Catégorie : De Nos Responsables

  • « Au cours des 100 dernières années, le monde a énormément changé et en même temps, pas tant que cela », dit Henk Stenvers. L’Église et la société font face au nationalisme et à la polarisation, et même à la guerre en Ukraine. 

    « Alors que nous nous préparons à marquer les 100 ans de la CMM et les 500 ans de l’anabaptisme en 2025, il est temps de regarder vers l’avenir », déclare Henk Stenvers. « C’est le moment d’examiner la signification de notre message et de notre mission pour les années à venir. Les questions importantes au temps de la Réforme le sont-elles toujours pour nous ? Avons-nous de nouvelles questions ? certaines n’ont-elles plus de sens ? » 

    « L’étude de l’histoire des traditions de notre Église nous aide à nous rappeler qui nous sommes vraiment et à nous souvenir de notre vrai fondement qui repose sur la Bible », dit Tigist Tesfaye. 

    « Le renouveau ne consiste pas à retourner au passé, même s’il faut s’en souvenir », dit Tom Yoder Neufeld. « Le renouveau, c’est s’ouvrir au souffle vivant de Dieu, le Saint-Esprit (Ezéchiel 37). 

    « C’est la promesse, au cœur de l’appel à la repentance, à faire ‘demi-tour’ et aller dans une nouvelle direction. C’est le don du pardon, qui ouvre l’avenir à la réconciliation. C’est au centre du drame du baptême, la mort avec le Christ et la marche dans la nouveauté de vie : vivre la résurrection. Il réside dans l’espoir d’un nouveau ciel et d’une nouvelle terre », dit Tom Yoder Neufeld. 

    « Le renouveau implique de regarder le passé avec de nouvelles lentilles ainsi que de d’imaginer de nouveau le présent et l’avenir », dit Andrés Pacheco Lozano. « Pour être renouvelés, nous devons redire notre histoire particulière. Redire notre histoire peut être une expérience transformatrice car cela nous permet de (re)façonner les narratifs qui forment notre identité. Cette créativité libératrice ouvre la possibilité à de nouvelles interprétations pour vivre la radicalité du message évangélique de justice et de paix dans le présent et dans l’avenir ».  

    « Le renouvellement nous fait passer de l’ancien au nouveau », dit Andi Santoso. 

    « Le Dieu qui est aussi esprit appelle les gens à différentes époques de l’histoire, toujours pour apporter quelque chose de nouveau et nous connecter à Dieu. La nouveauté est quelque chose de spirituel et de naturel (par exemple, il y a des saisons – le printemps après l’hiver) », explique Andi Santoso. 

    « Il est important d’être dans un état constant de renouvellement », dit Lisa Carr-Pries. « Cela n’arrive pas une fois pour toutes. Nous devons toujours être à l’écoute : le renouveau a besoin de nos oreilles et nécessite aussi un changement constant de perspective. » 

    « Le vin nouveau ne peut pas être mis dans de vieilles outres, il éclatera », dit Sunoko Lin, réfléchissant à Marc 2. Lorsque Jésus a dit à l’homme paralysé de prendre sa natte et de rentrer chez lui, il lui a donné plus qu’il n’attendait : la capacité de marcher et de porter quelque chose. « Le renouveau apporte quelque chose de nouveau ou de meilleur. Jésus a promis du vin nouveau, des outres neuves ; non seulement pour marcher, mais aussi pour porter une natte. » 

    Être radical 

    « Le besoin de renouvellement reste constant, que nous nous focalisions sur notre identité (qu’est-ce que signifie être anabaptiste ?) ou sur notre mission (quelle est notre mission dans le monde ? Est-ce l’évangélisation ? le rétablissement de la paix ?) », dit Tom Yoder Neufeld. 

    « Je ne pense pas que le renouveau consiste à adapter l’anabaptisme à différents contextes et réalités, mais plutôt à voir les nuances des nouvelles formes ou visions de l’anabaptisme qui ont émergé dans des endroits différents », dit Andres Pacheco Lozano. « La manière dont la tradition anabaptiste s’est développée à un endroit donné et la façon dont les individus, les paroisses et les communautés de ces endroits l’ont mise en pratique en font des compositions hybride uniques dans de nombreuses régions du monde. » 

    Il dit qu’il faut parler non seulement de polygenèse mais aussi de polyanabaptisme pour discerner des différences et des variations. « Un espace comme la CMM a le potentiel de les faire dialoguer, ce qui est l’un des dons les plus importants de la conversation anabaptiste de notre communion mondiale. » 

    Un jeune pasteur des Pays-Bas a dit à Henk Stenvers : « Nous redeviendrons vraiment mennonites lorsque la police frappera à nos portes. Le message de paix du Christ était radical. Est-ce que nous, dans le Nord, sommes trop bien intégrés dans la société par notre conformisme aux autorités et aux systèmes économiques ? » 

    « Y a-t-il un renouveau dans notre relation avec les autres ? » demande Andi Santoso. Nous devons remettre en question le statu quo et considérer aussi l’aspect social du salut. « En lui, Jésus a apporté la réconciliation : faisons-nous une différence dans le monde en œuvrant pour la paix et la justice ? Y a-t-il un changement dans la manière dont nous nous comportons ? » 

    « Aujourd’hui, le renouveau devrait nous mettre mal à l’aise… surtout si nous détenons pas mal de pouvoir » déclare Anicka Fast. « Lorsque le mouvement anabaptiste a commencé, il était perturbateur et gênant. Les gens en marge de l’Église ont contesté ce que disaient ses puissants dirigeants. Le renouveau sera souvent déstabilisant. » 

    Historienne, elle étudie l’histoire des églises en Afrique : elle est animée par des vagues de réveil, dirigées par des Africains, dirigées par des femmes.  

