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  • En kichwa, un mot, ayni, décrit la règle et la pratique de l’interdépendance. 

    « On ne peut exister que si la communauté existe », déclare Julian Guamán. Dans la vision du monde des Kichwa, cette communauté englobe toute la création, et pas seulement les êtres humains. L’ayni stipule qu’en tant que membres de la communauté, les humains ont la responsabilité d’entretenir la réciprocité entre eux et tous les autres membres, y compris les plantes, les animaux, l’eau et le sol. 

    L’ayni a des implications pratiques sur la vie des Kichwas et constitue un élément important de la vision de Julian Guamán pour l’Église anabaptiste. 

    « L’Église mennonite mondiale peut montrer la voie à d’autres églises », dit Julian Guamán. Beaucoup de chrétiens parlent de réconciliation en termes spirituels, mais ce qui distingue les anabaptistes aux yeux de Julian Guamán, c’est que : « La réconciliation recherchée par les chrétiens mennonites s’applique aussi à la création ». 

    Beaucoup d’indigènes d’Amérique latine sont attirés par l’anabaptisme, dit Julian Guamán, et il pense que c’est parce que « la théologie mennonite coïncide à bien des égards avec des éléments de la spiritualité indigène ». 

    L’un des éléments communs est l’accent mis sur la vie en communauté. 

    « La vie mennonite est une vie de coopération », dit Julian Guamán. De même, « la vie des Kichwas consiste à vivre en interdépendance avec autrui ». 

    Le deuxième élément commun est la réconciliation. Les mennonites sont connus pour leur travail de réconciliation au sein de l’Église et dans le monde. Les Kichwas pratiquent également la réconciliation, dit Julian Guamán, en « cultivant l’harmonie et l’équilibre et en construisant des ponts par le dialogue ». 

    Julian Guamán estime que la protection de la création est une conséquence naturelle de l’application de ces deux valeurs. Il en a donné un exemple concret. 

    Dans les Andes, l’exploitation minière de l’or, du lithium, du cuivre et d’autres métaux nécessaires à la technologie met en péril la santé de la terre, de l’eau et des populations. 

    Alors que les compagnies minières internationales s’installent dans de nombreuses régions, les terres indigènes sont parmi les mieux protégées. « Une grande partie du páramo (toundra alpine) où vivent les populations indigènes est encore intacte », explique Julian Guamán. 

    Les Occidentaux pourraient considérer que les efforts de conservation des communautés indigènes visent à préserver les ressources – comme l’eau – pour l’avenir. Mais ce n’est pas ainsi que les peuples indigènes voient les choses, dit-il. 

    « Je ne pense pas que ce soit la raison pour laquelle nous, les indigènes, nous en soucions », déclare Julian Guamán, « mais parce que nous avons besoin de conserver des relations avec le lieu, le páramo. Là, il y a de la vie. Le páramo lui-même, les montagnes, les collines, ont une dimension sacrée dont nous faisons partie. » 

    Et si l’église anabaptiste mondiale adoptait la règle de l’ayni ? 

    « Dans un monde marqué par le changement climatique, les crises environnementales et un système économique qui détruit la nature et exploite les gens », déclare Julian Guamán, « nous, en tant qu’églises mennonites, pouvons être différents, parce que Jésus-Christ nous a appelés à nous aimer les uns les autres ». 

    —Sierra Ross Richer est membre de la Waterford Mennonite Church, à Goshen, dans l’Indiana (États-Unis). Elle est stagiaire à l’Anabaptist Climate Collaborative. Cette histoire, tirée de la série « Pollinisateur climatique du carême » de l’ACC : Histoires anabaptistes mondiales sur le changement climatique est reproduite avec sa permission. 

  • Le témoignage à Hong Kong et au-delà 

    Les membres de l’église se réunissent dans l’auditorium d’une école et entonnent des chants de louange en mandarin et en cantonais (la langue maternelle de la plupart des habitants de Hong Kong). Les langues chinoises ont en commun une écriture qui contient des milliers de caractères. Grâce à Internet et à la mondialisation de la musique d’église, les personnes qui ne peuvent pas lire les caractères peuvent désormais trouver une traduction des chants qui leur permet de les comprendre et de chanter avec eux. 

    Bien que de nombreuses églises de la région aient abandonné les cultes en ligne à mesure que les restrictions liées à la pandémie s’atténuaient, l’église mennonite Agape de Sha Tin, à Hong Kong, continue d’enregistrer et de diffuser ses cultes sur Facebook. 

    « Certains de nos membres ont déménagé à l’étranger ces dernières années. Parfois, ils se joignent à nos cultes du dimanche pour pouvoir prier dans leur propre langue, et ils se joignent également à notre étude biblique sur Zoom », explique Esther Choi, déléguée de Hong Kong au Sommet Mondial de la Jeunesse (GYS)

    Le vieillissement de la population de Hong Kong affecte aussi l’Église : certains membres ne sont plus en mesure de venir à l’église. « Rendre nos cultes accessibles à ces personnes est notre façon de leur faire savoir que nous nous souvenons d’eux et que nous prions pour eux », dit Jeremiah Choi, pasteur de l’assemblée et représentant régional de la CMM pour l’Asie du Nord-Est. 

    « Sans faire la moindre différence entre elles et nous », dit le pasteur de la jeunesse Leung Tak Kwan, prédicateur du jour, en citant Actes 15/9. Si le passage conseille de ne pas faire de discrimination à l’égard des nations païennes (qui ont suivi le Christ, mais n’ont pas suivi les traditions juives), le même conseil s’applique à l’égard des personnes qui sont trop malades pour se rendre à l’église par les transports publics, qui sont à l’hôpital ou qui s’ennuient tout simplement de leurs amis après avoir quitté Hong Kong.  

    Indépendamment du lieu ou des incapacités physiques, la Parole de Dieu et la communion fraternelle se poursuivent grâce aux cultes en mode virtuel. 

    Photo : Elina Ciptadi

    Hong Kong traverse une période difficile : les restrictions imposées par le gouvernement sur les activités religieuses risquent de s’intensifier, l’exode de la population active entraîne une pénurie de personnel dans certaines industries et les membres de l’église sont divisés sur les questions politiques. 

    Mais ceux et celles de l’église mennonite Agape sont réconfortés par les paroles qu’ils ont chantées ce matin-là, Won’t Give Up

    Les afflictions peuvent venir, nous ne nous lasserons pas 
    Nous ne perdrons pas courage 
    Tous ces ennuis vont bientôt disparaître 
    La gloire éternelle sera notre récompense 

    Ê propos de l’église membre de la CMM : la Conférence des églises mennonites de Hong Kong 

    La Conférence des églises mennonites de Hong Kong se compose de trois assemblées mennonites dans la région administrative spéciale de Hong Kong, en Chine, qui compte sept millions d’habitants. L’église a été officiellement fondée en 1985 à la suite du travail de secours du Comité central mennonite auprès des réfugiés de la Chine continentale dans les années 1950 et des missionnaires d’Amérique du Nord dans les années 1960. 

