Crois et sois baptisé » : une conversation mondiale sur le baptême

Après une conversation de 5 ans avec des théologiens des traditions catholique romaine et luthérienne, le Comité Foi et Vie a invité les membres de la Conférence Mennonite Mondiale à examiner ensemble leurs pratiques anabaptistes pour Renouveau 2028 dans deux webinaires intitulés « Croyez et soyez baptisés : une conversation sur le baptême. »


Contexte biblique, théologique et historique du baptême des croyants

Le 21 janvier 1525, un petit groupe de jeunes hommes se rassembla secrètement dans la ville suisse de Zurich pour un culte inhabituel. Ils avaient été élevés dans la religion catholique, mais depuis plusieurs années, ils se réunissaient pour étudier la Bible et discuter avec leur mentor, Ulrich Zwingli, le prêtre de l’église principale de la ville, la Grossmünster.

En lisant les Écritures, le groupe a commencé à remettre en question certaines pratiques de l’Église catholique, y compris le baptême des enfants, mais ils étaient divisés sur les étapes suivantes. Zwingli, soutenu par le conseil municipal de Zurich, demanda que soient faites progressivement une série de réformes modérées. Les membres du groupe d’étude biblique résistèrent. Si les Écritures étaient claires, ont-ils soutenu, des changements dans la pratique de l’Église devraient être immédiates, quelles que soient les conséquences politiques ou sociales.

Ainsi, le 21 janvier 1525, le petit groupe renonça formellement à leur baptême d’enfant et, de la même manière que Jésus et Jean-Baptiste, reçut le baptême à l’âge adulte. C’était pour eux le symbole de leur engagement volontaire à suivre le Christ et à se soutenir mutuellement dans ce nouveau pas de foi.

action semble presque banale. Après tout, qu’y a-t-il de si dérangeant dans le fait qu’un groupe de personnes se rassemble pour la prière et se verse ensuite de l’eau sur la tête ? Pourtant, cette action – qui marqua le début du mouvement anabaptiste (ou des ‘rebaptisés’) – eut de profondes conséquences. Quelques jours plus tard, le conseil municipal de Zurich ordonna l’arrestation et l’emprisonnement de toute personne participant à de tels baptêmes. En 1526, les autorités déclarèrent que le baptême des adultes était un crime capital. Et en janvier 1527, Félix Manz, chez qui le groupe s’était rencontré, subit l’ultime conséquence de ses convictions. Mains et pieds attachés à un poteau en bois, il fut ‘baptisé’ une fois de plus – poussé dans les eaux glacées de la rivière Limmat lors d’une exécution publique.

Le mouvement anabaptiste s’étendant, les responsables religieux et politiques les condamnèrent comme étant des hérétiques. Au cours des décennies suivantes, environ 3 000 croyants furent exécutés pour le crime d’être ‘anabaptistes’ ou ‘rebaptiseurs’.

Pourtant, ce mouvement perdure. Aujourd’hui, environ 2,2 millions de chrétiens dans le monde s’identifient à la tradition anabaptiste, y compris les 107 associations d’églises qui font partie de la Conférence Mennonite Mondiale.

Les éléments (du baptême) semblent assez simples : de l’eau, des témoins, et quelques mots soigneusement choisis. Pour un laïc regardant de l’extérieur, il peut sembler difficile de comprendre pourquoi la pratique chrétienne du baptême est si importante. Mais malgré sa simplicité, presque tous les groupes chrétiens considèrent le baptême comme un événement fondateur – un rituel qui exprime les convictions fondamentales de leur foi.

Église chrétienne, pourtant elles ont été la source de nombreux désaccords et de débats parmi les chrétiens.

  • Le baptême est-il essentiel pour le salut ?
  • Quel est l’âge approprié pour être baptisé ?
  • Comment le rituel doit-il être pratiqué ?
  • Le baptême confère-t-il le salut en soi ou est-il un symbole du salut déjà reçu ?

Le baptême dans la tradition chrétienne

Un baptême en plein air en République Dominicaine.
Photo: Mariano Ramírez

Les racines du baptême chrétien puisent profondément dans les images bibliques de l’eau – un symbole permanent de purification, de rafraîchissement et de vie elle-même. Dans l’Ancien Testament, l’eau est souvent associée à la puissance de guérison de Dieu : une source dans le désert, un puits vivifiant, ou la justice qui coule ‘comme un fleuve puissant’.

Le symbole du baptême chrétien vient directement de l’histoire de l’Exode (Ancien Testament) lorsque Dieu a séparé les eaux de la mer Rouge pour permettre aux enfants d’Israël de fuir l’esclavage en Égypte et d’échapper aux armées du Pharaon. Cet acte dramatique ‘la traversée les eaux’ marque la renaissance des enfants d’Israël. Après avoir traversé les eaux, ils n’étaient plus esclaves - ils étaient devenus la nouvelle communauté du peuple de Dieu, liés les uns aux autres par le don de la Loi et par leur dépendance à Dieu pour les guider et les nourrir.

