Posté: 6 décembre, 2021
Ce deuxième webinaire traite du rapport: Baptism and Incorporation into the Body of Christ, the Church—LutheranMennonite-Roman Catholic Trilateral Conversations 2012–2017. Entretien de Thomas R Yoder Neufeld (Tom Yoder Neufeld) avec Larry Miller, cosecrétaire de la délégation Mennonite lors des conversations trilatérales.
leçons de la conversation entre mennonites, catholiques et luthériens sur le baptême
Tom Yoder Neufeld
Peux-tu nous dire comment ces conversations ont vu le jour ? Quelle est leur origine ?
Larry Miller
La conversation trilatérale sur le baptême est née de deux conversations précédentes de la Conférence mennonite mondiale, l’une avec l’Église catholique (1998-2003) et l’autre avec la Fédération luthérienne mondiale (2005-2008). Dans chaque cas, il s’agissait de la première conversation officielle au niveau mondial entre ces Églises et la famille de foi anabaptistemennonite depuis les conflits du XVIe siècle – des conflits portant notamment sur la signification et la pratique du baptême.
Le but de chacune de ces conversations était de mieux se comprendre et d’avoir de meilleures relations les uns avec les autres.
Un point fondamental de divergence mis en évidence dans les deux conversations était le baptême.
La question d’une conversation ciblée sur le baptême s’est posée avec ces deux Églises à peu près en même temps (2009- 2010). Les responsables de la CMM ont convenu qu’une telle conversation était importante, mais ont pensé que nous ne pouvions pas entreprendre simultanément deux conversations mondiales sur le baptême. Nous avons donc proposé un dialogue trilatéral.
Tom Yoder Neufeld
Y a-t-il eu des surprises, tant positives que négatives ?
Larry Miller
Oui, il y en a eu pour la délégation de la CMM.
Nous avons été surpris d’entendre la délégation catholique rapporter que certains théologiens catholiques considèrent le baptême des adultes comme “normatif” dans l’histoire doctrinale et liturgique catholique puisque, comme ils l’ont dit, “c’est la forme qui exprime pleinement la signification du baptême” et que l’histoire catholique “montre clairement que c’est le rite pour adultes qui est le modèle du processus baptismal” (Rapport, §79 et note 97).
Nous avons été surpris par l’accord théologique facile sur les différents éléments inclus sur le chemin de l’incorporation dans l’Église et la vie dans le corps du Christ : l’initiative d’amour de la grâce de Dieu, la réponse humaine de la foi et de l’engagement, le catéchisme et la formation spirituelle, un processus de croissance dans la foi et le discipulat tout au long de la vie.
Nous avons été surpris de constater à quel point les trois délégations étaient d’accord sur le fait que le baptême est orienté vers le discipulat ; le baptême en vue du discipulat n’est pas seulement une conviction mennonite !
Pour moi, c’est l’un des fruits les plus importants de cette conversation. “Nos trois Églises considèrent que la repentance, la foi et l’engagement dans la vie de disciple sont nécessairement liés à la vie chrétienne au sein du corps du Christ, l’Église, dont l’un des points de départ essentiels est la célébration et la réception du baptême” (Rapport, §79).
J’ai été surpris et désolé de remarquer qu’il semblait plus difficile pour nous, mennonites, de confesser la tension entre notre théologie idéale du baptême et la façon dont nous ne vivons pas, trop souvent, les implications de notre baptême. Il ne semblait pas que c’était difficile pour les délégations catholique et luthérienne de confesser l’écart entre leur théologie et, parfois, leur pratique.
J’ai été surpris et embarrassé d’apprendre, en écoutant les délégations catholique et luthérienne, à quel point j’ai peu considéré la profonde douleur que ressentent certains catholiques et luthériens lorsque nous rejetons automatiquement la validité de leur baptême, en particulier lorsqu’ils ont ouvert la voie du baptême vers la repentance, la confession de foi et une vie de disciple.
Tom Yoder Neufeld
Y avait-il des obstacles à surmonter, ou des obstacles qui sont apparus au cours de vos interactions ?
Larry Miller
Comment devions-nous présenter les conceptions et les pratiques anabaptistesmennonites contemporaines, étant donné la diversité des conceptions et des pratiques dans notre famille de foi mondiale aujourd’hui ?