    Priez pour l’unité et une issue pacifique.

     

  • Myanmar 

    Je veux mettre l’accent sur certains aspects de la situation politique et des événements actuels au Myanmar (Birmanie).   

    Climat politique

    Concernant la situation politique, je ne donnerai pas de détails.

    Depuis le coup d’État militaire du 1er février 2021, il y a eu des assassinats terroristes et des rebellions armées dans tout le Myanmar.

    Je présenterai quelques faits saillants, ne citant que le rapport des Nations Unies (27 février 2023) :

    • Il y a au Myanmar 1,6 million de réfugiés ayant fui leur foyer et les habitants de la Division de Sagaing et de l’État de Chin font face au pire.  
      • Les conflits se poursuivent dans tout le Myanmar et les besoins humanitaires des personnes déplacées et des réfugiés augmentent.
      • Les déplacés internes vivent dans des conditions précaires dans des camps de déplacés et des camps temporaires, et sont pour la plupart abrités dans les jungles voisines. 
    •  Selon Media Monitor Collective 53 786 maisons ont été incendiées ou détruites depuis le coup d’État militaire. 
      • En outre, 2 725 civils ont été tués dans le conflit armé ; la Division de Sagaing compte le plus grand nombre de morts – 2 047 – selon Media Monitor Collective.
      • 24 065 civils ont été arrêtés et détenus à la suite du coup d’État et du conflit armé. 
    • Selon les informations des Nations Unies et d’organisations de la société civile, les populations de la Division de Sagaing et de l’État de Chin sont les plus touchées par la guerre et ont besoin d’une aide d’urgence (la plupart des mennonites vivent dans les régions en conflit.)  

    Nous sommes heureux de signaler que la CMM a donné 10 000 USD pour de la nourriture et des médicaments à 415 familles de réfugiés mennonites l’année dernière. Merci à la CMM.  

    Inflation et pénurie alimentaire  

    En raison de l’impact de la guerre civile, des conflits et de l’inflation, les moyens de subsistance sont devenus rares. Il n’y a plus assez d’emplois. Pendant ce temps, le prix des biens augmente à un rythme alarmant. 

    Non seulement de nombreuses personnes sont victimes de la guerre, mais la nourriture manque dans de nombreux endroits. Plus de 45 % du pays en souffre. Au Myanmar, nous prenons habituellement trois repas par jour, mais maintenant, beaucoup de gens ne mangent qu’une fois par jour, et leur nombre est en augmentation. Certains ne mangent même pas une fois par jour. 

    Les familles de l’Église Bible Missionary Church sont aussi fortement touchées par la pénurie alimentaire. Certains membres assistent au culte du dimanche sans manger du tout. C’est très difficile d’aider les familles mennonites vulnérables dans les paroisses.

    Les organisations internationales ne peuvent pas venir ni nous aider.

    Jeunesse mennonite et révolution armée

    Après le coup d’État militaire, les jeunes ont pris les armes contre les militaires. Les combats armés affectent aussi les jeunes mennonites : certains d’entre eux sont prêts à s’y joindre. Des jeunes participent déjà à la révolution armée. Ils ont aussi beaucoup d’amertume et un grand désir de se battre contre les militaires.

    Notre plus grand problème concerne la jeunesse mennonite et la révolution armée. Nous poussons nos jeunes à ne pas s’engager dans la révolution armée, la violence et les conflits politiques. Nous ne voulons absolument pas que notre jeunesse participe à la révolution armée. Nous ne voulons absolument pas que nos jeunes soient impliqués dans le conflit politique. 

    Nous sommes des mennonites attachés à la paix parce que nous ne croyons qu’à la non-violence.

    C’est pourquoi nous organisons des Conférences sur la Paix pour les jeunes Mennonites dans plusieurs régions. Nous sommes convaincus que ces Conférences sur la Paix formeront nos jeunes à être artisans de paix. 

    Nous vous demandons également de nous aider en priant pour ces Conférences sur la Paix destinées aux jeunes.

    Je voudrais remercier particulièrement nos amis de Mennonite Church Canada pour leurs prières et leur soutien financier pour les Conférences et pour tout ce dont nous avons besoin dans le travail missionnaire. 

    Chers Conférence Mennonite Mondiale et Mennonite Church Canada, vous êtes des anges envoyés par Dieu au Myanmar. Vous nous nourrissez quand nous avons faim. Quand nous sommes accablés, vous nous réconfortez. Vous nous aidez quand nous devenons des réfugiés. Vous nous apportez une lueur d’espoir quand nous sommes désespérés. 

    Le monde oublie notre condition, mais vous vous souvenez de nous. Vous êtes sincères et vraiment mennonites.

    Et : Jésus-Christ est toujours notre espérance. Shalom.    

    Amos Chin est le président de la Bible Missionary Church – Mennonite et église membre de la CMM au Myanmar. Il fait aussi partie du Comité Exécutif de la CMM.
    Le texte d’Amos Chin pour ‘Renouveau 2023 – Jésus Christ, notre Espérance’ a été présenté par John D. Roth à Abbotsford, Colombie Britannique (Canada) le 25 mars 2023. Cet article est adapté de sa présentation.


  • Portugal 

    Le monde a profondément changé depuis le 24 février 2022, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine. Cela a eu un fort impact sur tous les Européens.

    Nous avons 14 unions d’églises mennonites dans 11 pays en Europe, chacune avec sa propre culture, son histoire, et des fonctions au sein de notre famille anabaptiste-mennonite.

    En 2018, l’Association des Églises frères mennonites (MB) d’Ukraine a accueilli notre rassemblement annuel avec des participants venus d’Autriche*, de France*, d’Allemagne*, de Lituanie, des Pays-Bas*, du Portugal*, d’Espagne*, de Suisse*, dont le président de la CMM qui s’est rendu à Zaporizhzhia et Berdiansk. 

    Alors vous pouvez imaginer que lorsque la violence a commencé l’année dernière, toutes les églises d’Europe se sont demandés : « Qu’allons-nous faire pour aider nos frères et sœurs ? »

    De la plus petite union d’églises à la plus grande, elles ont toutes voulu apporter leur aide. Toutes ont une part dans ce qui se fait en Ukraine. Certaines envoient des fonds, toutes prient, bien sûr, et certaines prennent même l’initiative d’apporter des secours directement en Ukraine. 

    Une union d’églises – petite, située près de l’Ukraine – a immédiatement commencé à apporter son aide d’une manière spécifique et pleine d’amour. 

    L’Eglise des frères mennonites (MB) en Lithuanie (Lietuvos Laisvųjų Krik_ƒçionių Ba_nyƒçia), a commencé à remplir des camionnettes à Vilnius et à les conduire jusqu’en Ukraine pour distribuer leur contenu à des frères et sœurs MB en Ukraine. 

