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  • Hospitalité : Que signifie offrir l’hospitalité en tant que disciples du Christ ?

    En septembre 2015, des photographies choquantes publiées dans les médias ont sensibilisé le monde occidental à la crise des réfugiés. Consciente de l’importance de cette question, la communion anabaptiste mondiale propose les réflexions suivantes sur le sens de l’accueil de l’étranger, spécialement lorsque des personnes d’une origine religieuse différente de la nôtre s’installent dans notre quartier.

    L’édition d’avril 2016 de Courier/Correo/Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Comment l’amour du Christ nous motive t-il et nous guide t-il pour aller vers les étrangers dans notre contexte local ?

    L’hospitalité transforme

    L’histoire de Deymaand

    Fin 1970, pendant la période de l’histoire de l’Inde appelée État d’Urgence (lorsque les libertés démocratiques étaient suspendues), Deymaand, 18 ans, décida de se faire baptiser dans une église mennonite locale. Comme sa famille pratiquait une autre religion, elle s’est opposée à sa décision d’adopter la foi chrétienne. Mais Deymaand refusa de faire marche arrière et sa famille le rejeta. Deymaand décida alors de quitter son village, ce qui provoqua un rassemblement de foule. En raison de l’instabilité politique en Inde à cette période, Deymaand fut immédiatement arrêté pour éviter tout incident, et emmené à Rajnandgaon pour y être emprisonné. Un mois plus tard, l’agitation dans le village s’étant calmée, Deymaand fut libéré de prison, mais on lui ordonna de ne plus revenir dans le village.

    Désavoué par sa famille, Deymaand n’avait nulle part où aller et ne connaissait personne qui puisse le loger. Cependant le pasteur de l’assemblée mennonite de Rajnandgaon (MCR) accueillit Deymaand dans l’église et dans sa famille, comme un de ses propres fils. Deymaand décida de poursuivre des études de théologie à l’Union Biblical Seminary de Yeotmal. Il continua ensuite à servir le Seigneur par la prédication et l’enseignement de la Bible dans toute l’Inde. La MCR a soutenu Deymaand dans sa foi au Seigneur Jésus alors que sa vie et toute la paroisse étaient en danger.

    L’histoire de Sarika

    En 1990, sous la direction du pasteur Theo Philus Singh, la MCR a commencé un programme de sensibilisation dans l’État du Maharashtra, implantant de nouvelles églises dans les villages. Cette action a provoqué des réactions d’opposition et de persécution de la part des extrémistes. Les membres des églises nouvellement formées se rendaient souvent chez les membres de la MCR pour être encouragés et édifiés. L’accueil des nouveaux croyants dans leurs maisons a été connue, et a mis en danger les membres de la MCR, qui ont aussi été menacés par les fanatiques. Malgré cette opposition, ils ont rendu visite aux nouvelles églises et répondu à leurs besoins.

    Un jeune homme de la MCR avait épousé une jeune femme nommée Sarika*. Avec le temps, Sarika s’est rendu compte que son mari était alcoolique. Elle a été victime de violences physiques chez elle. Lorsqu’elle n’a plus pu supporter ces violences, Sarika a parlé au groupe de femmes de la MCR. Le conseil de l’église fit tout ce qu’il put pour réconcilier le couple, mais ses efforts furent vains. Le groupe de femmes aida alors Sarika et sa fille de neuf ans à fuir le mari violent. Elles reçurent Sarika et sa fille chez elles et les protégèrent. Elles offrirent un soutien spirituel, moral et financier.

    Aujourd’hui, 15 ans après, la fille de Sarika a reçu une bonne éducation, et elle est infirmière dans un hôpital réputé. Sarika témoigne que la MCR l’a reçue quand elle était une étrangère et l’a aidée quand elle en avait besoin. Elle est reconnaissante envers le groupe de femmes pour tout ce qu’elles ont fait pour la protéger et l’aider à s’en sortir.

    Hospitalité et évangélisation

    Ce ne sont que deux histoires parmi tant d’autres, des histoires de mennonites qui ont su tendre la main et accueillir des étrangers chez eux. Non seulement, ces actes ont transformé la vie de l’assemblée, mais ont aussi transformé la vie de beaucoup d’autres. Pour nous, l’hospitalité ce n’est pas seulement offrir de la nourriture et de l’eau à des étrangers, puis les laisser poursuivre leur chemin, mais être prêt à cheminer avec eux, jusque dans la vie quotidienne.

    Nous avons finalement compris que l’hospitalité fait partie intégrante de l’évangélisation. Si nous ne faisons pas de place dans nos propres vies pour les autres, nous ne pouvons pas les amener à faire de la place pour le Christ dans leur vie. Accueillir les autres n’est jamais facile, car cela perturbe notre vie.

    L’hospitalité, dans le contexte de l’évangélisation, remet en cause notre identité d’église. Recevoir des personnes ayant une autre religion rend plus difficile notre lutte pour ne pas se laisser influencer par les rites, les rituels et les traditions d’autres religions. Cette expérience nous apprend combien il est important d’être solidement enracinés dans le Seigneur, unis dans l’église et savoir discerner le bien du mal.

    L’union de l’Église mennonite d’Inde (MCI) a pratiqué l’hospitalité dès ses débuts. Chacune d’entre elles a des témoignages à apporter. Ma propre paroisse est reconnaissante à Dieu pour les nombreux privilèges que nous ont apportés les étrangers que nous avons reçus et aidés de diverses manières. Faire partie de cette église a été formateur et a contribué à transformer ma compréhension de l’hospitalité.

    Elisabeth Kunjam, d’abord membre de l’Église mennonite d’Inde, est devenue membre du Conseil d’administration des Églises des Frères mennonites d’Inde en 2005, après avoir épousé Frank Sanjay. Elle est membre de la Commission Diacres de la CMM. Elle est également coordinatrice des théologiennes anabaptistes d’Asie (TTAWA), une association qui a démarré grâce à la Commission Diacres en 2012.

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2016 de Courier/Correo/Courrier

    Elisabeth Kunjam
  • Walter Jakobeit headshot
  • Explorer nos engagements communs

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes est de se retrouver régulièrement pour le culte. Cependant, de par notre immense diversité, cet engagement se manifeste de manières très différentes. Dans le numéro d’octobre 2013, des responsables de notre communion décrivent différentes formes de culte anabaptistes : aspects visuel et sonore, difficultés et bénédictions.

    Résister au culte du ‘Royaume magique’ nord-américain

    Dans son livre inachevé Believing Is Only the Beginning (Thomas Nelson Publishers, 2013), Rich Stearns pose la question : “Ê quoi ressemblerions-nous si nous étions nés et avions grandi dans le parc du Royaume magique et que nous n’ayons jamais vu le monde extérieur ? ». Par ‘Royaume magique’, Rich Stearns se réfère au parc d’attractions Disneyland des États-Unis, construit par la Walt Disney Corporation – un lieu associé, pour beaucoup, à des personnages imaginaires, à un monde de féérie et de fantaisie.

    Nous pourrions décrire ainsi une grande partie de l’église de l’hémisphère nord. Beaucoup d’entre nous vivent dans une sorte de pays imaginaire, très loin (et peu conscients) des combats quotidiens de ceux qui vivent dans ce que Rich Stearns appelle le ‘Royaume tragique’ : le Sud (le reste du monde).

