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  • Sindy Novoa Caro vit à Bogota (Colombie), où elle est membre de l’église Casa de Oración, une assemblée des Frères Mennonites. En 2010-2011, Sindy est allée avec YAMEN à Tegucigalpa (Honduras), en tant qu’assistante de l’instituteur d’une école pour les enfants vivant à proximité d’une décharge d’ordures. Depuis son retour en Colombie, Sindy a aidé à coordonner un réseau local de soutien aux anciens, actuels et nouveaux participants à YAMEN et à ceux qui ont fait partie du International Volunteer Exchange Program (MCC). Sindy travaille pour Corporación Belcorp en tant que responsable de secteur des vendeuses sur catalogue. Elle a témoigné de son expérience à Jana Meyer, du MCC Colombie.

    En quoi ton expérience avec YAMEN a t-elle changé ton regard sur le monde et sur l’église ?

    Connaître des gens qui vivent de ce qu’ils trouvent dans la rue, et pourtant continuent à sourire à la vie m’a fait prendre conscience de mes privilèges : de l’eau à volonté, trois repas par jour, l’affection d’un père et d’une mère, du temps en famille pendant le week-end et un abri pour la nuit. J’ai appris à reconnaître la valeur de l’étreinte de quelqu’un qui n’a pas pu prendre de bain, et qui a besoin que vous lui disiez qu’un être suprême l’aime et veut prendre soin de lui. De retour en Colombie, j’ai travaillé d’une manière différente avec ceux qui m’entourent. Avant, je ne me souciais sans doute que de la situation économique de quelqu’un. Je travaille avec beaucoup de gens, et maintenant, je m’intéresse davantage à eux en tant que personnes.

    En quoi ta vie aurait été différente si tu n’avais pas fait YAMEN ?

    Je vivrais avec la même indifférence que la plupart des gens. Beaucoup pensent que le monde leur doit quelque chose et devrait être reconnaissant pour leur existence, que les bénédictions quotidiennes sont le résultat de leurs efforts, non pas de la miséricorde de Dieu.

    Comment ta relation avec Dieu a t-elle évolué ?

    Bien que j’étais loin de chez moi et que je ne connaissais personne, je ne me suis jamais sentie seule. J’ai toujours senti que Dieu me soutenait et me guidait. Chaque jour était une occasion d’apprendre de Dieu et de comprendre ce qu’il voulait de moi pendant cette année.

    Comment ta vision pour l’église de Colombie a t-elle évolué ?

    J’ai appris qu’apporter l’Évangile doit se faire de manière holistique. Il est impossible que des gens qui n’ont pas mangé depuis des jours, qui n’ont reçu aucune instruction, ou qui se sentent rejetés par la société, sachent que Dieu les aime et les cherche. Comment oser parler avec eux 15 minutes, et puis m’en aller ? Dieu veut que nous venions comme Jésus : en renonçant à nos bénédictions pour les offrir au monde, en montrant par l’exemple et en répondant aux besoins physiques, émotionnels et spirituels.

    Quelle est ta vision pour YAMEN ?

    J’aimerais que des jeunes Colombiens fassent ce programme, soient motivés pour faire quelque chose pour leurs frères et sœurs sans craindre de faire des sacrifices, se laissant conduire par Dieu. Je voudrais que nous construisions des relations avec nos frères et sœurs latino-américains et avec ceux des pays où nous ne choisirions jamais d’aller.

     

    Participants 2012-2013 à YAMEN

    Patricia Calvimontes Arevalo (Bolivie) est au Guatemala ;
    Vichara Chum (Cambodge) est en Afrique du Sud ;
    Fang Deng (Chine) est en Indonésie ;
    Glenda Aracely (Guatemala) est en Bolivie :
    Humberto Lagos Martinez
    (Honduras) est au Cambodge ;
    MeiLing Dueñas (Honduras) est au Nicaragua ;
    Prashant Nand (Inde) est en Indonésie ;
    Cindy Tristiantari (Indonésie) est en Corée du Sud ;
    Galuh Florentina (Indonésie) est au Cambodge ;
    Heri Purwanto (Indonésie) est en Bolivia;
    Youa Xiong (Laos) est en Bolivie ;
    Maria Aranda (Nicaragua) est au Honduras ;
    Paola Duarte (Paraguay) est au Mexique ;
    Shammah NakawesI (Ouganda) est en Indonésie ;
    Festus Musamba (Zambie) est en Afrique du Sud ;
    Olivia Muzyamba (Zambie) est en Indonésie.


    Le Réseau anabaptiste mondial d’Échange de Jeunes (Young Anabaptist Mennonite Exchange Network, YAMEN) est un programme commun du Mennonite Central Committee (MCC) et de la Conférence Mennonite Mondiale (CMM). Son objectif est de permettre à des jeunes d’églises du Sud d’apprendre et de servir dans un contexte interculturel.

     

  • Nous estimons que 9 500 assemblées locales dans le monde font partie de la Conférence Mennonite Mondiale. Cela signifie que, potentiellement, 9 500 églises de paix sont actives dans les nombreux endroits où la réconciliation est nécessaire. Le but de la Commission Paix de la CMM est d’encourager, de développer et de fournir des ressources à ces 9 500 artisans de paix.

    Nous nous sommes donc tournés vers les églises membres de la CMM et nous leur avons demandé de répondre à cette question : “Où en est votre église dans son désir d’être une église de paix?”

    Qu’avons-nous appris ?

    C’était encourageant et très émouvant de lire les réponses. Nous y avons lu la vulnérabilité des églises membres de la CMM et avons eu un aperçu de leur vie. Elles nous ont révélé leurs difficultés et leurs efforts pour être ambassadrices de paix dans notre monde brisé. Les personnes qui ont répondu ont :

    1) exprimé un profond désir d’être ‘église de paix’. Cela signifie pour elles d’être des communautés non-violente de disciples de Jésus dans leurs contextes. C’est encourageant car cela ne va pas de soi.

    2) décrit les moyens importants et créatifs mis en oeuvre pour renforcer leur identité d’église de paix.

    3) signalé, pour la plupart, des déclarations ‘officielles’ affirmant qu’elles avaient une vision d’église de paix.

    4) indiqué qu’un écart (plus ou moins grand) séparait les déclarations officielles de l’église de sa vie quotidienne. “Nous ne mettons pas encore en pratique ce que nous prêchons, ainsi que nous le devrions.”

    5) mentionné les terribles difficultés auxquelles elles sont confrontées dans leurs efforts pour être des églises de paix. Ces difficultés varient en fonction du contexte, mais elles sont très grandes.

    6) dit que la compréhension de ce qu’est la paix a évolué de la ‘réaction’ (ne pas nuire à autrui) à l’’action’ (faire du bien aux autres).

    7) dit qu’elles avaient besoin de davantage de ressources pour renforcer leur identité d’église de paix.

    Quelles difficultés ces églises rencontrent-elles ?

    Les réponses les plus émouvantes décrivaient les difficultés contextuelles à être une église de paix. (voir : www. mwc-cmm.org/node/99) Il est évident que s’attendre à ce que 9 500 ambassadeurs de paix soient à l’oeuvre dans chaque contexte est très exigeant. Deux choses sont très claires : la vocation de la paix est extrêmement importante et nécessaire, et réaliser cette vocation est exceptionnellement complexe.

    Je n’ai pas la place d’entrer dans les détails. Voici seulement un aperçu des difficultés auxquelles nous sommes confrontées :

    Canada : L’impact anesthésiant du matérialisme, de l’individualisme, de l’aisance et du confort nous empêche de voir la misère engendrée par la pauvreté, la révolution et la violence.

    Honduras : L’influence persistante du machisme individuel et dans les rapports sociaux éclipse la paix du Christ.

    Taiwan : L’atmosphère de militarisation produite par les milliers de missiles chinois ciblant Taiwan, rend difficile d’aimer nos ennemis comme le Christ nous l’a commandé.

    Indonésie : Il nous est difficile de développer une identité d’église de paix parce que les pasteurs de nos églises étudient dans des séminaires qui n’enseignent pas la paix.

    Colombie : Des décennies de militarisation et de guerre civile ont fait de la paix un idéal inaccessible.

    Espagne : Nous partageons un ‘panier d’amour’ les uns avec les autres, mais nous devons faire beaucoup plus.

    Une question pressante

    Chacune de ces difficultés est immense en elle-même. Quand elles sont toutes présentes, l’énormité de notre vocation est frappante. La paix est plus que nécessaire dans notre monde, mais sa réalisation est complexe. Peut-être que la principale chose à retenir de ses réponses est que nous ne pouvons pas être des églises de paix sans efforts. Si nous voulons l’être, il nous faut y travailler de manière délibérée et avec une stratégie.

    Je me souviens d’une visite où nous avons rencontré les responsables d’une assemblée semi-rurale du centre de l’Inde. Ils nous ont dit que leurs enfants et petitsenfants ne savaient plus ce que cela signifiait qu’être mennonite. Ils en étaient attristés, et nous ont demandé “Qu’est-ce que la CMM va faire à ce sujet ?”

    Cette question de l’Inde est profonde. Elle met en avant la préférence théologique identitaire. Elle révèle que cette identité doit être accompagnée de comportements qui la stimulent et la renforcent délibérément dans les paroisses.