    Ils s’arrêtent en Pologne pour la nuit, traversent la frontière et se rendent en Ukraine pour rencontrer les frères et sœurs et leur apporter des vivres. Ensuite, ils font demi-tour pour rentrer chez eux, attendant souvent des heures à la frontière en raison des longues files de personnes cherchant à partir.

    Au début, ils n’avaient même pas le temps d’expliquer ce qu’ils faisaient ; ils ont simplement commencé à agir. 

    J’en ai parlé à d’autres églises quand j’ai appris cela. Elles ont aussi envoyé de l’argent et des marchandises.

    Les immenses efforts de tous les autres membres de la famille européenne, chacun d’eux à leur manière, pour apporter de l’assistance a été une manière fantastique de redonner de l’espoir à nos sœurs et frères d’Ukraine.

    Cette solidarité n’est pas seulement entre les églises anabaptistes-mennonites d’Europe et d’Ukraine mais entre les différentes églises européennes qui s’allient pour aider l’Ukraine.

    C’est la mise en pratique de 1 Corinthiens 12/26-27 : « Si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est glorifié, tous les membres partagent sa joie. Or vous êtes le corps du Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. »

    La situation en Ukraine reste un défi. Nous gardons le contact et nous nous tenons informés des besoins. Nous continuons aussi à prier.

    Nous remercions Dieu de n’avoir jamais perdu espoir.

    Continuez à prier.    

    José Arrais vit à Lisbonne (Portugal). Il est membre de l’Eglise des frères mennonites (MB) Loures et est le représentant régional de la CMM en Europe. Ses relations avec les responsables des églises mennonites européennes, écoutant leurs besoins, leurs difficultés et leurs bénédictions, est une source de joie et de motivation pour la prière ; il est heureux de continuer à approfondir ces relations et d’en avoir encore d’autres.
    José Arrais est marié à Paula ; ils ont trois enfants et un petit-enfant. José Arrais a pris la parole lors de Renouveau 2023 – Jésus-Christ, notre Espérance – à Abbotsford, Colombie Britannique (Canada), le 25 mars 2023. Cet article est une adaptation de sa présentation.  

    *Indique que les unions d’églises de ce pays sont membres de la CMM. 


  • Corée du Sud

    Pour parler d’espoir, je dois commencer par parler de désespoir.   

    Il y a une question que l’on me pose souvent quand je dis que je viens de Corée. C’est : « Quelle Corée ? » 

    Oui, cela fait 77 ans que la Corée a été divisée en Corée du Nord et Corée du Sud. La peur profondément enracinée, résultat d’une histoire de guerre et l’insécurité qui découle de cette peur, ont créé de nombreuses formes de désespoir. 

    Les Sud-Coréens ont quatre obligations majeures. L’une d’elles est le devoir envers la défense nationale. Et l’un des devoirs concernant celle-ci est celui du service militaire. Cette obligation s’applique aux hommes âgés de 18 à 40 ans. Ils sont conscrits et sont soldats pendant un an et demi. Après cela, ils doivent s’entraîner régulièrement en tant que soldats de réserve. 

    Les gens disent que ça va mieux, mais la culture militaire est toujours très violente. Les histoires d’intimidation, de suicides et de fusillades sont courantes.

    Quand on pense aux objecteurs de conscience en Corée du Sud, le groupe qui vient à l’esprit est celui des Témoins de Jéhovah. Il existe également diverses organisations telles que World Without War. Et il y a aussi les luttes des objecteurs qui ont survécu à l’emprisonnement et défendu leurs convictions. 

    Depuis 2020, les objecteurs de conscience ne vont plus en prison. Cette dernière année cela m’a donné de l’espoir ; mais il reste encore un long chemin à parcourir. Le système actuel de service alternatif a un caractère punitif, où l’on doit faire deux fois la durée du service militaire et l’on n’est autorisé à travailler que dans les prisons. 

    Il existe également des services alternatifs qui ne sont pas l’objection de conscience à proprement parler. Mon frère cadet est diplômé d’une université agricole gérée par le gouvernement et a commencé à cultiver des pommes de terre. En Corée, le nombre d’agriculteurs diminue et il y a peu de jeunes agriculteurs, si bien qu’un groupe restreint de jeunes hommes est choisi pour faire de la culture à la place du service militaire. Des cas similaires se retrouvent également dans certaines industries. Le processus de candidature est très difficile et la durée est aussi de trois ans. 

    Mon jeune frère a récemment été informé par le gouvernement qu’il était autorisé à remplacer son service militaire par un travail agricole. L’assemblée locale avait prié et je ne peux vous dire à quel point il a de la chance. Mais, non, je ne suis pas soulagé pour autant, car mes amis doivent encore aller à l’armée, et mes voisins doivent encore aller à l’armée. 

    Les églises mennonites coréennes essaient constamment d’être solidaires des objecteurs de conscience. Nous les invitons à donner des conférences et nous essayons d’écouter leur voix lors de réunions en face à face. Notre motivation et notre espoir dans ce combat pour la reconnaissance du statut légal des objecteurs de conscience sont en Jésus, notre maître et notre exemple depuis longtemps, pour notre engagement en tant que communauté anabaptiste-mennonite concernant le principe de non-violence. 

    La plupart des gens pensent peut-être qu’il n’y a pas de problème avec le système actuel de conscription. Mais je vois le désespoir. Je suis reconnaissant qu’il existe une communauté qui voit aussi ce désespoir et qui agit. Cette communauté est mon assemblée locale et l’Église Mennonite de Corée du Sud (MCSK). La CMM est aussi à nos côtés dans nos efforts pour être disciples de Jésus. 

    Récemment, la CMM a publié une déclaration de soutien aux objecteurs de conscience, en grande partie en réponse aux défis auxquels la MCSK est confrontée. La déclaration de la CMM manifeste sa solidarité envers nous. Et cela nous donne de l’espoir à moi et à mes compatriotes mennonites de Corée.

    Merci. 

    —Kkot-ip Bae (Î∞∞ÍΩÉÏûé) est membre de l’église mennonite Nonsan Peace and Joy en Corée du Sud. Elle a étudié la sociologie et les contenus des médias numériques et travaille comme spécialiste de la planification de programmes d’économie sociale ; elle a la responsabilité de la conception de la propagation des valeurs sociales. Elle est la représentante de l’Asie au sein du comité des Jeunes anabaptistes (YABs). Kkot-ip Bae a pris la parole lors de Renouveau 2023 – Jésus-Christ, notre Espérance – à Abbotsford, Colombie Britannique (Canada), le 25 mars 2023. Cet article est une adaptation de sa présentation. 


  • « Il y a quelque chose dans l’air ambiant parmi les théologiens mennonites, les spécialistes de la construction de la paix et les praticiens autour du projet décolonial …, qui est à la fois intéressant et très bon » , dit Andrew Suderman.   