    Malgré la disparité de nos situations, le royaume de Dieu est le dénominateur commun des royaumes magique et tragique. En tant que disciples du Christ, peu importe où nous nous trouvons géographiquement, politiquement, culturellement ou économiquement, notre loyauté va au Royaume de Dieu. Nous chrétiens partageons les mêmes objectifs. Nous voulons parler d’espérance et de grâce à ceux qui nous entourent. Nous voulons construire des passerelles pour montrer que Jésus transcende les cultures et qu’il est pertinent. Dans son Royaume, la louange reflète notre conception de Dieu. Dans le royaume du monde, les actions des êtres humains suscitent une réponse de leurs dieux. Dans le Royaume céleste, les actions de Dieu suscitent la louange et l’émerveillement pour sa création.

    Nous croyants, de toutes origines, partageons une même citoyenneté, celle du Royaume de Dieu. Par conséquent, nous devrions être unis, au niveau local, national et mondial.

    C’est la vision de l’Apôtre Paul dans Éphésiens 4/4-6. Ces trois versets contiennent sept fois le mot seul – l’unité ‘verticale’ et ‘horizontale’ des chrétiens. Il n’y a qu’un seul corps, une seule espérance, une seule foi et un seul baptême (unité horizontale) parce qu’il n’y a qu’un seul Dieu : Père, Fils et Esprit, auquel nous appartenons tous (unité verticale).

    Mais comment cela se traduit-il dans la louange, surtout dans notre communauté mondiale d’églises ?

    L’unité des chrétiens traverse le temps, l’espace et les cultures. Bien que nos lieux de vie, notre style de culte et nos conceptions de l’autorité soient différents, nous devrions discerner une unité dans la diversité des expressions théologiques. Le fait de se rassembler, par exemple, est une expression commune de notre unité, quelles que soient les différences culturelles.

    L’unité des chrétiens s’exprime aussi dans la manière dont nous vivons notre citoyenneté dans le Royaume de Dieu : la contestation de l’oppression et des injustices, et les actions pour transformer les modèles égocentriques et capitalistes en s’occupant des démunis et de notre terre sont aussi une expression de notre louange.

    Malheureusement, aujourd’hui, en Amérique du Nord, nous vivons dans une culture très individualiste. Sans se soucier de leur environnement, jeunes et vieux marchent, conduisent, mangent et même dorment, enfermés dans leur propre conversation et dans diverses formes de divertissement. Notre culture du ‘Royaume magique’ nous conduit même à banaliser le culte. Ainsi que l’affirme Tom Kraeutner dans son article de 1992, ‘adorer/louer est un verbe’, “ Nous voulons tellement faire les choses ‘bien’ pour obtenir une ‘bonne’ réponse de notre entourage, que nous passons à cote de l’essentiel : Adorer/louer Dieu « .

    Utilisons notre théologie anabaptiste pour réfléchir à cette tendance. La louange est notre réponse à la Parole de Dieu et à sa création. Elle touche tous les aspects de la vie, et cette vision du monde influence nos choix en tant que disciples de Jésus. Notre accent sur la communauté et la valeur des dons de chaque personne pour le corps tout entier, est inclusif et participatif.

    Ceux d’entre nous qui vivent dans le ‘Royaume magique’ doivent reconnaître que tout ce qu’ils ont les détourne du culte. Il faut travailler beaucoup plus dur pour accorder paroles et actions. Cela m’a frappé quand j’ai comparé ces deux réflexions entendues après un culte. En Afrique, j’ai entendu : “J’aimerais que nous puissions rester et prier encore une heure. C’est si bon d’être ensemble ». En Amérique du Nord, j’ai entendu : “J’ai bien aimé le culte aujourd’hui, l’animateur du culte était super et la sono excellente. J’aimerais juste qu’ils regardent l’heure. Je suis en retard pour le déjeuner ».

    Je sais que ces commentaires sont des généralisations, et je suis reconnaissant aux nombreux Nord-Américains qui s’efforcent d’aller à contre-courant. Les ressources pour nous aider a réfléchir a qui et comment nous adorons sont abondantes. Voici quelques-unes des questions que je me pose :

    1. La forme et la fonction de notre culte reflètent-t-elles notre théologie ? Par exemple, compte tenu de notre diversité, le style ne devrait pas être un critère d’évaluation important de la forme du culte. Et pourtant, la théologie s’exprime dans le style que nous choisissons.

    2. Avons-nous exprimé toute la gamme des émotions humaines lors des cultes de l’année écoulée ? Devons-nous seulement chanter des cantiques joyeux, ou y a t-il une place pour la réflexion et la peine ? Sommes-nous tellement centrés sur un seul aspect que nous perdons la vision d’en- semble ?

    3. Notre culte exprime-t-il notre vie communautaire plutôt que l’évolution culturelle individualiste ?

    4. Sommes-nous assez créatifs pour encourager une large participation des per- sonnes présentes lorsqu’il y a des activités particulières ? L’inclusivité concerne tout le monde. Quels efforts faisons-nous pour être inclusifs ?

    5. Lorsque nous préparons nos ‘expériences’ de culte, ne nous arrive-t-il pas de trop réfléchir à ce nous allons ‘faire’ et pas assez à la vision de Dieu que nous transmettons ?

    Peut-être que, comme moi, vous avez connu des expériences particulières lors des rassemblements mondiaux de la CMM. Toutes les voix unies, qui s’élèvent et répondent à la grandeur de notre Créateur, Sauveur et Seigneur dans un culte multi-culturel, me donnent une idée du culte décrit dans le livre de l’Apocalypse. J’ai hâte de partager cet aperçu d’éternité avec mes frères et sœurs du monde entier lorsque nous nous retrouverons pour le 16e Rassemblement en 2015.

    Don McNiven (Kitchener, Ontario, Canada) est le directeur exécutif de l’International Brethren In Christ Association (IBICA), membre associe de la CMM. Il est membre du Comité de Supervision du Programme du 16e Rassemblement, et responsable des chants et des cultes.

  • Être disciple du Christ : Réflexions

    Lorsque je réfléchis à mon cheminement chrétien, un héritage précieux de mon église (Frères en Christ) est l’enseignement simple de l’obéissance du disciple du Christ. C’est un enseignement facteur de transformation, en ce qu’il demande un engagement sacrificiel et un dévouement au Christ et à sa cause.

    Le mot ‘obéissance’ signifie simplement ‘soumission à l’autorité’. C’est la volonté d’exécuter les instructions de cette autorité. C’est ainsi que les premiers anabaptistes comprenaient le discipulat. Feuilletez les pages d’un livre d’histoire sur les premiers anabaptistes et sur leurs sacrifices, et vous ne manquerez pas de remarquer que leur motivation sous-jacente était l’obéissance et la fidélité au Christ, à l’Église et aux Écritures telles qu’ils les comprenaient.

    Confesser le Christ comme Seigneur est un appel à le considérer comme la plus haute autorité dans nos vies. Par conséquent, tout ce qu’il dit doit être soigneusement accompli par ses disciples. Dans cet esprit, les premiers anabaptistes ont pris les paroles du Christ au sérieux (en particulier le Sermon sur la montagne), car ne pas le faire pourrait entraîner une grande ruine – derniers versets du sermon de Jésus (Mt 7/24-27).

    Que signifie donc être disciple du Christ ? Autrement dit, qu’est-ce que l’obéissance au Christ ?

    Une confiance qui conduit parfois à la souffrance

    La nécessité de l’obéissance est la nécessité de faire confiance à Dieu et à son Fils, Jésus-Christ. Ne pas le faire conduit potentiellement à l’idolâtrie, ce qui déplaît à Dieu. L’Ancien Testament comme le Nouveau sont émaillés de récits qui mettent l’accent sur la nécessité et l’importance de l’obéissance à Dieu et à Sa Parole.

