Posté: 19 mai, 2016
Menacé de mort par un groupe des Combattants pour la Liberté quand il avait 19 ans, Danisa Ndlovu avoue qu’il est peut-être né « pour une époque comme celle-ci ».
« Pour une raison quelconque, je chantais un chant religieux d’une voix vraiment forte ce matin-là en descendant à pied le long de la rivière. Quand je me suis rendu compte qu’il y avait des miliciens armés sur la route, j’ai simplement continué à chanter même si je savais que j’étais en danger. J’ai senti que Dieu était avec moi. Quand les combattants m’ont ordonné de me joindre à eux et qu’ils ont commencé à me menacer, je leur ai dit qu’ils pouvaient me tuer. »
Ce jour-là, la foi a relégué la peur au second rang chez le jeune Zimbabwéen.
Cet épisode est devenu une pierre de touche pour Danisa qui allait devenir l’évêque de l’Église des Frères en Christ du Zimbabwe en 2000 quand le pays était tenaillé par une pénurie de nourriture et de carburant, la corruption et un gouvernement indifférent, une épidémie de sida et un taux d’inflation de plus de 1000% par année.
Malgré ces circonstances désastreuses, Danisa et les quelque 29 000 autres Frères en Christ du Zimbabwe, ont invité la Conférence Mennonite Mondiale à tenir son Rassemblement de 2003 dans la ville de Bulawayo. « Nous avions besoin de l’encouragement et du réconfort de nos sœurs et frères d’ailleurs dans le monde » se souvient aujourd’hui Danisa au moment où il se prépare pour « PA 2015 », le prochain Rassemblement de la CMM à Harrisburg en Pennsylvanie, du 21 au 26 juillet 2015.
Les premiers choix
Danisa, membre d’une famille de huit enfants, a surtout été élevé par sa grand-mère car ses deux parents avaient besoin d’un travail rémunéré. « Ma grand-mère a exercé une très grande influence sur ma vie et sur ma foi. Elle m’a amené à l’église et à l’école du dimanche qui ont toujours fait partie de ma vie. »
Il a fréquenté des écoles primaires et secondaires Frères en Christ au Zimbabwe et a été baptisé quand il était au dernier cycle de l’école secondaire.
Mais durant son adolescence, il est allé vivre avec sa tante dans une région où il n’y avait pas d’église. « Je me suis mêlé à un groupe de garçons… ce fut comme un mauvais moment de ma vie. Mais au milieu des années 1970, je suis retourné à la maison; j’avais une telle soif pour Dieu que je pensais en mourir.
C’était l’époque où il y avait des évangélistes itinérants. J’ai demandé à ma mère quand le prochain évangéliste devait venir dans notre région. Je pensais vraiment que je ne pouvais plus attendre. Je vivais une sècheresse, un manque absolu d’espoir.
J’ai consacré ma vie à Christ le vendredi saint en 1976. L’évangéliste m’a demandé si je souhaitais aller à l’école biblique. En lui répondant que mes parents n’avaient pas de ressources, il m’a demandé où le disciple Pierre avait trouvé l’argent pour payer ses taxes. “De la bouche d’un poisson”, j’ai répondu.
Il m’a dit d’aller à l’école biblique, et j’y suis allé sans argent. L’expérience m’a enseigné à prier. J’ai établi un lieu pour prier, et l’argent est venu. C’est de cette manière que j’ai vécu ma vie. »
Danisa se méfie de l’évangile de prospérité. Il dit : « Cet évangile promet que tout ira bien. Mais ce n’est pas vrai. Il y a un prix à suivre Christ. Il y aura des sacrifices. Malgré tout, j’ai trouvé qu’il y a assez pour satisfaire nos besoins.
Quand j’ai terminé l’école biblique, je ne savais pas ce que je devais faire, j’étais découragé et je me sentais très seul. J’ai demandé à Dieu de m’aider à comprendre ce qui se passait. Un de ces jours sombres dans le parc, j’ai découvert le verset du psaume 37,7 - “Garde le silence devant l’Éternel, et espère en lui”.
Je me suis levé, j’ai pris mes effets, et je suis allé à la maison où j’ai annoncé à tout le monde que j’allais être un évangéliste.
Un pasteur m’a dit que j’avais l’air très petit et très jeune, mais je lui ai répondu, “je veux partir”. Finalement, j’ai joint un programme qui m’a permis de visiter des églises et d’exercer un ministère d’évangéliste itinérant.
C’était une période de tension et d’instabilité dans le pays. Les Combattants de la Liberté cherchaient toujours à nous recruter. J’ai prié pour que quelqu’un me remplace si jamais je me faisais tuer.
J’ai senti que Dieu me protégeait. Un jour, j’étais assis seul dans une église. Un groupe de soldats sont entrés soudainement, tous bien armés pendant que j’étais assis seul en train de lire la Bible. Ils auraient pu me torturer ou m’interroger, mais ils ont seulement traversé l’église, en entrant par une porte et en sortant par une autre. Nous ne nous sommes même pas parlé. »
L’apprentissage d’un responsable
Danisa n’a pas seulement appris sur la foi et l’intrépidité quand il était jeune, il a aussi appris comment développer les qualités d’un chef. « J’ai appris en partie en me formant, en partie en observant les autres et en partie en décidant ce que je voulais être et faire. Mon père était un chef de communauté et il m’a influencé.
Quand j’étais jeune et que je travaillais dans une librairie chrétienne, le gérant m’a demandé “Es-tu le fils d’un vieil homme?” Je lui ai demandé pourquoi il disait cela. Il a répondu “la manière que tu montres du respect, que tu te présentes et que tu traites les autres me fait croire cela.” »
Pendant les temps très difficiles au Zimbabwe, à l’époque où Danisa présidait des funérailles pour des victimes du sida et aidait les membres des églises à trouver des foyers pour d’innombrables orphelins, Danisa et son épouse Treziah se sont disciplinés à rendre grâce autant que possible.
