Est-il possible de gagner sa ‘vie’ sans ‘tuer’ l’environnement ?
Dans un pays où des milliers de personnes meurent chaque année des effets dévastateurs des super typhons, c’est une question majeure. Des vies ont été perdues et des infrastructures valant des milliards endommagées à cause des inondations et des glissements de terrain causés par la dénudation des forêts, l’envasement des rivières, l’accumulation excessive des ordures et les extractions industrielles hasardeuses.
En ce moment même, la couverture forestière des Philippines perd chaque année 262 500 hectares. Dans ce pays, les pratiques agricoles se limitent pour l’essentiel à la monoculture : l’abattage des arbres pour des cultures commerciales fortement tributaires d’engrais et de pesticides. On connait les dégâts sur l’environnement mais, « Existe-t-il une alternative ? »
C’est une des questions souvent posées à Peacebuilders Community Inc. (PBCI) par la plupart des communautés avec lesquelles elle travaille. Dann et Joji Pantoja ont fondé PBCI dans le cadre de leur travail avec Mennonite Church Witness, en 2006 à Mindanao, dans le sud des Philippines, région confrontée à des conflits armés depuis des décennies. Face à la corruption, la répartition inégale des richesses, la discrimination et les injustices datant de la colonisation et se poursuivant jusqu’à ce jour, se sont formés des groupes armés indépendants.
Lorsque BCI collabore avec les communautés, elles lui demandent : « Comment parler de paix quand on a faim ?». Ainsi, il faut chercher des solutions pour répondre aux besoins économiques de la population et, en même temps, prendre soin de l’environnement conformément à la définition biblique de la paix :
- Harmonie avec le Créateur – transformation spirituelle
- Harmonie avec l’être – transformation psychosociale
- Harmonie avec les autres – transformation sociopolitique
- Harmonie avec la création – transformation économico-écologique.
L’une des solutions qui a émergé est la production de café. PBCI a remarqué que les chrétiens, les musulmans et les Lumads (peuples autochtones de Mindanao) offrent tous du café à leurs visiteurs. Le café est devenu un symbole de la paix parce que ces trois groupes, habituellement en total désaccord, partagent cette pratique. C’est ainsi que ‘Coffee for Peace Inc.’ a été créé en 2008.
En outre, le café pousse mieux dans un contexte écologique équilibré car il est très sensible à son environnement. Le café encourage aussi le reboisement et les pratiques agricoles respectueuses de l’environnement.
En utilisant les principes du commerce équitable, PBCI forme les cultivateurs à la paix et à la réconciliation, à la production et la transformation du café, au commerce équitable et à l’entrepreneuriat social.
Au centre des Philippines, la communauté des Assemblées de Dieu Immanuel (ICACG) à Pres. Roxas Capiz, a subi la colère du typhon Haiyan en 2013. Les gens ont perdu leur source de revenus et leurs maisons ont été terriblement endommagées. Ils ont dû relancer leur économie et en même temps développer leurs propres capacités à pouvoir intervenir immédiatement quand une catastrophe se produit. Ils ont également dû remédier à la dénudation de leurs collines où pousse principalement du maïs.
En février 2017, l’ICACG a invité PBCI à les former. En décembre, ils déjà avaient reboisé les collines avec 5 000 caféiers qui devraient porter leurs fruits en 2020. Pour répondre à leurs propres besoins, ils ont intercalé divers légumes dans les plantations de café sans utiliser d’engrais et de pesticides. Au cours des cinq prochaines années, l’ICACG va reboiser 25 hectares de plus avec 25 000 caféiers. Ils ont été invités par quatre barangays (villages) voisins qui ont les mêmes problèmes de pauvreté et de déforestation intensive, pour leur enseigner les principes de la culture biologique et les aspects de la paix et de la réconciliation.
Ces communautés sont des témoignages vivants montrant que nous ne devons pas ‘tuer’ notre environnement pour ‘vivre’. Nous pouvons vivre en harmonie avec la création tout comme le Créateur nous a commandé de le faire.
—Twinkle A. Bautista est missionnaire pour la paix et la réconciliation à Kalinga (Philippines), où elle travaille avec Peacebuilders Community Inc., une organisation anabaptiste.
Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2018 de Courier/Correo/Courrier.