    Comment répond la CMM ?

    Elle répond de plusieurs manières : Tout d’abord, nous continuons à faire connaître nos ‘Convictions Communes’, rédigées par la CMM en 2006. Elles fournissent une base commune pour être une église de paix anabaptiste. Elles doivent être étudiées, répandues et utilisées.

    Deuxièmement, la CMM recommande un certain nombre de livres, de rapports et de documents utiles pour les églises membres qui cherchent à renforcer leur identité anabaptiste-mennonite. Des livres comme ‘What we believe together’ d’Alfred Neufeld, ‘Une Culture de la Paix’ de Paulus Widjaja, Alan et Eleanor Kreider, et ‘Graine d’Anabaptiste’ de C. Arnold Snyder, sont de bonnes ressources sur l’identité anabaptiste à partir de divers angles (historique, théologique, etc.). (voir : www.mwc-cmm.org/node/419) Le rapport final sur le dialogue international luthéromennonite, ‘Guérir les mémoires : se réconcilier en Christ’, et le rapport final sur le dialogue international catholiquemennonite, ‘Appelés ensemble à faire oeuvre de Paix’, sont des documents très utiles qui pourraient être adaptés pour le ministère d’enseignement de l’Église. Les trois articles récemment discutés et approuvés par le Comité Exécutif de la CMM constituent un autre ensemble instructif et utile. (voir : www.mwc-cmm.org/node/225)

    Troisièmement, la Commission Foi et Vie de la CMM proposera des ateliers ‘identité’ aux églises qui le demandent. La Commission espère qu’ils pourront être en face-à-face, dynamiques et stimulants, et que les questions de l’identité anabaptiste seront explorées en collaboration avec les animateurs.

    Quatrièmement, la CMM projette de placer des représentants régionaux sur chaque continent. Ces personnes pourront encourager les églises membres à travailler ensemble sur les questions liées à la paix.

    Cinquièmement, la CMM a pour objectif de concevoir et de diffuser des ressources pour les instituts de formation liés à l’Église. Cette initiative est née de deux consultations de la CMM, animées par des enseignants mennonites lors de Paraguay 2009, et en Suisse en 2012. Ces consultations ont abouti à la conviction que des documents de base destinés aux écoles doivent être créés pour contribuer à une formation identitaire.

    Sixièmement, la Commission Paix a conçu une jolie ‘Affiche de la Paix’ qui nous aidera à nous rappeler la centralité de la paix dans l’évangile du Christ (l’affiche se trouve au centre de ce numéro). Nous espérons que cet outil visuel trouvera une place de choix dans les lieux de culte. En outre, la Commission Paix travaille sur des lignes directrices concernant l’évaluation et la gestion des conflits.

    Enfin, et peut-être surtout, la CMM offre une opportunité en même temps qu’une structure réelle à laquelle les églises membres du monde entier peuvent appartenir. Quelqu’un demandera sûrement : “À quel groupe appartenez-vous ?” “Pourquoi est-ce important d’en faire partie ?” Ces questions sont d’excellentes occasions pour clarifier notre identité et notre vocation en tant qu’église de Paix.

    Robert J. Suderman est secrétaire de la Commission Paix de la CMM.

    Affiche de Paix

    Cliquez ici pour voir cette affiche. Cette affiche, présentée par la Commission Paix et conçue par Glenn Fretz, est destinée à rappeler aux églises membres de la CMM la centralité de la paix dans l’évangile du Christ.

    Qui a répondu au questionnaire sur la paix ?

    Quand la Commission Paix de la CMM a posé la question : “ Où en est votre église dans son désir d’être une église de paix? “, 21 églises membres sur 100, de quatre continents, ont répondu.

    Les participants étaient :

    Asie et Pacifique
    1. Brethren in Christ Church Orissa, Inde
    2. Bihar Mennonite Mandli, Inde
    3. Gilgal Mission Trust, Inde
    4. Fellowship of Mennonite Churches in Taiwan, Taïwan
    5. Persatuan Gereja-Gereja Kristen Muria Indonésie
    6. Gereja Injili di Tanah Jawa (oral), Indonésie
    Amérique du Sud, Amérique Latine et Cara√Øbes
    1. Hermandad en Cristo, Colombie
    2. Convenci√≥n Iglesias Evangélicas Hermanos Menonitas Nivacle, Paraguay
    3. Iglesia Evangélica Menonita du Salvador
    4. Iglesia Evangélica Menonita Hondure√±a, Honduras
    5. Konferenz der Mennonitengemeinden in Uruguay
    6. The Mennonite Church of Trinidad and Tobago
    Europe
    1. British Conference of Mennonites, Royaume-Uni
    2. Arbeitsgemeinschaft Mennonitischer
    Gemeinden in Deutschland, Allemagne
    3. Asociación de Menonitas y Hermanos en Cristo en España, Espagne
    Amérique du Nord
    1. Evangelical Mennonite Conference, Canada
    2. Mennonite Church Canada
    3. Conservative Mennonite Conference, États-Unis
    4. Mennonite Church États-Unis
    5. U.S. Conference of Mennonite Brethren
    6. Brethren in Christ General Conference, Amérique du Nord
    Afrique
    Malheureusement, il n’y avait pas de réponse
  • “Le vent de l’anabaptisme souffle !” Ces paroles enthousiastes de Felipe Elgueta, membre de l’Église mennonite du Chili, décrivent bien le dynamisme des églises mennonites émergeant dans différentes régions du Chili. Alors que la plupart des églises mennonites d’Amérique latine sont issues de la migration ou de la mission, les églises mennonites chiliennes sont nées grâce à leurs membres, comme les églises pentecôtistes tout au long du XXe siècle. Dans la conclusion de Mission et Migration (Collection Histoire mennonite Mondiale – Amérique latine, 2010), Jaime Prieto écrit : “Le Chili est un exemple de pays où les initiatives anabaptistes se sont développées de façon interne quand les Chiliens ont embrassé la foi et la pratique anabaptistes”.

    Comment l’anabaptisme est-il arrivé au Chili ? C’est en partie grâce au chiliencanadien Jorge Vallejos, un pasteur implanteur d’églises qui, dans les années 1980, a proposé aux amis de son église chilienne d’adopter le nom de ‘mennonite’. Un peu plus tôt, Daniel Delgado, aujourd’hui président de la Iglesia Menonita Evangélica de Chile (IEMCH), avait été touché en entendant l’histoire de Dirk Willems, un martyr anabaptiste néerlandais du XVIe siècle. Il avait aussi été impressionné par le travail holistique des collaborateurs du MCC en Bolivie voisine, qui ne montraient aucune partialité en matière de religion, d’origine ethnique, de classe sociale ou de sexe. Quand ils ont découvert l’ecclésiologie anabaptiste lors d’un cours sur la Réforme radicale de Titus Guenther, Carlos Gallardo et Mónica Parada ont remarqué qu’ils partageaient la même conception de la vie de l’Église.

    Les paroisses mennonites du Chili, dont certaines ont presque 25 ans, sont issues d’horizons très différents. La plupart se sont développées sur un fond pentecôtiste. Une assemblée, Iglesia Menonita Puerta del Rebaño (Église mennonite la Porte de la Bergerie), est née à Concepción dans le cadre universitaire, et a choisi d’être mennonite grâce à l’influence d’enseignants mennonites comme John Driver, César Moya et Delbert Erb. Les responsables de ce groupe sont Carlos Gallardo et Mónica Parada, deux anciens élèves du séminaire. Fait important, ces églises sont nées dans des contextes sociaux différents, ce qui rend leurs relations difficiles. Cependant, de récents développements, y compris la participation à l’organisation du Congrès anabaptiste-mennonite du Cône Méridional 2013, un rassemblement d’anabaptistes de six pays d’Amérique du Sud, a contribué à réduire la ‘distance’ entre les groupes.

    Ces églises exercent toutes leur ministère dans des situations de pauvreté chronique. Leur approche communautaire est axée sur la famille, les femmes et les jeunes. Les femmes en portent l’essentiel de la responsabilité, jusqu’à 70 % de la charge de travail, selon un responsable masculin. Elles préparent les repas, rendent visite aux malades, soutiennent les familles dans le besoin et accompagnent les personnes souffrant de dépendance. Par exemple, un jeune abandonné – enfant de parents alcooliques – est arrivé un jour à l’église des Delgado. Gladys (épouse de Daniel) l’a invité chez eux. Quatre ans plus tard, il vit toujours avec eux, et participe activement à la vie et au ministère de l’église.

    Ces églises ont démontré leur compassion à la suite du séisme de 2010 au Chili. Malgré leurs moyens limités, ces croyants ont chargé trois vans de ravitaillement et l’ont livré aux personnes les plus éprouvées, mennonites, mais aussi membres d’autres églises évangéliques. La Puerta a apporté des secours similaires aux communautés des environs de Concepción.

    Cette petite anecdote de Daniel Delgado est révélatrice. Interrogé par un officier de police : “Qu’est-ce que fait l’église mennonite, en fin de compte ?”, Daniel a répondu : “Nous faisons votre travail, mais nous le faisons gratuitement”.

