentaire, c’est à dire que ‘l’apport alimentaire des membres de la famille est parfois réduit et leurs habitudes alimentaires normales perturbées, faute d’argent ? Comment est-il possible qu’aux États-Unis, une personne sur sept (dont un enfant sur cinq) vive en dessous du seuil de pauvreté ?

    Ces chiffres lamentables sur la faim et la pauvreté aux États-Unis sont encore plus dérangeants lorsque l’on considère également les éléments suivants : selon le Center on Budget and Policy Priorities, en 2007, 10 % des Américains avaient 47 % des revenus et détenaient 74 % de la richesse, et cet écart n’a pas diminué depuis 2007. Ou encore : au cours des 35 dernières années, le revenu de 1 % des plus riches a augmenté de 201 %, tandis que le revenu des 60 % du milieu n’a augmenté que de 40 %, selon le U.S. Congressional Budget Office. Le problème n’est pas qu’il n’y a pas assez de richesse aux États-Unis, c’est qu’elle est inégalement – très inégalement répartie.

    Citant des statistiques comme-celles ci-dessus, le président américain Barack Obama a noté en décembre 2013 que l’inégalité croissante aux États-Unis « remet en question l’essence même de notre identité en tant que peuple […] L’idée qu’un enfant ne pourra peut-être jamais sortir de la pauvreté par manque d’instruction, de soins médicaux, ou d’une communauté concernée par son avenir, devrait nous indigner tous et nous pousser à agir. Notre pays vaut mieux que cela. »

    Pourquoi les inégalités économiques augmentent-elles aux États-Unis ? La question est complexe et n’a pas de réponse simple, mais il est clair que certains facteurs contribuent au problème. Parmi ces facteurs figurent : les intérêts commerciaux des entreprises qui prennent le pas sur des politiques publiques plus équitables, la peur du socialisme et de la prétendue ‘redistribution des richesses’, l’idée que le gouvernement ne doit plus être un ‘filet de sécurité’, et l’opinion que les gens sont pauvres parce qu’ils ont fait de mauvais choix et ne prennent pas leurs responsabilités – et non parce que le système leur est défavorable. La diminution de l’aide alimentaire* et de l’assurance-chômage à long terme, ainsi que le manque de volonté de certains politiciens pour augmenter le salaire minimum, tout en continuant à voter des allégements fiscaux pour les particuliers et les sociétés riches, sont des exemples de politiques qui contribuent à perpétuer les inégalités.

    L’inégalité économique est un défi important pour les églises nord-américaines, et elles y ont souvent bien répondu. Beaucoup de chrétiens (et d’autres) font du bénévolat et contribuent financièrement à des organisations caritatives. De nombreuses paroisses mènent des actions, ou y participent, pour venir en aide aux personnes démunies. Pourtant, en dépit de ces efforts, l’inégalité économique subsiste. L’écart entre les riches et pauvres s’accroît. La générosité et la pratique de la ‘religion pure’ de Jacques 1/27 (aider les veuves et les orphelins) sont des impératifs scripturaux importants à mettre en pratique. Mais c’est aussi vrai pour les injonctions à ‘travailler à la justice’ et à créer des systèmes sociaux qui n’oppriment pas les démunis (voir Michée 6/8 et Amos 2/6-7). Dans le contexte actuel de l’énorme inégalité aux États-Unis, et ailleurs, les paroles d’Ésaïe 58 devraient nous interpeller tous les jours :

    Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci :

    dénouer les liens provenant de la méchanceté,

    détacher les courroies du joug,

    renvoyer libres ceux qui ployaient,

    bref que vous mettiez en pièces tous les jougs !

    N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé ?

    Et encore : les pauvres sans abri, tu les hébergeras,

    si tu vois quelqu’un nu, tu le couvriras :

    devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas. (Ésaïe 58/6)

    Ésaïe continue et promet que si nous faisons cela, nous serons appelés ‘réparateur des brèches’ et ‘restaurateurs des rues ‘– objectifs dignes d’efforts.

    Harriet Sider Bicksler est membre de l’église Frères en Christ de Grantham (Mechanicsburg, États-Unis). Elle est aussi éditrice de Shalom !, un trimestriel des Frères en Christ traitant des questions de paix et de justice.

  • L’inégalité économique : Explorer notre engagement commun pour le shalom

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes consiste à travailler au shalom. Nous croyons à l’engagement pour la justice et au partage de nos ressources, qu’elles soient matérielles, financières ou spirituelles. Pourtant, à cause de notre immense diversité, notre engagement prend différentes formes. Dans le numéro d’avril 2014, les responsables de notre communion analysent la manière dont les anabaptistes abordent la question de l’inégalité économique, et comment nous, en tant que disciples du Christ en quête du shalom, essayons de réduire les écarts de richesse dans nos communautés.