    Ce professeur de l’Eastern Mennonite University et secrétaire de la Commission Paix de la Conférence Mennonite Mondiale a organisé la troisième Conférence et Festival Mennonite Mondial sur la Travail pour la Paix (GMP III) en Virginie (Etats-Unis). « Se rassembler : Le chemin de la foi et de la paix » était le thème de l’événement organisé du 15 au 18 juin 2023 par l’EMU et soutenu par la CMM. 

    Tigist Tesfaye, secrétaire de la Commission Diacres de la CMM, et César García, secrétaire général de la CMM, ont pris la parole lors des quatre séances plénières. Quelque 160 participants de 20 pays ont participé à 10 présentations de documents, 15 ateliers, une table ronde, une installation artistique et quatre représentations théâtrales et musicales. Certains invités internationaux n’ont pas pu assister à l’événement en raison des difficultés rencontrées pour obtenir une autorisation de voyage. 

    La conférence a été l’occasion d’une rencontre entre le monde universitaire et le monde religieux. « Nous avons ouvertement placé la conférence dans le cadre de la louange », a déclaré Andrew Suderman. Chaque séance plénière s’ouvrait et se clôturait par un temps de prière et de chant.  

    César García a exhorté les participants à rapprocher l’Église et le travail pour la paix, malgré les erreurs passées de l’une et de l’autre : « Créer des structures complètement indépendantes et séparées de l’Eglise est un détour inutile qui affecte l’impact de notre témoignage de paix…. La nécessité d’un travail de paix fondé sur la théologie et la Bible est une réalité constante dans beaucoup de nos églises et de nos institutions ». 

    César García. Photo : Henk Stenvers

    L’art et la scène ont également été associés à la théologie et à la théorie. « L’idée de ce GMP était de réunir des universitaires, des praticiens, des pasteurs et des artistes pour qu’ils partagent ce sur quoi ils travaillent et comment ils s’efforcent d’incarner la paix », explique Andrew Suderman. « Des musiciens et une troupe de théâtre aident à exprimer ces valeurs, ce voyage… à relier la tête, les mains et le cœur ». 

    Selon Juan Moya, membre du groupe colombien La Repvblica, la musique et la paix sont également indissociables. « La musique dépend des vibrations, des rythmes et de la poésie pour transmettre un message. C’est un langage universel ». La capacité de la musique à franchir les frontières et à construire la paix a été démontrée lorsque le président de la CMM, Henk Stenvers, des Pays-Bas, s’est mis à jouer de la batterie avec le groupe colombien. 

    En tant que conférence mondiale, l’événement a également rassemblé des voix du monde entier. « J’ai apprécié l’accent mis sur l’écoute et l’implication des personnes du Sud, qui ont partagé la façon dont la paix n’est pas seulement enseignée en tant que concept, mais aussi soufferte, exigée et – pour certains – devient un appel à l’action pour survivre », dit Juan Moya. 

    Une compilation des documents de la précédente édition du GMP aux Pays-Bas en 2019 a été récemment publiée sous le titre « A Pilgrimage of Justice and Peace : Global Mennonite Perspectives on Peacebuilding and Nonviolence ». (Un pèlerinage de justice et de paix : perspectives mennonites mondiales sur la construction de la paix et la non-violence, non traduit).

  • Rencontrez Hiro Katano de Sapporo, Hokkaido (Japon) Membre de la Commission Foi  et Vie 

    Quelle fonction occupes-tu au sein de la CMM ? 

    Je suis membre du Conseil Général, et je représente Nihon Menonaito Kirisuto Kyokai Kyogikai (Conférence de l’Église chrétienne mennonite du Japon), depuis 2016. Je fais le lien entre la CMM et mon union d’églises par la correspondance, l’information, la traduction et l’enseignement. Je suis aussi membre de la Commission Foi et Vie depuis juillet 2022.   

    Quelle fonction occupes-tu dans ta paroisse ?     

    Je suis membre de l’église mennonite de Sapporo Bethel depuis 1998 et je prêche et préside les cultes régulièrement. Ma femme Miwako et moi résidons au Centre mennonite de Fukuzumi à Sapporo. Le centre appartient et est géré par notre union d’églises pour des hôtes, les cultes, des réunions de travail et d’autres réunionsts. J’aide aussi ma femme dans son ministère de pasteure bénévole. 

    Les églises anabaptistes/mennonites du Japon m’ont donné la responsabilité du Northeast Asia Regional Peacebuilding Institute – NARPI (Institut régional de consolidation de la paix en Asie du NordEst) depuis son lancement en 2010. J’ai des occasions de présenter des conférences, des ateliers et d’écrire sur la théologie de la paix pour les mennonites et aussi pour d’autres dénominations.  

    Que signifie ‘être unifié’ pour le corps  du Christ ?    

    Pour moi, cela signifie revenir de temps en temps à nos valeurs communes en tant que disciples de notre Seigneur Jésus. 

     Foi : nous revenons régulièrement à la vie, aux enseignements et au ministère de Jésus pour réfléchir à notre discipulat. 

    Vie : nous nous rencontrons régulièrement dans notre communauté spirituelle pour discerner la direction du Saint-Esprit, pour être renouvelés et grandir. 

    Travail : nous œuvrons régulièrement à la réconciliation holistique avec Dieu, les autres et nous-mêmes et aussi avec la création, dans notre cheminement spirituel quotidien. 

    Bien que je me base sur ce qu’on appelle les valeurs anabaptistes fondamentales, elles attirent aussi les autres dénominations.    

    Quel livre ou podcast lu ou écouté récemment pourrais-tu nous recommander ? 

    J’ai été béni et encouragé par la série ‘The Jesus Way: Small Books of Radical Faith’ de Herald Press. Ces dix livres présentent de manière concise et lisible la foi et les conceptions anabaptistes. J’en ai fait des livrets pour présenter la foi anabaptiste de base aux jeunes japonais.   

    Quelles ressources publiées par la CMM recommandes-tu et pourquoi ?  

    ‘Convictions communes des Anabaptistes du Monde entier’ vaut la peine d’être lu, répété, réfléchi et étudié pour s’en imprégner. Bien que notre union d’églises ait sa propre confession de foi, ‘Convictions communes’ présente des éléments supplémentaires plus complets de la foi anabaptiste. 

    ‘Ce que nous croyons’ d’Alfred Neufeld est un guide utile pour approfondir ce document. J’ai organisé un atelier pour explorer les ‘convictions communes’ et j’ai fait une série de sermons basés sur ce qu’on en apprend. Je m’en sers maintenant pour une série de conférences vidéo sur les doctrines anabaptistes fondamentales. 

    Comme les quatre cavités du cœur, les quatre Commissions de la Conférence Mennonite Mondiale sont au service de la communauté mondiale des églises anabaptistes dans les domaines suivants : diaconie, foi et vie, paix et mission. Les Commissions préparent des documents à l’intention du Conseil Général, donnent des conseils, proposent des ressources aux églises membres et facilitent le travail des réseaux et des fraternités de la CMM qui œuvrent ensemble sur des questions et des préoccupations d’intérêt commun. Ci-dessous le communiqué d’une des commissions.

