Accueillir l’autre

Vivre comme Jésus a vécu

Danang Kristiawan : « Le dialogue interreligieux n’est pas seulement une méthode missionnaire ; c’est la mission elle-même. Témoigner de Jésus, ce n’est pas seulement parler de Jésus, mais aussi vivre comme Jésus a vécu, a enseigné et a accueilli l’autre ».

Que dit l’Écriture ?

Kevin Gunther Trautwein : « Dans l’Ancien Testament, Israël se considérait comme une nation témoin pour les nations qui l’entouraient ».

Zacharie appelle le peuple à aimer la paix et la vérité dans la société (Zacharie 8/19-23).

Kevin Guenther Trautwein : « C’est une belle description de ce qu’est un témoin ».

Paulus Hartono : « Ésaïe a prophétisé la venue du Prince de la Paix pour toute l’humanité sans exception (Ésaïe 2/2-4). Plus loin, le prophète écrit que parmi ceux qui s’attacheront au Seigneur on trouvera l’étranger et l’eunuque. « J’en rassemblerai d’autres en plus de ceux déjà rassemblés » (Ésaïe 56/3-8).

Et dans le livre des Psaumes, les psalmistes invitent le peuple de Dieu à vivre la paix comme un style de vie.

Harry Huebner aime commencer par les paraboles : « C’est incroyable de voir comment Jésus met en valeur le Samaritain [Parabole du bon Samaritain]. Ce n’est pas parce qu’il a une meilleure théologie (Les juifs pensaient que les Samaritains avaient une religion différente de la leur), mais parce qu’il mène une vie plus conforme aux enseignements de Jésus, selon ce que ce voit Jésus chez son peuple. »

La parabole du Fils prodigue a quelque chose à nous apprendre. « Dieu le Père a deux enfants : des ‘insiders’ et des ‘outsiders’. Tout devient confus parce que l’‘insider’ devient l’‘outsider’ et l’‘outsider’ devient l’‘insider’. » C’est un avertissement à ne pas sentir à l’aise en tant que peuple religieux. « Certaines personnes pensent autrement et sont aussi des enfants de Dieu. Si vous voulez vous séparer d’eux, vous commettez une action qui déplaît à Dieu ».

Paulus Hartono : « De nombreuses épîtres abordent la destruction des barrières entre ceux de l’intérieur et ceux de l’extérieur. L’apôtre Paul a conseillé au peuple de Dieu de vivre en paix avec tous les hommes (Romains 12/18) ».

Danang Kristiawan : « C’est sur l’histoire de Jésus que repose notre mission dans des contextes multi-religieux. Jésus nous libère de nos faiblesses. Cela signifie que la Bonne Nouvelle est holistique. Ainsi, suivre Jésus, c’est accueillir l’autre et combler les fossés entre les personnes. »

Paulus Hartono : Alors que Jésus proclame une année de grâce du Seigneur dans Luc 4/18, il dit que l’Évangile nous libère des barrières. « L’Évangile apporte la vérité, l’amour, la paix, la justice et l’intégrité de la création (Marc 1/14).

Le Sermon sur la Montagne (Matthieu 5) est l’appel de Jésus à tous les êtres humains, y compris ceux qui ont des religions différentes, à apporter la paix afin que le sel et la lumière puissent être visibles dans le monde. »

Paul Phinehas : « ‘Vous êtes la lumière du monde’ déclare Jésus dans Matthieu 5/14. Nous sommes appelés à briller dans le monde où prévalent les ténèbres. Témoigner du Christ est ce qu’il y a de plus important dans la vie d’un chrétien. »

« Nous sommes clairement différents ; pourtant, nous sommes tous les enfants de Dieu en ce qu’aucun n’a été rejeté du Royaume, de la souveraineté, de la seigneurie et de l’amour de Dieu », déclare Harry Huebner.

Que pouvons-nous apprendre sur Dieu des autres religions ?

Kevin Guenther Trautwein : « Le fait que Dieu permette aux religions de proliférer dans le monde en dit long sur Dieu.

Dieu est le metteur en scène d’une pièce où avoir foi en Jésus est un rôle spécifique. C’est un concept de Nicholas M. Healy sur l’ecclésiologie ‘théo-dramatique’. Il met l’accent sur l’action de Dieu, pas sur les chrétiens ni même sur l’Église. Ce concept prend au sérieux tout autant la spécificité des autres religions que celle du christianisme. Il n’est pas nécessaire de les réduire toutes à des versions différentes d’un même bien. »

Paulus Hartono : « Beaucoup d’anabaptistes ont des voisins musulmans. L’Islam accorde une grande importance à l’obéissance et à la fidélité à Allah qui s’exprime par la prière cinq fois par jour ».

Danang Kristiawan : « J’apprends de leur spiritualité. La discipline spirituelle ne doit pas être considérée comme un fardeau, mais comme un signe que nous voulons avoir une relation intime avec Dieu.