    Outre leur travail social, les mennonites du Chili ont une conscience aiguë de la nécessité de partager l’évangile avec leurs voisins. Samuel Tripainao, pasteur de l’église Peñaflor et secrétaire de IEMCH, exprime ainsi le sentiment partagé par la plupart des mennonites dans ce pays : “Quand nous sortons dans la rue, notre témoignage est accompagné d’un sandwich et d’une tasse de café”. Et ils ne se limitent pas à leur communauté proche. De temps en temps, les pasteurs vont plus loin, comme en Argentine voisine, pour soutenir les assemblées soeurs et participer à l’évangélisation locale. Quand Samuel a entendu parler du conflit sur la propriété foncière dans une région où vivent de nombreux Mapuche (aborigènes), il a déclaré “Ce serait un bon endroit pour commencer une église afin d’apporter la paix et la guérison à cette communauté”.

    Un rapport sur les mennonites chiliens serait incomplet sans référence au renouveau anabaptiste qui se produit au sein de l’Union des Églises Évangéliques Baptistes du Chili (UBACH). Omar Cortés (qui travaille avec Mennonite Church Canada Witness et Mennonite Mission Network U.S. et est professeur dans un séminaire baptiste) a joué un rôle central dans ce mouvement. Grâce à son enseignement sur la Réforme radicale, Omar a aidé l’église baptiste à redécouvrir ses racines d’église de paix. En 2008, UBACH et Mennonite Church Canada ont commencé à développer une relation d’églises soeurs. Il reste à voir si cette tendance se poursuivra avec les nouveaux responsables d’UBACH.

    En visitant une nouvelle communauté, qui a commencé avec deux professeurs de séminaire baptiste, nous avons découvert une grande vitalité dans ce mouvement de renouveau. Ces chrétiens sont extrêmement intéressés par l’ecclésiologie et la pratique anabaptistes, et incluent les thèmes de la paix, de la justice et de la compassion dans leurs chants et leur liturgie.

    Il faut encore mentionner deux autres initiatives dans le sud du Chili. Une église a été implantée à Valdivia par trois femmes : Wanda Sieber, Marlene Dorigoni et Waleska Villa, de l’Église mennonite d’Argentine (Patagonie), l’autre, également dans cette région, sous la conduite de Mike et Nancy Hostetter, d’Eastern Mennonite Mission.

    Jusqu’à peu, les mennonites du Chili se sentaient isolés des autres anabaptistes, mais c’est en train de changer grâce aux visites de responsables de missions mennonites et d’enseignants d’Amérique du Nord et des pays voisins. La participation des membres au Congrès du Cône Méridional et au Rassemblement de 2009 de la CMM a aussi contribué à vaincre ce sentiment d’isolement. En raison de ces liens, l’Église Évangélique Mennonite du Chili est récemment devenue le 100e église membre de la CMM.

    Une autre étape importante dans la vie des églises mennonites chiliennes a été franchie cette année quand elles ont accueilli pour la première fois le Congrès du Cône Méridional. Cette rencontre a réuni des hommes, des femmes et des jeunes pour accomplir les tâches quotidiennes de cuisine, de service et de nettoyage, ainsi que pour organiser et présider les programmes.

    Les multiples facettes du ministère des mennonites chiliens entraînent un certain nombre de difficultés. Tout d’abord, ils ont besoin de plus de personnes (des jeunes surtout) prêtes à exercer des responsabilités. La plupart des responsables sont des aînés, et une nouvelle génération devra reprendre le flambeau. Cependant, aujourd’hui la formation des plus jeunes à un service futur se limite au travail auprès des enfants et des jeunes.

    En outre, les responsables actuels ont peu de formation biblique et théologique. Ce qui est plus grave, c’est que la nouvelle génération n’a pratiquement pas la possibilité de recevoir une meilleure formation. La Puerta (Concepción) fait exception avec un étudiant inscrit à un séminaire de théologie.

    Une troisième difficulté est de conserver les membres individuels et les paroisses. À l’heure actuelle, il y a presque autant de membres qui partent que de membres qui arrivent.

    Enfin, l’égalité des sexes continue à être un défi pour beaucoup de ces assemblées, en particulier dans le domaine du leadership pastoral.

    La participation à l’Église formée par la famille mennonite plus large contribue à rompre leur isolement. Cela devrait se traduire par une plus grande ouverture aux autres dénominations.

    Néanmoins, le vent de l’anabaptisme continue à souffler dans les églises mennonites du Chili, qui sont encouragées par l’appui des mennonites du monde entier. Les églises chiliennes ouvrent les yeux d’autres mennonites sur ce que signifie être anabaptiste. Ces rencontres sont une occasion formidable de partager des dons complémentaires. Les églises plus anciennes, mieux fondées bibliquement et théologiquement, peuvent partager leur sagesse et leur expérience, tandis que les jeunes églises chiliennes offrent le bénéfice de perspectives nouvelles découlant de la lecture de la Bible avec des yeux neufs.

    -Titus Guenther, professeur associé de théologie et de mission à la Canadian Mennonite University (Winnipeg), et Karen Loewen Guenther, enseignante à la retraite et auteur, sont actuellement au Chili avec Mennonite Church Canada Witness.

  • En 2012, la CMM s’est associée à l’Institute for the Study of Global Anabaptism, de Goshen College (États-Unis) pour lancer un projet de recherche à long terme comprenant plusieurs parties. L’objectif ? Dresser un tableau plus nuancé des membres de la CMM en particulier, et de l’Église anabaptiste mondiale en général.

    Le projet comporte deux volets. Le premier, ‘Profil Anabaptiste Mondial’ (GAP), est une enquête articulée autour des ‘Convictions Communes’ de la CMM, qui vise à recueillir des données démographiques ainsi que des informations sur les co+H98nvictions et les pratiques. Le deuxième volet, ‘Témoignages du Monde’ (BWS), cherchera à recueillir des histoires personnelles de discipulat et de souffrance, dans l’esprit du Martyr’s Mirror (Miroir des Martyrs).

    Courier/Correo/Courrier a contacté les personnes travaillant sur ce projet pour savoir comment il est né et où il en est.

    Quelle est l’origine de cette initiative de recherche sur l’anabaptisme mondiale ?

    John D. Roth (JR) : L’église anabaptiste mondiale a subi une transformation radicale au cours des 30 dernières années, passant d’environ 600 000 membres en 1980 à plus que 1,7 millions aujourd’hui. Bien que la CMM ait beaucoup travaillé pour faciliter les échanges entre ses groupes membres, nous en sommes encore à apprendre à mieux nous connaître. Le projet est une étape pour avoir une idée plus juste des données démographiques, tout en recueillant des informations beaucoup plus détaillées sur les convictions, les pratiques, les espoirs et les rêves des églises membres de la CMM.

    Y a-t-il déjà eu des études sur les convictions et les pratiques de la communauté internationale anabaptistemennonite ?

    Conrad Kanagy (CK) : Pas beaucoup. Il y a quelques années, Richard Showalter (alors président de l’Eastern Mennonite Missions – EMM – et président de la Commission Missions de la CMM) et moi avons inauguré le Multi-Nation Anabaptist Profile (MNA). Notre objectif était de mieux connaître les convictions et les pratiques de la communauté anabaptiste internationale, et en particulier des églises liées à l’EMM. Les résultats de cette étude ont été récemment publiés dans le livre Winds of the Spirit (Vents de l’Esprit), Herald Press, 2012.

    Alfred Neufeld (AN) : Winds of the Spirit démontre très bien comment une étude de profil peut stimuler le travail théologique et contribuer au renouvellement identitaire. Nous nous attendons à ce que le GAP soit utile également au travail de notre commission.

    CK : Le GAP aura une portée plus large que le MNA, et nous espérons qu’il fournira davantage d’informations.

    Comment envisagez-vous de recueillir des récits pour le projet ‘Témoignages du Monde’ ?

    JR : Un des aspects du projet portera sur la collecte de témoignages des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, c’est à dire de la fin du Martyr’s Mirror (1685) à nos jours. Mais nous voulons aussi recueillir des témoignages de l’église contemporaine, et en particulier des églises anabaptistes-mennonites du Sud.

    En août 2012, une quarantaine de personnes de neuf pays (représentant au moins six différents groupes anabaptistes) se sont réunis à Goshen College pour définir un cadre du BWS. Il en est clairement ressorti que la collecte de témoignages n’est jamais un processus simple. Nous espérons que des sollicitations personnelles et générales, l’utilisation d’internet et des réseaux existants (comme la CMM) va lentement susciter de l’intérêt.

    Quels progrès ont été réalisés à ce jour ?

    JR : Après presque une année de conversations avec les responsables de la CMM et des organisations missionnaires, des représentants du Comité Central Mennonite et d’un grand nombre de personnes intéressées, l’ISGA reçu l’approbation préliminaire pour le projet du Comité Exécutif de la CMM lors de sa réunion en mai 2011, approbation qui a été confirmée par le Conseil Général en mai 2012.