    Étonnamment, l’obéissance à Dieu – bien que recommandée et bénie – ne conduit pas nécessairement au bonheur. En fait, elle a souvent conduit beaucoup de chrétiens à souffrir. Les premiers anabaptistes ont trouvé une source de force dans cette vérité, et ils ont persévéré. En raison de leur obéissance à Dieu, ces disciples ont souffert aux mains de ceux qui étaient opposés à la volonté de Dieu. Dans leurs souffrances, ils ont trouvé des encouragements dans les récits bibliques concernant Moïse, Elie, Daniel, Jérémie, et Shadrack, Meshack et Abednego, et surtout, dans la vie et les enseignements du Christ.

    Nos ancêtres auraient dit ‘Amen !’ aux paroles du pasteur et écrivain américain Chuck Swindoll, qui a écrit : « Lorsque vous souffrez et que vous perdez, cela ne signifie pas que vous désobéissez à Dieu. En fait, cela pourrait signifier que vous êtes au cœur de sa volonté. Le chemin de l’obéissance est souvent marqué par des moments de souffrance et de perte ».

    Mener une vie d’obéissance est un choix. Dieu ne nous contraint pas à lui obéir. Nous obéissons volontairement à Dieu en toutes circonstances, sachant que Dieu sait toujours ce qui est le mieux pour nous. Et que ce ‘mieux’ s’accomplit parfois en passant par les épreuves et les triomphes de la vie. La missionnaire Elisabeth Elliot dit : « Dieu est Dieu. Parce qu’il est Dieu, il est digne de ma confiance et de mon obéissance. Je ne trouverai le repos que dans sa sainte volonté qui est au-delà de toute compréhension ».

    C’est dans une telle vie de confiance en Dieu que l’on peut chanter en toute confiance : « Là où il me mène, je le suivrai / je vais avec lui jusqu’au bout ». En tant que disciples du Christ, nous devons comprendre que la souffrance est inévitable. Et, alors que nous ne devons pas l’accepter aveuglément, elle est pourtant un signe de vrai discipulat – de notre confiance en Dieu.

    Confiance en Dieu dans la pauvreté et l’abondance

    L’appel à l’obéissance dans l’Église a toujours été compris comme un appel à la fidélité aux Écritures ; aussi, les anabaptistes considéraient le Sermon sur la Montagne comme un guide normatif de vie avec Dieu, les uns avec les autres, avec leurs ennemis et avec les institutions telles que l’État.

    Pensez à la vie des premiers anabaptistes. La majorité d’entre eux étaient pauvres, et certains le sont devenus en raison de la persécution, conséquence de leur foi en Christ et de leur compréhension des Écritures. Il n’est pas surprenant que ces croyants aient été attirés par des passages tels que Mt 6/25-34, qui enseigne à faire confiance à Dieu qui pourvoira à tous les besoins. La survie quotidienne était réellement dans les mains de Dieu. Pour eux, Dieu était tout.

    Ces passages ont le même attrait aujourd’hui pour nos communautés qui connaissent des situations d’oppression, de conflit ou d’injustice. Pour nos frères et sœurs du monde entier dont le quotidien est fait d’incertitude, l’obéissance aux paroles du Christ n’est pas une option, c’est une marque de fidélité, une nécessité pour pouvoir persévérer.

    D’autre part, ceux qui ont le privilège d’aider les démunis par obéissance aux Écritures sont appelés à donner sans que leur main gauche sache ce que fait leur main droite. Ils sont récompensés par le Père qui voit dans le secret (Mt 6/1-4). L’obéissance signifie la fidélité aux paroles du Christ sur des questions de nature éthique. Cela demande de vérifier constamment les motivations de ses décisions et des actions qui en résultent, pour pouvoir dire avec Paul : «Tout ce que vous pouvez dire ou faire, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâce par lui à Dieu le Père.» (Col 3/17).

    Vivre dans la vérité sans avoir besoin de serments

    Les vrais disciples du Christ vivent dans la vérité et par la vérité. Il n’y a jamais d’excuse pour mener une vie désordonnée. La vérité doit marquer toute leur vie.

    Les premiers anabaptistes sont un exemple de vie authentique. Par exemple, ces croyants ne faisaient pas de serment. Ê cette époque, faire un serment était considéré comme l’aveu qu’un ‘oui’ n’était pas toujours un ‘oui’ et un ‘non’ pas toujours un ‘non’ (Mt 5/33-37). Les vrais chrétiens ne devraient-ils pas vivre dans la vérité tout le temps – pas seulement lorsqu’ils parlent aux représentants du gouvernement ou font des affaires ?

    Pour obéir au Christ dans un monde qui glorifiait les serments, il fallait refuser de faire des actes semblables et être prêt à en assumer les conséquences.

    Sur le chemin de l’obéissance au Christ, il y a des épines : diverses pratiques, nationales ou culturelles, dont certaines semblent inoffensives mais sont dangereuses pour la foi. En tant que chrétiens, nous ne devons jamais être naïfs. Nous devons étudier ensemble notre contexte à la lumière des Écritures et abandonner les pratiques qui nous empêchent de vivre la vérité de l’Évangile. En d’autres termes, que notre ‘oui’ soit ‘oui’ et que notre ‘non’ soit ‘non’! Notre obéissance au Christ se manifeste dans la façon dont nous répondons aux questions éthiques de notre époque.

    Un esprit d’amour, d’humilité, et non de crainte

    On ne peut parler d’obéissance chrétienne sans considérer le Christ comme notre modèle. Jésus, exprimant son obéissance à Dieu le Père, dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. » (Jn 4/34). Jésus s’est soumis lui-même à l’autorité de Dieu le Père, parce qu’il l’aimait. Dans la prière sacerdotale de Jn 17/20-26, nous avons un aperçu de la relation intime de Jésus et de Dieu. Des expressions comme « comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi » et « comme nous sommes un », nous montre ce qu’était leur relation. « Je t’ai connu et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître encore, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et moi en eux » – révèle la manière dont cette intimité se manifeste dans le ministère terrestre de Jésus.

    Je veux souligner ici que l’amour entre eux était intense. Il est important de constater que Jésus obéissait à Dieu par amour non par peur ou coercition.

    Nous, nous obéissons au Christ par amour, cet intense amour que nous avons pour lui, comme le décrit cette prière puissante. Jésus était prêt à aller jusqu’au bout et à payer le prix ultime, la mort sur la croix, parce qu’il connaissait Dieu et qu’il l’aimait sans condition. L’Église de Jésus Christ aujourd’hui ne peut se démarquer qu’en reflétant la gloire de Christ, lui montrant une soumission et un amour absolu.

    En outre, cette vie d’obéissance nous demande de pratiquer une vertu très importante : l’humilité. L’hymne de Philippiens 2/5-11 nous montre le lien entre l’humilité et la véritable obéissance. Christ a eu la volonté de se défaire de sa nature divine pour devenir un être humain, un serviteur. Il a remis son autorité à celle de Dieu. Christ a écouté cette autorité supérieure afin d’effectuer la mission pour laquelle il était venu. Il a bien voulu perdre ce qui paraissait précieux et important, afin de gagner ce qu’il ne pouvait encore voir, mais qui avait une importance cosmique.