  • Les Jeunes Anabaptistes (YABs, Young AnaBaptists) se connectent à travers le monde durant la Semaine de la Fraternité des YABs. 

    Du 18 au 25 juin 2023, des groupes de jeunes adultes du monde entier ont célébré la Semaine de la Fraternité des Jeunes AnaBaptistes (YABs). Avec pour thème « La famille que j’ai trouvée dans mon salut », les jeunes ont partagé des histoires, adoré ensemble, prié en commun, appris des témoignages des uns et des autres, et discuté de Luc 15/4-7. 

    Une nouvelle façon de se rencontrer cette année a été le lancement du groupe Discord des YABs, avec quatre rencontres virtuelles pendant la semaine de la fraternité des YABs, auxquelles ont participé 65 personnes de 11 pays. 

    « Comme de plus en plus de jeunes utilisent cette plateforme pour jouer, bavarder, écouter des notes vocales/webinaires et organiser des réunions virtuelles, nous voulons qu’autant de jeunes anabaptistes que possible se connectent les uns aux autres à travers cette plateforme », explique Ebenezer Mondez, le mentor des YABs. 

    Lors de deux des quatre rencontres virtuelles, l’actuel Comité des Jeunes Anabaptistes a invité deux membres du premier Comité YAB (qui s’appelait alors AMIGOS) : Sarah Nahar (née Thompson) est aujourd’hui formatrice en action non-violente et théologienne interspirituelle ; Elina Ciptadi est aujourd’hui responsable de la communication par intérim de la CMM et étudiante en thérapie familiale. 

    « La participation à l’Assemblée / Sommet Mondial de la Jeunesse a changé ma vie », dit Elina Ciptadi. « Cela m’a ouvert des portes, en tant que responsable d’un petit groupe de jeunes adultes, pour travailler sur des causes plus importantes au niveau national, puis au niveau mondial grâce à la CMM. C’est très stimulant de savoir que j’ai des amis dans le monde entier avec lesquels nous pouvons partager nos luttes et nos victoires, prier les uns pour les autres et apprendre les uns des autres ». 

    Les YAB continueront à utiliser Discord pour renforcer les liens établis lors du Sommet Mondial de la Jeunesse 2022 en Indonésie. 

    « J’encourage tout le monde à cultiver les liens mondiaux que vous avez noués à l’Assemblée, et à voir comment Dieu peut faire des merveilles à travers ces relations », déclare Elina Ciptadi.  

    Il n’est pas trop tard ! Tous ceux qui souhaitent encore utiliser le matériel de la Semaine de la fraternité des jeunes adultes pour leur église peuvent le télécharger ici. Les jeunes et les jeunes adultes qui souhaitent rejoindre la communauté en ligne peuvent s’inscrire ici.


    A propos du Comité YABs (Jeunes Anabaptistes) :  

    Ce comité représente tous les jeunes gens devant le Conseil Général de la CMM et travaille avec le Comité Exécutif de la CMM. Le Comité YABs (Jeunes Anabaptistes) est composé d’un représentant de chaque continent et d’un mentor. 
  • « J’ai appris que chaque participant avait son propre accent ; cela m’a rassuré de savoir qu’il est normal d’avoir un accent », dit Hens Sita, membre de GITJ Kelet (Indonésie). 

    Avant l’Assemblée de la Conférence Mennonite Mondiale en Indonésie, IndoMenno (une collaboration des trois synodes indonésiens*) a organisé des cours d’anglais et d’indonésien. 

    Jusqu’à 1 000 invités, dont beaucoup d’anglophones, étaient attendus à la 17e Assemblée de la Conférence mennonite mondiale en Indonésie en 2022. Une centaine de bénévoles locaux ont été recrutés pour les accueillir. 

    La CMM communique en anglais, en espagnol et en français, tant à l’oral qu’à l’écrit. Pour les Assemblées, l’anglais et la langue locale – dans ce cas, le bahasa indonésien – deviennent la langue de la scène, tandis que les interprètes retransmettent les interventions à l’aide d’écouteurs en espagnol et en français. 

    Les Indonésiens n’ont pas seulement appris à parler anglais, le personnel de la CMM a également pris des cours d’indonésien. 

    Approfondir ses connaissances 

    Hens Sita (interprète : anglais-indonésien), Miekje Hoffscholte-Spoelder, Henk Stenvers, J. Nelson Kraybill.Photo : Nelson Okanya

    MCC International a contribué à l’organisation des cours, à la formation des enseignants et à l’achat du matériel. 

    Pour l’anglais, une session de formation de deux jours a permis aux enseignants d’offrir des cours locaux (soutenus par des vidéos et du matériel écrit). L’objectif d’une soixantaine de formateurs a été presque atteint : chacun a ensuite formé plusieurs apprenants dans son assemblée locale, soit plus d’une centaine de volontaires pour servir les invités de l’Assemblée. 

    Hens Sita s’est inscrite aux cours « pour approfondir sa connaissance de la langue anglaise et se préparer à accueillir les invités dans un anglais correct et poli ». Elle a interprété l’anglais en indonésien lors de certains ateliers et a apprécié de pouvoir participer à des séminaires pour en savoir plus sur les mennonites pendant l’Assemblée.  

    Le point fort de son travail a été de servir d’interprète sur le site satellite de Margokerto lors de la transition présidentielle entre J. Nelson Kraybill et Henk Stenvers. 

    Des mots clés et une bonne attitude 

    Des cours d’indonésien ont été proposés en ligne deux fois par semaine pendant environ deux mois aux six membres du personnel de l’Assemblée basés en Indonésie. 

    Bien que l’enseignement ne soit pas suffisant pour apprendre la langue, le personnel de l’Assemblée a appris des mots clés, la structure de base de la langue et certains facteurs culturels. « Bien que j’aie toujours été accompagné d’une personne qui traduisait pour moi lorsque je rencontrais des gens [dans le cadre de mes activités professionnelles], ces cours m’ont été d’une grande utilité », explique Ebenezer Mondez.  

    Ebenezer Mondez. Photo : Nico Yonatan

    Dans son travail sur le site web multilingue et les formulaires d’inscription compliqués, cette connaissance de base de la langue et de la culture indonésiennes s’est souvent avérée utile. 

    Ebenezer Mondez, qui parle le tagalog, a eu l’avantage d’apprendre l’indonésien à partir d’une famille de langues apparentée. « Grâce à la formation, j’ai pu faire le lien entre les deux langues » et il est heureux de pouvoir se déplacer dans la ville de manière autonome. 

    « Je n’ai jamais eu l’occasion de parler le bahasa indonesia après avoir quitté le pays et j’ai peur de le perdre un jour », dit Ebenezer Mondez, « mais je pense que c’est une langue très importante pour nous en Asie du Sud-Est puisqu’elle est parlée en Indonésie, en Malaisie, à Singapour, au Brunei et au Timor-Oriental ». 