    En août 2012, un sous-groupe de la Commission Foi et Vie de la CMM s’est réuni pour examiner la logistique du GAP. Conrad a aussi organisé une consultation avec plusieurs sociologues mennonites, ayant une vaste expérience des enquêtes transculturelles, pour qu’ils nous conseillent sur la méthodologie. Fin octobre, nous avons finalisé notre modèle, et en novembre, le bureau de la CMM à Bogotá a envoyé des lettres officielles à un échantillon représentatif de 25 églises membres, les invitant à participer. Ê l’heure actuelle, nous répondons aux questions et définissons les groupes qui prendront part au projet. Nous espérons terminer l’enquête en 2013-2014.

    De nos jours, il est courant que des chercheurs nord-américains aillent dans le Sud pour mener ce genre d’études. Je suis sûr que vous êtes sensible à cette question. Quelles mesures avez-vous prises pour y remédier ?

    JR : Oui, certains pourraient avoir l’impression qu’il s’agit d’un projet universitaire purement nord-américain, consistant à ‘extraire’ des informations de l’Église mondiale. Ce n’est pas vrai, mais je comprends. De toute évidence, l’ISGA – qui se trouve aux États-Unis – est un catalyseur, et la totalité du financement provient d’Amérique du Nord. Mais pour nous, c’est un projet commun de toutes les églises membres de la famille de la CMM. L’enquête elle-même est fondée sur les ‘Convictions Communes’, fruit d’un long processus de discernement auquel ont participé des groupes du monde entier. Chaque groupe participant pourra ajouter au GAP des questions qui lui sont spécifiques. Et les résultats de l’enquête de chaque groupe seront disponibles sous une forme accessible aux responsables de chaque église.

    La collecte d’informations n’est pas une fin en soi ; il s’agit d’aider les églises, localement et au niveau mondial, à être des disciples plus fidèles de Jésus.

    Comment pensez-vous que les données recueillies aideront la CMM à connecter la communauté anabaptiste mondiale ?

    AN : Au XVIe siècle, il y a eu une ‘multigenèse’ d’origines anabaptistes : le groupe néerlandais-allemand du Nord, dirigé par Menno Simons, était tout à fait différent culturellement, historiquement, spirituellement et politiquement du groupe suisse-allemand du Sud qui a commencé en 1525 à Zurich. Et ces deux groupes étaient considérablement différents du mouvement dirigé par Hans Hut et Thomas Münzer, et plus tard du ‘Royaume des Cieux’ dans la ville de Münster.

    Aujourd’hui, les nouvelles églises anabaptistes, se développant par exemple dans le contexte islamique en Indonésie ou au Nigeria, ou de la société catholique espagnole résultant de la Conquista en Amérique latine, ou du mouvement de ‘l’église clandestine‘ en Chine, ont des vies spirituelles et des luttes quotidiennes bien différentes des membres d’églises mennonites d’Amsterdam (Pays-Bas) ou de Berne (Suisse), de Lancaster (États-Unis) ou de Winnipeg (Canada). Mais nous avons besoin les uns les autres et nous avons besoin de nous comprendre.

    CK : Dans le livre de l’Apocalypse, Jésus- Christ a un message pour les sept églises d’Asie. Je me plais à imaginer que ce travail sera une nouvelle façon d’entendre, partiellement bien sûr, le message du Christ pour nous en ces premières années du XXIe siècle.

    Participants
    John Roth (JR) Directeur de l’Institute for the Study of Global Anabaptism (ISGA) à Goshen College et secrétaire de la Commission Foi et Vie de la CMM.
    Alfred Neufeld (AN) Président de la Commission Foi et Vie de la CMM.
    Conrad Kanagy (CK) Directeur adjoint du projet ‘Profil Anabaptiste Mondial’

  • Explorer nos engagements communs

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes est de se retrouver régulièrement pour le culte. Cependant, de par notre immense diversité, cet engagement se manifeste de manières très différentes. Dans le numéro d’octobre 2013, des responsables de notre communion décrivent différentes formes de culte anabaptistes : aspects visuel et sonore, difficultés et bénédictions.

    Résister au culte du ‘Royaume magique’ nord-américain

    Dans son livre inachevé Believing Is Only the Beginning (Thomas Nelson Publishers, 2013), Rich Stearns pose la question : “Ê quoi ressemblerions-nous si nous étions nés et avions grandi dans le parc du Royaume magique et que nous n’ayons jamais vu le monde extérieur ? ». Par ‘Royaume magique’, Rich Stearns se réfère au parc d’attractions Disneyland des États-Unis, construit par la Walt Disney Corporation – un lieu associé, pour beaucoup, à des personnages imaginaires, à un monde de féérie et de fantaisie.

    Nous pourrions décrire ainsi une grande partie de l’église de l’hémisphère nord. Beaucoup d’entre nous vivent dans une sorte de pays imaginaire, très loin (et peu conscients) des combats quotidiens de ceux qui vivent dans ce que Rich Stearns appelle le ‘Royaume tragique’ : le Sud (le reste du monde).

    Malgré la disparité de nos situations, le royaume de Dieu est le dénominateur commun des royaumes magique et tragique. En tant que disciples du Christ, peu importe où nous nous trouvons géographiquement, politiquement, culturellement ou économiquement, notre loyauté va au Royaume de Dieu. Nous chrétiens partageons les mêmes objectifs. Nous voulons parler d’espérance et de grâce à ceux qui nous entourent. Nous voulons construire des passerelles pour montrer que Jésus transcende les cultures et qu’il est pertinent. Dans son Royaume, la louange reflète notre conception de Dieu. Dans le royaume du monde, les actions des êtres humains suscitent une réponse de leurs dieux. Dans le Royaume céleste, les actions de Dieu suscitent la louange et l’émerveillement pour sa création.

    Nous croyants, de toutes origines, partageons une même citoyenneté, celle du Royaume de Dieu. Par conséquent, nous devrions être unis, au niveau local, national et mondial.

    C’est la vision de l’Apôtre Paul dans Éphésiens 4/4-6. Ces trois versets contiennent sept fois le mot seul – l’unité ‘verticale’ et ‘horizontale’ des chrétiens. Il n’y a qu’un seul corps, une seule espérance, une seule foi et un seul baptême (unité horizontale) parce qu’il n’y a qu’un seul Dieu : Père, Fils et Esprit, auquel nous appartenons tous (unité verticale).

    Mais comment cela se traduit-il dans la louange, surtout dans notre communauté mondiale d’églises ?

    L’unité des chrétiens traverse le temps, l’espace et les cultures. Bien que nos lieux de vie, notre style de culte et nos conceptions de l’autorité soient différents, nous devrions discerner une unité dans la diversité des expressions théologiques. Le fait de se rassembler, par exemple, est une expression commune de notre unité, quelles que soient les différences culturelles.

    L’unité des chrétiens s’exprime aussi dans la manière dont nous vivons notre citoyenneté dans le Royaume de Dieu : la contestation de l’oppression et des injustices, et les actions pour transformer les modèles égocentriques et capitalistes en s’occupant des démunis et de notre terre sont aussi une expression de notre louange.

    Malheureusement, aujourd’hui, en Amérique du Nord, nous vivons dans une culture très individualiste. Sans se soucier de leur environnement, jeunes et vieux marchent, conduisent, mangent et même dorment, enfermés dans leur propre conversation et dans diverses formes de divertissement. Notre culture du ‘Royaume magique’ nous conduit même à banaliser le culte. Ainsi que l’affirme Tom Kraeutner dans son article de 1992, ‘adorer/louer est un verbe’, “ Nous voulons tellement faire les choses ‘bien’ pour obtenir une ‘bonne’ réponse de notre entourage, que nous passons à cote de l’essentiel : Adorer/louer Dieu « .

    Utilisons notre théologie anabaptiste pour réfléchir à cette tendance. La louange est notre réponse à la Parole de Dieu et à sa création. Elle touche tous les aspects de la vie, et cette vision du monde influence nos choix en tant que disciples de Jésus. Notre accent sur la communauté et la valeur des dons de chaque personne pour le corps tout entier, est inclusif et participatif.

    Ceux d’entre nous qui vivent dans le ‘Royaume magique’ doivent reconnaître que tout ce qu’ils ont les détourne du culte. Il faut travailler beaucoup plus dur pour accorder paroles et actions. Cela m’a frappé quand j’ai comparé ces deux réflexions entendues après un culte. En Afrique, j’ai entendu : “J’aimerais que nous puissions rester et prier encore une heure. C’est si bon d’être ensemble ». En Amérique du Nord, j’ai entendu : “J’ai bien aimé le culte aujourd’hui, l’animateur du culte était super et la sono excellente. J’aimerais juste qu’ils regardent l’heure. Je suis en retard pour le déjeuner ».

    Je sais que ces commentaires sont des généralisations, et je suis reconnaissant aux nombreux Nord-Américains qui s’efforcent d’aller à contre-courant. Les ressources pour nous aider a réfléchir a qui et comment nous adorons sont abondantes. Voici quelques-unes des questions que je me pose :

    1. La forme et la fonction de notre culte reflètent-t-elles notre théologie ? Par exemple, compte tenu de notre diversité, le style ne devrait pas être un critère d’évaluation important de la forme du culte. Et pourtant, la théologie s’exprime dans le style que nous choisissons.

    2. Avons-nous exprimé toute la gamme des émotions humaines lors des cultes de l’année écoulée ? Devons-nous seulement chanter des cantiques joyeux, ou y a t-il une place pour la réflexion et la peine ? Sommes-nous tellement centrés sur un seul aspect que nous perdons la vision d’en- semble ?