De l’Islam mystique (soufi), je peux apprendre ce qu’est une vie consacrée à Dieu. La réalité est vue comme manifestant l’amour de Dieu. La nature est une fenêtre pour venir au Seigneur. Ceci est également la vision religieuse asiatique de la réalité. »

Harry Huebner a été impressionné par « l’énorme accent mis sur la miséricorde de Dieu et son amour » alors qu’il dialoguait avec des religieux musulmans. Par exemple, l’érudit musulman Mahnaz Heydarpour dit que l’essence de Dieu est l’amour. L’essence de Dieu est l’unité. Dieu ne désire pas le conflit et la destruction de l’autre. Dieu désire la réconciliation et la paix entre tous les hommes, toute sa création.

Paulus Hartono : « L’islam met également l’accent sur l’Ukhuwah ou le fait de vivre fraternellement avec les autres êtres humains, les autres nations ».

Danang Kristiawan : « Mon expérience avec la communauté musulmane m’apprend que Dieu est amour. Je pense que c’est notre point de rencontre ».

Paulus Hartono : « L’Islam enseigne également le respect pour la Torah et les Évangiles.  Les musulmans veulent donc savoir qui est Jésus ».

Harry Huebner : « Lorsque j’ai donné des cours à des étudiants ou des professeurs musulmans, j’ai été très surpris de découvrir leur stupéfiante ouverture à Jésus. C’est au moins aussi formidable que lorsque je parle de Jésus à l’Université Mennonite Canadienne. Les musulmans aiment Jésus.»

Kevin Guenther Trautwein : « Les autres religions peuvent nous aider à mieux discerner la souveraineté et la transcendance de Dieu ».

Paulus Hartono : « L’hindouisme et le bouddhisme mettent l’accent sur l’amour de tous les êtres et de l’univers. La vie revient avec chaque incarnation, donc vivre en pratiquant la bonté est obligatoire. Et le confucianisme met l’accent sur la recherche de la vertu. Respectez les personnes âgées et aimez les plus jeunes. Vivez une vie saine, prospère, longue et paisible ».

Harry Huebner : «Il est bon que les religions soient différentes. Nous sommes des individus différents, même dans notre foi… Nous pouvons parler de nos différences sur la justice sans avoir à nous menacer ou à nous entretuer. Nous en avons besoin pour former la prochaine génération, et nous former les uns les autres. Nous devons apprendre à travailler à la paix ».

Principes pour guider le témoignage chrétien

Participez à un échange

Écoutez tout autant que vous parlez.

Prenez l’initiative

Danang Kristiawan : « Nous devons nous faire des amis et accueillir les autres. Les relations interreligieuses ne devraient pas simplement être un objectif, mais un mode de vie pour développer des amitiés ».

Soyez ouvert

Danang Kristiawan : « Nous pouvons être ouverts aux autres si nous leur faisons place en nous. C’est l’hospitalité (Philippiens 2/5-11). Pourtant, notre témoignage n’est pas toujours accepté par les autres, même un message de paix. Àtre ouvert signifie aussi être prêt à être blessé, rejeté et ignoré. Cela est aussi arrivé à Jésus.

L’ouverture n’est pas seulement une action, c’est aussi un état d’esprit : pas de préjugé, pas de jugement mais le respect, la volonté d’apprendre et d’écouter l’autre ».

Soyez humble

Kevin Guenther Trautwein : « Il est tentant de vouloir jouer tous les rôles. Mais notre rôle dans ce processus est limité. Nous sommes invités à participer à la conversation de Dieu avec les autres. Il nous faut jouer notre rôle et partir.

L’avocat vient, témoigne et convainc le monde du péché et de la justice. (Jean 16/5-15). Ce n’est pas nous. Nous devons être des témoins ».

Soyez engagé

Danang Kristiawan : « Pour être des témoins fidèles dans une société pluraliste, nous devons suivre Jésus, pas de manière abstraite ou seulement émotionnelle, mais dans l’action, en vivant et en obéissant à Jésus dans la vie quotidienne. Sans engagement, notre témoignage ne sera que bavardage, et nous n’aurons rien à partager. S’engager envers Jésus, c’est aimer, et l’amour nous pousse toujours à être en relation avec l’autre ».

 

Paulus Hartono : « Répondre à l’appel de Jésus à être son partenaire dans ce monde signifie poursuivre sa vision et sa mission en présentant, en vivant et en enseignant les valeurs de l’Évangile du royaume de Dieu ».

Traitez les autres avec respect

Kevin Guenther Trautwein : « Rappelez-vous que les personnes avec lesquelles nous dialoguons sont aimées de Dieu. Ne les méprisez pas, ne les diminuez pas, eux ou leurs idées. Écoutez ce qu’ils disent avec la meilleure disposition ».

Soyez spécifique

Harry Huebner : « Je parle à partir de ma foi : je ne suis pas neutre. Nous sommes différents, mais il n’est pas nécessaire de nous blesser. »

Kevin Guenther Trautwein : « Utilisez des mots, des images et un langage biblique plutôt que du vocabulaire ‘chrétien’ ou théologique (par exemple ‘Dieu est fidèle’ plutôt que ‘Dieu est immuable’).