    La main ouverte, pas la charité

    Pe Portugal est un petit pays d’environ 92 000 kilomètres carrés. Pourtant, il a toujours été fasciné par la croissance et l’expansion. Dans le passé, nous nous sommes tournés vers la mer : nous avons découvert de nouveaux pays et nous avons connu un grand développement économique. Cette époque de la découverte et de l’exploration a donné à notre pays une perspective internationale. Il n’est pas tellement exagéré de dire que le Portugal est le tout premier pays mondial.

    Mais à un certain moment, le Portugal s’est simplement arrêté. C’est surtout à cause d’un dictateur qui a ‘gelé’ notre pays, économiquement, politiquement et socialement, pendant plus de 40 ans. Cette période de stagnation a affecté la mentalité portugaise jusqu’à ce jour.

    Lorsque le Portugal s’est libéré de la dictature le 25 avril 1974, il s’attendait à entrer dans une ère de croissance. Douze ans plus tard, lorsque nous avons rejoint l’Union européenne (UE), nous en avons immédiatement vu les avantages : des infrastructures ont été construites, des emplois ont été créés et des investissements ont renforcé notre économie. Le temps était venu pour le Portugal de ‘rattraper’ le reste de l’Europe.

    Malheureusement, les politiciens ont ignoré le revers de la médaille du développement. Année après année, le gouvernement a dépassé son budget. Sa dette a tellement augmenté que, pendant l’été 2011, l’Union européenne, la Banque européenne et le Fonds monétaire international ont dû intervenir.

    Soudain, l’économie du Portugal s’est effondrée. Le taux de chômage a augmenté de 16 % (près de 20 % selon les chiffres récents). L’émigration a repris, surtout parmi les jeunes. La lutte pour la survie est redevenue une réalité.

    Les Frères mennonites portugais ont commencé à s’en rendre compte dans leur propre communauté. Nous savions qu’il nous fallait agir. Nous avons commencé par demander à nos membres d’apporter tous les dimanches quelques petites choses qui pourraient être données à ceux qui en ont besoin. En outre, ces dernières années, nous avons reçu des dons d’Allemagne, par camion, tous les 2-3 mois. Il s’agit principalement de vêtements, de matériel électroménager et de meubles, ainsi que de nourriture. Ces dons permettent d’aider les démunis de notre ville.

    Pourtant, nous voulions éviter la ‘facilité’ de faire la charité. Aussi, en octobre 2013, nous avons ouvert un magasin d’occasions, petit, mais qui se développe, grâce à l’aide de Dieu. Situé dans un quartier pauvre près de la capitale, Lisbonne, le magasin vend ce que nous recevons d’Allemagne et permet aux personnes à faible revenu d’acheter des vêtements et d’autres marchandises à un prix symbolique. Nous pensons qu’il vaut mieux que les clients paient, même très peu, plutôt que d’être assistés. Et nous avons constaté qu’en dépit de leurs problèmes financiers, ils peuvent faire des achats.

    Et si certains n’ont pas d’argent, on trouve les moyen de préserver leur dignité par l’échange : ils peuvent apporter un kilo de riz, un paquet de spaghetti ou autre chose à échanger avec ce dont ils ont besoin. Un jour, un homme sans domicile fixe de ce quartier a voulu acheter un manteau, mais il n’avait pas l’argent à ce moment-là. Nous lui avons dit qu’il pourrait payer plus tard, et nous lui avons donné le manteau. Ê la fin du mois, il est revenu au magasin pour honorer son engagement.

    Ainsi nous enseignons aux gens à être responsables, même si c’est en payant seulement des petites sommes.

    Un autre impact réel de notre petit magasin est le témoignage. Les clients sont souvent impressionnés par la façon dont nous témoignons de l’amour de Dieu. Nous avons de la littérature chrétienne gratuite pour tous ceux qui entrent, et de temps en temps, des habitants du quartier viennent à notre culte du dimanche. C’est un moyen pour eux de découvrir le Christ. Peut-être s’engageront-ils pour le Seigneur…

    Une fois par mois, nous nous réunissons avec les habitants du quartier pour un repas. C’est une occasion spéciale parce que ceux qui viennent reçoivent un repas substantiel, mais ont aussi la chance d’entendre l’Évangile pendant une quinzaine de minutes. Nous avons placé stratégiquement ce message entre le plat principal et le dessert : il y a une pause, la Parole de Dieu, et ensuite un délicieux dessert.

    Notre assemblée locale est composée de gens simples. Et pourtant, grâce à notre ADN anabaptiste – évidente dès que les Frères mennonites ont commencé leur travail au Portugal en 1984 – il est très facile de nous mobiliser pour répandre de l’amour et bénir ceux qui nous entourent. Il ne s’agit pas de faire une bonne œuvre, mais de montrer de la compassion parce que nous savons que dans le Royaume de Dieu, nous sommes tous frères et soeurs ; nous nous réunissons pour louer Dieu chaque dimanche, certains riches, et certains sans le sou, mais tous unis en Christ.