Les échos de l’histoire de l’Exode peuvent être clairement entendus dans le Nouveau Testament, dans le récit de Jean, qui a été surnommé ‘Le Baptiste’. La prédication enflammée de Jean appelait à la repentance – une transformation du cœur symbolisée par une purification rituelle dans les eaux du Jourdain. Selon les évangiles, Jésus n’a commencé son ministère officiel qu’après avoir été baptisé par Jean. Cet acte – accompagné de la bénédiction de Dieu et de la présence claire du Saint-Esprit – a marqué un ‘traversée’ pour Jésus vers un nouveau ministère de guérison et d’enseignement, qui a culminé trois ans plus tard lors de sa crucifixion, sa mort et sa résurrection.

rucifixion, sa mort et sa résurrection. Les premiers chrétiens considéraient le baptême comme un symbole riche de significations tirées à la fois de l’Ancien Testament et de la vie de Jésus. Comme l’Exode, le baptême dans l’Église primitive symbolisait le renoncement à une vie asservie au péché et une ‘traversée’ vers une nouvelle identité avec une communauté de croyants qui, comme les enfants d’Israël, s’engageaient à vivre dans la dépendance de Dieu.

Nombre de premiers chrétiens considéraient également le baptême comme une sorte de répétition de la mort et de la résurrection du Christ. Les candidats au baptême entraient nus dans l’eau, dépouillés et vulnérables, comme le Christ sur la croix, mourant ainsi à leur ancien moi. Après être sortis de l’eau, ils étaient vêtus de robes blanches comme symbole de la résurrection et de leur nouvelle identité en tant que disciples de Jésus.

Des preuves solides datant des deuxièmes et troisièmes siècles suggèrent que les premiers chrétiens ne baptisaient que les adultes, et ce, seulement après une longue période d’instruction et de formation sévères. En d’autres termes, l’Église primitive réservait le baptême à ceux qui avaient connu une transformation du cœur, étaient engagés dans une vie quotidienne de disciple et étaient prêts à faire partie d’une nouvelle communauté de croyants.

Du baptême volontaire au baptême des enfants

Cependant, au cours du IVe siècle, cette pratique a commencé à changer. La cause en est principalement la conversion de l’empereur romain Constantin en 312 après J.C., un événement qui a lentement transformé la nature même de l’Église chrétienne. Pendant le siècle suivant la conversion de Constantin, d’une petite minorité persécutée, éloignée du centre du pouvoir politique, l’Église est devenue une puissante institution. Ses évêques en sont venus à s’appuyer sur les armées de l’empire romain pour leur protection et pour éliminer l’hérésie.

Peu à peu, le christianisme est devenu la religion ‘officielle’ des empereurs romains – une sorte de colle religieuse et culturelle aidant à unir un empire en train de se fragmenter

Puisque tous les habitants étaient désormais obligés de devenir chrétiens, il n’y avait plus de raison d’associer le baptême à la repentance, à une transformation de vie ou à une nouvelle identité au sein d’une communauté de croyants.

À peu près à la même époque, de nouvelles discussions ont eu lieu pour défendre la pratique du baptême des enfants. Par exemple, à la fin du IVe siècle, saint Augustin (354-430) a insisté sur le fait qu’à partir du moment même de la naissance, les êtres humains étaient esclaves du péché. Le baptême des enfants, affirmait-il, était nécessaire pour le salut de l’âme de l’enfant. Dans son enseignement, l’acte du baptême lui-même conférait un don spirituel de grâce à l’enfant. Le sacrement du baptême incorporait l’enfant dans l’Église, sauvant son âme de la tâche du péché originel et du pouvoir de l’enfer.

Dans la société médiévale postérieure, le baptême marquait également l’appartenance d’un enfant à la communauté civique ; l’enfant était enregistré pour, plus tard, payer des impôts et faire allégeance au seigneur féodal local.

Les leaders de la Réforme, Luther, Zwingli, Calvin et d’autres ont convenu que les enfants devaient être baptisés à la naissance. Luther affirmait que le baptême des enfants confirme que nous sommes totalement dépendants du don gratuit de la grâce de Dieu pour notre salut - et n’est pas le résultat de nos propres actions. Zwingli a fait remarquer que Jésus enseignait que nous devons devenir « comme des enfants » pour entrer dans le royaume de Dieu. Le baptême des enfants, comme la circoncision pour les Juifs de l’Ancien Testament, était un signe d’inclusion dans le corps des croyants et un engagement de la part des croyants à élever cet enfant dans les voies de Dieu.

Convictions anabaptistes-mennonites sur le baptême

Ainsi, lorsque les responsables anabaptistes commencèrent à contester la pratique du baptême des enfants, il y eut des réactions de confusion, de colère et finalement de violence.

Pour les anabaptistes, le principal argument en faveur du baptême des croyants, par opposition au baptême des enfants, repose sur un principe fondamental de la Réforme elle-même : « l’ Écriture seule ». Les anabaptistes du XVIe siècle ne trouvèrent aucune justification scripturaire de la pratique du baptême des bébés dans le Nouveau Testament. Mais les enseignements de Jésus liaient explicitement le baptême à la repentance et à la foi – ce qui n’était évidemment pas possible pour un enfant. En ordonnant aux disciples de prêcher la bonne nouvelle de l’évangile, par exemple, Jésus a promis : « Quiconque croit et est baptisé sera sauvé » (Marc 16/16). L’ordre ici est clair : la foi d’abord, puis le baptême.