N’essayez pas de généraliser ou de parler pour tous ‚Äì même dans votre propre tradition. Et ne demandez pas à votre interlocuteur de parler au nom des autres.

Lorsque vous êtes interrogé, parlez de vos propres pratiques et de vos croyances spécifiques. »

Parlez de ce que vous connaissez

Paulus Hartono : « Dieu est la vérité, ainsi nous témoignons de la vérité. Dieu est amour, nous pouvons donc témoigner de son amour en termes réels. Dieu est paix, nous apportons donc sa paix. Dieu est justice, nous défendons donc la justice dans le monde. Dieu est le créateur de l’univers avec tout ce qu’il contient, nous sommes donc appelés à en prendre soin et à le gérer. »

Kevin Guenther Trautwein : « Si ma vie amène les autres à se demander : ‘Pourquoi vivez-vous de cette manière ?’ ou ‘Pourquoi avez-vous de l’espoir, de la joie ou de la paix ?’, cela conduit à témoigner. C’est un soulagement (demandant de l’humilité), ce n’est pas à moi de faire changer les autres ‚Äì c’est l’≈ìuvre de Dieu. »

En tant que professeur, Harry Huebner est fréquemment invité à parler de la foi chrétienne : « Qu’est-ce que l’évangélisation ? Je parle de la puissance de Jésus-Christ crucifié et ressuscité. L’ordre missionnaire n’est pas en plus. C’est cela. »

Soyez patient

Kevin Guenther Trautwein : « C’est le rythme de Dieu, la chronologie de Dieu. Dieu est patient avec nous (2 Pierre 3/9) ; nous devons être patients avec les autres. »

Paul Phinehas : « N’oubliez pas d’avoir une vie fondée sur la prière. »

Paulus Hartono : « Et soyez reconnaissant. Par la grâce de Dieu en Jésus-Christ, il a fait de nous ses enfants. Ainsi, nous vivons pour témoigner de son amour. »


Contributeurs

Les participants suivants au dialogue interconfessionnel ont partagé leur perspective avec la CMM :

danang kristiawan

Danang Kristiawan est pasteur à la GITJ Jepara (Gereja Injili di Tanah Jawa), Indonésie. Il dirige tous les ans un camp auquel participent des jeunes chrétiens et musulmans, et organise régulièrement des célébrations avec l’église et les responsables musulmans.

Harry Huebner

Harry Huebner est membre de la Charleswood Mennonite Church, Winnipeg, Manitoba (Canada). Il est professeur émérite à l’Université canadienne mennonite et participe au dialogue chiite-mennonite depuis 2007.

Kevin Guenther Trautwein

Kevin Guenther Trautwein est pasteur à la Lendrum Mennonite Church, Edmonton, Alberta, (Canada). Il fait partie de la Phoenix Multi-Faith Society for Harmony.

Paul Phinehas

Paul Phinehas est directeur de la Gilgal Mission Trust, Pollachi, Tamil Nadu (Inde).

paulus hartono

Paulus Hartono est pasteur à la GKMI Solo (Gereja Kristen Muria Indonesia), Central Java (Indonésie). Il est fondateur et directeur de Mennonite Diakonia Service.

 

L’≈ìuvre patiente du Saint-Esprit dans les relations interreligieuses

En 1998, après une crise économique suivie d’émeutes qui avaient endommagé une grande partie de la ville de Solo (Indonésie), les responsables locaux ont fondé le Comité Interreligieux (IFC). Il a été demandé à Paulus Hartono de représenter l’union d’églises à l’IFC. Il a géré le programme d’aide humanitaire qui a distribué 7 200 000 kg de riz à 12 000 ménages (60 000 personnes).

Paulus Hartono : « Ce programme a jeté les bases de la poursuite du programme sur la paix à Solo. »

L’une des personnes avec lesquelles il a travaillé au sein du comité est Dharma Saputra, qui est bouddhiste. Grâce à leur travail commun, ils ont développé une relation basée sur le respect et l’appréciation des convictions de chacun.

En 2014, Dharma Saputra a invité Paulus Hartono à lui rendre visite à l’hôpital, alors qu’il vivait ses derniers jours.

« S’il vous plait, priez pour moi, monsieur. Priez en tant que pasteur et ami et non en tant que chef de l’institution de l’IFC. » demanda Dharma Saputra.

« Pak Dharma serait-il prêt à prier en la Seigneurie de Jésus en laquelle je crois ? » demanda Paulus Hartono. « Je veux bien », répondit-il doucement.

À la demande de Dharma Saputra, Paulus Hartono a prié Jésus en tant que Dieu pour le guider et lui pardonner. « C’est la direction du Saint-Esprit qui a ≈ìuvré tout le long de notre action humanitaire et de pacifique depuis plus de 10 ans. »


Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2021 de Courier/Correo/Courrier.

S’abonner à Courrier version papier ou numérique


Envoyez des photos ou travaux artistiques à photos@mwc-cmm.org et nous pour une éventuelle utilisation dans Courier et d’autres publications de la CMM.