En tant que secrétaire général de la CMM pendant deux décennies, j’étais profondément conscient de cette diversité. Même entre les différentes églises dont provenaient les membres de la délégation, il y avait une diversité significative. C’est pourquoi, dans les “Réflexions mennonites de Conclusion” du rapport (§116-133), la délégation ne parle que pour elle-même : ni pour la Conférence Mennonite Mondiale, ni pour la grande famille de foi anabaptistemennonite.
Après cinq ans de réunions, chacune avec de multiples présentations et des débats intenses, comment rédiger un rapport final qui ne peut inclure que ce que chaque délégation considère comme essentiel ?
Tom Yoder Neufeld
Quels ont été les plus grands dons de ces conversations ? Es-tu reconnaissant de ce que Dieu nous a accordé dans notre propre communion en ce qui concerne le baptême ?
Larry Miller
Je suis reparti reconnaissant pour ce que Dieu a donné à l’Église à travers la famille de foi anabaptiste-mennonite, grâce à notre compréhension et à nos pratiques du baptême. Au cours de ces conversations, et déjà lors de leur préparation, j’ai vu plus clairement la signification de ce don, non seulement pour nous-mêmes, mais pour toute l’Église chrétienne.
Les conversations elles-mêmes ont montré clairement à quel point la situation a changé depuis le XVIe siècle.
À l’époque, le baptême des croyants tel que pratiqué par les anabaptistes provoquait l’hostilité et parfois la persécution des autorités luthériennes et catholiques.
t respectent officiellement le baptême anabaptiste-mennonite de personnes non baptisées auparavant. Je pense que cette transformation est un signe que la grâce de Dieu a travaillé à travers nous malgré nos faiblesses et nos échecs.
Quels sont les plus grands dons que ce dialogue nous a offerts ?
Les “défis” que nous avons reçus des autres Églises (cf. paragraphes 124-130), en particulier :
- Le défi de mieux lier notre compréhension de la conversion et du baptême, d’être conscients de notre tendance continue à aller contre Dieu, d’une part, et la possibilité de suivre fidèlement Jésus-Christ, d’autre part.
- • Le défi de ne pas laisser notre préoccupation pour la réponse humaine dans la conversion, l’engagement et le baptême éclipser l’initiative de Dieu dans tous les aspects du salut, y compris le baptême. Le baptême des adultes commence par l’acte de grâce de Dieu, et non par ma confession de foi personnelle. La formation des disciples dépend de la grâce persistante de Dieu, et non de mon baptême.
- • Le défi consiste à développer une plus grande cohérence et profondeur dans la préparation des personnes au baptême et à faire du souvenir de notre baptême un motif récurrent de la vie de disciple. Le baptême des croyants est le cheminement de toute une vie et non l’événement d’un jour, même s’il s’agit du baptême d’un adulte.
Si nous prenons au sérieux ces dons stimulants, je crois que nous serons énormément enrichis.
Tom Yoder Neufeld
Pourrais-tu nous parler de la recommandation que vous nous avez faite, en tant que délégation mennonite, en tant qu’églises de la CMM, à savoir que nous “envisagions” d’accueillir dans nos rangs ceux qui ont été baptisés enfants, qui ont assumé leur baptême et l’ont vécu fidèlement, et que nous le faisons sans exiger de (re)baptême. Pourrais-tu développer ce point ?
Larry Miller
A la fin des conversations trilatérales et du rapport, la délégation de la CMM a réaffirmé la “conviction historique” des églises anabaptistes-mennonites que “le baptême des croyants est l’enseignement et la pratique normatifs du Nouveau Testament” et que “cet enseignement et cette pratique sont normatifs aujourd’hui” (§131).
Nous avons aussi affirmé l’unité des croyants anabaptistes-mennonites “avec tout le corps du Christ dans la foi trinitaire vécue par la confiance et l’obéissance à Jésus-Christ” (§132). Prises ensemble, ces deux affirmations soulèvent implicitement la question de savoir comment nous témoignons de l’unité en Christ lorsque nous sommes divisés sur certains aspects de notre compréhension et de nos pratiques d’un acte chrétien fondamental, le baptême.
Le problème n’est peut-être pas aussi important pour l’Église catholique et les Églises luthériennes. Toutes deux sont profondément blessées par notre rejet de leurs baptêmes des nourrissons, car elles ont le sentiment qu’il s’agit également d’un rejet de ce qu’elles croient être un acte de grâce du Christ et sa promesse, dans le baptême des nourrissons, de communion avec le Christ.
Néanmoins, aujourd’hui, tous deux reconnaissent officiellement et acceptent comme valide le baptême anabaptistemennonite de personnes non baptisées auparavant.