    Le Réveil est-africain a commencé dans les années 1930 et a balayé le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie. « Tout a commencé par des amitiés et une communion fraternelle entre chrétiens africains et missionnaires européens et nord-américains. Ils se repentaient ensemble de leurs comportements les uns envers les autres. Ils ont développé de solides amitiés et sont devenus des groupes très unis appelés fraternités de réveil. » 

    « Le premier évêque mennonite de Tanzanie, Zedekiah Kisare, a rappelé que lorsque le réveil est arrivé chez lui, c’était comme si une mèche avait allumé de la dynamite : c’était une explosion ! », raconte Anicka Fast. « Tous ont commencé à pleurer. Ils ont changé de vie. L’évêque missionnaire américain a changé son attitude de supériorité envers les chrétiens africains. C’était un revirement complet qui a conduit à une nouvelle façon de vivre ensemble. » 

    « Le réveil a fait exploser les frontières entre les dénominations. Les gens voulaient prendre la Sainte Cène tous ensemble », dit Anicka Fast. Malheureusement, « parfois, le renouveau se produit et nous nous accrochons à ce qui est ancien et nous le bloquons ». 

    Prendre des risques 

    Parfois, nous devons tout abandonner pour vivre de nouvelles expériences et vraiment dépendre de Dieu, dit Andi Santoso. Il l’a fait personnellement, laissant derrière lui sa culture et son ministère, pour étudier aux États-Unis. « En voyant de nouvelles réalités, je remets en question ma propre foi et mes convictions. Si Dieu existe, où est l’amour de Dieu dans cette réalité brisée ? L’aspect communautaire des églises se développe alors que nous devenons des thérapeutes souffrants, des bâtisseurs de paix brisés. » 

    Le besoin de renouvellement ne doit pas nous mettre sur la défensive. « Nous avons encore des difficultés : difficultés interculturelles et énormes différences de situation économique. La manière par laquelle le Nord est devenu si riche : les flux économiques vont de pair avec l’exploitation des pays d’Afrique pour le bien-être du Nord ; ce sont des raisons de se repentir », déclare Henk Stenvers. « Une partie du renouveau consiste à reconna√Ætre que les choses doivent changer. » 

    S’appuyant sur les travaux de la théologienne Dorothee S√∂llee sur la spiritualité, Andrés Pacheco Lozano identifie le renouveau comme un processus (spirituel) qui comprend trois dimensions. Via positiva : qui célèbre les dons et la manière dont ils s’expriment à différentes époques et dans différents contextes ; Via negativa : le lâcher prise sur l’ego, la confrontation des manières dont nous avons bénéficié ou renforcé les systèmes oppressifs (y compris la discrimination fondée sur les races, les genres, les capacités ou les classes, et d’autres formes d’injustice et de violence, y compris l’urgence climatique induite par les êtres humains), l’exploration des souffrances qu’elles ont causées et les efforts pour réparer les relations rompues. Via transformativa : être soi-même transformé pour transformer les injustices et la violence dans le monde.  

    « Les dons sur lesquels nous construisons [nos vies], les problèmes que nous affrontons et que nous délaissons, les blessures que nous entretenons, nous invitent à être transformés et à incorporer de nouvelles pratiques, de nouvelles compréhensions, de nouvelles façons de voir l’anabaptisme », dit Andrés Pacheco Lozano.  

    Stratégies 

    « Le renouveau est individuel, mais c’est aussi un choix que l’on peut faire en tant que communion […] comme de prendre les décisions par consensus, par l’échange, même si cela prend beaucoup de temps », explique Henk Stenvers. « Ensemble, dialoguant les uns avec les autres et avec l’Esprit, nous voulons découvrir ce que Dieu nous dit. Pour cela il faut être ouverts les uns envers les autres (écouter ce que les autres disent), être ouverts par rapport au temps (ne pas être pressés de prendre des décisions) et être à l’écoute de l’Esprit. » 

    L’écoute est ce qui motive les gens. « Que vous dit la Bible ? Que me dit la Bible ? Comment pouvons-nous nous mettre d’accord ? » 

    « Si nous venons d’un endroit où il n’y a pas eu de renouveau, il peut être difficile d’être en mesure d’entendre ceux qui en ont vécu un », explique Anicka Fast. « Les témoignages peuvent sembler étranges, mais l’œuvre du Saint-Esprit est souvent surprenante. Il franchit les barrières. Le renouveau se produit lorsqu’on fait un pas, ensemble ou en tant que groupe, et qu’on commence à se repentir ensemble, à prier ensemble et à étudier la Bible ensemble en petits groupes ». 

    « Le renouvellement et le renouveau ont une dimension très politique. Ils ne sont jamais limités à la vie intérieure des personnes. Historiquement, les réveils commencent presque toujours par des mouvements de repentance : réparer ce qui a été brisé, ceci souvent dans les relations.  

    « Le renouveau est lié à la mission : agrandir la famille de Dieu » ajoute Anicka Fast. Reconna√Ætre dans nos propres cœurs là où nous ne sommes pas fidèles – et ensuite changer. Ce qui en ressort est à la fois une nouvelle façon d’être Église et de nouvelles perspectives sur les relations sociales. 

    Lors de la guerre anticoloniale des Mau Mau au Kenya dans les années 1950, les ‘abalokole’ (les ‘sauvés’) ne participaient pas à la guerre. Ces personnes disaient « Je ne peux pas tuer quelqu’un pour qui Christ est mort ». Ils s’appuyaient sur l’idée forte que Jésus fait de nous un nouveau type de famille – une famille au-delà des frontières des ethnies, des races et des nationalités – comme raison de ne pas soutenir l’un ou l’autre côté en guerre », dit Anicka Fast. 