    3. Notre culte exprime-t-il notre vie communautaire plutôt que l’évolution culturelle individualiste ?

    4. Sommes-nous assez créatifs pour encourager une large participation des per- sonnes présentes lorsqu’il y a des activités particulières ? L’inclusivité concerne tout le monde. Quels efforts faisons-nous pour être inclusifs ?

    5. Lorsque nous préparons nos ‘expériences’ de culte, ne nous arrive-t-il pas de trop réfléchir à ce nous allons ‘faire’ et pas assez à la vision de Dieu que nous transmettons ?

    Peut-être que, comme moi, vous avez connu des expériences particulières lors des rassemblements mondiaux de la CMM. Toutes les voix unies, qui s’élèvent et répondent à la grandeur de notre Créateur, Sauveur et Seigneur dans un culte multi-culturel, me donnent une idée du culte décrit dans le livre de l’Apocalypse. J’ai hâte de partager cet aperçu d’éternité avec mes frères et sœurs du monde entier lorsque nous nous retrouverons pour le 16e Rassemblement en 2015.

    Don McNiven (Kitchener, Ontario, Canada) est le directeur exécutif de l’International Brethren In Christ Association (IBICA), membre associe de la CMM. Il est membre du Comité de Supervision du Programme du 16e Rassemblement, et responsable des chants et des cultes.

  • Explorer nos engagements communs

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes est de se retrouver régulièrement pour le culte. Cependant, de par notre immense diversité, cet engagement se manifeste de manières très différentes. Dans le numéro d’octobre 2013, des responsables de notre communion décrivent différentes formes de culte anabaptistes : aspects visuel et sonore, difficultés et bénédictions.

    Le livre ou le mur ?

    Si vous assistez à un culte dominical dans une assemblée mennonite européenne, vous rencontrerez probablement deux styles de louange différents. Dans l’un de ces cultes, l’assemblée chante à partir d’un livre. Ce style affectionne les chants à quatre voix et utilise souvent l’orgue, l’harmonium ou le piano comme instrument d’accompagnement.

    Dans l’autre de ces cultes, l’assemblée s’en remet à un vidéoprojecteur pour afficher les paroles des hymnes sur un mur. Cette louange se veut plus “contemporaine » : ses mélodies et ses rythmes ont des accents pop distinctifs, ils sont généralement accompagnés par des guitares électriques, une basse et une batterie.

    Bien sûr, ces distinctions ne sont pas toujours aussi claires. Par exemple, dans mon assemblée, qui est membre de la conférence française, on utilise de vieux recueils revivalistes aux côtés de chants contemporains évangéliques – quand ils ne sont pas charismatiques – projetés contre le mur. Nous nous sommes séparés de notre harmonium depuis longtemps, et la batterie se porte bien. Certains frères et sœurs – parmi les plus âgés – sont encore capables de chanter à quatre voix, mais cette aptitude tend à disparaître parmi les plus jeunes. Cela ressemble à un processus de transition : combien de temps allons-nous continuer à chanter avec ces livres poussiéreux ? Combien de temps avant qu’un changement technologique efface des pans entiers de notre mémoire, de nos pratiques et de notre spiritualité ?

    La teneur de mon propos peut sembler quelque peu nostalgique, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Ce n’est pas non plus de la technophobie : les projecteurs vidéo peuvent être des outils fonctionnels. Cependant, nous devons réfléchir à la façon dont nous les utilisons, car les objets jouent un rôle important dans notre louange. Ils sont des instruments qui façonnent notre spiritualité. Parfois, nous sommes conscients de ce fait. La plupart du temps, nous ne le sommes pas. Et lorsque nous n’en sommes pas conscients, la technologie n’est pas régulée et devient un maître silencieux auquel nous obéissons sans même y prêter garde.

    Il y a un contraste entre les styles de louange en vigueur parmi les mennonites européens, et il se répercute sur nos différentes manières de cultiver une spiritualité. Les objets que nous utilisons, dimanche après dimanche, alors que nous nous rassemblons pour célébrer notre foi, jouent un rôle important dans ces différences. Et les outils que nous employons pour chanter ensemble sont significatifs du genre de chrétiens que nous tendrons à devenir sur le long terme.

    Chanter est une puissante activité qui façonne profondément ce que nous croyons. Nos pensées peuvent vagabonder alors que nous écoutons un sermon que nous n’en- tendrons probablement qu’une seule fois. C’est toute autre chose avec les psaumes, les hymnes et les chants de louange, car ils appartiennent à un répertoire que notre communauté – ce qui inclut chacun de nous – chantera souvent. Les idées théologiques exprimées dans un sermon peuvent aller et venir, peu importe qu’elles résonnent de façon frappante, intéressante ou profonde. Communiquées par un chant, les mêmes idées acquièrent une longévité. Elles se sédimentent quelque part dans notre subconscient.

    Ê nouveau, les Églises mennonites européennes sont intéressantes à cet égard. Comme je le disais, certaines d’entre elles chantent à partir d’un livre : par là j’en- tends qu’un recueil mennonite existe dans la langue d’une conférence d’Églises, et que les communautés l’utilisent pour leur louange.

    L’Europe du Nord possède une tradition de recueils mennonites : les Doopsgezinden hollandais ont le leur, et les mennonites germanophones d’Allemagne et de Suisse en partagent un. Évidemment, les anabaptistes n’ont pas composé tous les hymnes contenus dans ces livres. Bien des chants viennent d’un arrière-plan réformé, catholique ou œcuménique. Cependant, le répertoire compris entre les pages de couverture de ces recueils est en accord avec une théologie et une spiritualité anabaptistes. En ce sens, lorsqu’ils louent, ces croyants et leurs communautés font entendre une façon distinctive d’être chrétien.

    Les choses en vont autrement en Europe du Sud. Les mennonites espagnols ou francophones (Belgique, France, Suisse) ne jouissent pas du privilège d’avoir un « livre ». Ils ont tendance à chanter ce qui est projeté contre le mur. La plupart du temps, leur répertoire emprunte à des sources plus évangéliques et charismatiques. Le caractère distinctif de l’anabaptisme tend à s’effacer, en particulier lorsque ces chants soulignent la « puissance » de Dieu tout en minimisant le fait que, en Jésus, Dieu s’est vide de lui-même et est devenu faible afin de nous atteindre.

    Au cours des dernières décennies, les historiens de l’anabaptisme ont fait un travail remarquable pour nous rappeler, à nous, mennonites européens, nos racines historiques. Cela nous a donné le sens de notre identité. Néanmoins, pour convertir cette perspective en une spiritualité plus profonde, nous aurons probablement besoin d’une génération d’auteurs, de compositeurs et de théologiens qui nous offriront, ici, en Europe du Sud, un « livre » en accord avec notre foi. Et si ce livre est compatible avec un vidéoprojecteur ou une tablette, c’est encore mieux.

    Philippe Gonzalez est prédicateur dans une Église mennonite de France (Saint- Genis-Pouilly). Il enseigne la sociologie dans une université suisse.

  • Être disciple du Christ : Réflexions

    Lorsque je réfléchis à mon cheminement chrétien, un héritage précieux de mon église (Frères en Christ) est l’enseignement simple de l’obéissance du disciple du Christ. C’est un enseignement facteur de transformation, en ce qu’il demande un engagement sacrificiel et un dévouement au Christ et à sa cause.

    Le mot ‘obéissance’ signifie simplement ‘soumission à l’autorité’. C’est la volonté d’exécuter les instructions de cette autorité. C’est ainsi que les premiers anabaptistes comprenaient le discipulat. Feuilletez les pages d’un livre d’histoire sur les premiers anabaptistes et sur leurs sacrifices, et vous ne manquerez pas de remarquer que leur motivation sous-jacente était l’obéissance et la fidélité au Christ, à l’Église et aux Écritures telles qu’ils les comprenaient.

    Confesser le Christ comme Seigneur est un appel à le considérer comme la plus haute autorité dans nos vies. Par conséquent, tout ce qu’il dit doit être soigneusement accompli par ses disciples. Dans cet esprit, les premiers anabaptistes ont pris les paroles du Christ au sérieux (en particulier le Sermon sur la montagne), car ne pas le faire pourrait entraîner une grande ruine – derniers versets du sermon de Jésus (Mt 7/24-27).

    Que signifie donc être disciple du Christ ? Autrement dit, qu’est-ce que l’obéissance au Christ ?

    Une confiance qui conduit parfois à la souffrance

    La nécessité de l’obéissance est la nécessité de faire confiance à Dieu et à son Fils, Jésus-Christ. Ne pas le faire conduit potentiellement à l’idolâtrie, ce qui déplaît à Dieu. L’Ancien Testament comme le Nouveau sont émaillés de récits qui mettent l’accent sur la nécessité et l’importance de l’obéissance à Dieu et à Sa Parole.