    « La CMM a pour but de créer des relations au sein de notre famille mondiale », explique Liesa Unger, responsable des événements internationaux. Au quotidien, cela se passe entre les responsables des églises membres nationales, mais lors des Assemblées, les membres des assemblées de la CMM franchissent les frontières pour se rencontrer face à face en tant que membres de la famille anabaptiste-mennonite mondiale. 

    *Aujourd’hui, il y a trois groupes anabaptistes-mennonites en Indonésie :

    • Gereja Injili di Tanah Jawa (GITJ – Église évangélique de Java)
    • Gereja Kristen Muria Indonesia (GKMI – Église chrétienne de Muria d’Indonésie)
    • Jemaat Kristen Indonesia (JKI – Assemblée chrétienne indonésienne)
  • « Au cours des 100 dernières années, le monde a énormément changé et en même temps, pas tant que cela », dit Henk Stenvers. L’Église et la société font face au nationalisme et à la polarisation, et même à la guerre en Ukraine. 

    « Alors que nous nous préparons à marquer les 100 ans de la CMM et les 500 ans de l’anabaptisme en 2025, il est temps de regarder vers l’avenir », déclare Henk Stenvers. « C’est le moment d’examiner la signification de notre message et de notre mission pour les années à venir. Les questions importantes au temps de la Réforme le sont-elles toujours pour nous ? Avons-nous de nouvelles questions ? certaines n’ont-elles plus de sens ? » 

    « L’étude de l’histoire des traditions de notre Église nous aide à nous rappeler qui nous sommes vraiment et à nous souvenir de notre vrai fondement qui repose sur la Bible », dit Tigist Tesfaye. 

    « Le renouveau ne consiste pas à retourner au passé, même s’il faut s’en souvenir », dit Tom Yoder Neufeld. « Le renouveau, c’est s’ouvrir au souffle vivant de Dieu, le Saint-Esprit (Ezéchiel 37). 

    « C’est la promesse, au cœur de l’appel à la repentance, à faire ‘demi-tour’ et aller dans une nouvelle direction. C’est le don du pardon, qui ouvre l’avenir à la réconciliation. C’est au centre du drame du baptême, la mort avec le Christ et la marche dans la nouveauté de vie : vivre la résurrection. Il réside dans l’espoir d’un nouveau ciel et d’une nouvelle terre », dit Tom Yoder Neufeld. 

    « Le renouveau implique de regarder le passé avec de nouvelles lentilles ainsi que de d’imaginer de nouveau le présent et l’avenir », dit Andrés Pacheco Lozano. « Pour être renouvelés, nous devons redire notre histoire particulière. Redire notre histoire peut être une expérience transformatrice car cela nous permet de (re)façonner les narratifs qui forment notre identité. Cette créativité libératrice ouvre la possibilité à de nouvelles interprétations pour vivre la radicalité du message évangélique de justice et de paix dans le présent et dans l’avenir ».  

    « Le renouvellement nous fait passer de l’ancien au nouveau », dit Andi Santoso. 

    « Le Dieu qui est aussi esprit appelle les gens à différentes époques de l’histoire, toujours pour apporter quelque chose de nouveau et nous connecter à Dieu. La nouveauté est quelque chose de spirituel et de naturel (par exemple, il y a des saisons – le printemps après l’hiver) », explique Andi Santoso. 

    « Il est important d’être dans un état constant de renouvellement », dit Lisa Carr-Pries. « Cela n’arrive pas une fois pour toutes. Nous devons toujours être à l’écoute : le renouveau a besoin de nos oreilles et nécessite aussi un changement constant de perspective. » 

    « Le vin nouveau ne peut pas être mis dans de vieilles outres, il éclatera », dit Sunoko Lin, réfléchissant à Marc 2. Lorsque Jésus a dit à l’homme paralysé de prendre sa natte et de rentrer chez lui, il lui a donné plus qu’il n’attendait : la capacité de marcher et de porter quelque chose. « Le renouveau apporte quelque chose de nouveau ou de meilleur. Jésus a promis du vin nouveau, des outres neuves ; non seulement pour marcher, mais aussi pour porter une natte. » 

    Être radical 

    « Le besoin de renouvellement reste constant, que nous nous focalisions sur notre identité (qu’est-ce que signifie être anabaptiste ?) ou sur notre mission (quelle est notre mission dans le monde ? Est-ce l’évangélisation ? le rétablissement de la paix ?) », dit Tom Yoder Neufeld. 

    « Je ne pense pas que le renouveau consiste à adapter l’anabaptisme à différents contextes et réalités, mais plutôt à voir les nuances des nouvelles formes ou visions de l’anabaptisme qui ont émergé dans des endroits différents », dit Andres Pacheco Lozano. « La manière dont la tradition anabaptiste s’est développée à un endroit donné et la façon dont les individus, les paroisses et les communautés de ces endroits l’ont mise en pratique en font des compositions hybride uniques dans de nombreuses régions du monde. » 

    Il dit qu’il faut parler non seulement de polygenèse mais aussi de polyanabaptisme pour discerner des différences et des variations. « Un espace comme la CMM a le potentiel de les faire dialoguer, ce qui est l’un des dons les plus importants de la conversation anabaptiste de notre communion mondiale. » 

    Un jeune pasteur des Pays-Bas a dit à Henk Stenvers : « Nous redeviendrons vraiment mennonites lorsque la police frappera à nos portes. Le message de paix du Christ était radical. Est-ce que nous, dans le Nord, sommes trop bien intégrés dans la société par notre conformisme aux autorités et aux systèmes économiques ? » 

    « Y a-t-il un renouveau dans notre relation avec les autres ? » demande Andi Santoso. Nous devons remettre en question le statu quo et considérer aussi l’aspect social du salut. « En lui, Jésus a apporté la réconciliation : faisons-nous une différence dans le monde en œuvrant pour la paix et la justice ? Y a-t-il un changement dans la manière dont nous nous comportons ? » 

    « Aujourd’hui, le renouveau devrait nous mettre mal à l’aise… surtout si nous détenons pas mal de pouvoir » déclare Anicka Fast. « Lorsque le mouvement anabaptiste a commencé, il était perturbateur et gênant. Les gens en marge de l’Église ont contesté ce que disaient ses puissants dirigeants. Le renouveau sera souvent déstabilisant. » 

    Historienne, elle étudie l’histoire des églises en Afrique : elle est animée par des vagues de réveil, dirigées par des Africains, dirigées par des femmes.  

    Le Réveil est-africain a commencé dans les années 1930 et a balayé le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie. « Tout a commencé par des amitiés et une communion fraternelle entre chrétiens africains et missionnaires européens et nord-américains. Ils se repentaient ensemble de leurs comportements les uns envers les autres. Ils ont développé de solides amitiés et sont devenus des groupes très unis appelés fraternités de réveil. » 

    « Le premier évêque mennonite de Tanzanie, Zedekiah Kisare, a rappelé que lorsque le réveil est arrivé chez lui, c’était comme si une mèche avait allumé de la dynamite : c’était une explosion ! », raconte Anicka Fast. « Tous ont commencé à pleurer. Ils ont changé de vie. L’évêque missionnaire américain a changé son attitude de supériorité envers les chrétiens africains. C’était un revirement complet qui a conduit à une nouvelle façon de vivre ensemble. » 

    « Le réveil a fait exploser les frontières entre les dénominations. Les gens voulaient prendre la Sainte Cène tous ensemble », dit Anicka Fast. Malheureusement, « parfois, le renouveau se produit et nous nous accrochons à ce qui est ancien et nous le bloquons ». 