Ils ont parcouru un long chemin depuis le XVIe siècle !
La situation peut être plus difficile pour nous puisque nous n’affirmons ni ne pratiquons le baptême des nourrissons. Elle peut être plus compliquée pour nous dans les cas où une personne voulant devenir membre d’une église anabaptistemennonite a été baptisée en tant qu’enfant mais a auparavant, en tant qu’adulte, confirmé sa foi personnelle en Christ et vécu une vie de disciple engagé. Cette personne doit-elle être baptisée à nouveau ? Ou est-ce qu’une confession de foi personnelle et publique et un engagement à continuer à être un disciple suffisent pour être membre d’une assemblée anabaptiste ?
Et une question encore plus spécifique : que devrait faire une paroisse anabaptistemennonite si le candidat à l’adhésion demande le rebaptême ? Le processus de discernement avant la réception de ce croyant dans l’église anabaptiste-mennonite pourrait-il inclure une conversation entre le candidat, l’église d’origine et l’église d’accueil, par respect mutuel, pour témoigner les uns aux autres, et ainsi rechercher ensemble plus d’unité dans le corps du Christ, y compris le corps local du Christ ?
La délégation a donc proposé (§133a) que ces questions soient prises en considération par nos églises alors que nous cherchons à affirmer à la fois le baptême pour suivre le Christ –le disciplulat– et l’unité en Christ.
La délégation propose également (§133c) que, quelle que soit la réponse à ces questions, nos églises demandent à tous les membres – y compris ceux qui sont viennent d’églises ayant des pratiques de baptême des nourrissons – d’affirmer notre compréhension et notre pratique historiques du baptême des adultes croyants.
Je voudrais attirer l’attention sur le fait que la délégation suggère plusieurs autres idées à prendre en considération, des idées qui, à mon avis, pourraient contribuer de manière plus significative à la formation de la vie spirituelle de nos églises que la question de savoir comment nous recevons les croyants baptisés lorsqu’ils étaient des nourrissons (cf. §133d-f).
Plus précisément, la délégation suggère que nos églises envisagent de :
- Rechercher des moyens d’enrichir ou de développer des pratiques d’action de grâce et de bénédiction pour les nourrissons, pour leurs parents et pour les assemblées locales.
- Fournir des occasions à tous les membres de se “souvenir de leur baptême” et de renouveler leur engagement baptismal à une vie de disciple.
- Réfléchir à la raison pour laquelle il a été si difficile pour de nombreuses églises de notre tradition de maintenir une vie de disciple fidèle, et l’unité entre elles, et avec les autres. Nous sommes une Église connue au niveau œcuménique non seulement pour le baptême des adultes et la vie de disciple, mais aussi pour les scissions d’églises.
Tom Yoder Neufeld
Un dernier commentaire ?
Larry Miller
Le rapport est publié “comme un document d’étude” – et non comme un document législatif – dans l’espoir que, grâce à une large discussion au sein des trois communions et au-delà, il contribuera à une « meilleure compréhension mutuelle et à une plus grande fidélité à Jésus-Christ ». C’est certainement mon espoir : que nos trois communions grandissent dans la fidélité à Jésus-Christ.
Tom Yoder Neufeld
Notre prière est que les efforts que toi et les autres participants à ces six années de conversations nous permettent d’être plus fidèles à nos vœux de baptême et à la manière dont nous vivons notre nouvelle vie en Christ.
Des dons surprenants
Nous ressentons tous le grand don que nous font nos sœurs et des frères, qui bien que souvent en profond désaccord les uns avec les autres, ont le courage de vivre dans cette unité que nous avons en Christ. Elle ne dépend pas d’un accord, mais de la réalité fondamentale que c’est le même Dieu qui, en Christ et par l’Esprit, nous a rassemblés en un seul corps du Christ.
Dans cet échange entre les trois traditions ecclésiales, nous avons un exemple de ce don de l’Esprit reçu avec des communions dont nous avons été profondément éloignés à cause de l’un des événements centraux de la vie d’un chrétien, le baptême.
Permettez-moi de souligner quelques-uns de ces ‘dons surprenants’ figurant dans le rapport.