    C’est pourquoi notre communauté Frères mennonites est très engagée, heureuse de tendre la main – pas de faire la charité – pour aider ceux qui en ont besoin. Aussi nos églises grandissent, et Dieu se manifeste et change la vie des Portugais.

    José Arrais est président de l’Associação dos Irmãos Mennonitas de Portugal (Frères mennonites).

  • L’inégalité économique : Explorer notre engagement commun pour le shalom

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes consiste à travailler au shalom. Nous croyons à l’engagement pour la justice et au partage de nos ressources, qu’elles soient matérielles, financières ou spirituelles. Pourtant, à cause de notre immense diversité, notre engagement prend différentes formes.

    L’égalité entre chrétiens : une utopie ? (Arthur Dück, Brésil)

    Comme ce fut le cas dans l’Église primitive, les communautés anabaptistes ont essayé de réduire les inégalités économiques en leur sein. La dimension radicale du ‘premier amour’ se voit aussi dans le souci des pauvres. La dimension économique était une façon concrète de manifester l’amour du Christ.

    Réparer la brèche (Harriet Sider Bicksler, États-Unis)

    L’inégalité économique est un défi important pour les églises nord-américaines, et elles y ont souvent bien répondu. Beaucoup de chrétiens (et d’autres) font du bénévolat et contribuent financièrement à des organisations caritatives. Pourtant, en dépit de ces efforts, l’inégalité économique subsiste.

    Une mission modelée sur le Christ (Bijoy K. Roul, Inde)

    Il n’y a pas de réponse facile à la question de savoir pourquoi la majorité souffre de l’inégalité économique. Nous n’avons que quelques théories. Bien sûr, les facteurs varient selon le lieu, l’époque et le pays. Un facteur peut être déterminant à un endroit et pas ailleurs.

    La main ouverte, pas la charité (José Arrais, Portugal)

    Soudain, l’économie du Portugal s’est effondrée. Le taux de chômage a augmenté de 16 % (près de 20 % selon les chiffres récents). L’émigration a repris, surtout parmi les jeunes. La lutte pour la survie est redevenue une réalité. Les Frères mennonites portugais ont commencé à s’en rendre compte dans leur propre communauté. Nous savions qu’il nous fallait agir.

  • Quand Conrad Grebel a baptisé ses amis le 25 janvier 1525 au soir, à Zurich (Suisse), il ne pouvait imaginer que ce petit geste annonçait la naissance de la grande famille mondiale spirituelle de la Conférence Mennonite Mondiale. De Suisse, le mouvement anabaptiste s’est répandu vers le nord, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas. Après la débâcle de Münster, Menno Simons a été leur ‘pasteur’, puis les mennonites ont émigré à l’est de la Prusse, et plus tard en Russie et en Ukraine. Plus tard encore, ils sont allés jusqu’en en Amérique du Nord et du Sud, et sur tous continents.

    Et partout sur le vieux continent, des mennonites sont restés. Aujourd’hui, il y a de très anciennes assemblées en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suisse – membres de la CMM depuis le début.

    Ces vieilles églises mennonites sont porteuses de la riche histoire et tradition des anabaptistes et des mennonites des siècles passés. Pourtant, ces paroisses d’Europe occidentale passent par des moments difficiles, mais cette fois pas à cause de la persécution, mais de la sécularisation. Le nombre de membres diminue et des paroisses disparaissent car il n’y a pas suffisamment de renouvellement. Mais, bien que moins nombreuses, les assemblées restent fidèles à leur identité mennonite et anabaptiste, et accomplissent l’œuvre de Dieu, chacune dans son contexte.

    Les responsables de chaque union d’églises européenne et leurs représentants au Conseil Général de la CMM se réunissent chaque année pour discuter des développements dans leurs pays respectifs et dans la CMM. Depuis quelques années, les assemblées mennonites plus jeunes du Sud de l’Europe (Portugal, Espagne et Italie en particulier) assistent à ces rencontres, ainsi que des représentants d’Autriche et de Bavière et quelques anciennes communautés Umsiedler. Une nouvelle collaboration émerge, où les assemblées, nouvelles et séculaires apprennent les unes des autres. Les nouvelles paroisses désirent mieux connaître les racines mennonites, les anciennes sont renouvelées par la vision sur la mission, l’enthousiasme et les méthodes des plus récentes.

    Ceci a convaincu les responsables de l’importance d’intensifier les contacts entre toutes les assemblées mennonites européennes, et d’en inviter davantage, comme celles d’Ukraine et de Biélorussie. C’est pourquoi, après quelques années de discussion, ils ont décidé lors de leur réunion d’octobre 2013 à Mayence (Allemagne), d’avoir un coordonnateur mennonite européen à partir de juillet 2014. Bien que toutes les Églises n’aient pas encore décidé de leur niveau de soutien, les responsables pensent qu’il sera possible de financer ce poste au moins pour les prochaines années.

    Cette évolution est un signe d’espoir. Les communautés mennonites européennes, bien que petites, s’identifient fortement à la mission et à la tradition mennonite anabaptiste. Ensemble, qu’elles soient conservatrices ou plus libérales, évangéliques ou piétistes, elles font partie du corps mondial du Christ. En travaillant ensemble chacune avec sa propre identité, jeunes et moins jeunes assemblées apprennent les unes des autres et se soutiennent mutuellement.

    Henk Stenvers (Pays-Bas) est secrétaire de la Commission Diacres de la CMM et secrétaire général/directeur de Algemene Doopsgezinde Sociëteit (Église mennonite des Pays-Bas).

  • Le christianisme connaît un déclin rapide en Europe. En deux ou trois générations, nous sommes passés d’une culture d’apparence chrétienne, à une culture post-chrétienne. Les statistiques de la CMM indiquent que, globalement, l’évolution des vieilles églises mennonites d’Europe reflète cette tendance.

    L’Espagne constitue une exception : en moins de quarante ans, une nouvelle réalité a vu le jour sous la forme d’une présence anabaptiste florissante. Pour nous, cette croissance est l’œuvre souveraine de l’Esprit, pas de nos propres efforts, bien insuffisants.

    Nos frères et sœurs des vieilles églises mennonites européennes (celles qui sont originaires du XVIe siècle) trouvent notre existence encourageante et porteuse d’espoir. Nous, d’autre part, attachons de la valeur à leurs siècles de fidélité et nous sommes honorés quand ils nous intègrent dans les activités et les organisations à l’échelle continentale.

    Histoire

    Les mennonites ont été actifs en Espagne pour la première fois pendant la guerre civile espagnole (1936-1939), quand le Mennonite Relief Committee a envoyé des volontaires nord-américains pour nourrir les enfants des réfugiés de guerre. Ê la fin de la guerre, la victoire de la faction fasciste et de l’idéologie nationale-catholique, a mis fin à l’engagement des mennonites dans ce pays.

    Pendant les années 1970, il est devenu possible d’envoyer des missionnaires en Espagne. Après consultation avec les responsables des églises protestantes espagnoles, les missionnaires mennonites décidèrent initialement de coopérer avec eux plutôt que de créer une autre dénomination dans le pays. Les premiers missionnaires, John et Bonnie Driver, ont été appréciés pour la fraîcheur de leur message profondément biblique, aux accents anabaptistes que beaucoup de jeunes évangéliques ont trouvé particulièrement intéressants. John et Bonnie sont restés en Espagne de 10 à 15 ans, avant de retourner en Amérique du Sud, où leur longue carrière missionnaire a atteint son point culminant.

    Pendant ce temps, la première église mennonite était née à Barcelone. Les personnes qui l’ont lancée étaient venues de Bruxelles (Belgique), où ils avaient émigré, et s’étaient joint à une assemblée mennonite issue d’une mission américaine. Au début, José Luis Suárez était à la tête de ce groupe, et en a été le pasteur pendant de nombreuses années jusqu’à sa retraite.

    Pendant ces mêmes années, il s’est produit un mouvement de conversions chez les adolescents dans l’Église catholique à Burgos. Mettant l’accent sur la musique, les arts et la vie communautaire, ce mouvement a secoué toute la ville. John Driver a été l’une des nombreuses personnes invitées à parler à Burgos, et son approche de l’enseignement de Jésus a frappé l’imagination de ces jeunes chrétiens.

    Quand trois ‘anciens’ du mouvement ont fait un voyage aux États-Unis pour visiter des communautés chrétiennes radicales, ils ont rencontré Dionisio et Connie Byler (Argentine). Dionisio étudiait au séminaire mennonite d’Elkhart (Indiana), et ils ont invité sa famille à venir à Burgos pour continuer le ministère d’enseignement des Driver. Les Byler vivent à Burgos depuis 1981, soutenus par le Mennonite Mission Network. Au milieu des années 1990, le groupe, à l’origine catholique, est devenu mennonite.

    Plus tard, dans les années 1980, il y eut une brève mais intense activité missionnaire des Frères Mennonites (MB), dans la région de Madrid. Cet effort a porté quelques fruits, mais actuellement, il n’y a pas d’église MB en Espagne.

    Des missionnaires Frères en Christ d’Amérique du Nord (BIC), Bruce et Merly Bundy, vinrent à Madrid dans les années 1990, inaugurant une nouvelle ère d’influence anabaptiste dans le pays. Grâce entre autres à leurs efforts, il y a maintenant deux églises BIC dans la région de Madrid. Plus récemment, Juan et Lucy Ferreira (Venezuela) ont commencé un groupe BIC à Tenerife (Îles Canaries), rattaché aux églises BIC de Madrid.

    Au début de ce siècle, l’Organización Cristiana Amor Viviente (une union d’églises mennonites du Honduras) a envoyé Antonio et Irma Montes en mission en Espagne. De leur travail sont nées deux églises en Catalogne et un petit groupe à Madrid.

    Rencontres mennonites et Association fraternelle

    Depuis les années 1980, ces différents groupes – dispersés dans des villes éloignées les unes des autres – ont décidé de se connaître mieux et de cultiver leur identité anabaptiste mennonite. Depuis 1992, cette relation s’est approfondie lors des Encuentros mennonitas Españoles (EME), qui ont lieu tous les deux ans.

    Après quelques années, nous avons constitué une association fraternelle, appelée Anabautistas, mennonitas y Hermanos en Cristo – España (AMyHCE). Nous participons à la FEREDE, l’association des églises protestantes d’Espagne (où nous sommes reconnus comme l’une des « familles confessionnelles » du protestantisme espagnol) et à la CMM. Nous sommes uniques car toutes nos églises, avec leurs diverses connexions aux confessions anabaptistes historiques, participent à la CMM ensemble avec une représentation unique.

    Trois autres églises se sont jointes à nous. Bien qu’elles n’aient jamais eu de lien formel avec une dénomination anabaptiste à l’extérieur du pays, elles se retrouvent dans l’enseignement et la pratique de cette branche du christianisme.

    Enfin, notre identité anabaptiste/mennonite a été renforcée par les relations avec les vieilles églises mennonites européenne. En 2006, par exemple, le Congrès Mennonite Européen (CME) s’est tenu à Barcelone, réunissant les mennonites de tout le continent européen pour se soutenir mutuellement et dialoguer.

    Des caractéristiques exceptionnelles

    Comme cet aperçu historique le montre, en dépit de sa petite taille, l’une des caractéristiques de l’AMyHCE est sa grande diversité, diversité dans les liens avec les dénominations anabaptistes du monde, mais aussi diversité d’accent et de pratique. Par exemple, dans nos communautés, il est possible de trouver des pratiques pentecôtistes, mais également des doutes concernant l’émotivité. Théologiquement, il y a parmi nous des tendances fondamentalistes tout autant que libérales, mais aussi une ‘troisième voie anabaptiste’, qui explore d’autres façons de comprendre la foi chrétienne.

    Bien que peu nombreuses, nos églises n’ont pas négligé le service et les missions. Pendant des années, l’assemblée de Burgos a été connue pour son centre de réhabilitation des toxicomanes, tandis que celle de Barcelone gère des foyers pour personnes âgées et handicapés mentaux. La paroisse de Burgos a créé un foyer pour enfants au Bénin, et s’occupe des ex enfants-soldats en Côte-d’Ivoire. Ce ministère en Afrique est béni par le soutien d’autres personnes et églises.

    Depuis nos débuts dans les années 1970, nous mettons l’accent sur l’exploration biblique et théologique dans le courant mennonite ou anabaptiste. Cela s’exprime dans les ministères d’enseignement et de littérature, imprimée et sur internet. Et depuis 2010, Antonio González, pasteur de l’une des paroisses BIC, dirige avec d’autres anabaptistes un petit centre d’études théologiques, Centro Teologico Koinonia (CTK), qui cherche à former une nouvelle génération de responsables.

    Il y a d’autres accents clairement anabaptistes dans nos communautés :

    • L’assemblée locale est une famille étroitement unie qui pratique l’aide mutuelle.
    • Jésus est Enseignant et Exemple, ainsi que Sauveur et Seigneur.
    • La non-violence et l’objection au service militaire.
    • Une théologie pragmatique, plutôt que dogmatique, intéressée davantage à suivre personnellement Jésus qu’à faire des déclarations théoriques doctrinales.

    Avenir

    Cette nouvelle croissance du christianisme anabaptiste/mennonite en Espagne comporte d’importants défis. Dans les 10-15 prochaines années, la plupart des paroisses devront faire face à un relais générationnel important en matière de leadership. De nouveaux responsables se lèveront, ou viendront d’autres églises. Ces responsables de deuxième génération auront-ils une identité claire au-delà de l’identité chrétienne évangélique ? Le centre d’études CTK espère contribuer à répondre à cette question.

    En outre, le christianisme protestant en général, et anabaptiste/mennonite en particulier, en tant que christianisme non-catholique, est relativement nouveau en Espagne. Ce n’est pas un hasard s’il est arrivé précisément au moment où le peuple espagnol a commencé à reconsidérer l’ancien lien entre identité espagnole et religion catholique romaine. Mais l’affaiblissement du catholicisme ne signifie pas nécessairement l’ouverture à d’autres formes de christianisme. Il est plutôt le signe de la tendance européenne post-chrétienne à considérer l’existence humaine sous un angle profondément athée. La superstition et la crédulité sont en hausse.

    La culture dominante n’est pas nécessairement hostile au christianisme, mais elle le considère comme totalement inintéressant ou même d’un niveau primaire embarrassant. Le défi pour nos églises (et pour nos églises sœurs) est de trouver un moyen de faire jaillir l’étincelle de l’intérêt, de la curiosité et de l’engagement. C’est essentiellement un appel à une église qui déborde de vie et de la présence de l’Esprit de Dieu.

    Nous n’avons pas l’illusion de pouvoir allumer la flamme de l’intérêt, de la conviction et la passion pour le Christ avec notre propre témoignage ou nos ressources humaines. Mais bien s√ªr, nous mettons notre énergie et nos ressources dans cette direction. Nous ne vivons pas dans l’illusion que prier génère une réponse automatique de Dieu. Pourtant, nous redoublons notre engagement à prier, implorant Dieu à genoux de répandre son Esprit sur ce pays.

    En dernière analyse, cette jeune pousse de christianisme anabaptiste/mennonite en Europe partage avec les anciennes églises-sœurs d’origine anabaptiste la réalité que notre survie même – pour ne pas mentionner notre croissance – dépend absolument de la grâce de Dieu. Elle seule peut nous garantir un avenir.

    Paradoxalement, c’est précisément la raison de notre espérance, de notre confiance et de notre foi en un avenir pour nos églises.

    Dionisio Byler écrit et enseigne à la Faculté de Théologie Protestante d’El Escorial, près de Madrid. Il est secrétaire de l’AMyHCE depuis sa création.


    Être anabaptiste ou mennonite en Espagne

    Agustín Melguizo
    Pasteur, Communautés Anabaptistes Unies (Burgos)

    Certaines des exigences anabaptistes ont été acceptées par la plupart des églises évangéliques auxquelles je suis lié : p. ex. la séparation de l’Église et de l’État et le baptême des adultes. Cela implique de collaborer avec différentes églises chrétiennes, avec lesquelles nous avons des différences, mais aussi beaucoup en commun.

    Cela signifie aussi de regarder autour de nous pour apporter la lumière de Jésus à ceux qui sont ouverts, et par le témoignage personnel et communautaire, et présenter une conversion qui concerne tous les domaines de la vie, dont le discipulat.

    David Becerra
    Pasteur, Église mennonite de Barcelone

    Je suis mennonite parce qu’un jour, j’ai découvert que le message et la vie de Jésus demandent une non-violence radicale. Cette lecture de l’Évangile m’a amené à être objecteur de conscience [au service militaire].

    Je suis mennonite parce qu’un jour, le pasteur de la paroisse mennonite de Barcelone m’a surpris en s’agenouillant devant moi et en me lavant les pieds. Cela m’a montré ce qu’est la vraie autorité : servir les autres (comme un esclave).

    Dans le contexte espagnol, être mennonite, c’est comprendre et vivre l’Évangile différemment, en mettant l’accent sur le Christ et son message de réconciliation.

    Antonio González
    pasteur et théologien, BIC

    Pour moi, être anabaptiste en Espagne n’est pas un hasard biographique, mais un choix. Pendant un temps, le Seigneur m’a conduit à rechercher un modèle vrai et radical de christianisme.Ce n’était pas d’abord le choix d’une église locale ou d’une dénomination. Mon chemin avec le Seigneur (et sans lui) et ma recherche théologique m’ont amené vers la vie communautaire de Jésus et des apôtres. Beaucoup de chrétiens sans doute, aujourd’hui, cherchent à retourner à leurs origines. Toutefois, ils ont tendance à oublier certains aspects du message de Jésus, comme le pacifisme et la dimension communautaire de la foi, qui sont pour moi essentiels, même s’ils ont été oubliés par les principaux courants du christianisme occidental.

  • Menacé de mort par un groupe des Combattants pour la Liberté quand il avait 19 ans, Danisa Ndlovu avoue qu’il est peut-être né « pour une époque comme celle-ci ».

    « Pour une raison quelconque, je chantais un chant religieux d’une voix vraiment forte ce matin-là en descendant à pied le long de la rivière. Quand je me suis rendu compte qu’il y avait des miliciens armés sur la route, j’ai simplement continué à chanter même si je savais que j’étais en danger. J’ai senti que Dieu était avec moi. Quand les combattants m’ont ordonné de me joindre à eux et qu’ils ont commencé à me menacer, je leur ai dit qu’ils pouvaient me tuer. »

    Ce jour-là, la foi a relégué la peur au second rang chez le jeune Zimbabwéen.

    Cet épisode est devenu une pierre de touche pour Danisa qui allait devenir l’évêque de l’Église des Frères en Christ du Zimbabwe en 2000 quand le pays était tenaillé par une pénurie de nourriture et de carburant, la corruption et un gouvernement indifférent, une épidémie de sida et un taux d’inflation de plus de 1000% par année.

    Malgré ces circonstances désastreuses, Danisa et les quelque 29 000 autres Frères en Christ du Zimbabwe, ont invité la Conférence Mennonite Mondiale à tenir son Rassemblement de 2003 dans la ville de Bulawayo. « Nous avions besoin de l’encouragement et du réconfort de nos sœurs et frères d’ailleurs dans le monde » se souvient aujourd’hui Danisa au moment où il se prépare pour « PA 2015 », le prochain Rassemblement de la CMM à Harrisburg en Pennsylvanie, du 21 au 26 juillet 2015.