    Prendre des risques 

    Parfois, nous devons tout abandonner pour vivre de nouvelles expériences et vraiment dépendre de Dieu, dit Andi Santoso. Il l’a fait personnellement, laissant derrière lui sa culture et son ministère, pour étudier aux États-Unis. « En voyant de nouvelles réalités, je remets en question ma propre foi et mes convictions. Si Dieu existe, où est l’amour de Dieu dans cette réalité brisée ? L’aspect communautaire des églises se développe alors que nous devenons des thérapeutes souffrants, des bâtisseurs de paix brisés. » 

    Le besoin de renouvellement ne doit pas nous mettre sur la défensive. « Nous avons encore des difficultés : difficultés interculturelles et énormes différences de situation économique. La manière par laquelle le Nord est devenu si riche : les flux économiques vont de pair avec l’exploitation des pays d’Afrique pour le bien-être du Nord ; ce sont des raisons de se repentir », déclare Henk Stenvers. « Une partie du renouveau consiste à reconna√Ætre que les choses doivent changer. » 

    S’appuyant sur les travaux de la théologienne Dorothee S√∂llee sur la spiritualité, Andrés Pacheco Lozano identifie le renouveau comme un processus (spirituel) qui comprend trois dimensions. Via positiva : qui célèbre les dons et la manière dont ils s’expriment à différentes époques et dans différents contextes ; Via negativa : le lâcher prise sur l’ego, la confrontation des manières dont nous avons bénéficié ou renforcé les systèmes oppressifs (y compris la discrimination fondée sur les races, les genres, les capacités ou les classes, et d’autres formes d’injustice et de violence, y compris l’urgence climatique induite par les êtres humains), l’exploration des souffrances qu’elles ont causées et les efforts pour réparer les relations rompues. Via transformativa : être soi-même transformé pour transformer les injustices et la violence dans le monde.  

    « Les dons sur lesquels nous construisons [nos vies], les problèmes que nous affrontons et que nous délaissons, les blessures que nous entretenons, nous invitent à être transformés et à incorporer de nouvelles pratiques, de nouvelles compréhensions, de nouvelles façons de voir l’anabaptisme », dit Andrés Pacheco Lozano.  

    Stratégies 

    « Le renouveau est individuel, mais c’est aussi un choix que l’on peut faire en tant que communion […] comme de prendre les décisions par consensus, par l’échange, même si cela prend beaucoup de temps », explique Henk Stenvers. « Ensemble, dialoguant les uns avec les autres et avec l’Esprit, nous voulons découvrir ce que Dieu nous dit. Pour cela il faut être ouverts les uns envers les autres (écouter ce que les autres disent), être ouverts par rapport au temps (ne pas être pressés de prendre des décisions) et être à l’écoute de l’Esprit. » 

    L’écoute est ce qui motive les gens. « Que vous dit la Bible ? Que me dit la Bible ? Comment pouvons-nous nous mettre d’accord ? » 

    « Si nous venons d’un endroit où il n’y a pas eu de renouveau, il peut être difficile d’être en mesure d’entendre ceux qui en ont vécu un », explique Anicka Fast. « Les témoignages peuvent sembler étranges, mais l’œuvre du Saint-Esprit est souvent surprenante. Il franchit les barrières. Le renouveau se produit lorsqu’on fait un pas, ensemble ou en tant que groupe, et qu’on commence à se repentir ensemble, à prier ensemble et à étudier la Bible ensemble en petits groupes ». 

    « Le renouvellement et le renouveau ont une dimension très politique. Ils ne sont jamais limités à la vie intérieure des personnes. Historiquement, les réveils commencent presque toujours par des mouvements de repentance : réparer ce qui a été brisé, ceci souvent dans les relations.  

    « Le renouveau est lié à la mission : agrandir la famille de Dieu » ajoute Anicka Fast. Reconna√Ætre dans nos propres cœurs là où nous ne sommes pas fidèles – et ensuite changer. Ce qui en ressort est à la fois une nouvelle façon d’être Église et de nouvelles perspectives sur les relations sociales. 

    Lors de la guerre anticoloniale des Mau Mau au Kenya dans les années 1950, les ‘abalokole’ (les ‘sauvés’) ne participaient pas à la guerre. Ces personnes disaient « Je ne peux pas tuer quelqu’un pour qui Christ est mort ». Ils s’appuyaient sur l’idée forte que Jésus fait de nous un nouveau type de famille – une famille au-delà des frontières des ethnies, des races et des nationalités – comme raison de ne pas soutenir l’un ou l’autre côté en guerre », dit Anicka Fast. 

    « La seule façon de se transformer est de le faire par la pratique », dit Lisa Carr-Pries. « Nous sommes tentés de dissimuler nos mauvais côtés parce que nous craignons d’être condamnés ou rejetés par les autres ; nous n’aimons pas les responsabilités parce que nous aurions honte de ne pas être à la hauteur. Ce n’est pas ce que l’église doit être si nous voulons vivre un renouveau. Admettons que nous avons fait une erreur et que nous voulons faire mieux. 

    « Nous devons essayer des faire des choses radicales qui nous mettent mal à l’aise », dit Lisa Carr-Pries. « Nous devons être une communauté qui ressemble à un trampoline : il est souple, il nous rattrape avant d’être blessés et c’est amusant. » 

    Il y a des étapes dans les formes de pratique. Nous n’allons pas réussir immédiatement après avoir essayé. Il est possible de faire des erreurs et il est possible de les réparer. Et nous partons du principe que tout le monde ne sera pas d’accord. » dit Lisa Carr-Pries. 

    « La réparation et le pardon ne sont pas nécessairement la même chose. Épanouissement, réconciliation, retour aux sources, appartenance – ce sont des mots qui invitent à la transformation dans les communautés où nous les exerçons. » 

    « Si nous évitons de discuter de certains sujets et si nous limitons les conversations, nous agissons de façon très contre-productive. Au contraire, les espaces mondiaux devraient précisément nous aider dans notre processus de renouveau : comprendre que les frères et sœurs dans la foi vivant dans différents contextes auront d’autres façons de contribuer à nos propres luttes et à nos propres questions sur ce que signifie être une église », dit Andrés Pacheco Lozano. 