    Étonnamment, l’obéissance à Dieu – bien que recommandée et bénie – ne conduit pas nécessairement au bonheur. En fait, elle a souvent conduit beaucoup de chrétiens à souffrir. Les premiers anabaptistes ont trouvé une source de force dans cette vérité, et ils ont persévéré. En raison de leur obéissance à Dieu, ces disciples ont souffert aux mains de ceux qui étaient opposés à la volonté de Dieu. Dans leurs souffrances, ils ont trouvé des encouragements dans les récits bibliques concernant Moïse, Elie, Daniel, Jérémie, et Shadrack, Meshack et Abednego, et surtout, dans la vie et les enseignements du Christ.

    Nos ancêtres auraient dit ‘Amen !’ aux paroles du pasteur et écrivain américain Chuck Swindoll, qui a écrit : « Lorsque vous souffrez et que vous perdez, cela ne signifie pas que vous désobéissez à Dieu. En fait, cela pourrait signifier que vous êtes au cœur de sa volonté. Le chemin de l’obéissance est souvent marqué par des moments de souffrance et de perte ».

    Mener une vie d’obéissance est un choix. Dieu ne nous contraint pas à lui obéir. Nous obéissons volontairement à Dieu en toutes circonstances, sachant que Dieu sait toujours ce qui est le mieux pour nous. Et que ce ‘mieux’ s’accomplit parfois en passant par les épreuves et les triomphes de la vie. La missionnaire Elisabeth Elliot dit : « Dieu est Dieu. Parce qu’il est Dieu, il est digne de ma confiance et de mon obéissance. Je ne trouverai le repos que dans sa sainte volonté qui est au-delà de toute compréhension ».

    C’est dans une telle vie de confiance en Dieu que l’on peut chanter en toute confiance : « Là où il me mène, je le suivrai / je vais avec lui jusqu’au bout ». En tant que disciples du Christ, nous devons comprendre que la souffrance est inévitable. Et, alors que nous ne devons pas l’accepter aveuglément, elle est pourtant un signe de vrai discipulat – de notre confiance en Dieu.

    Confiance en Dieu dans la pauvreté et l’abondance

    L’appel à l’obéissance dans l’Église a toujours été compris comme un appel à la fidélité aux Écritures ; aussi, les anabaptistes considéraient le Sermon sur la Montagne comme un guide normatif de vie avec Dieu, les uns avec les autres, avec leurs ennemis et avec les institutions telles que l’État.

    Pensez à la vie des premiers anabaptistes. La majorité d’entre eux étaient pauvres, et certains le sont devenus en raison de la persécution, conséquence de leur foi en Christ et de leur compréhension des Écritures. Il n’est pas surprenant que ces croyants aient été attirés par des passages tels que Mt 6/25-34, qui enseigne à faire confiance à Dieu qui pourvoira à tous les besoins. La survie quotidienne était réellement dans les mains de Dieu. Pour eux, Dieu était tout.

    Ces passages ont le même attrait aujourd’hui pour nos communautés qui connaissent des situations d’oppression, de conflit ou d’injustice. Pour nos frères et sœurs du monde entier dont le quotidien est fait d’incertitude, l’obéissance aux paroles du Christ n’est pas une option, c’est une marque de fidélité, une nécessité pour pouvoir persévérer.

    D’autre part, ceux qui ont le privilège d’aider les démunis par obéissance aux Écritures sont appelés à donner sans que leur main gauche sache ce que fait leur main droite. Ils sont récompensés par le Père qui voit dans le secret (Mt 6/1-4). L’obéissance signifie la fidélité aux paroles du Christ sur des questions de nature éthique. Cela demande de vérifier constamment les motivations de ses décisions et des actions qui en résultent, pour pouvoir dire avec Paul : «Tout ce que vous pouvez dire ou faire, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâce par lui à Dieu le Père.» (Col 3/17).

    Vivre dans la vérité sans avoir besoin de serments

    Les vrais disciples du Christ vivent dans la vérité et par la vérité. Il n’y a jamais d’excuse pour mener une vie désordonnée. La vérité doit marquer toute leur vie.

    Les premiers anabaptistes sont un exemple de vie authentique. Par exemple, ces croyants ne faisaient pas de serment. Ê cette époque, faire un serment était considéré comme l’aveu qu’un ‘oui’ n’était pas toujours un ‘oui’ et un ‘non’ pas toujours un ‘non’ (Mt 5/33-37). Les vrais chrétiens ne devraient-ils pas vivre dans la vérité tout le temps – pas seulement lorsqu’ils parlent aux représentants du gouvernement ou font des affaires ?

    Pour obéir au Christ dans un monde qui glorifiait les serments, il fallait refuser de faire des actes semblables et être prêt à en assumer les conséquences.

    Sur le chemin de l’obéissance au Christ, il y a des épines : diverses pratiques, nationales ou culturelles, dont certaines semblent inoffensives mais sont dangereuses pour la foi. En tant que chrétiens, nous ne devons jamais être naïfs. Nous devons étudier ensemble notre contexte à la lumière des Écritures et abandonner les pratiques qui nous empêchent de vivre la vérité de l’Évangile. En d’autres termes, que notre ‘oui’ soit ‘oui’ et que notre ‘non’ soit ‘non’! Notre obéissance au Christ se manifeste dans la façon dont nous répondons aux questions éthiques de notre époque.

    Un esprit d’amour, d’humilité, et non de crainte

    On ne peut parler d’obéissance chrétienne sans considérer le Christ comme notre modèle. Jésus, exprimant son obéissance à Dieu le Père, dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. » (Jn 4/34). Jésus s’est soumis lui-même à l’autorité de Dieu le Père, parce qu’il l’aimait. Dans la prière sacerdotale de Jn 17/20-26, nous avons un aperçu de la relation intime de Jésus et de Dieu. Des expressions comme « comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi » et « comme nous sommes un », nous montre ce qu’était leur relation. « Je t’ai connu et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître encore, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et moi en eux » – révèle la manière dont cette intimité se manifeste dans le ministère terrestre de Jésus.

    Je veux souligner ici que l’amour entre eux était intense. Il est important de constater que Jésus obéissait à Dieu par amour non par peur ou coercition.

    Nous, nous obéissons au Christ par amour, cet intense amour que nous avons pour lui, comme le décrit cette prière puissante. Jésus était prêt à aller jusqu’au bout et à payer le prix ultime, la mort sur la croix, parce qu’il connaissait Dieu et qu’il l’aimait sans condition. L’Église de Jésus Christ aujourd’hui ne peut se démarquer qu’en reflétant la gloire de Christ, lui montrant une soumission et un amour absolu.

    En outre, cette vie d’obéissance nous demande de pratiquer une vertu très importante : l’humilité. L’hymne de Philippiens 2/5-11 nous montre le lien entre l’humilité et la véritable obéissance. Christ a eu la volonté de se défaire de sa nature divine pour devenir un être humain, un serviteur. Il a remis son autorité à celle de Dieu. Christ a écouté cette autorité supérieure afin d’effectuer la mission pour laquelle il était venu. Il a bien voulu perdre ce qui paraissait précieux et important, afin de gagner ce qu’il ne pouvait encore voir, mais qui avait une importance cosmique.

    Par conséquent, l’obéissance illustrée par le Christ se trouve (en termes romantiques) là où l’amour et l’humilité s’embrassent ! La véritable obéissance telle qu’elle est enseignée par l’Église, est la volonté de se soumettre à la Seigneurie du Christ, et, par amour pour lui et par humilité, être prêt à faire tout ce que le Seigneur nous commande de faire.

    Aimer et prier pour ses ennemis

    Jésus n’était pas embarrassé de dire : « Si vous m’aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements » (Jn 14/15). Par conséquent, nous devons prendre au sérieux ce commandement important – parfois difficile – donné à chaque vrai disciple du Christ : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent [‚Ķ]. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense allez-vous en avoir ? [‚Ķ]. Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? » (Mt 5/43-44, 46, 47)

    Ces versets sont intimidants, mais très profonds. L’Église actuelle ne peut se permettre de lire ces passages sans se livrer à l’introspection ; l’Église d’autrefois faisait de même. Il n’est donc pas étonnant que notre théologie de la non-violence soit basée sur ces passages.

    On ne peut obéir au commandement de Jésus d’aimer son ennemi, et √¥ter la vie à ce supposé ennemi. Paul écrit : « Mais en ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs [ses ennemis !]. » (Rm 5/8). Dieu a tellement aimé ses ennemis – nous – qu’au lieu de nous anéantir, il nous a donné la vie par Jésus-Christ ! L’obéissance au Christ signifie que nous devons aimer ceux qui nous persécutent et, comme Dieu, souhaiter qu’ils vivent plut√¥t qu’ils meurent.

    Il nous est demandé de prier pour ceux qui nous persécutent. Beaucoup de chrétiens croient en la puissance de la prière. Beaucoup sont en mesure de dire sans y réfléchir : « La prière change les choses ». Mais souvent, les chrétiens ne sont pas prêts à prier pour leurs ennemis. Peut-être est-ce parce qu’ils savent que la prière change les choses ? Ils ont peur que Dieu pardonne à leur ennemi. Ils préfèrent le voir souffrir ou mourir ! Ou peut-être ne veulent-ils pas que Dieu ouvre les yeux de leur ennemi à la vérité et qu’il accepte son salut ? Ils ne veulent pas partager avec leur ennemi le glorieux héritage du Royaume de Dieu.

