Apprendre à mieux se connaître : Une enquête mondiale sur les églises membres de la CMM

 

En 2012, la CMM s’est associée à l’Institute for the Study of Global Anabaptism, de Goshen College (États-Unis) pour lancer un projet de recherche à long terme comprenant plusieurs parties. L’objectif ? Dresser un tableau plus nuancé des membres de la CMM en particulier, et de l’Église anabaptiste mondiale en général.

Le projet comporte deux volets. Le premier, ‘Profil Anabaptiste Mondial’ (GAP), est une enquête articulée autour des ‘Convictions Communes’ de la CMM, qui vise à recueillir des données démographiques ainsi que des informations sur les convictions et les pratiques. Le deuxième volet, ‘Témoignages du Monde’ (BWS), cherchera à recueillir des histoires personnelles de discipulat et de souffrance, dans l’esprit du Martyr’s Mirror (Miroir des Martyrs).

Courier/Correo/Courrier a contacté les personnes travaillant sur ce projet pour savoir comment il est né et où il en est.

Quelle est l’origine de cette initiative de recherche sur l’anabaptisme mondiale ?

John D. Roth (JR) : L’église anabaptiste mondiale a subi une transformation radicale au cours des 30 dernières années, passant d’environ 600 000 membres en 1980 à plus que 1,7 millions aujourd’hui. Bien que la CMM ait beaucoup travaillé pour faciliter les échanges entre ses groupes membres, nous en sommes encore à apprendre à mieux nous connaître. Le projet est une étape pour avoir une idée plus juste des données démographiques, tout en recueillant des informations beaucoup plus détaillées sur les convictions, les pratiques, les espoirs et les rêves des églises membres de la CMM.

Y a-t-il déjà eu des études sur les convictions et les pratiques de la communauté internationale anabaptistemennonite ?

Conrad Kanagy (CK) : Pas beaucoup. Il y a quelques années, Richard Showalter (alors président de l’Eastern Mennonite Missions – EMM – et président de la Commission Missions de la CMM) et moi avons inauguré le Multi-Nation Anabaptist Profile (MNA). Notre objectif était de mieux connaître les convictions et les pratiques de la communauté anabaptiste internationale, et en particulier des églises liées à l’EMM. Les résultats de cette étude ont été récemment publiés dans le livre Winds of the Spirit (Vents de l’Esprit), Herald Press, 2012.

Alfred Neufeld (AN) : Winds of the Spirit démontre très bien comment une étude de profil peut stimuler le travail théologique et contribuer au renouvellement identitaire. Nous nous attendons à ce que le GAP soit utile également au travail de notre commission.

CK : Le GAP aura une portée plus large que le MNA, et nous espérons qu’il fournira davantage d’informations.

Comment envisagez-vous de recueillir des récits pour le projet ‘Témoignages du Monde’ ?

JR : Un des aspects du projet portera sur la collecte de témoignages des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, c’est à dire de la fin du Martyr’s Mirror (1685) à nos jours. Mais nous voulons aussi recueillir des témoignages de l’église contemporaine, et en particulier des églises anabaptistes-mennonites du Sud.

En août 2012, une quarantaine de personnes de neuf pays (représentant au moins six différents groupes anabaptistes) se sont réunis à Goshen College pour définir un cadre du BWS. Il en est clairement ressorti que la collecte de témoignages n’est jamais un processus simple. Nous espérons que des sollicitations personnelles et générales, l’utilisation d’internet et des réseaux existants (comme la CMM) va lentement susciter de l’intérêt.

Quels progrès ont été réalisés à ce jour ?

JR : Après presque une année de conversations avec les responsables de la CMM et des organisations missionnaires, des représentants du Comité Central Mennonite et d’un grand nombre de personnes intéressées, l’ISGA reçu l’approbation préliminaire pour le projet du Comité Exécutif de la CMM lors de sa réunion en mai 2011, approbation qui a été confirmée par le Conseil Général en mai 2012.

En août 2012, un sous-groupe de la Commission Foi et Vie de la CMM s’est réuni pour examiner la logistique du GAP. Conrad a aussi organisé une consultation avec plusieurs sociologues mennonites, ayant une vaste expérience des enquêtes transculturelles, pour qu’ils nous conseillent sur la méthodologie. Fin octobre, nous avons finalisé notre modèle, et en novembre, le bureau de la CMM à Bogotá a envoyé des lettres officielles à un échantillon représentatif de 25 églises membres, les invitant à participer. À l’heure actuelle, nous répondons aux questions et définissons les groupes qui prendront part au projet. Nous espérons terminer l’enquête en 2013-2014.

De nos jours, il est courant que des chercheurs nord-américains aillent dans le Sud pour mener ce genre d’études. Je suis sûr que vous êtes sensible à cette question. Quelles mesures avez-vous prises pour y remédier ?

JR : Oui, certains pourraient avoir l’impression qu’il s’agit d’un projet universitaire purement nord-américain, consistant à ‘extraire’ des informations de l’Église mondiale. Ce n’est pas vrai, mais je comprends. De toute évidence, l’ISGA – qui se trouve aux États-Unis – est un catalyseur, et la totalité du financement provient d’Amérique du Nord. Mais pour nous, c’est un projet commun de toutes les églises membres de la famille de la CMM. L’enquête elle-même est fondée sur les ‘Convictions Communes’, fruit d’un long processus de discernement auquel ont participé des groupes du monde entier. Chaque groupe participant pourra ajouter au GAP des questions qui lui sont spécifiques. Et les résultats de l’enquête de chaque groupe seront disponibles sous une forme accessible aux responsables de chaque église.

La collecte d’informations n’est pas une fin en soi ; il s’agit d’aider les églises, localement et au niveau mondial, à être des disciples plus fidèles de Jésus.

Comment pensez-vous que les données recueillies aideront la CMM à connecter la communauté anabaptiste mondiale ?

AN : Au XVIe siècle, il y a eu une ‘multigenèse’ d’origines anabaptistes : le groupe néerlandais-allemand du Nord, dirigé par Menno Simons, était tout à fait différent culturellement, historiquement, spirituellement et politiquement du groupe suisse-allemand du Sud qui a commencé en 1525 à Zurich. Et ces deux groupes étaient considérablement différents du mouvement dirigé par Hans Hut et Thomas Münzer, et plus tard du ‘Royaume des Cieux’ dans la ville de Münster.

Aujourd’hui, les nouvelles églises anabaptistes, se développant par exemple dans le contexte islamique en Indonésie ou au Nigeria, ou de la société catholique espagnole résultant de la Conquista en Amérique latine, ou du mouvement de ‘l’église clandestine‘ en Chine, ont des vies spirituelles et des luttes quotidiennes bien différentes des membres d’églises mennonites d’Amsterdam (Pays-Bas) ou de Berne (Suisse), de Lancaster (États-Unis) ou de Winnipeg (Canada). Mais nous avons besoin les uns les autres et nous avons besoin de nous comprendre.

CK : Dans le livre de l’Apocalypse, Jésus- Christ a un message pour les sept églises d’Asie. Je me plais à imaginer que ce travail sera une nouvelle façon d’entendre, partiellement bien sûr, le message du Christ pour nous en ces premières années du XXIe siècle.

Participants
John Roth (JR) Directeur de l’Institute for the Study of Global Anabaptism (ISGA) à Goshen College et secrétaire de la Commission Foi et Vie de la CMM.
Alfred Neufeld (AN) Président de la Commission Foi et Vie de la CMM.
Conrad Kanagy (CK) Directeur adjoint du projet ‘Profil Anabaptiste Mondial’

 

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