    Par conséquent, l’obéissance illustrée par le Christ se trouve (en termes romantiques) là où l’amour et l’humilité s’embrassent ! La véritable obéissance telle qu’elle est enseignée par l’Église, est la volonté de se soumettre à la Seigneurie du Christ, et, par amour pour lui et par humilité, être prêt à faire tout ce que le Seigneur nous commande de faire.

    Aimer et prier pour ses ennemis

    Jésus n’était pas embarrassé de dire : « Si vous m’aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements » (Jn 14/15). Par conséquent, nous devons prendre au sérieux ce commandement important – parfois difficile – donné à chaque vrai disciple du Christ : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent [‚Ķ]. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense allez-vous en avoir ? [‚Ķ]. Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? » (Mt 5/43-44, 46, 47)

    Ces versets sont intimidants, mais très profonds. L’Église actuelle ne peut se permettre de lire ces passages sans se livrer à l’introspection ; l’Église d’autrefois faisait de même. Il n’est donc pas étonnant que notre théologie de la non-violence soit basée sur ces passages.

    On ne peut obéir au commandement de Jésus d’aimer son ennemi, et √¥ter la vie à ce supposé ennemi. Paul écrit : « Mais en ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs [ses ennemis !]. » (Rm 5/8). Dieu a tellement aimé ses ennemis – nous – qu’au lieu de nous anéantir, il nous a donné la vie par Jésus-Christ ! L’obéissance au Christ signifie que nous devons aimer ceux qui nous persécutent et, comme Dieu, souhaiter qu’ils vivent plut√¥t qu’ils meurent.

    Il nous est demandé de prier pour ceux qui nous persécutent. Beaucoup de chrétiens croient en la puissance de la prière. Beaucoup sont en mesure de dire sans y réfléchir : « La prière change les choses ». Mais souvent, les chrétiens ne sont pas prêts à prier pour leurs ennemis. Peut-être est-ce parce qu’ils savent que la prière change les choses ? Ils ont peur que Dieu pardonne à leur ennemi. Ils préfèrent le voir souffrir ou mourir ! Ou peut-être ne veulent-ils pas que Dieu ouvre les yeux de leur ennemi à la vérité et qu’il accepte son salut ? Ils ne veulent pas partager avec leur ennemi le glorieux héritage du Royaume de Dieu.

    Quand nous prions pour nos ennemis, Dieu transforme nos sentiments négatifs envers nos ennemis. Ces sentiments cultivent l’esprit de vengeance. Par conséquent, les entretenir manifeste un esprit rebelle : « Dieu, laisse-moi tranquille ! Je vais m’occuper de mes problèmes à ma façon. »

    Nous ne devrions pas être surpris que le Christ, à la fin de son enseignement sur la prière (Mt 6/5-13), fasse une déclaration forte sur le pardon : « En effet, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes. » (Mt 6/14-15). Cet enseignement va de pair avec l’enseignement sur l’amour des ennemis et la prière pour ceux qui nous persécutent.

    Ceux qui aiment et suivent Dieu en Christ aimeront leurs ennemis jusqu’au bout – même au prix de leur propre vie. Ils prieront pour eux, espérant les voir accepter le Christ comme Seigneur et Sauveur. Ce faisant, ils pourront être « invités au festin des noces de l’agneau ! » (Ap 19/09).

    Conclusion

    C’est cet enseignement que j’appelle mon héritage. C’est mon trésor, et je cherche à le transmettre à la génération suivante afin qu’elle puisse faire de même.

    Le monde est mieux servi par une Église obéissante, des disciples du Christ engagés à renoncer à tout pour lui afin de tout gagner (de lui). Telle est notre Église quand elle réalise qu’elle a tout ce dont elle a besoin pour être une force de transformation efficace dans le monde d’aujourd’hui.

    Danisa Ndlovu

     

    Danisa Ndlovu est président de la CMM et évêque de Ibandia Labazalwane kuKristu eZimbabwe (Église Frères en Christ du Zimbabwe).

     

  • L’inégalité économique : Explorer notre engagement commun pour le shalom

    Un des engagements de notre communion mondiale d’églises anabaptistes consiste à travailler au shalom. Nous croyons à l’engagement pour la justice et au partage de nos ressources, qu’elles soient matérielles, financières ou spirituelles. Pourtant, à cause de notre immense diversité, notre engagement prend différentes formes. Dans le numéro d’avril 2014, les responsables de notre communion analysent la manière dont les anabaptistes abordent la question de l’inégalité économique, et comment nous, en tant que disciples du Christ en quête du shalom, essayons de réduire les écarts de richesse dans nos communautés.

    La main ouverte, pas la charité

    Pe Portugal est un petit pays d’environ 92 000 kilomètres carrés. Pourtant, il a toujours été fasciné par la croissance et l’expansion. Dans le passé, nous nous sommes tournés vers la mer : nous avons découvert de nouveaux pays et nous avons connu un grand développement économique. Cette époque de la découverte et de l’exploration a donné à notre pays une perspective internationale. Il n’est pas tellement exagéré de dire que le Portugal est le tout premier pays mondial.

    Mais à un certain moment, le Portugal s’est simplement arrêté. C’est surtout à cause d’un dictateur qui a ‘gelé’ notre pays, économiquement, politiquement et socialement, pendant plus de 40 ans. Cette période de stagnation a affecté la mentalité portugaise jusqu’à ce jour.

    Lorsque le Portugal s’est libéré de la dictature le 25 avril 1974, il s’attendait à entrer dans une ère de croissance. Douze ans plus tard, lorsque nous avons rejoint l’Union européenne (UE), nous en avons immédiatement vu les avantages : des infrastructures ont été construites, des emplois ont été créés et des investissements ont renforcé notre économie. Le temps était venu pour le Portugal de ‘rattraper’ le reste de l’Europe.

    Malheureusement, les politiciens ont ignoré le revers de la médaille du développement. Année après année, le gouvernement a dépassé son budget. Sa dette a tellement augmenté que, pendant l’été 2011, l’Union européenne, la Banque européenne et le Fonds monétaire international ont dû intervenir.

    Soudain, l’économie du Portugal s’est effondrée. Le taux de chômage a augmenté de 16 % (près de 20 % selon les chiffres récents). L’émigration a repris, surtout parmi les jeunes. La lutte pour la survie est redevenue une réalité.

    Les Frères mennonites portugais ont commencé à s’en rendre compte dans leur propre communauté. Nous savions qu’il nous fallait agir. Nous avons commencé par demander à nos membres d’apporter tous les dimanches quelques petites choses qui pourraient être données à ceux qui en ont besoin. En outre, ces dernières années, nous avons reçu des dons d’Allemagne, par camion, tous les 2-3 mois. Il s’agit principalement de vêtements, de matériel électroménager et de meubles, ainsi que de nourriture. Ces dons permettent d’aider les démunis de notre ville.

    Pourtant, nous voulions éviter la ‘facilité’ de faire la charité. Aussi, en octobre 2013, nous avons ouvert un magasin d’occasions, petit, mais qui se développe, grâce à l’aide de Dieu. Situé dans un quartier pauvre près de la capitale, Lisbonne, le magasin vend ce que nous recevons d’Allemagne et permet aux personnes à faible revenu d’acheter des vêtements et d’autres marchandises à un prix symbolique. Nous pensons qu’il vaut mieux que les clients paient, même très peu, plutôt que d’être assistés. Et nous avons constaté qu’en dépit de leurs problèmes financiers, ils peuvent faire des achats.

    Et si certains n’ont pas d’argent, on trouve les moyen de préserver leur dignité par l’échange : ils peuvent apporter un kilo de riz, un paquet de spaghetti ou autre chose à échanger avec ce dont ils ont besoin. Un jour, un homme sans domicile fixe de ce quartier a voulu acheter un manteau, mais il n’avait pas l’argent à ce moment-là. Nous lui avons dit qu’il pourrait payer plus tard, et nous lui avons donné le manteau. Ê la fin du mois, il est revenu au magasin pour honorer son engagement.

    Ainsi nous enseignons aux gens à être responsables, même si c’est en payant seulement des petites sommes.

    Un autre impact réel de notre petit magasin est le témoignage. Les clients sont souvent impressionnés par la façon dont nous témoignons de l’amour de Dieu. Nous avons de la littérature chrétienne gratuite pour tous ceux qui entrent, et de temps en temps, des habitants du quartier viennent à notre culte du dimanche. C’est un moyen pour eux de découvrir le Christ. Peut-être s’engageront-ils pour le Seigneur…

    Une fois par mois, nous nous réunissons avec les habitants du quartier pour un repas. C’est une occasion spéciale parce que ceux qui viennent reçoivent un repas substantiel, mais ont aussi la chance d’entendre l’Évangile pendant une quinzaine de minutes. Nous avons placé stratégiquement ce message entre le plat principal et le dessert : il y a une pause, la Parole de Dieu, et ensuite un délicieux dessert.

    Notre assemblée locale est composée de gens simples. Et pourtant, grâce à notre ADN anabaptiste – évidente dès que les Frères mennonites ont commencé leur travail au Portugal en 1984 – il est très facile de nous mobiliser pour répandre de l’amour et bénir ceux qui nous entourent. Il ne s’agit pas de faire une bonne œuvre, mais de montrer de la compassion parce que nous savons que dans le Royaume de Dieu, nous sommes tous frères et soeurs ; nous nous réunissons pour louer Dieu chaque dimanche, certains riches, et certains sans le sou, mais tous unis en Christ.

    C’est pourquoi notre communauté Frères mennonites est très engagée, heureuse de tendre la main – pas de faire la charité – pour aider ceux qui en ont besoin. Aussi nos églises grandissent, et Dieu se manifeste et change la vie des Portugais.

    José Arrais est président de l’Associação dos Irmãos Mennonitas de Portugal (Frères mennonites).

  • Quand Conrad Grebel a baptisé ses amis le 25 janvier 1525 au soir, à Zurich (Suisse), il ne pouvait imaginer que ce petit geste annonçait la naissance de la grande famille mondiale spirituelle de la Conférence Mennonite Mondiale. De Suisse, le mouvement anabaptiste s’est répandu vers le nord, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas. Après la débâcle de Münster, Menno Simons a été leur ‘pasteur’, puis les mennonites ont émigré à l’est de la Prusse, et plus tard en Russie et en Ukraine. Plus tard encore, ils sont allés jusqu’en en Amérique du Nord et du Sud, et sur tous continents.

    Et partout sur le vieux continent, des mennonites sont restés. Aujourd’hui, il y a de très anciennes assemblées en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suisse – membres de la CMM depuis le début.

    Ces vieilles églises mennonites sont porteuses de la riche histoire et tradition des anabaptistes et des mennonites des siècles passés. Pourtant, ces paroisses d’Europe occidentale passent par des moments difficiles, mais cette fois pas à cause de la persécution, mais de la sécularisation. Le nombre de membres diminue et des paroisses disparaissent car il n’y a pas suffisamment de renouvellement. Mais, bien que moins nombreuses, les assemblées restent fidèles à leur identité mennonite et anabaptiste, et accomplissent l’œuvre de Dieu, chacune dans son contexte.

    Les responsables de chaque union d’églises européenne et leurs représentants au Conseil Général de la CMM se réunissent chaque année pour discuter des développements dans leurs pays respectifs et dans la CMM. Depuis quelques années, les assemblées mennonites plus jeunes du Sud de l’Europe (Portugal, Espagne et Italie en particulier) assistent à ces rencontres, ainsi que des représentants d’Autriche et de Bavière et quelques anciennes communautés Umsiedler. Une nouvelle collaboration émerge, où les assemblées, nouvelles et séculaires apprennent les unes des autres. Les nouvelles paroisses désirent mieux connaître les racines mennonites, les anciennes sont renouvelées par la vision sur la mission, l’enthousiasme et les méthodes des plus récentes.

    Ceci a convaincu les responsables de l’importance d’intensifier les contacts entre toutes les assemblées mennonites européennes, et d’en inviter davantage, comme celles d’Ukraine et de Biélorussie. C’est pourquoi, après quelques années de discussion, ils ont décidé lors de leur réunion d’octobre 2013 à Mayence (Allemagne), d’avoir un coordonnateur mennonite européen à partir de juillet 2014. Bien que toutes les Églises n’aient pas encore décidé de leur niveau de soutien, les responsables pensent qu’il sera possible de financer ce poste au moins pour les prochaines années.

    Cette évolution est un signe d’espoir. Les communautés mennonites européennes, bien que petites, s’identifient fortement à la mission et à la tradition mennonite anabaptiste. Ensemble, qu’elles soient conservatrices ou plus libérales, évangéliques ou piétistes, elles font partie du corps mondial du Christ. En travaillant ensemble chacune avec sa propre identité, jeunes et moins jeunes assemblées apprennent les unes des autres et se soutiennent mutuellement.

    Henk Stenvers (Pays-Bas) est secrétaire de la Commission Diacres de la CMM et secrétaire général/directeur de Algemene Doopsgezinde Sociëteit (Église mennonite des Pays-Bas).

  • Le christianisme connaît un déclin rapide en Europe. En deux ou trois générations, nous sommes passés d’une culture d’apparence chrétienne, à une culture post-chrétienne. Les statistiques de la CMM indiquent que, globalement, l’évolution des vieilles églises mennonites d’Europe reflète cette tendance.

    L’Espagne constitue une exception : en moins de quarante ans, une nouvelle réalité a vu le jour sous la forme d’une présence anabaptiste florissante. Pour nous, cette croissance est l’œuvre souveraine de l’Esprit, pas de nos propres efforts, bien insuffisants.

    Nos frères et sœurs des vieilles églises mennonites européennes (celles qui sont originaires du XVIe siècle) trouvent notre existence encourageante et porteuse d’espoir. Nous, d’autre part, attachons de la valeur à leurs siècles de fidélité et nous sommes honorés quand ils nous intègrent dans les activités et les organisations à l’échelle continentale.

    Histoire

    Les mennonites ont été actifs en Espagne pour la première fois pendant la guerre civile espagnole (1936-1939), quand le Mennonite Relief Committee a envoyé des volontaires nord-américains pour nourrir les enfants des réfugiés de guerre. Ê la fin de la guerre, la victoire de la faction fasciste et de l’idéologie nationale-catholique, a mis fin à l’engagement des mennonites dans ce pays.

    Pendant les années 1970, il est devenu possible d’envoyer des missionnaires en Espagne. Après consultation avec les responsables des églises protestantes espagnoles, les missionnaires mennonites décidèrent initialement de coopérer avec eux plutôt que de créer une autre dénomination dans le pays. Les premiers missionnaires, John et Bonnie Driver, ont été appréciés pour la fraîcheur de leur message profondément biblique, aux accents anabaptistes que beaucoup de jeunes évangéliques ont trouvé particulièrement intéressants. John et Bonnie sont restés en Espagne de 10 à 15 ans, avant de retourner en Amérique du Sud, où leur longue carrière missionnaire a atteint son point culminant.

    Pendant ce temps, la première église mennonite était née à Barcelone. Les personnes qui l’ont lancée étaient venues de Bruxelles (Belgique), où ils avaient émigré, et s’étaient joint à une assemblée mennonite issue d’une mission américaine. Au début, José Luis Suárez était à la tête de ce groupe, et en a été le pasteur pendant de nombreuses années jusqu’à sa retraite.

    Pendant ces mêmes années, il s’est produit un mouvement de conversions chez les adolescents dans l’Église catholique à Burgos. Mettant l’accent sur la musique, les arts et la vie communautaire, ce mouvement a secoué toute la ville. John Driver a été l’une des nombreuses personnes invitées à parler à Burgos, et son approche de l’enseignement de Jésus a frappé l’imagination de ces jeunes chrétiens.

    Quand trois ‘anciens’ du mouvement ont fait un voyage aux États-Unis pour visiter des communautés chrétiennes radicales, ils ont rencontré Dionisio et Connie Byler (Argentine). Dionisio étudiait au séminaire mennonite d’Elkhart (Indiana), et ils ont invité sa famille à venir à Burgos pour continuer le ministère d’enseignement des Driver. Les Byler vivent à Burgos depuis 1981, soutenus par le Mennonite Mission Network. Au milieu des années 1990, le groupe, à l’origine catholique, est devenu mennonite.

    Plus tard, dans les années 1980, il y eut une brève mais intense activité missionnaire des Frères Mennonites (MB), dans la région de Madrid. Cet effort a porté quelques fruits, mais actuellement, il n’y a pas d’église MB en Espagne.

    Des missionnaires Frères en Christ d’Amérique du Nord (BIC), Bruce et Merly Bundy, vinrent à Madrid dans les années 1990, inaugurant une nouvelle ère d’influence anabaptiste dans le pays. Grâce entre autres à leurs efforts, il y a maintenant deux églises BIC dans la région de Madrid. Plus récemment, Juan et Lucy Ferreira (Venezuela) ont commencé un groupe BIC à Tenerife (Îles Canaries), rattaché aux églises BIC de Madrid.

    Au début de ce siècle, l’Organización Cristiana Amor Viviente (une union d’églises mennonites du Honduras) a envoyé Antonio et Irma Montes en mission en Espagne. De leur travail sont nées deux églises en Catalogne et un petit groupe à Madrid.

    Rencontres mennonites et Association fraternelle

    Depuis les années 1980, ces différents groupes – dispersés dans des villes éloignées les unes des autres – ont décidé de se connaître mieux et de cultiver leur identité anabaptiste mennonite. Depuis 1992, cette relation s’est approfondie lors des Encuentros mennonitas Españoles (EME), qui ont lieu tous les deux ans.

    Après quelques années, nous avons constitué une association fraternelle, appelée Anabautistas, mennonitas y Hermanos en Cristo – España (AMyHCE). Nous participons à la FEREDE, l’association des églises protestantes d’Espagne (où nous sommes reconnus comme l’une des « familles confessionnelles » du protestantisme espagnol) et à la CMM. Nous sommes uniques car toutes nos églises, avec leurs diverses connexions aux confessions anabaptistes historiques, participent à la CMM ensemble avec une représentation unique.

    Trois autres églises se sont jointes à nous. Bien qu’elles n’aient jamais eu de lien formel avec une dénomination anabaptiste à l’extérieur du pays, elles se retrouvent dans l’enseignement et la pratique de cette branche du christianisme.

    Enfin, notre identité anabaptiste/mennonite a été renforcée par les relations avec les vieilles églises mennonites européenne. En 2006, par exemple, le Congrès Mennonite Européen (CME) s’est tenu à Barcelone, réunissant les mennonites de tout le continent européen pour se soutenir mutuellement et dialoguer.

    Des caractéristiques exceptionnelles

    Comme cet aperçu historique le montre, en dépit de sa petite taille, l’une des caractéristiques de l’AMyHCE est sa grande diversité, diversité dans les liens avec les dénominations anabaptistes du monde, mais aussi diversité d’accent et de pratique. Par exemple, dans nos communautés, il est possible de trouver des pratiques pentecôtistes, mais également des doutes concernant l’émotivité. Théologiquement, il y a parmi nous des tendances fondamentalistes tout autant que libérales, mais aussi une ‘troisième voie anabaptiste’, qui explore d’autres façons de comprendre la foi chrétienne.

    Bien que peu nombreuses, nos églises n’ont pas négligé le service et les missions. Pendant des années, l’assemblée de Burgos a été connue pour son centre de réhabilitation des toxicomanes, tandis que celle de Barcelone gère des foyers pour personnes âgées et handicapés mentaux. La paroisse de Burgos a créé un foyer pour enfants au Bénin, et s’occupe des ex enfants-soldats en Côte-d’Ivoire. Ce ministère en Afrique est béni par le soutien d’autres personnes et églises.

    Depuis nos débuts dans les années 1970, nous mettons l’accent sur l’exploration biblique et théologique dans le courant mennonite ou anabaptiste. Cela s’exprime dans les ministères d’enseignement et de littérature, imprimée et sur internet. Et depuis 2010, Antonio González, pasteur de l’une des paroisses BIC, dirige avec d’autres anabaptistes un petit centre d’études théologiques, Centro Teologico Koinonia (CTK), qui cherche à former une nouvelle génération de responsables.

    Il y a d’autres accents clairement anabaptistes dans nos communautés :

    • L’assemblée locale est une famille étroitement unie qui pratique l’aide mutuelle.
    • Jésus est Enseignant et Exemple, ainsi que Sauveur et Seigneur.
    • La non-violence et l’objection au service militaire.
    • Une théologie pragmatique, plutôt que dogmatique, intéressée davantage à suivre personnellement Jésus qu’à faire des déclarations théoriques doctrinales.

    Avenir

    Cette nouvelle croissance du christianisme anabaptiste/mennonite en Espagne comporte d’importants défis. Dans les 10-15 prochaines années, la plupart des paroisses devront faire face à un relais générationnel important en matière de leadership. De nouveaux responsables se lèveront, ou viendront d’autres églises. Ces responsables de deuxième génération auront-ils une identité claire au-delà de l’identité chrétienne évangélique ? Le centre d’études CTK espère contribuer à répondre à cette question.

    En outre, le christianisme protestant en général, et anabaptiste/mennonite en particulier, en tant que christianisme non-catholique, est relativement nouveau en Espagne. Ce n’est pas un hasard s’il est arrivé précisément au moment où le peuple espagnol a commencé à reconsidérer l’ancien lien entre identité espagnole et religion catholique romaine. Mais l’affaiblissement du catholicisme ne signifie pas nécessairement l’ouverture à d’autres formes de christianisme. Il est plutôt le signe de la tendance européenne post-chrétienne à considérer l’existence humaine sous un angle profondément athée. La superstition et la crédulité sont en hausse.

    La culture dominante n’est pas nécessairement hostile au christianisme, mais elle le considère comme totalement inintéressant ou même d’un niveau primaire embarrassant. Le défi pour nos églises (et pour nos églises sœurs) est de trouver un moyen de faire jaillir l’étincelle de l’intérêt, de la curiosité et de l’engagement. C’est essentiellement un appel à une église qui déborde de vie et de la présence de l’Esprit de Dieu.

    Nous n’avons pas l’illusion de pouvoir allumer la flamme de l’intérêt, de la conviction et la passion pour le Christ avec notre propre témoignage ou nos ressources humaines. Mais bien s√ªr, nous mettons notre énergie et nos ressources dans cette direction. Nous ne vivons pas dans l’illusion que prier génère une réponse automatique de Dieu. Pourtant, nous redoublons notre engagement à prier, implorant Dieu à genoux de répandre son Esprit sur ce pays.

    En dernière analyse, cette jeune pousse de christianisme anabaptiste/mennonite en Europe partage avec les anciennes églises-sœurs d’origine anabaptiste la réalité que notre survie même – pour ne pas mentionner notre croissance – dépend absolument de la grâce de Dieu. Elle seule peut nous garantir un avenir.

    Paradoxalement, c’est précisément la raison de notre espérance, de notre confiance et de notre foi en un avenir pour nos églises.

    Dionisio Byler écrit et enseigne à la Faculté de Théologie Protestante d’El Escorial, près de Madrid. Il est secrétaire de l’AMyHCE depuis sa création.


    Être anabaptiste ou mennonite en Espagne

    Agustín Melguizo
    Pasteur, Communautés Anabaptistes Unies (Burgos)

    Certaines des exigences anabaptistes ont été acceptées par la plupart des églises évangéliques auxquelles je suis lié : p. ex. la séparation de l’Église et de l’État et le baptême des adultes. Cela implique de collaborer avec différentes églises chrétiennes, avec lesquelles nous avons des différences, mais aussi beaucoup en commun.

    Cela signifie aussi de regarder autour de nous pour apporter la lumière de Jésus à ceux qui sont ouverts, et par le témoignage personnel et communautaire, et présenter une conversion qui concerne tous les domaines de la vie, dont le discipulat.

    David Becerra
    Pasteur, Église mennonite de Barcelone

    Je suis mennonite parce qu’un jour, j’ai découvert que le message et la vie de Jésus demandent une non-violence radicale. Cette lecture de l’Évangile m’a amené à être objecteur de conscience [au service militaire].

    Je suis mennonite parce qu’un jour, le pasteur de la paroisse mennonite de Barcelone m’a surpris en s’agenouillant devant moi et en me lavant les pieds. Cela m’a montré ce qu’est la vraie autorité : servir les autres (comme un esclave).

    Dans le contexte espagnol, être mennonite, c’est comprendre et vivre l’Évangile différemment, en mettant l’accent sur le Christ et son message de réconciliation.

    Antonio González
    pasteur et théologien, BIC

    Pour moi, être anabaptiste en Espagne n’est pas un hasard biographique, mais un choix. Pendant un temps, le Seigneur m’a conduit à rechercher un modèle vrai et radical de christianisme.Ce n’était pas d’abord le choix d’une église locale ou d’une dénomination. Mon chemin avec le Seigneur (et sans lui) et ma recherche théologique m’ont amené vers la vie communautaire de Jésus et des apôtres. Beaucoup de chrétiens sans doute, aujourd’hui, cherchent à retourner à leurs origines. Toutefois, ils ont tendance à oublier certains aspects du message de Jésus, comme le pacifisme et la dimension communautaire de la foi, qui sont pour moi essentiels, même s’ils ont été oubliés par les principaux courants du christianisme occidental.

  • Le pouvoir dans l’Église : Réflexions sur notre engagement commun à être Église

    Notre communion mondiale d’Églises anabaptistes est engagée à être Église ensemble. Nous reconnaissons aussi que l’Église a besoin de personnes assumant la responsabilité de guider le troupeau. Ceci posé, nous sommes conscients que le pouvoir s’exerce de différentes manières dans nos divers contextes. Dans ce numéro de Courrier/Correo/Courrier, des responsables de notre communion réfléchissent aux façons diverses dont les anabaptistes abordent la question du pouvoir en Église : luttes et difficultés, bénédictions et avantages.

    Il ne doit pas en être ainsi parmi vous

    L’anabaptisme est apparu sur la scène chrétienne en Corée du Sud il y a moins de 20 ans. En 1996, un groupe d’amis chrétiens – ayant une vision émergente de l’anabaptisme – ont mis fin à un lien de longue date avec leurs églises mères, pour la plupart protestantes. Après avoir passé de longues heures dans l’étude de la Bible et des recherches historiques et théologiques, ils ont réalisé que ce qu’ils voulaient, c’était de commencer une nouvelle Église fondée sur le Nouveau Testament.

    Rompre avec les grandes Églises était une chose ; en commencer une nouvelle est tout autre chose. L’anabaptisme avait encore mauvaise réputation à cette époque, si bien qu’adopter cette vision c’était aller à contre-courant de la tradition dominante. Une provocation de plus était que l’objectif était de revenir aux débuts de l’Église du premier siècle !

    Depuis, le réseau anabaptiste de Corée du Sud s’est développé peu à peu, au fur et à mesure de l’intérêt manifesté pour cette nouvelle conception de l’Église.

    On peut se poser la question : pourquoi ont-ils quitté leurs paroisses et ont-ils commencé un nouveau mouvement ? Parmi les facteurs ayant amené la séparation, l’un des principaux était leur conception de la nature de l’Église. Pour ces chrétiens, l’Église n’était pas une dénomination institutionnalisée qui crée inévitablement une structure de pouvoir inégale. Ils voyaient l’Église comme le corps du Christ, dans lequel le pouvoir est équitablement réparti entre frères et sœurs.

    Par nature, les êtres humains désirent le pouvoir. Tout au long de l’histoire, personne n’a échappé complètement à l’attrait du pouvoir ; même Jésus a été tenté par Satan dans ce domaine. L’Église n’en a pas été exempte. En fait, de nombreux responsables d’églises sont tentés d’exercer leur autorité pour dominer les autres.

    C’est exactement ce qui est arrivé aux disciples de Jésus il y a 2 000 ans : ils se sont querellés pour savoir qui était le plus grand parmi eux. Et deux d’entre eux, Jacques et Jean, ont demandé des places particulières, l’un à gauche et l’autre à la droite de Jésus glorifié (Mc 10/37). Même leur mère voulait que Jésus leur donne le pouvoir : « Promets-moi de faire siéger l’un à ta droite, l’autre à ta gauche, dans ton royaume » (Mt 20/21). Ces requêtes ont fâché les autres disciples et ils ont été indignés. Il n’est pas étonnant que cela ait été un sujet de désaccord !

    Finalement, Jésus les a appelé et leur a dit : « Vous savez ce qui se passe dans les nations : ceux que l’on considère comme les chefs politiques dominent sur leurs peuples, et les grands personnages font peser leur autorité sur eux. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous ! Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir lui-même et donner sa vie en rançon de beaucoup. » (Mc 10/42-45).

    Il est gênant de voir que, parfois, les chrétiens cherchent le pouvoir et la célébrité pour maintenir le statu quo. Je ne dis pas cela parce que je suis meilleur que les autres, mais parce que, moi aussi, je suis tenté de rechercher le pouvoir comme dans le monde, si je n’agis pas poussé par l’Esprit de Dieu. Malheureusement, trop peu de gens reconnaissent l’influence corruptrice du pouvoir, et trop peu se rendent compte que le pouvoir peut être utilisé à mauvais escient par des soi-disant ‘responsables’ d’églises.