Nous pratiquons le baptême des croyants parce que pratiquement tous nos membres sont des membres convertis. (Ils ne viennent pas viennent pas de la famille mennonite ou protestante ou évangélique). Le baptême est une partie très importante de l’engagement à suivre Jésus dans le contexte d’une communauté de croyants qui confessent Jésus comme Seigneur et Sauveur. —Carlos Martínez García, Mexique
La Grâce
Pour les catholiques et les luthériens, le baptême est d’abord et avant tout un acte de grâce de Dieu. Dieu est l’acteur de ce sacrement, qu’il s’agisse du baptême des enfants ou des adultes. C’est ainsi que Dieu traite le “péché originel” et commence le travail de transformation et d’incorporation qui durera toute la vie.
Cela peut nous aider à comprendre pourquoi les catholiques et les luthériens estiment qu’il est important d’offrir cette grâce salvatrice dès le tout début de la vie d’une personne. Certes, la foi est nécessaire, mais dans le cas des enfants en bas âge, il s’agit avant tout de la foi des parents et de l’Église. Nous pouvons alors aussi mieux comprendre pourquoi les catholiques et les luthériens sont troublés par les anabaptistes qui rejettent le baptême des enfants. À leurs yeux, nous rejetons cette grâce de Dieu.
Bien sûr, nous aussi, nous accordons beaucoup de prix la grâce de Dieu. Dans la conception anabaptiste, c’est la grâce de Dieu par l’Esprit qui appelle les personnes et leur permet de chercher Dieu, d’offrir leur vie à Dieu et, finalement, par le baptême, de s’engager à suivre le Christ dans une vie de disciple et de participer à l’assemblée locale des croyants.
Tout cela est la grâce habilitante et salvatrice de Dieu à l’œuvre – avant, pendant et après le baptême.
Néanmoins, pourrait-il avoir raison de dire que nous perdons trop facilement de vue la grâce de Dieu lorsque nous mettons tellement l’accent sur la décision personnelle du croyant de demander le baptême et de s’engager dans la vie de disciple et dans l’église ?
Le discipulat
Un autre don surprenant a été, comme l’a dit Larry, d’apprendre que le discipulat n’est pas une préoccupation uniquement mennonite ou anabaptiste, mais une préoccupation partagée par les catholiques et les luthériens.
Bien sûr, il y avait de sérieuses différences entre les délégations sur ce qu’est le discipulat.
Par exemple, une différence importante entre les communions concerne la relation de l’Église avec l’État et ses exigences, en particulier le port d’armes. Et cela est lié, bien sûr, à l’importance centrale que les anabaptistes accordent à la non-résistance et à la non-violence.
Toutes sont cependant d’accord pour dire que le baptême est intimement lié à la vie de disciple, au fait de “vivre notre baptême”, comme il est écrit dans le Rapport.
Lacunes dans la mise en pratique du baptême
Les trois communions ont nommé et déploré la grande distance entre la théologie souvent profonde et belle du baptême, d’une part, et la façon dont les gens “vivent leur baptême” ou ne le font pas, d’autre part.
Il semble évident que nous pouvons rejoindre les catholiques et les luthériens en soulignant l’importance de la formation, comme le disent les catholiques, ou du “souvenir du baptême” comme les luthériens aiment à en parler.
Peut-être qu’en tant que mennonites, nous pouvons retrouver quelque chose de la signification fondamentale de ce qu’est ‘être un disciple, à savoir être un étudiant, un apprenant. Et cela signifie aussi enseigner le baptême et la manière de le vivre.
Répondre à l’invitation des mennonites à “réfléchir”
Les délégués mennonites affirment pleinement que le “baptême des croyants” est la compréhension la plus fidèle à la Bible.
La deuxième conviction est que nous devons également être fidèles à la Bible tout autant qu’à la prière du Christ qui nous demandent de vivre dans l’unité reçue par la grâce de Dieu avec ceux qui sont aussi membres du corps du Christ.
La délégation mennonite nous demande donc d’honorer à la fois le désir d’être bibliquement fidèle et à l’appel du Christ à vivre dans l’unité que Dieu a déjà créée en Christ par son Esprit.
Christ par son Esprit. C’est un moment étonnant dans le temps où des membres du corps du Christ qui ont souvent été si tragiquement hostiles les uns aux autres veulent ensemble se construire mutuellement, encourager les chrétiens à être plus fidèles au Christ en vivant leur baptême.
Saisissons donc cette splendide occasion, en tant que famille d’églises anabaptistes/mennonites, de faire précisément cela, et de faire de cet appel à vivre notre baptême un élément central de notre processus de renouveau jusqu’en 2028 et au-delà.
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Thomas R Yoder Neufeld est président de la Commission Foi et Vie. Professeur de théologie émérite, il est membre de la First Mennonite Church, Kitchener, Ontario (Canada). |
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