Danisa et Treziah se sont rencontrés alors qu’ils étaient tous les deux étudiants à l’école biblique. « Nous avons eu une relation sérieuse dès le début, mais nous avons cheminé ensemble pendant 11 ans avant de nous marier pour des raisons académiques et familiales.
Quand je passais par des temps éprouvants comme évangéliste, Treziah et ma mère priaient pour moi. Ainsi, nous avons eu un parcours de foi semblable comme couple. »
Danisa et Treziah sont les parents de trois enfants jeunes adultes – deux filles nommées Thinkgrace et Trustworthy, et un fils nommé Devotion. « Leurs noms reflètent notre gratitude et ce que nous voulons nous rappeler de notre vie au moment de leur naissance », dit Danisa en souriant.
Il a trouvé la force et du recul auprès de sa famille quand la vie de responsable d’églises au Zimbabwe est devenue quasiment impossible. « Chaque fois que je suis à la maison, aussi souvent que possible, je passe la soirée en famille. Nous sommes ouverts l’un envers l’autre sur ce qui nous rend heureux ou malheureux. Nous chantons ensemble, nous racontons notre journée, nous nous encourageons et nous nous réprimandons!
Lorsque je dois prendre des décisions, je fais connaître les conséquences possibles à ma famille. Ces soirées en famille sont très apaisantes et encourageantes. »
Choisir d’être reconnaissant
Danisa adopte toujours la même attitude vis à vis les impondérables de la vie dans son pays et son église ou vis à vis les risques associés à la planification d’un Rassemblement aux États-Unis. « Pour moi, c’est une question d’avoir confiance en les promesses de Dieu et de croire les Écritures. On ne nous a pas dit que tout ira bien. J’ai appris à ne pas me plaindre, mais à rendre grâce. Au lieu de dire “Pourquoi Dieu?”, je rends grâce pour l’amour de Dieu et sa présence.
Je puise des forces dans la reconnaissance et la louange au lieu d’insister pour des réponses. Il y a de la puissance dans le fait de croire que Dieu est ici avec moi. Quand je fais face à des défis dans mes responsabilités, je choisis de ne pas porter mon attention sur ce qui m’affaiblit. Je fixe mon regard sur la puissance de Dieu et lui dit “marche avec moi”. Ce n’est pas du déni, ce serait malsain. Je peux ne pas avoir de réponses, mais je crois que Dieu possède les réponses. »
Danisa, président de la Conférence Mennonite Mondiale depuis 2009, pendant un récent séjour aux États-Unis, a parlé franchement mais aussi prudemment de ses souhaits pour PA 2015. « Quand l’Église mondiale se réunira l’été prochain à Harrisburg, j’espère que l’expérience sera une fenêtre, une révélation afin que toutes les églises présentes puissent regarder au-delà d’elles-mêmes. Nous sommes tous enclins de croire que l’église commence et finit avec notre groupe particulier.
J’ai observé que les assemblées en Amérique du Nord sont confortables et décontractées et semblent croire que tout est passablement sous contrôle. Mais en tant qu’Église mondiale, nous formons une famille si bien qu’il ne s’agit pas de quelques-uns qui “ont” et d’autres qui “n’ont pas”. Nous appartenons les uns aux autres. Nous sommes en relation. »
Le don de la Conférence Mennonite Mondiale
« Rien ne surpasse cinq jours et demi passés ensemble en tant que famille mondiale dans un “espace neutre” offert par la Conférence Mennonite Mondiale pendant ses rassemblements, dit Danisa. Aucune agence, aucune union d’églises n’est propriétaire de cet espace. C’est un endroit où les églises peuvent échanger dans un climat de véritable réciprocité où elles peuvent discerner, adorer, servir et fraterniser ensemble. » Danisa a assisté au Rassemblement de la CMM pour la première fois en 1984 à Strasbourg. Il était le plus jeune membre de la délégation du Zimbabwe.
Il a hâte de présider le Rassemblement PA 2015 où une chorale du Zimbabwe espère chanter pendant les cultes d’adoration. « Nous prions pour que tous les membres obtiennent un visa », dit-il.
« Un Rassemblement de la CMM est un cadeau pour nous tous. En nous réunissant, nous ferons l’expérience de nous accueillir les uns les autres. Nous faisons partie d’un corps vivant et nous devons, à l’occasion, être en présence l’un de l’autre dans le même espace afin de nous regarder dans les yeux. Quand nous sommes en présence de l’autre, nous attendons la réponse de l’autre. C’est l’occasion de montrer un véritable intérêt. Quand nous venons ensemble et faisons l’effort de nous regarder et de nous écouter, nous commençons à ressentir les sentiments les plus profonds de l’autre.
Le monde est trop petit, sur le plan géographique et théologique, pour vivre isolé les uns des autres. Chacune des 101 unions d’églises qui forme la CMM apporte sa propre contribution. Apprécions nos diverses traditions quand nous travaillons ensemble.
En Amérique du Nord, le Seigneur vous a donné le privilège d’avoir le monde sur votre continent et une grande diversité internationale dans vos églises. Mon souhait est que PA 2015 rende les églises nord-américaines encore plus désireuses de travailler ensemble.
En venant ensemble en tant que peuple du Christ, je devrais être capable d’implanter ma vie dans votre vie. C’est ce que signifie être vulnérable, de voir le monde différemment, d’appartenir à Dieu et à l’autre comme une famille de foi. »
Article par Phyllis Pellman Good de Lancaster (PA), auteur et rédactrice pour la Conférence Mennonite Mondiale. Photos : Merle Good
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