    « Nous allons devoir faire des progrès pour accepter qu’il peut y avoir plusieurs vérités en même temps », déclare Lisa Carr-Pries. « Cela ne veut pas dire être tièdes ou de ne pas se prononcer. » 

    Aujourd’hui, l’Église fait face à de multiples difficultés, que ce soient les divisions internes jusqu’à l’urgence climatique dans le monde. La crise révèle le besoin de renouveau – et éviter de faire face à tous les défis est en soi de la violence. 

    Idéalement, le CMM devrait créer des espaces, des opportunités et des conditions pour que des relations se développent et aussi pour avoir des conversations difficiles et ainsi être transformés. 

    « L’Église est comme un système vivant. Un système qui n’a pas d’échange avec l’environnement qui l’entoure est immobilisé. Il meurt à long terme. Nous devons tirer les leçons de notre héritage sur la paix et la résolution des conflits. Nier les conflits n’est pas la solution. Mais si on les aborde convenablement, ils peuvent conduire à la transformation non seulement des opinions, mais aussi des relations, pour notre plus grand bien. » 

    « Il n’est pas facile d’être assis dans une pièce avec des personnes qui ont des expériences différentes ou qui interprètent théologiquement et ecclésiologiquement des expériences similaires autrement » dit Andrés Pacheco Lozano. « Mais, comme dans une famille, quand vous êtes à table, vous parlez aussi des choses difficiles. En mettant de côté certaines des dynamiques de pouvoir liées à la métaphore familiale, les repas permettent de partager à la fois des joies et des sujets difficiles, fréquemment espérons-le, et où nous pouvons aborder des questions autrement. » 

    « Nous devrions être encouragés, remis en question, transformés et renouvelés par la façon dont nous apprenons de nos frères et sœurs dans d’autres parties du monde. C’est ce qui est beau et malaisé en même temps. Peut-être que la diversité est ce qui nous en donne la possibilité. La CMM donne des opportunités de croissance » dit Andrés Pacheco Lozano. 

    « Il y a beaucoup de raisons d’espérer. La CMM est un exemple de la manière dont on peut franchir les barrières culturelles, nationales et aussi théologiques, et être toujours une seule communion », déclare Henk Stenvers. « Notre défi est d’être ouvert ; changer même si nous ne savons pas ce que ce changement apportera. Quand le Christ nous demande d’être un, la seule manière de l’être, c’est dans l’espérance et la confiance en Dieu. » 

    Anne Marie Stoner-Eby, ‚ÄúBuilding a Church Locally and Globally: The Ministry of Zedekiah Marwa Kisare, First African Bishop of the Tanzanian Mennonite Church,‚Äù Journal Biographique Des Chrétiens d’Afrique 7, no. 2 (July 2022): 26. 
    Festo Kivengere y Dorothy Smoker, Revolutionary Love (Moscow, Idaho: Community Christian Ministries, 2018). 
    David W. Shenk, Justice, Reconciliation and Peace in Africa, Revised edition (Nairobi: ‘Uzima Press’, 1997) see also; Festo Kivengere, ‚ÄúForce and Power‚Äù, in Justice, Reconciliation and Peace in Africa, by David W. Shenk, Revised edition (Nairobi: Uzima Press, 1997), 169–72.


    Nous avons interrogé les responsables de la CMM sur ‘Renouveau’. 

    • Comment pourrions-nous, en tant qu’anabaptistes-mennonites, rechercher le renouveau à ce stade de notre histoire ? 
      • Quels changements devrions-nous peut-être apporter ? 
      • Quels risques devons-nous être prêts à prendre ? 
      • Pouvons-nous être aussi radicaux que l’étaient les premiers anabaptistes en leur temps ? Voudrions-nous l’être ? 
      • Le renouveau est généralement perturbateur, mais peut-il être non violent ? 
    • De quelles stratégies ou positions avons-nous besoin pour relever le défi d’être une famille anabaptiste mondiale unie aujourd’hui ? 

    Qu’en pensez-vous ? 

    Joignez-vous à notre conversation ! Ajoutez vos propres réflexions ci-dessous ou envoyez-nous un courriel (info@mwc-cmm.org). 

    Contributeurs : 

    • Andrés Pacheco Lozano, Commission Paix, secrétaire (Colombie/Pays-Bas) 
    • Anicka Fast, Commission Foi & Vie, secrétaire (Canada/Pays-Bas/Burkina Faso) 
    • Andi Santoso, Commission Diacres, président (Indonésie/États-Unis) 
    • Henk Stenvers, Comité Exécutif, président (Pays-Bas) 
    • Lisa Carr-Pries, Comité exécutif, vice-présidente (Canada) 
    • Sunoko Lin, Comité Exécutif, trésorier (Indonésie/États-Unis) 
    • Thomas R Yoder Neufeld, Commission Foi & Vie, président (Canada) 
    • Tigist Tesfaye, Commission Diacres, secrétaire (Éthiopie) 

  • En 2017, la Conférence Mennonite Mondiale a lancé une série d’événements appelés Renouveau

    L’idée originale est née à l’occasion du 500e anniversaire du début du mouvement anabaptiste à Zurich (Suisse) en 2025. 

    Ce projet comprendrait plusieurs éléments clés : 

    1. Il devrait honorer le passé, mais mettre principalement l’accent sur le présent et l’avenir. 
    2. Il devrait mentionner les débuts anabaptistes mais insister sur le témoignage mondial de l’Église aujourd’hui, mettant en évidence les expressions de l’anabaptisme dans le contexte culturel de chaque pays hôte. 
    3. Il devrait faire participer les membres ordinaires des assemblées locales qui témoignent de la présence du Saint-Esprit dans l’Église aujourd’hui. 

    Le format de chaque événement de Renouveau a varié. Parfois, il s’est agi d’un rassemblement d’une journée, avec un repas et des ateliers. Au plus fort de la pandémie de COVID-19, nous avons organisé l’événement en ligne sous la forme d’un webinaire mondial. Ê Abbotsford, en Colombie-Britannique (Canada), nous l’avons célébré en soirée avec un culte de deux heures. 

    Ê chaque occasion, nous avons chanté, prié, partagé nos expériences et été encouragés. Nous avons accueillis la présence du Saint-Esprit, sachant que la bonne nouvelle de l’Évangile continue d’être annoncée dans des cultures et des contextes nombreux et très différents. 

    Commencé comme un mouvement de renouveau, l’anabaptisme n’a perduré que parce que chaque génération d’anabaptistes-mennonites a été renouvelée par l’action de l’Esprit. 

    ‘Renouveau’, une initiative de la CMM qui célèbre ce renouvellement continu de l’anabaptisme dans le monde, a débuté en 2017 en Europe et culminera en 2028 en Éthiopie. 

    Joignez-vous à nous en 2024 pour célébrer ‘Renouveau’ au Brésil, puis à nouveau lors d’une réunion de la famille mondiale à Zurich en 2025. 

    Et notez bien l’année 2028 dans votre agenda, lorsque la 18e Assemblée célébrera l’œuvre remarquable du Saint-Esprit dans l’Église Meserete Kristos en Éthiopie ! 

    —John Roth, coordinateur des événements de ‘Renouveau’