    Les premiers choix

    Danisa, membre d’une famille de huit enfants, a surtout été élevé par sa grand-mère car ses deux parents avaient besoin d’un travail rémunéré. « Ma grand-mère a exercé une très grande influence sur ma vie et sur ma foi. Elle m’a amené à l’église et à l’école du dimanche qui ont toujours fait partie de ma vie. »

    Il a fréquenté des écoles primaires et secondaires Frères en Christ au Zimbabwe et a été baptisé quand il était au dernier cycle de l’école secondaire.

    Mais durant son adolescence, il est allé vivre avec sa tante dans une région où il n’y avait pas d’église. « Je me suis mêlé à un groupe de garçons… ce fut comme un mauvais moment de ma vie. Mais au milieu des années 1970, je suis retourné à la maison; j’avais une telle soif pour Dieu que je pensais en mourir.

    C’était l’époque où il y avait des évangélistes itinérants. J’ai demandé à ma mère quand le prochain évangéliste devait venir dans notre région. Je pensais vraiment que je ne pouvais plus attendre. Je vivais une sècheresse, un manque absolu d’espoir.

    J’ai consacré ma vie à Christ le vendredi saint en 1976. L’évangéliste m’a demandé si je souhaitais aller à l’école biblique. En lui répondant que mes parents n’avaient pas de ressources, il m’a demandé où le disciple Pierre avait trouvé l’argent pour payer ses taxes. “De la bouche d’un poisson”, j’ai répondu.

    Il m’a dit d’aller à l’école biblique, et j’y suis allé sans argent. L’expérience m’a enseigné à prier. J’ai établi un lieu pour prier, et l’argent est venu. C’est de cette manière que j’ai vécu ma vie. »

    Danisa se méfie de l’évangile de prospérité. Il dit : « Cet évangile promet que tout ira bien. Mais ce n’est pas vrai. Il y a un prix à suivre Christ. Il y aura des sacrifices. Malgré tout, j’ai trouvé qu’il y a assez pour satisfaire nos besoins.

    Quand j’ai terminé l’école biblique, je ne savais pas ce que je devais faire, j’étais découragé et je me sentais très seul. J’ai demandé à Dieu de m’aider à comprendre ce qui se passait. Un de ces jours sombres dans le parc, j’ai découvert le verset du psaume 37,7 – “Garde le silence devant l’Éternel, et espère en lui”.

    Je me suis levé, j’ai pris mes effets, et je suis allé à la maison où j’ai annoncé à tout le monde que j’allais être un évangéliste.

    Un pasteur m’a dit que j’avais l’air très petit et très jeune, mais je lui ai répondu, “je veux partir”. Finalement, j’ai joint un programme qui m’a permis de visiter des églises et d’exercer un ministère d’évangéliste itinérant.

    C’était une période de tension et d’instabilité dans le pays. Les Combattants de la Liberté cherchaient toujours à nous recruter. J’ai prié pour que quelqu’un me remplace si jamais je me faisais tuer.

    J’ai senti que Dieu me protégeait. Un jour, j’étais assis seul dans une église. Un groupe de soldats sont entrés soudainement, tous bien armés pendant que j’étais assis seul en train de lire la Bible. Ils auraient pu me torturer ou m’interroger, mais ils ont seulement traversé l’église, en entrant par une porte et en sortant par une autre. Nous ne nous sommes même pas parlé. »

    L’apprentissage d’un responsable

    Danisa n’a pas seulement appris sur la foi et l’intrépidité quand il était jeune, il a aussi appris comment développer les qualités d’un chef. « J’ai appris en partie en me formant, en partie en observant les autres et en partie en décidant ce que je voulais être et faire. Mon père était un chef de communauté et il m’a influencé.

    Quand j’étais jeune et que je travaillais dans une librairie chrétienne, le gérant m’a demandé “Es-tu le fils d’un vieil homme?” Je lui ai demandé pourquoi il disait cela. Il a répondu “la manière que tu montres du respect, que tu te présentes et que tu traites les autres me fait croire cela.” »

    Pendant les temps très difficiles au Zimbabwe, à l’époque où Danisa présidait des funérailles pour des victimes du sida et aidait les membres des églises à trouver des foyers pour d’innombrables orphelins, Danisa et son épouse Treziah se sont disciplinés à rendre grâce autant que possible.

    Danisa et Treziah se sont rencontrés alors qu’ils étaient tous les deux étudiants à l’école biblique. « Nous avons eu une relation sérieuse dès le début, mais nous avons cheminé ensemble pendant 11 ans avant de nous marier pour des raisons académiques et familiales.

    Quand je passais par des temps éprouvants comme évangéliste, Treziah et ma mère priaient pour moi. Ainsi, nous avons eu un parcours de foi semblable comme couple. »

    Danisa et Treziah sont les parents de trois enfants jeunes adultes – deux filles nommées Thinkgrace et Trustworthy, et un fils nommé Devotion. « Leurs noms reflètent notre gratitude et ce que nous voulons nous rappeler de notre vie au moment de leur naissance », dit Danisa en souriant.