    « La seule façon de se transformer est de le faire par la pratique », dit Lisa Carr-Pries. « Nous sommes tentés de dissimuler nos mauvais côtés parce que nous craignons d’être condamnés ou rejetés par les autres ; nous n’aimons pas les responsabilités parce que nous aurions honte de ne pas être à la hauteur. Ce n’est pas ce que l’église doit être si nous voulons vivre un renouveau. Admettons que nous avons fait une erreur et que nous voulons faire mieux. 

    « Nous devons essayer des faire des choses radicales qui nous mettent mal à l’aise », dit Lisa Carr-Pries. « Nous devons être une communauté qui ressemble à un trampoline : il est souple, il nous rattrape avant d’être blessés et c’est amusant. » 

    Il y a des étapes dans les formes de pratique. Nous n’allons pas réussir immédiatement après avoir essayé. Il est possible de faire des erreurs et il est possible de les réparer. Et nous partons du principe que tout le monde ne sera pas d’accord. » dit Lisa Carr-Pries. 

    « La réparation et le pardon ne sont pas nécessairement la même chose. Épanouissement, réconciliation, retour aux sources, appartenance – ce sont des mots qui invitent à la transformation dans les communautés où nous les exerçons. » 

    « Si nous évitons de discuter de certains sujets et si nous limitons les conversations, nous agissons de façon très contre-productive. Au contraire, les espaces mondiaux devraient précisément nous aider dans notre processus de renouveau : comprendre que les frères et sœurs dans la foi vivant dans différents contextes auront d’autres façons de contribuer à nos propres luttes et à nos propres questions sur ce que signifie être une église », dit Andrés Pacheco Lozano. 

    « Nous allons devoir faire des progrès pour accepter qu’il peut y avoir plusieurs vérités en même temps », déclare Lisa Carr-Pries. « Cela ne veut pas dire être tièdes ou de ne pas se prononcer. » 

    Aujourd’hui, l’Église fait face à de multiples difficultés, que ce soient les divisions internes jusqu’à l’urgence climatique dans le monde. La crise révèle le besoin de renouveau – et éviter de faire face à tous les défis est en soi de la violence. 

    Idéalement, le CMM devrait créer des espaces, des opportunités et des conditions pour que des relations se développent et aussi pour avoir des conversations difficiles et ainsi être transformés. 

    « L’Église est comme un système vivant. Un système qui n’a pas d’échange avec l’environnement qui l’entoure est immobilisé. Il meurt à long terme. Nous devons tirer les leçons de notre héritage sur la paix et la résolution des conflits. Nier les conflits n’est pas la solution. Mais si on les aborde convenablement, ils peuvent conduire à la transformation non seulement des opinions, mais aussi des relations, pour notre plus grand bien. » 

    « Il n’est pas facile d’être assis dans une pièce avec des personnes qui ont des expériences différentes ou qui interprètent théologiquement et ecclésiologiquement des expériences similaires autrement » dit Andrés Pacheco Lozano. « Mais, comme dans une famille, quand vous êtes à table, vous parlez aussi des choses difficiles. En mettant de côté certaines des dynamiques de pouvoir liées à la métaphore familiale, les repas permettent de partager à la fois des joies et des sujets difficiles, fréquemment espérons-le, et où nous pouvons aborder des questions autrement. » 

    « Nous devrions être encouragés, remis en question, transformés et renouvelés par la façon dont nous apprenons de nos frères et sœurs dans d’autres parties du monde. C’est ce qui est beau et malaisé en même temps. Peut-être que la diversité est ce qui nous en donne la possibilité. La CMM donne des opportunités de croissance » dit Andrés Pacheco Lozano. 

    « Il y a beaucoup de raisons d’espérer. La CMM est un exemple de la manière dont on peut franchir les barrières culturelles, nationales et aussi théologiques, et être toujours une seule communion », déclare Henk Stenvers. « Notre défi est d’être ouvert ; changer même si nous ne savons pas ce que ce changement apportera. Quand le Christ nous demande d’être un, la seule manière de l’être, c’est dans l’espérance et la confiance en Dieu. » 

    Anne Marie Stoner-Eby, ‚ÄúBuilding a Church Locally and Globally: The Ministry of Zedekiah Marwa Kisare, First African Bishop of the Tanzanian Mennonite Church,‚Äù Journal Biographique Des Chrétiens d’Afrique 7, no. 2 (July 2022): 26. 
    Festo Kivengere y Dorothy Smoker, Revolutionary Love (Moscow, Idaho: Community Christian Ministries, 2018). 
    David W. Shenk, Justice, Reconciliation and Peace in Africa, Revised edition (Nairobi: ‘Uzima Press’, 1997) see also; Festo Kivengere, ‚ÄúForce and Power‚Äù, in Justice, Reconciliation and Peace in Africa, by David W. Shenk, Revised edition (Nairobi: Uzima Press, 1997), 169–72.


    Nous avons interrogé les responsables de la CMM sur ‘Renouveau’. 

    • Comment pourrions-nous, en tant qu’anabaptistes-mennonites, rechercher le renouveau à ce stade de notre histoire ? 
      • Quels changements devrions-nous peut-être apporter ? 
      • Quels risques devons-nous être prêts à prendre ? 
      • Pouvons-nous être aussi radicaux que l’étaient les premiers anabaptistes en leur temps ? Voudrions-nous l’être ? 
      • Le renouveau est généralement perturbateur, mais peut-il être non violent ? 
    • De quelles stratégies ou positions avons-nous besoin pour relever le défi d’être une famille anabaptiste mondiale unie aujourd’hui ? 