À la fin de son ministère, dans un dernier avertissement aux disciples, Jésus parla à nouveau du baptême. « Allez donc », dit-il aux disciples dans Matthieu 28 :19-20, « et faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à obéir à tout ce qui je vous ai commandé. »

Là encore, l’ordre est important. Jésus a commandé à ses disciples de « faire des disciples », puis de les baptiser dans l’espoir que les nouveaux convertis apprendraient aussi à obéir aux commandements du Christ. En d’autres termes, on devient disciple de Jésus en entendant, en comprenant et en répondant à un appel – tout comme l’avaient fait les premiers disciples

Ce même ordre se reproduit dans l’histoire des premiers baptêmes de l’Église apostolique telle qu’elle est rapportée dans Actes 2. L’histoire commence avec Pierre prêchant à une foule de juifs qui se sont rassemblés à Jérusalem pour la célébration annuelle de la Pâque. Il termina son sermon par un appel à la repentance. « Ceux qui ont accepté son message », conclut le récit « furent baptisés ».

Pour les anabaptistes (et les groupes qui leur ont succédé) l’engagement à suivre Jésus impliquait une conversion ou un « retournement » – une réorientation radicale des priorités, symbolisée par le baptême, ce qui pouvait conduire à la persécution et même à la mort. Ce n’était pas une décision qui pouvait être prise par un nourrisson !

Le sens du baptême : une corde à trois brins

Le pasteur Sang Nguyen Minh
baptise Nguyen Thi Lien au Vietnam.
Photo: l’église mennonite de Hoi An

Les anabaptistes ne croyaient pas que l’acte du baptême en lui-même faisait d’une personne un chrétien. Au contraire, le baptême était le ‘signe’ extérieur ou le ‘symbole’ d’une transformation intérieure.

Bien sûr, les symboles peuvent avoir plusieurs significations. S’appuyant sur le verset de 1 Jean 5, les anabaptistes décrivaient fréquemment le baptême comme une sorte de corde à trois brins : l’esprit, l’eau et le sang représentaient les éléments essentiels du baptême :

Les enfants de Dieu sont ceux qui croient que Jésus est le Christ et qui suivent ses commandements. Trois choses, dit Jean, témoignent que Jésus est le Fils de Dieu : « l’Esprit, l’eau et le sang ; et les trois s’accordent » (1 Jean 5/8).

1. À son niveau le plus élémentaire, le baptême est un signe visible de l’œuvre transformatrice du Saint-Esprit. C’est une reconnaissance publique que le croyant s’est repenti de ses péchés, a accepté le pardon de Dieu et a « remis sa vie entre les mains du Christ ». Le baptême célèbre le don du salut : le don de la grâce : amour, pardon et nouvelle vie.

2.En même temps, le baptême est aussi signe d’appartenance à une nouvelle communauté. Dans le baptême d’eau, nous nous joignons une communauté, ce qui implique l’accompagnement, la discipline et la fraternité. Lors du baptême, nous promettons de donner et de recevoir les avis et conseils des autres, de partager nos biens et d’être au service dans la mission plus large de l’église. Dans la tradition anabaptistemennonite, le salut n’est jamais purement privé ou intérieur ; notre foi s’exprime toujours dans les relations avec les autres.

3. Enfin, par le baptême, les nouveaux croyants promettent de suivre le chemin de Jésus : vivre comme il a vécu et enseigné, même si cela a pour conséquence (comme pour Jésus) l’incompréhension, la persécution, la souffrance ou même la mort. Il ne suffit pas de proclamer le pardon des péchés ou d’avoir son nom inclus dans une liste de membres d’église. Le baptême implique également un mode de vie modelé sur celui de Jésus : aimer Dieu de tout son cœur et aimer son prochain comme soi-même.

Les anabaptistes du XVIe siècle ont cherché à retrouver ces enseignements qui étaient devenus vagues dans l’histoire de l’Église. Sur la base de ces principes bibliques, ils ont conçu le baptême comme un signe de la présence transformatrice de l’Esprit, comme une marque d’appartenance à une communauté et comme une volonté de suivre le Christ, quelles qu’en soient les conséquences.


 

John Roth est secrétaire de la Commission Foi et Vie. Professeur d’histoire à Goshen College, il est membre de Berkey Avenue Mennonite Church, Goshen, Indiana, (États-Unis).

Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’octobre 2021 de Courier/Correo/Courrier.

You may also be interested in:

courier cover

Courier 2021 / 1 April

Inspiration et reflexion Accueillir l’autre: vivre comme Jésus a vécu Perspectives Paix, foi, témoignage et mission Dieu était présent là aussi:... Lire la suite

Courier october 2020

Courier 2020 / 2 October

Perspectives La COVID-19 dans le Sud Des rêves ambitieux pour un monde plus juste Nouvelle époque – nouvelles façons d’apprendre Le deuil au temps de... Lire la suite

Comments: