Les survivants du Kasaï : de l’horreur à la vie

Au début de l’année à Tshikapa, en République démocratique du Congo, quatre femmes congolaises riaient ensemble alors qu’elles remplissaient l’abreuvoir de leurs cochons. Ces bêtes leur garantiraient un revenu durant toute l’année.

Leurs éclats de rire contrastent avec ce qu'elles ont vécu il y a à peine deux ou trois ans, lorsqu’elles ont fui leurs villages de la région du Kasaï en RDC pour échapper à la mort. Comme des milliers d'autres personnes déplacées, elles n'ont emporté avec elles que des souvenirs de décapitations, de maisons incendiées et de la perte des membres de leur famille.

Ailleurs à Tshikapa, Mayambi Mayambi, Luta Nguadi et Mputu Shayi, élèves de l’école primaire, rentrent chez eux à pied dans leurs uniformes bleu et blanc. Désormais, des centaines d’enfants déplacés vont à l’école tous les jours au lieu de devoir se cacher ou fuir les groupes belligérants du Kasaï qui ont fait bien des orphelins dans leurs sacages.

La chance de pouvoir étudier, le projet d’élevage de cochons et peut-être même quelques sourires peuvent être attribués au travail des églises mennonites, mennonites-évangéliques et frères mennonites des villes de Tshikapa et Kikwit dans la région de Kabwela.  

Kasengele Tshibitshiabu, Ntumba Bitu, Bilonda Kabengele et Mputu Muamalonga (de g. à d.) remplissent l’abreuvoir de leur porcherie à Tshikapa. Photo du MCC / Kabamba Lwamba

En partenariat avec le Mennonite Central Committee (MCC) et avec le soutien d’organisations anabaptistes dans le monde, dont la Conférence Mennonite Mondiale, les églises se sont engagées dans le ministère auprès des personnes déplacées qui sont arrivées dans leurs quartiers et se sont installées dans la cour de leurs églises. Les églises commencèrent à distribuer des vivres en 2017.

En tout, plus de 1,4 millions de personnes ont été obligées de se déplacer et près de 5000 ont été tuées depuis le début des combats politiques entre les groupes Kamuina Nsapu, une milice du Kasaï, et les forces de sécurité de la RDC en 2016. Le conflit a ensuite engendré une augmentation de la violence entre groupes ethniques au Kasaï, ce qui a prolongé la crise.

Grâce au compte du MCC à la Banque de céréales du Canada (CFGB), les églises ont continué à distribuer des vivres à 1180 familles déplacées en 2018 et en 2019. Elles ont également distribué des fournitures scolaires et participé aux frais de scolarité de 950 enfants.

 « Cette action a renforcé l'église. Cela a amené des gens à Jésus », déclare George Kaputu, un évangéliste de la Communauté Évangélique Mennonite (CEM) dans la région de Kabwela. « Grâce à cette action, nous pouvons voir la compassion des membres de l'église qui agissent pour les personnes dans le besoin. »  

Bien que la violence ait diminuée au Kasaï, de nombreuses personnes déplacées tentent toujours de reconstruire leurs familles, leurs maisons, leur santé émotionnelle et leur source de revenu dans un nouvel endroit. Pour beaucoup d’entre eux, leur village d'origine a été détruit ou est encore dangereux.

Cette année, les églises continuent d'aider les personnes déplacées en donnant des cochons, du matériel de jardinage et des parcelles de jardin, avec le soutien du MCC.

Les églises proposent également des ateliers de guérison des traumatismes, dirigés par des leaders laïcs formés pour aider les participants à identifier la façon dont les événements traumatiques les ont impactés et à partager leurs expériences les uns avec les autres de manière constructive.

 « Les blessures traumatiques sont grandes et profondes », nous explique Mulanda Juma, représentante du MCC pour la RDC. « Faciliter la guérison des traumatismes demeurera essentiel au rétablissement des individus ainsi que des communautés. »

Apprendre à gérer de grandes distributions n’a pas été facile pour les églises membres de la CMM à Tshikapa, la CEM, la Communauté des Églises des Frères Mennonites du Congo (CEFMC) et la Communauté Mennonite au Congo (CMCo).

Kanku Ngalamulume (en jaune), avait dit au MCC « Je n’ai plus d’espoir pour rien » en 2018. Aujourd’hui, le garçon de 10 ans qui s’était enfui de Senge, son village d’origine, où ses parents et ses frères et sœurs avaient été décapités, fait partie de la famille Tshiama. MCC photo/Kabamba Lwamba

Mais grâce aux formations des comités de secours données par le MCC, les églises sont devenues plus confiantes et compétentes pour effectuer les distributions, selon Ruth Keidel Clemens, directrice des programmes du MCC États-Unis. Les trois groupes d’églises ont dû interagir de nouvelles relations se sont créées.

 « Sans ce partenariat [entre le MCC, le CEFMC et d'autres groupes mennonites], je n'aurais jamais rencontré mes autres sœurs mennonites », témoigne Leontine Matula, membre du comité de secours du CEFMC. « Grâce à cela, j’ai pu accueillir ces nouvelles amitiés dans ma vie. Cela m'a poussé à voir que nous pouvons tendre nos mains ensemble vers les autres. »

Le travail des comités de secours se poursuit même si les distributions de vivres sont maintenant terminées. Le MCC continue de financer les projets des églises dans les domaines de l’éducation, de la guérison des traumatismes et de la génération de revenu. Mais, selon Mulanda Juma, représentante du MCC pour la RDC, il y a toujours de grands besoins dans le domaine de la santé sans qu’une réponse ait pu y être apportée.

La vie est encore incertaine pour les personnes déplacées qui attendent que les projets d’agriculture et d’élevage de cochons leurs donnent un revenu stable, mais la compassion est forte.

Parmi les organisations qui soutiennent les distributions se trouvent l’Africa Inter-Mennonite Mission ; la Caisse de Secours ; International Community of Mennonite Brethren ; Multiply (MB Mission) ; Mennonite Church Canada Witness ; Mennonite Mission Network ; et Konferenz der Mennoniten der Schweiz (Alttäufer)/Conférence Mennonite Suisse (Anabaptiste).

Communiqué de la CMM écrit par Linda Espenshade, coordinatrice des nouvelles pour le MCC USA. Les citations de cet article ont été recueillies par Ruth Keidel Clemens, directrice des programmes du MCC USA, lors d’une visite en RDC en 2019.  

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