    Qu’en pensez-vous ? 

    Joignez-vous à notre conversation ! Ajoutez vos propres réflexions ci-dessous ou envoyez-nous un courriel (info@mwc-cmm.org). 

    Contributeurs : 

    • Andrés Pacheco Lozano, Commission Paix, secrétaire (Colombie/Pays-Bas) 
    • Anicka Fast, Commission Foi & Vie, secrétaire (Canada/Pays-Bas/Burkina Faso) 
    • Andi Santoso, Commission Diacres, président (Indonésie/États-Unis) 
    • Henk Stenvers, Comité Exécutif, président (Pays-Bas) 
    • Lisa Carr-Pries, Comité exécutif, vice-présidente (Canada) 
    • Sunoko Lin, Comité Exécutif, trésorier (Indonésie/États-Unis) 
    • Thomas R Yoder Neufeld, Commission Foi & Vie, président (Canada) 
    • Tigist Tesfaye, Commission Diacres, secrétaire (Éthiopie) 

  • Timo Doetsch, pasteur des jeunes à l’Evangelisch Mennonitsche Freikirche de Dresde (Allemagne), et membre du Conseil général de l’Arbeitsgemeinschaft Mennonitischer Brudergemeinden in Deutschland (AMBD), a interviewé l’ancien secrétaire de la Commission Diacres et nouveau président de la CMM, Henk Stenvers.

    Parle-nous de ton expérience en tant que responsable de la Commission Diacres ?

    J’ai été secrétaire de la Commission Diacre pendant 10 ans. C’était une source d’inspiration et j’ai toujours apprécié le travail. Même si, parfois, c’était beaucoup, c’était merveilleux de pouvoir visiter autant d’assemblées locales, parfois très petites, parfois dans des zones très rurales.

    Le travail de la Commission Diacres ne consiste pas seulement à apporter les salutations de la Conférence Mennonite Mondiale, mais aussi de faire sentir aux gens qu’ils font partie de la famille.

    Mais pour moi, c’était enrichissant. Cela a changé ma foi dans le bon sens. Je suppose que je suis devenu plus fidèle.

    Comment l’heure de prière en ligne a-t-elle commencé ?

    La Commission Diacres s’est réunie avec l’équipe de Communication de la CMM au cours de la première période de confinement en 2020. Tant de personnes étaient touchées par la pandémie. Nous avons pensé qu’il serait peut-être bon d’organiser une prière en ligne juste pour prier de pouvoir y faire face. La première fois, il y avait tout de suite 60, 70 personnes. Et la réponse a été si positive que nous avons décidé de le refaire en septembre.

    Ensuite, 90 personnes y ont assisté. Alors, d’accord, nous en aurons une autre en novembre ! Et c’est Arli Klassen, coordinatrice des représentants régionaux, moi (pour les diacres) et Karla Braun de l’équipe de Communication qui l’avons organisée.

    Puis, la CMM a décidé d’en faire un événement international officiel. Nous avons passé un merveilleux moment à organiser cela avec toute l’équipe technique de l’Assemblée, Liesa (Unger) et tout le monde. Ainsi, c’est devenu une rencontre régulière tous les deux mois.

    Après l’Assemblée, l’équipe technique ne sera plus là, mais nous avons déjà décidé de continuer.

    Peux-tu décrire certains projets de la Commission Diacres ?

    Eh bien, la première chose qui me vient à l’esprit, bien sûr, c’est le groupe de travail autour du COVID-19.

    La Commission Diacres est responsable du Fonds de Partage de l’Église Mondiale avec le secrétaire général. Il s’agit pour les églises membres dans les pays du Sud de demander de l’argent pour des projets. Nous avons décidé en 2020 d’en faire un groupe de travail COVID-19, en coopération avec le Comité Central Mennonite. Et cela a été vraiment, vraiment, réussi.

    Nous avons soutenu quelques 54 projets liés au COVID dans de nombreux pays. Nous avons déboursé plus de 500 000 USD, alors que nous n’avions jamais donné plus de 10 000 USD à un quelconque projet.

    Et la réponse des paroisses, des individus, concernant les dons a été vraiment encourageante.

    Donc, finalement, nous avons pu soutenir tous les projets qui remplissaient les critères.

    Et il y a eu une excellente coopération. Ce groupe de travail a réuni toutes les différentes organisations de secours mennonites lors de réunions Zoom, juste pour s’informer mutuellement de ce qu’elles faisaient par rapport au COVID-19 et pouvoir coordonner certains de leurs projets.

    Je pense que c’était merveilleux de voir comment la CMM pouvait être l’organisme de liaison entre toutes ces organisations qui font ces projets.

    Quel lien vois-tu avec les autres Commissions ?

    Il y a un lien fort, surtout avec la Commission Paix. Au fil des années, nous avons réalisé plusieurs projets communs. Deux fois, nous avons fait ensemble des visites [de solidarité]. Nous écrivons des lettres ensemble lorsqu’une union d’églises d’un pays a des problèmes, en particulier à cause de guerres ou de conflits.

    Chaque mois, nous avons une réunion entre les secrétaires des Commissions. Nous discutons très ouvertement et nous avons une très bonne collaboration.

    Tu te retires de la Commission Diacres. Selon toi, quels sont les défis futurs et les questions clés concernant la Commission ?

    Le bâton de berger a été offert à J. Nelson Kraybill en Pennsylvanie par Calvin Greiner, un prédicateur charismatique qui s’est promené dans la ville hôte de la 16e Assemblée en priant. « Après plusieurs voyages, Calvin Greiner a appris que les mennonites étaient sur le point de tenir une Assemblée là-bas, et qu’un natif de Pennsylvanie serait installé comme président. Il a alors compris pourquoi Dieu l’envoyait si souvent à Harrisburg », dit J. Nelson Kraybill. Sur la photo : Hens Roesita Sara Dewi (interprète : anglais-indonésien), Miekje Hoffscholte-Spoelder, Henk Stenvers, J. Nelson Kraybill. Photo : Nelson Okanya

    Bien sûr, d’abord, le défi de la sauvegarde de la création.

    On voit aussi que dans de plus en plus de pays, il y a soit de la violence, soit des divisions, soit des polarisations. Dans les années à venir, il y aura davantage de travail pour la Commission Diacres, en particulier avec des visites de délégations pour encourager les églises membres et simplement leur faire savoir qu’elles font partie de l’Église mondiale.

    Par exemple, nous avons rendu visite aux Wounaan, un peuple indigène vivant dans la forêt entre le Panama et la Colombie. Beaucoup d’entre eux sont Frères Mennonites. Ils ont des problèmes avec l’exploitation forestière illégale sur leurs terres. Ils nous ont demandé de venir, mais ils ont dit, très sérieusement, « nous ne vous demandons pas de résoudre nos problèmes, parce que vous ne pouvez pas. Nous vous demandons de prier pour nous et de dire au monde ce qui se passe. »

    C’est exactement de notre mission.

    Quel est l’un de tes passages bibliques préférés ?

    C’est toujours une question difficile car cela dépend de la situation. 1 Corinthiens 12 – à propos du corps de Christ – pour moi en ce moment, c’est l’un des plus importants.

    Aussi le Sermon sur la Montagne, parce que c’est un des passages clés sur le pacifisme, le travail pour la paix, la réconciliation, l’intérêt pour ceux qui ont moins de chances.

    Et Philippiens 4/7 : il y a une forme de paix que nous ne pouvons pas comprendre, et que nous n’avons pas besoin de comprendre, mais elle garde nos cœurs et nos esprits.

    Peux-tu recommander un livre, une chanson ou un film ?

    Jonathan Sachs, ancien grand rabbin des United Hebrew Congregations of the Commonwealth, a écrit de merveilleux livres sur la Torah, les cinq premiers livres de la Bible. Ce fut vraiment une révélation pour moi de découvrir le regard qu’il porte sur toutes ces histoires de la tradition juive que nous trouvons parfois déroutantes.

    Tu es le nouveau président de la CMM, qu’est-ce que tu ressens?

    Cela me paraît être une grande responsabilité ; et même après quatre ans en tant que futur président, je ne sais pas si je suis prêt, mais commençons. Ê la CMM, nous travaillons en équipe : les responsables, le Comité Exécutif, le personnel – nous travaillons tous ensemble.

    Je me sens honoré et touché de faire partie de cette lignée de présidents.

    Tu viens des Pays-Bas, et parmi les églises de la CMM, l’Église européenne est minuscule. Qu’en penses-tu ?

    Dans la CMM, votre origine importe peu. Les gens ne vous choisissent pas à cause de votre pays. Ils vous choisissent parce qu’ils vous connaissent.

    Je pense que les gens m’ont choisi parce qu’ils me connaissent. Je participe à la ‘vie mondiale’ depuis 2003. En tant que membre du Conseil Général, je suis devenu secrétaire de la Commission Diacres en 2012. J’ai été représentant de l’Europe en même temps de 2014 à 2020. J’ai donc été dans de nombreux endroits et rencontré de nombreuses personnes dans l’Église mondiale.

    La CMM est une plate-forme o√π nous devrions pouvoir parler de tout. Soit lors d’un dialogue officiel, soit de personne à personne, dans le respect, sans jugement, sans clivage. C’est important, je pense, si notre désir d’être une Église de paix est réel, et nous ne devrions pas résoudre les problèmes en nous divisant. Acceptons le fait de venir de contextes différents, commençons à lire la Bible ensemble et essayons d’expliquer ce que nous comprenons et ce que d’autres comprennent, et alors peut-être pourrions-nous mieux nous entendre.

    Qu’est-ce qui sera important pour toi pendant ta présidence ?

    Ce que nous voyons le plus, ce sont les problèmes de leadership dans les églises. Et je pense que la CMM peut jouer un rôle en essayant de fournir des ressources concernant le leadership dans les églises. Nous voulons encourager des responsables qui ne soient pas collés à leur chaise, mais prêts à céder la place à quelqu’un d’autre, sans provoquer de conflit. Ces choses seront importantes.

    Tu as utilisé l’image de la cathédrale de la Sagrada Familia pour l’Église. Peux-tu en dire plus ?

    J’aime l’idée de la cathédrale comme maison de Dieu.

    Les gens qui ont commencé à construire les cathédrales n’ont jamais vu leur achèvement. Il faut donc avoir beaucoup de confiance pour commencer la construction. On dit que l’architecte Antoni Gaud√≠ ne voulait pas vraiment la terminer. Il voulait continuer à construire tout le temps.

    Je pense que c’est un merveilleux parallèle. La maison de Dieu n’est jamais terminée. C’est solide, mais il faut continuer à construire.

    Mais aussi, lorsque vous vous promenez dans la Sagrada Familia, vous voyez d’abord la partie conçue par Gaud√≠. C’est surprenant avec toutes sortes d’images intéressantes. Vous faites le tour et vous voyez la partie conçue après sa mort. Totalement différente. Et il y a des parties conçues par d’autres architectes.

    C’est un bâtiment très varié ; pourtant il a une unité. Il atteint Dieu et il n’est jamais terminé.


    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’Octobre 2022 de Courier/Correo/Courrier.
  • Avez-vous déjà pensé : « Si seulement je pouvais revenir en arrière et changer mes actions et mes paroles » ? Dans la nouvelle production de la compagnie de théâtre, Theatre of the Beat (TOTB), c’est possible. 

    La pièce, Unmute, aborde un sujet qui s’est aggravé avec les confinements liés à la pandémie : la violence domestique. 

    Plusieurs organisations, dont DART (Domestic Assault Response Team à Waterloo), le centre Women’s Crisis Center de la région de Waterloo, le Waterloo Region Crime Prevention Council et Keeping Families Safe ont commandité la pièce auprès de la compagnie TOTB. 

    Les représentations ont été subventionnées par le Comité Central Mennonite (MCC) et plusieurs églises à travers le Canada. 

    « Avec la pandémie de Covid-19, je me suis inquiétée de ses conséquences sur l’augmentation de la violence de genre, » explique Kimberlee Walker, co-auteure de la pièce et régisseuse. Elle a obtenu la permission de s’inspirer une pièce qu’elle connaissait sur ce sujet. TOTB l’a adaptée pour la mettre en scène.

    people embracing

    « Même si, statistiquement, les femmes entre 18 et 30 ans sont les plus susceptibles d’être victimes de violence domestique, ce phénomène touche les personnes de tous les sexes, couleurs de peau et catégories socio-économiques. »  

    Ce n’est pas seulement un problème canadien, selon Lindsey Middleton, comédienne et co-auteure, qui espère toucher un public international. « On ne sait jamais qui se trouve dans le public et l’effet que [la représentation] aura sur elle. » 

    « Notre objectif, ici, en Ontario, est d’entamer la conversation sur la violence domestique pendant la pandémie et de montrer comment réagir et intervenir lorsque l’on est témoin de comportements abusifs, isolateurs ou stigmatisant, » explique Rod Friesen, du MCC Ontario. « Unmute, c’est une nouvelle approche de la construction de la paix dans nos communautés. » 

    Plus que le divertissement, le but de TOTB est la formation. Après avoir joué une scène qui se termine mal, les comédiens rejouent la scène en invitant le public à interrompre la représentation en criant « stop ! » et à entrer sur scène pour modifier le cours de l’histoire. 

    La pièce a aussi été adaptée en podcast. 

    « La conversation varie selon le public. Il n’y pas de solution magique. L’idée est de pouvoir faire une sorte de répétition de la réalité, » explique Kimberlee Walker. 

    Souvent, quelqu’un qui travaillait pour un numéro vert d’une cellule de crise rejoue un appel téléphonique pendant la partie interactive de la pièce. 

    « Une fois l’avoir vu [au théâtre], nous sommes mieux préparés pour intervenir dans la vraie vie, » selon Kimberlee Walker.

    two faces on Zoom

    Les représentations physiques étant impossibles pendant la pandémie, TOTB a monté Unmute sur Zoom. Cela permet au public de voir la représentation et de participer.  

    Le processus d’adaptation de la pièce pour Zoom était semblable à la création d’une série télévisée qui se déroulerait dans différents lieux. « Ça a été un véritable casse-tête, » se souvient Cedric Martin, co-auteur et régisseur, également pasteur jeunesse à Toronto United Mennonite Church. « Nous voulions garder cet effet de théâtre vivant en direct ».

    En marge de la représentation, TOTB partage une liste de ressources pédagogiques et invite le public à s’impliquer. 

    TOTB n’est pas une compagnie de théâtre mennonite ; cependant, ses thèmes et son style de production ont donné lieu à des partenariats avec le MCC et d’autres organisations mennonites pour aborder des sujets comme l’objection de conscience (Gadfly), la justice restaurative (Forgiven/Forgotten) et le harcèlement sexuel (#ChurchToo – qui a été présenté au Festival Anabaptiste Mondial de Construction de la Paix, aux Pays-Bas, en 2019). 

    « Nous sommes très reconnaissants pour le soutien de la communauté mennonite, » déclare Kimberlee Walker. 

    Pour plus d’informations sur la pièce de théâtre : 

    Theatreofthebeat.ca/unmute 

  • La Conférence Mennonite Mondiale a engagé un premier dialogue officiel avec l’Alliance baptiste mondiale en1989. Depuis, la CMM a entre tenu des conversations avec la Fédération luthérienne mondiale, les adventistes du septième jour, les catholiques et, plus récemment, avec les catholiques et les luthériens dans le cadre d’un dialogue trilatéral de cinq ans. En raison de la valeur de ces dialogues, la Commission Foi et Vie a élaboré ce document pour permettre aux conférences nationales des églises et aux assemblées locales de la CMM de mieux comprendre le fondement théologique de l’hospitalité œcuménique, et pourquoi nous pensons que ces conversations sont conformes aux valeurs anabaptistes. Le document a été approuvé comme ressource pédagogique de la CMM par le Conseil Général de Limuru, au Kenya, en avril 2018. 


    Lorsque nous parlons de l’Église mondiale du Christ dans le contexte de la Conférence Mennonite Mondiale, la première lettre de Paul à l’église de Corinthe apporte un élément de référence utile. Au chapitre 13, qui traite du thème de l’amour, Paul reconnaît que toute connaissance humaine–même chrétienne, théologique ou confessionnelle, est limitée. En faisant de la théologie, nous connaissons seulement « en partie » (1 Corinthiens 13/9), nous voyons la vérité « dans un miroir » (1 Corinthiens 13/12). Notre connaissance et notre capacité à comprendre sont toujours influencées par notre point de vue. Dans la présence éternelle de Dieu, ce sera différent (1 Corinthiens 13/12). Mais pour l’instant, nous devons nous contenter de cela. Dans nos trajectoires d’êtres humains, limitées parle temps, l’espace et nos cinq sens, notre connaissance est toujours partielle et notre compréhension de la Vérité est façonnée par notre contexte et notre point de vue personnel.

    C’est pourquoi nous devons être prévenants, patients, empathiques et, surtout, aimants avec les autres. « Les prophéties, dit Paul, elles seront abolies… Ê présent, nous voyons dans un miroir et de façon confuse…Ma connaissance est limitée, alors, je connaîtrai comme je suis connu. Maintenant donc ces trois-là demeurent : la foi, l’espérance et l’amour. Mais l’amour est le plus grand. » (1 Corinthiens 13/8-13)

    Ainsi, chaque fois que des chrétiens de traditions théologiques différentes se rencontrent et dialoguent, nous devons le faire dans l’esprit des trois grandes vertus chrétiennes qui de meurent. Paul note également qu’en tant que chrétiens nous parlons différentes langues – littéralement et aussi sur le plan de nos identités théologiques, de nos développements historiques et de nos contextes variés. « Il y a je ne sais combien d’espèces de mots dans le monde, écrit Paul, et aucun n’est sans signification. Or, si j’ignore la valeur du mot, je serai un barbare pour celui qui parle, et ce lui qui parle sera pour moi un barbare. » (1 Corinthiens 14/10-11)

    Ce sont de véritables limitations. Mais reconnaître cela peut aussi devenir une expérience libératrice – je suis libre de réaffirmer mon identité et mon point de vue, car « c’est le seul que j’ai ». Mais je suis également libre de reconnaître la possibilité que les autres aient leurs propres compréhensions, leur propre point de vue, leurs propres limites historiques et contextuelles. Et c’est aussi libérateur de savoir que tout cela peut se faire dans l’esprit et le pouvoir de « la foi, l’espérance et l’amour ».

    1. Nous avons besoin d’une identité de confession chrétienne

    On peut déplorer la scission de l’église chrétienne en autant de confessions et de traditions. Mais cette réalité, après 2000 ans de christianisme, n’est pas forcément une mauvaise chose, tant que nous nous souvenons de la prière du Seigneur pour l’unité des chrétiens dans Jean17. En effet, les identités confessionnelles peuvent être utiles et aussi nécessaires :

    1.1. Aucune église ou confession n’est capable de saisir toute la richesse de Dieu; la diversité est essentielle pour construire l’unité. Pour que le corps fonctionne bien, l’œil doit être un œil; l’oreille doit être une oreille; la main doit être une main (1 Corinthiens 12/15-20). Si ces différences sont abolies, le corps ne peut pas survivre.

    1.2. Tout au long de l’histoire, les confessions ont contribué à appliquer la règle de l’Évangile à des situations spécifiques. Par exemple, à une époque où l’église était riche et mêlée à la politique, les franciscains voulaient vivre radicalement les paroles de Jésus dans le Sermon sur la montagne. Ê une époque où certains chrétiens payaient pour le pardon des péchés, Luther a redécouvert l’Évangile de la grâce gratuite. Les anabaptistes ont osé insister sur la pratique biblique du baptême volontaire et de la non-violence, rompant avec le statu quo adopté par les églises d’État catholiques et protestantes, même au prix de sévères persécutions et d’exils. Les méthodistes ont surgi à une époque où un réveil était grandement nécessaire; et les pentecôtistes sont apparus dans un contexte de discrimination raciale et de rigidité institutionnelle.

    1.3. Les confessions chrétiennes apportent des correctifs : à ses débuts, chaque confession a émergé pour corriger des problèmes spirituels ou éthiques dans l’église. C’est pourquoi les confessions doivent rester flexibles. Ce qui était vrai et nécessaire à un moment donné peut devenir mauvais et inutile dans un contexte historique ou culturel différent. C’est arrivé au peuple d’Israël avec le serpent d’airain : un symbole du salut pendant un temps qui deviendra plus tard un objet d’idolâtrie. C’est pourquoi les confessions doivent être ouvertes au renouveau – pour corriger ce qui ne va pas et aborder les éventuels manques bibliques – si elles veulent rester fidèles à l’esprit de leurs mères et de leurs pères fondateurs.

    1.4. Chaque confession est porteuse de dons et de grâces spécifiques qui doivent être partagés au bénéfice de tous. Le « banquet » chrétien interconfessionnel est un véritable et merveilleux cadeau pour l’Église mondiale parce que nous pouvons apprendre tellement les uns des autres : l’érudition des jésuites, par exemple, ou le style de vie simple des franciscains ; le mysticisme centré sur le Christ de Meister Eckhart, de Jean de la Croix et de Gerhard Tersteegen ; le zèle pour la mission, l’éducation chrétienne et la spiritualité des piétistes ; le biblisme, la non-violence et les convictions de l’église des croyants anabaptistes ; sola fide, sola gratia et sola scriptura des luthériens ; la souveraineté et la gloire de Dieu de la tradition calviniste ; la « méthode » chrétienne des méthodistes ; l’évangélisation personnelle des baptistes ; le discernement communautaire des quakers ; la simplicité des amish ; la dimension transcendantale du pouvoir divin des pentecôtistes ; le royaume « inversé » des communautés latino-américaines, etc.

    Par conséquent, ce n’est pas l’uniformité, mais la diversité qui contribue à l’édification du corps unique du Christ (Éphésiens 4/1-16).

    2. Nous avons besoin d’une œcuménicité centrée sur le Christ

    Les églises et les confessions ne doivent pas rester seules et isolées les unes des autres. Elles ont besoin de l’hospitalité et du dialogue interéglises.

    2.1. Les églises devraient célébrer le corps unique du Christ. Éphésiens4/4-6 nous rappelle qu’il n’y a qu’un seul Esprit, un seul espoir, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême et un seul Père divin. Quand le Christ reviendra, les gens de « toutes les nations, tribus, peuples et langues » s’uniront pour former une communauté de louanges pour l’accueillir (Apocalypse 7/9). D’autres passages des Écritures affirment qu’il n’y a qu’une seule « épouse de l’Agneau » (Apocalypse 19,7), un « peuple de Dieu » (1 Pierre 2/9-10), une «famille spirituelle » (Galates 6/10), un «corps du Christ » (Romains 12/5), un « royaume des cieux » (Matthieu 16/19). Au-delà là de l’histoire des confessions chrétiennes, l’Église est une unité existentielle unie par sa rédemption dans le Dieu trinitaire.

    2.2. Cela signifie qu’en tant qu’enfants de Dieu, nous sommes tous « frères et sœurs » . Éphésiens 3/14-15 nous informe que notre parenté commune avec Dieu fait de nous une famille. Le dicton « vous pouvez choisir vos amis, mais vous ne pouvez pas choisir votre famille » est valable pour les relations interéglises : quiconque appartient à Christ est mon frère ou ma sœur. D’un point de vue éternel, il n’y a pas de « cousins germains », de « cousins au second degré » ou de « parents éloignés » dans la « maison de Dieu ».

    2.3. Des églises et des traditions distinctes peuvent potentiellement se compléter. Romains 12/4-5 et 1 Corinthiens12/12-20 insistent sur le fait que les membres d’un même corps sont différents, mais que leur diversité permet au corps de fonctionner comme il se doit. Bien s√ªr, tous les membres ne sont pas égaux par leur nature et leur fonction : une tête coordonne un travail divin. Pourtant, pour que le corps fonctionne, les différences entre les membres sont essentielles. Personne ne peut négliger un autre membre du corps de Christ comme s’il pouvait se passer de lui. Personne ne possède tous les dons nécessaires. Le corps est bien plus qu’une oreille, une bouche ou des yeux. C’est vrai aussi bien pour l’église locale que pour le parcours commun de différentes traditions chrétiennes.

    2.4. Les églises sont appelées à s’entraider et à se construire l’une l’autre. Les membres faible sont besoin des forts ; et il y a des moments où la faiblesse ou la vulnérabilité d’un membre du corps révèle le caractère du Christ. Comme l’écrit Paul, « même les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont nécessaires, et ceux que nous tenons pour les moins honorables, c’est à eux que nous faisons le plus d’honneur. » (1 Corinthiens 12/22-23)

    Conclusion

    Dans la famille de Dieu (ecumene), nous devons être prêts à vivre une « diversité réconciliée » , en étant à la fois courageux en revendiquant l’héritage et la contribution de notre confession, et humbles en reconnaissant que notre compréhension est limitée.

    Toute vérité que Dieu a placée dans les différentes confessions et leur histoire doit être entendue, préservée et articulée. Les minorités ne devraient pas être dominées par les majorités. Alors même que nous reconnaissons la diversité comme saine, il y a aussi un besoin d’humilité. Dans nos histoires confessionnelles spécifiques, tout n’est pas bon, biblique et agréable à Dieu. De nombreuses divisions auraient pu être évitées. Maintes mémoires doivent être guéries. De nombreuses condamnations appellent à la repentance et à la réconciliation. Les péchés et les erreurs du passé doivent être confessés et pardonnés. Après tout, l’Église a reçu le ministère de la réconciliation (2 Corinthiens 5/18-19). Et si notre témoignage veut être crédible pour le monde qui regarde, le travail de réconciliation doit commencer dans la « maison de Dieu » (Ephésiens 2/19). S’engager pour le ministère de réconciliation prendra sans doute plusieurs formes. Dans certains cas, cela peut signifier une unité complète et formelle dans tous les aspects de la vie d’église ; avec d’autres groupes, il peut s’agir simplement d’une unité fonctionnelle, dans laquelle nous acceptons de collaborer sur un nombre limité d’initiatives. Mais dans tous les cas, notre orientation ecclésiale ira dans le sens de la réconciliation plutôt que dans celui d’une identité ancrée principalement dans nos différences.

    Alfred Neufeld Friesen d’Asunción(Paraguay), est président de la Commission Foi et Vie de la CMM, et ancien de l’Église des frères mennonites. Il est président de l’Universidad Evangélica del Paraguay (université protestante) (au moment de la rédaction de cet article).


    «Œcuménicité» est compris ici comme une tendance et une bonne volonté à l’égard du dialogue et de la coopération avec les autres confessions chrétiennes ou traditions d’église. Le mot « œcuménicité » provient du grec oikos (maison) et menein (habiter) et équivaut à « l’entière famille chrétienne qui habite dans la maison de Dieu. »

    1 Corinthiens 13/12 : « dans un miroir » – signifie littéralement « comme une énigme » du grec ainigmati.



    23 juillet 1955–24 juin 2020  

    La Conférence Mennonite Mondiale (CMM) a perdu Alfred Neufeld Friesen, auteur prolifique, théologien, historien, enseignant et grande influence dans le domaine de la théologie anabaptiste au niveau mondial. Il est décédé le 24 juin 2020 à Münster, en Allemagne où il était hospitalisé pour un cancer du foie et des problèmes rénaux.