    Quand nous prions pour nos ennemis, Dieu transforme nos sentiments négatifs envers nos ennemis. Ces sentiments cultivent l’esprit de vengeance. Par conséquent, les entretenir manifeste un esprit rebelle : « Dieu, laisse-moi tranquille ! Je vais m’occuper de mes problèmes à ma façon. »

    Nous ne devrions pas être surpris que le Christ, à la fin de son enseignement sur la prière (Mt 6/5-13), fasse une déclaration forte sur le pardon : « En effet, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes. » (Mt 6/14-15). Cet enseignement va de pair avec l’enseignement sur l’amour des ennemis et la prière pour ceux qui nous persécutent.

    Ceux qui aiment et suivent Dieu en Christ aimeront leurs ennemis jusqu’au bout – même au prix de leur propre vie. Ils prieront pour eux, espérant les voir accepter le Christ comme Seigneur et Sauveur. Ce faisant, ils pourront être « invités au festin des noces de l’agneau ! » (Ap 19/09).

    Conclusion

    C’est cet enseignement que j’appelle mon héritage. C’est mon trésor, et je cherche à le transmettre à la génération suivante afin qu’elle puisse faire de même.

    Le monde est mieux servi par une Église obéissante, des disciples du Christ engagés à renoncer à tout pour lui afin de tout gagner (de lui). Telle est notre Église quand elle réalise qu’elle a tout ce dont elle a besoin pour être une force de transformation efficace dans le monde d’aujourd’hui.

    Danisa Ndlovu

     

    Danisa Ndlovu est président de la CMM et évêque de Ibandia Labazalwane kuKristu eZimbabwe (Église Frères en Christ du Zimbabwe).

     

  • Dans la matinée du 7 novembre 2013, Regina Mondez, ainsi que la plupart des habitants des Philippines, suivait anxieusement les images radar d’une énorme tempête qui se dirigeait directement sur eux. Même avant que le super typhon Haiyan s’abatte de plein fouet sur les îles du Centre des Philippines avec des vents approchant 322km par heure, Régina et d’autres membres de l’église de paix, une petite de maison à Manille qui est soutenue par Mennonite Church Canada Witness, songeaient à comment ils allaient devoir agir.

    Quand le typhon a touché terre plusieurs heures plus tard, la puissance destructrice du vent de la tempête, la pluie et les vagues de la marée défiaient toute description. En plus des 6 000 décès signalés, environ 14 millions de personnes, dont 1,8 millions d’enfants, ont été déplacés par la tempête, avec des centaines de villages dévastés et une grande ville, Tacloban, presque entièrement détruite. Alors que le gouvernement philippin éprouvait de la difficulté à répondre, des millions de personnes de la région – vivant sans électricité, ni abris, ni nourriture, ni eau ni sécurité – devenaient de plus en plus désespérées.

    Objectivement, la présence mennonite aux Philippines est minuscule. En tant que douzième pays le plus peuplé du monde, les Philippines abritent près de 100 millions de citoyens – 80 % d’entre eux sont catholiques. Les mennonites, en revanche, comptent seulement 1 000 âmes : environ 200 appartiennent à la Church of God in Christ ; 150 sont affiliées à diverses églises de maison conservatrices ou ordinaires ; et les autres sont associées avec les Integrated Mennonite Church (IMC), dont les 21 églises locales sont dispersées autour de l’île centrale de Luzon, une région qui n’a pas été directement touchée par la récente tempête.

    Pourtant, Regina et les bénévoles de l’église de paix ne se sont pas découragés. En quelques jours, ils ont rejoint une équipe montée par la communauté des bâtisseurs de la paix et se sont dirigés vers la ville d’Ormoc, sur l’île de Leyte. Là, en étroite collaboration avec les pasteurs locaux, ils ont aidé à établir un réseau efficace de distribution d’aide qui commençait tout juste à arriver.

    Mondez Regina est le visage d’une nouvelle génération de mennonites dans l’église mondiale. Dans les années 1980, ses parents ont rejoint l’église Mennonite Conservatrice à Lumban, attirés par l’importance biblique qu’elle place sur la paix et par son sens communautaire très fort. Bien que la famille ait finalement quitté cette église locale, frustrée par ses restrictions sur l’éducation, Regina se souvient de l’église comme étant sa « deuxième maison – c’était ma famille. »

    Durant ses études à l’Université des Philippines, Regina a pris d’avantage conscience des réalités profondes de la pauvreté et de l’injustice dans son pays et a consacré son travail aux réformes sociales et politiques. Immédiatement après avoir obtenu son diplôme en Communication pour le développement, elle s’est installée sur l’île de Mindanao, une région dévastée par la pauvreté et des décennies de guérilla et de violences interreligieuses.

    Pendant les deux années qui ont suivi, elle a travaillé comme bénévole auprès de PeaceBuilders Community (la communauté des bâtisseurs pour la paix), une organisation soutenue par la Mennonite Church Canada Witness et qui a formé des centaines de pasteurs locaux et chefs de village dans les principes fondamentaux de justice réparatrice et de transformation des conflits.

    Cette expérience a restauré en Regina une profonde gratitude envers l’Église Mennonite et les racines théologiques de ses activités de rétablissement de la paix. « Grandissant, j’avais une faible connaissance des enseignements anabaptistes », a déclaré Regina. « Mais en entendant des défenseurs de la paix, des fonctionnaires et même des officiers militaires remercier le témoignage mennonite pour la paix, ma compréhension de la foi a commencé à s’approfondir ».

    Pendant les trois dernières années, Regina a été coordinatrice nationale de l’IMC, soutenant le travail du Conseil d’administration et du Conseil des évêques. Elle est un membre fondateur de l’église de la paix, une congrégation nouvellement établie à Global City, à Manille et qui apporte un témoignage de paix vigoureux au cœur de l’établissement politique et militaire de Manille. En 2010, Regina a écrit une histoire sur l’église Mennonite aux Philippines pour le chapitre du volume asiatique de la série histoire Mennonite mondiale de la CMM et elle est actuellement la chercheuse associée pour le Profil Anabaptiste Mondial de la CMM dans son pays. Regina, qui a également un emploi à temps plein, est âgée de 23 ans !

    Ces dernières décennies, l’église Mennonite aux Philippines a subi un certain nombre de divisions qui ont laissé certains jeunes désabusés. « Je veux aider notre église à devenir une famille qui n’est pas divisée par la culture ou l’origine ethnique, » reflète le Regina. « Je veux aider notre église à vivre sa compréhension de l’Évangile d’une manière plus puissante. » Elle rêve d’aider un jour à établir une école anabaptiste aux Philippines « qui permettrait à l’IMC de développer plus de leaders dépendants, efficaces et performants sans perdre la particularité de leur identité culturelle ou ethnique. »

    L’ampleur des défis auxquels les petites églises mennonites des Philippines doivent faire face – que ce soit le secours aux sinistrés, la consolidation de la paix ou le renouvellement de l’église – peut sembler écrasante. Mais je suis inspiré par le témoignage de Regina Mondez. Prions pour elle et la communauté qu’elle représente. Prions pour Darnell et Christina Barkman, pasteurs de l’église de la paix ; prions pour les dirigeants d’Integrated Mennonite Church; Prions pour le travail de PeaceBuilders Community (communauté des bâtisseurs pour la paix) à Mindanao ; et prions pour les habitants des Philippines, ravagés par le typhon Haiyan, qui sont en quête d’espoir et d’un avenir au milieu des décombres.

    Article par John D. Roth de Goshen (Indiana). Roth est professeur d’histoire au Collège Goshen et est également Secrétaire de la Commission Foi et Vie de la conférence Mennonite mondiale. Cet article a été publié dans The Mennonite, 1er janvier 2014.

  • L’inégalité économique : Explorer notre engagement commun pour le shalom

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes consiste à travailler au shalom. Nous croyons à l’engagement pour la justice et au partage de nos ressources, qu’elles soient matérielles, financières ou spirituelles. Pourtant, à cause de notre immense diversité, notre engagement prend différentes formes. Dans le numéro d’avril 2014, les responsables de notre communion analysent la manière dont les anabaptistes abordent la question de l’inégalité économique, et comment nous, en tant que disciples du Christ en quête du shalom, essayons de réduire les écarts de richesse dans nos communautés.

    L’égalité entre chrétiens : une utopie ?

    Vous vivons dans un monde déchu. Ce n’est pas le monde que Dieu avait prévu. Quand nous avons décidé de pécher, nous avons choisi notre propre chemin et notre propre seigneur, ce qui n’a pas été une bénédiction pour nous et pour les autres. Cependant, Dieu n’a pas abandonné ce monde déchu. Il tente constamment de racheter sa création, ainsi que l’attestent les Écritures.

    Nous devons faire face à deux éléments contradictoires en nous et dans les structures dans lesquelles nous vivons. Bien que notre monde soit déchu, l’image de Dieu n’est pas complètement effacée : il y a des éléments de la ‘bonne’ création de Dieu en nous. D’autre part, notre décision consciente de nous rebeller contre Dieu et ses desseins affecte toute la terre. Nous avons tous des éléments de l’image de Dieu et des éléments de nature déchue.

    Nous chrétiens mennonites/anabaptistes, nous avons un héritage spirituel important. Le mouvement anabaptiste est né dans une période de crise. La recherche d’une vie chrétienne ressemblant à l’Église primitive des Actes a certainement influencé sa théologie. Comme ce fut le cas dans l’Église primitive, les communautés anabaptistes ont essayé de réduire les inégalités économiques en leur sein. La dimension radicale du ‘premier amour’ se voit aussi dans le souci des pauvres. La dimension économique était une façon concrète de manifester l’amour du Christ.

    Cependant, avec le temps, le christianisme est devenu plus ouvert au monde. Bien sûr, les chrétiens se sont toujours adaptés à la société, ainsi que le témoignent les lettres aux sept églises d’Apocalypse 2-3. Nous y constatons un dualisme : si au début la culture a généralement été considérée comme ‘mondaine’, après un certain temps les barrières sont tombées et elle a été vue positivement.

    Quelque chose de semblable s’est passé avec les mouvements anabaptistes. Les premières années de persécution ont cédé la place à la tolérance et à une certaine distance du monde. Ceci, cependant, n’a pas évité les tentations de la chair, amenées par la culture précédente. La distance avec le monde a créé un sentiment de fausse sécurité : le monde était loin et ne pouvait les influencer.

    Peu de mennonites brésiliens vivent encore dans les colonies. Le capitalisme et le matérialisme ont amené d’énormes inégalités, qui semblent encore plus marquées dans les contextes urbains. Les mennonites du Brésil ont été fortement influencés par la culture dominante. Les inégalités sont aussi grandes dans l’Église que dans la société.

    Les mennonites sont arrivés au Brésil de Russie en tant que réfugiés, avec très peu. Cependant, le désir de faire bouger les choses et leur esprit communautaire initial les ont poussés à chercher des occasions d’améliorer leur situation économique. Grâce à leur dur travail, la plupart d’entre eux ont rapidement progressé financièrement. Ceux dont la situation ne s’est pas améliorée ont souvent été accusés de paresse. Les inégalités se sont accrues avec l’évangélisation. Beaucoup de Brésiliens sont très pauvres. Les mennonites se sont comparés à ces Brésiliens : « Nous aussi n’avions rien au départ, et regardez-nous aujourd’hui. Il est évident qu’ils ne cherchent pas avoir une vie meilleure ».

    La croissance économique du Brésil est allée de pair avec celle du matérialisme chez les mennonites. L’individualisme a remplacé l’esprit communautaire et les inégalités sont ignorées, bien que nous les ayons sous les yeux. Il peut y avoir un manoir à côté d’un bidonville et cela ne pose généralement aucun problème aux Brésiliens. Ce manque de compassion se retrouve dans les assemblées mennonites. Elles n’avaient aucune action sociale jusque récemment, en raison de l’influence fondamentaliste et de la volonté de se démarquer de l’Église catholique. Aujourd’hui, la plupart des mennonites du Brésil parlent au moins de faire quelque chose pour les pauvres. Certains essaient d’aider les personnes ou les groupes en distribuant de la nourriture, des vêtements ou d’autres choses. Ils essaient de répondre à certains des besoins les plus urgents, mais, comme c’est le cas dans la société, les inégalités sont rarement mentionnées.

    Il y a quelques années, j’ai été invité lors d’une retraite familiale à parler du style de vie simple. Certaines personnes ont réfléchi à la question, mais il n’y a pas eu de discussion ni d’examen des questions pratiques. Il semble que nous ne soyons pas encore prêts ; allons-nous jamais l’être ?

    Arthur Dück est directeur et professeur des études interculturelles à l’Institut chrétien Faculdade Fidelis de Curitiba (Brésil), appartenant aux Frères Mennonites.

  • L’inégalité économique : Explorer notre engagement commun pour le shalom

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes consiste à travailler au shalom. Nous croyons à l’engagement pour la justice et au partage de nos ressources, qu’elles soient matérielles, financières ou spirituelles. Pourtant, à cause de notre immense diversité, notre engagement prend différentes formes. Dans le numéro d’avril 2014, les responsables de notre communion analysent la manière dont les anabaptistes abordent la question de l’inégalité économique, et comment nous, en tant que disciples du Christ en quête du shalom, essayons de réduire les écarts de richesse dans nos communautés.

    Réparer la brèche

    Depuis quelques temps, la télévision nord-américaine passe de nombreux clips d’organisations d’Amérique du Nord qui demandent de l’argent pour lutter contre la faim dans le monde. Ces clips, montrant des enfants tristes, la plupart africains, cherchent à nous émouvoir. L’un d’eux mentionnait que chaque année, 17 000 enfants meurent de faim, ce qui fait apparemment un mort toutes les cinq secondes. C’est déchirant.

    Mais, bien que la faim soit un problème en Afrique, il semble que ces clips ignorent le problème de la faim ici aux États-Unis, et perpétuent les stéréotypes de ‘ces pauvres Africains’. On dit souvent que les États-Unis sont le pays le plus riche du monde. Alors, pourquoi, selon World Hunger Education Services, 14,5 % des familles (soit près de 49 millions de personnes) souffrent d’insécurité alimentaire, c’est à dire que ‘l’apport alimentaire des membres de la famille est parfois réduit et leurs habitudes alimentaires normales perturbées, faute d’argent ? Comment est-il possible qu’aux États-Unis, une personne sur sept (dont un enfant sur cinq) vive en dessous du seuil de pauvreté ?

    Ces chiffres lamentables sur la faim et la pauvreté aux États-Unis sont encore plus dérangeants lorsque l’on considère également les éléments suivants : selon le Center on Budget and Policy Priorities, en 2007, 10 % des Américains avaient 47 % des revenus et détenaient 74 % de la richesse, et cet écart n’a pas diminué depuis 2007. Ou encore : au cours des 35 dernières années, le revenu de 1 % des plus riches a augmenté de 201 %, tandis que le revenu des 60 % du milieu n’a augmenté que de 40 %, selon le U.S. Congressional Budget Office. Le problème n’est pas qu’il n’y a pas assez de richesse aux États-Unis, c’est qu’elle est inégalement – très inégalement répartie.

    Citant des statistiques comme-celles ci-dessus, le président américain Barack Obama a noté en décembre 2013 que l’inégalité croissante aux États-Unis « remet en question l’essence même de notre identité en tant que peuple […] L’idée qu’un enfant ne pourra peut-être jamais sortir de la pauvreté par manque d’instruction, de soins médicaux, ou d’une communauté concernée par son avenir, devrait nous indigner tous et nous pousser à agir. Notre pays vaut mieux que cela. »

    Pourquoi les inégalités économiques augmentent-elles aux États-Unis ? La question est complexe et n’a pas de réponse simple, mais il est clair que certains facteurs contribuent au problème. Parmi ces facteurs figurent : les intérêts commerciaux des entreprises qui prennent le pas sur des politiques publiques plus équitables, la peur du socialisme et de la prétendue ‘redistribution des richesses’, l’idée que le gouvernement ne doit plus être un ‘filet de sécurité’, et l’opinion que les gens sont pauvres parce qu’ils ont fait de mauvais choix et ne prennent pas leurs responsabilités – et non parce que le système leur est défavorable. La diminution de l’aide alimentaire* et de l’assurance-chômage à long terme, ainsi que le manque de volonté de certains politiciens pour augmenter le salaire minimum, tout en continuant à voter des allégements fiscaux pour les particuliers et les sociétés riches, sont des exemples de politiques qui contribuent à perpétuer les inégalités.

    L’inégalité économique est un défi important pour les églises nord-américaines, et elles y ont souvent bien répondu. Beaucoup de chrétiens (et d’autres) font du bénévolat et contribuent financièrement à des organisations caritatives. De nombreuses paroisses mènent des actions, ou y participent, pour venir en aide aux personnes démunies. Pourtant, en dépit de ces efforts, l’inégalité économique subsiste. L’écart entre les riches et pauvres s’accroît. La générosité et la pratique de la ‘religion pure’ de Jacques 1/27 (aider les veuves et les orphelins) sont des impératifs scripturaux importants à mettre en pratique. Mais c’est aussi vrai pour les injonctions à ‘travailler à la justice’ et à créer des systèmes sociaux qui n’oppriment pas les démunis (voir Michée 6/8 et Amos 2/6-7). Dans le contexte actuel de l’énorme inégalité aux États-Unis, et ailleurs, les paroles d’Ésaïe 58 devraient nous interpeller tous les jours :

    Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci :

    dénouer les liens provenant de la méchanceté,

    détacher les courroies du joug,

    renvoyer libres ceux qui ployaient,

    bref que vous mettiez en pièces tous les jougs !

    N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé ?

    Et encore : les pauvres sans abri, tu les hébergeras,

    si tu vois quelqu’un nu, tu le couvriras :

    devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas. (Ésaïe 58/6)

    Ésaïe continue et promet que si nous faisons cela, nous serons appelés ‘réparateur des brèches’ et ‘restaurateurs des rues ‘– objectifs dignes d’efforts.

    Harriet Sider Bicksler est membre de l’église Frères en Christ de Grantham (Mechanicsburg, États-Unis). Elle est aussi éditrice de Shalom !, un trimestriel des Frères en Christ traitant des questions de paix et de justice.