    Il a trouvé la force et du recul auprès de sa famille quand la vie de responsable d’églises au Zimbabwe est devenue quasiment impossible. « Chaque fois que je suis à la maison, aussi souvent que possible, je passe la soirée en famille. Nous sommes ouverts l’un envers l’autre sur ce qui nous rend heureux ou malheureux. Nous chantons ensemble, nous racontons notre journée, nous nous encourageons et nous nous réprimandons!

    Lorsque je dois prendre des décisions, je fais connaître les conséquences possibles à ma famille. Ces soirées en famille sont très apaisantes et encourageantes. »

    Choisir d’être reconnaissant

    Danisa adopte toujours la même attitude vis à vis les impondérables de la vie dans son pays et son église ou vis à vis les risques associés à la planification d’un Rassemblement aux États-Unis. « Pour moi, c’est une question d’avoir confiance en les promesses de Dieu et de croire les Écritures. On ne nous a pas dit que tout ira bien. J’ai appris à ne pas me plaindre, mais à rendre grâce. Au lieu de dire “Pourquoi Dieu?”, je rends grâce pour l’amour de Dieu et sa présence.

    Je puise des forces dans la reconnaissance et la louange au lieu d’insister pour des réponses. Il y a de la puissance dans le fait de croire que Dieu est ici avec moi. Quand je fais face à des défis dans mes responsabilités, je choisis de ne pas porter mon attention sur ce qui m’affaiblit. Je fixe mon regard sur la puissance de Dieu et lui dit “marche avec moi”. Ce n’est pas du déni, ce serait malsain. Je peux ne pas avoir de réponses, mais je crois que Dieu possède les réponses. »

    Danisa, président de la Conférence Mennonite Mondiale depuis 2009, pendant un récent séjour aux États-Unis, a parlé franchement mais aussi prudemment de ses souhaits pour PA 2015. « Quand l’Église mondiale se réunira l’été prochain à Harrisburg, j’espère que l’expérience sera une fenêtre, une révélation afin que toutes les églises présentes puissent regarder au-delà d’elles-mêmes. Nous sommes tous enclins de croire que l’église commence et finit avec notre groupe particulier.

    J’ai observé que les assemblées en Amérique du Nord sont confortables et décontractées et semblent croire que tout est passablement sous contr√¥le. Mais en tant qu’Église mondiale, nous formons une famille si bien qu’il ne s’agit pas de quelques-uns qui “ont” et d’autres qui “n’ont pas”. Nous appartenons les uns aux autres. Nous sommes en relation. »

    Le don de la Conférence Mennonite Mondiale

    « Rien ne surpasse cinq jours et demi passés ensemble en tant que famille mondiale dans un “espace neutre” offert par la Conférence Mennonite Mondiale pendant ses rassemblements, dit Danisa. Aucune agence, aucune union d’églises n’est propriétaire de cet espace. C’est un endroit où les églises peuvent échanger dans un climat de véritable réciprocité où elles peuvent discerner, adorer, servir et fraterniser ensemble. » Danisa a assisté au Rassemblement de la CMM pour la première fois en 1984 à Strasbourg. Il était le plus jeune membre de la délégation du Zimbabwe.

    Il a hâte de présider le Rassemblement PA 2015 où une chorale du Zimbabwe espère chanter pendant les cultes d’adoration. « Nous prions pour que tous les membres obtiennent un visa », dit-il.

    « Un Rassemblement de la CMM est un cadeau pour nous tous. En nous réunissant, nous ferons l’expérience de nous accueillir les uns les autres. Nous faisons partie d’un corps vivant et nous devons, à l’occasion, être en présence l’un de l’autre dans le même espace afin de nous regarder dans les yeux. Quand nous sommes en présence de l’autre, nous attendons la réponse de l’autre. C’est l’occasion de montrer un véritable intérêt. Quand nous venons ensemble et faisons l’effort de nous regarder et de nous écouter, nous commençons à ressentir les sentiments les plus profonds de l’autre.

    Le monde est trop petit, sur le plan géographique et théologique, pour vivre isolé les uns des autres. Chacune des 101 unions d’églises qui forme la CMM apporte sa propre contribution. Apprécions nos diverses traditions quand nous travaillons ensemble.

    En Amérique du Nord, le Seigneur vous a donné le privilège d’avoir le monde sur votre continent et une grande diversité internationale dans vos églises. Mon souhait est que PA 2015 rende les églises nord-américaines encore plus désireuses de travailler ensemble.

    En venant ensemble en tant que peuple du Christ, je devrais être capable d’implanter ma vie dans votre vie. C’est ce que signifie être vulnérable, de voir le monde différemment, d’appartenir à Dieu et à l’autre comme une famille de foi. »

    Article par Phyllis Pellman Good de Lancaster (PA), auteur et rédactrice pour la Conférence Mennonite Mondiale. Photos : Merle Good

    Danisa Ndlovu