    On aime être appelé ‘responsable’ ou ‘directeur’. Nous avons tous tendance à demander ce titre, avec le pouvoir et la popularité qui l’accompagnent. Pourtant ce que nous désirons, ce n’est pas le type de pouvoir recherché par le monde. C’est plutôt le pouvoir que nous recevons de Dieu lorsque nous sommes faibles et pourtant rendus forts par l’Esprit de Dieu. C’est le pouvoir du serviteur, pas du chef. C’est le pouvoir de l’humilité, du renoncement au contrôle. C’est le pouvoir de ne pas tuer nos ennemis, mais de les aimer, et de donner sa vie comme notre Seigneur est venu pour donner sa vie en rançon de beaucoup.

    Ne tombons pas dans le piège du diable : penser que c’est une récompense de Dieu d’être ‘au dessus des autres’. Le discipulat ne comporte pas une telle récompense. Au lieu de cela, c’est la coupe et la croix : « Vous boirez en effet la coupe que je vais boire, et vous subirez le baptême par lequel je vais passer, mais quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de vous l’accorder : ces places reviendront à ceux pour qui elles ont été préparées. » (Mc 10/40).

    Que Dieu nous accorde le pouvoir de nous libérer des attentes du monde, et de nous appuyer sur Sa puissance, même dans notre faiblesse.

    Kyong-Jung Kim est le représentant régional de la CMM pour l’Asie du Nord-Est. Depuis 2004, il est directeur du Centre Anabaptiste de Corée, un ministère des églises anabaptistes de la Corée du Sud.

  • Le pouvoir dans l’Église : Réflexions sur notre engagement commun à être Église

    Notre communion mondiale d’Églises anabaptistes est engagée à être Église ensemble. Nous reconnaissons aussi que l’Église a besoin de personnes assumant la responsabilité de guider le troupeau. Ceci posé, nous sommes conscients que le pouvoir s’exerce de différentes manières dans nos divers contextes. Dans ce numéro de Courrier/Correo/Courrier, des responsables de notre communion réfléchissent aux façons diverses dont les anabaptistes abordent la question du pouvoir en Église : luttes et difficultés, bénédictions et avantages.

    Au-delà de la domination et du contrôle

    Périodiquement, des responsables d’assemblées et d’organisations chrétiennes me tapent sur l’épaule pour que j’explique ce que signifie être fidèle en devenant un corps diversifié et réconcilié selon Dieu. Il y a quelques années, j’aurais répondu en réaffirmant la vision biblique de la communauté chrétienne du Nouveau Testament, dans laquelle toutes les barrières sont brisées, d’abord entre juifs et gentils, et ensuite entre chaque groupe social, y compris les groupes raciaux. J’aurais peut-être commencé par souligner les implications radicales de l’Église en tant que nouvelle société multiethnique, dans laquelle les anciennes identités et les réseaux relationnels sont reconfigurés à cause de l’œuvre de Jésus ; et enfin par la mention de la destruction en et par Dieu en Jésus-Christ du mur qui nous séparait.

    Théologiquement, j’y crois toujours. Pourtant, cette interprétation ne prend pas en compte certaines forces historiques à l’œuvre dans la plupart des églises nord-américaines, et dont on parle rarement.

    Serait-il possible que notre principal problème ne concerne pas seulement la division et les différences culturelles et ethniques en Amérique du Nord ? Serait-il possible que la véritable question soit celle de la façon dont le pouvoir a été utilisé historiquement parmi les chrétiens dans l’Église et dans la société en général ?

    En Amérique du Nord, l’Église ne s’est jamais vraiment repentie (ou détournée) de la domination raciale qui a imprégnée ses pratiques et sa théologie depuis le XVIIe siècle. Certes, l’esclavage a été officiellement aboli ; il est stigmatisé, et la société en général réagit négativement à la mention même du mot. Il n’est pas nécessaire d’avoir du courage pour regarder l’histoire (chrétienne) de l’esclavage aux États-Unis de 1619 à 1865, et de le dénoncer comme étant incompatible avec le chemin de Jésus.

    Cependant, dans la plupart des communautés chrétiennes des États-Unis, il faut des convictions solides à ceux qui se rassemblent sous la seigneurie de Jésus pour parler des pratiques de la domination blanche avec sincérité et patience tout en se montrant vulnérable. Ê ce jour ces pratiques ont continué à être utilisées dans et par l’Église, constituant un contre-témoignage dans le monde. L’esclavage a disparu, mais la logique du raisonnement racial qui a produit la domination et le contrôle des blancs dans la communauté chrétienne (et au-delà de ses murs) est restée intacte.

    Nous devons nous demander pourquoi l’Église nord-américaine (dont les anabaptistes) n’a pas su comprendre que le racisme est une question théologique et concerne le discipulat. L’Église est troublée par le déploiement du pouvoir en son sein et le justifie inconsciemment par un regard raciste.

    De nombreux chrétiens aimeraient vivre dans une communauté ‘diverse’, signe de la réconciliation de Dieu en Jésus-Christ. Cependant, très peu d’assemblées sont prêtes à renoncer au pouvoir et au contrôle exercés dans leurs communautés. En général, quand des personnes ‘diverses’ entrent dans ces communautés ‘accueillantes’, elles doivent se convertir théologiquement, culturellement et socialement aux normes établies. Ainsi que le dit le dicton : « The White way is the right way » (la bonne manière de faire est celle des blancs). Ces normes ne sont pas de valeurs chrétiennes ‘pures’ et indemnes des normes sociales et culturelles. Néanmoins, c’est ainsi qu’elles sont souvent utilisées et justifiées.

    Au lieu de pratiquer la ‘kénose’ (Phm 2/5-11) – l’abaissement et le renoncement au pouvoir – et de développer des relations avec des chrétiens opprimés et victimes du racisme dans une attitude de vulnérabilité réciproque, ce qui peut conduire à la transformation, les groupes qui ont le pouvoir dominent les autres. La tentation a toujours été de se tromper en gardant le pouvoir et le contrôle sur les minorités raciales, ce qui empêche toute possibilité de réconciliation authentique, pourtant si souvent souhaitée. La réconciliation ce n’est pas seulement des groupes différents partageant le même espace tous les dimanches matins. Tant que la domination et la supériorité subsistent, il n‘y a pas de réconciliation. Quand des minorités raciales qui ont toujours été écrasées et exclues par l’exercice du pouvoir dans l’Église ne sont pas incluses, et quand la prise de décision n’est pas le fait de tous, dans la vulnérabilité, il ne peut se produire de réconciliation authentique. Quand on ne donne pas la priorité aux plus faibles et que les membres de l’assemblée locale ne sont pas à leur écoute pour privilégier leur voix, le Royaume de Dieu ne règne pas entièrement parmi nous.

    Ne pas tenir compte de la dynamique du pouvoir à l’œuvre dans la racialisation de nos communautés anabaptistes nord-américaines conduit à un diagnostic erroné de ce qui nous empêche d’aller au-delà du modèle figé de conformité raciale dans notre société. Nous ne témoignons pas de notre soumission à la manifestation de la puissance de Dieu dans notre faiblesse humaine. Dans nos communautés anabaptistes nord-américaines, il nous faut aller au-delà de la domination et du contrôle vers une solidarité et une réciprocité pratiquée dans l’humilité.

    Le temps est venu de reformuler notre théologie et ses pratiques afin de pouvoir suivre plus fidèlement le chemin de Jésus dans une société raciste. Nos paroisses anabaptistes sont probablement plus enclines que les autres à comprendre que nous ne devrions pas dominer ou écraser les autres. Pourtant, nous avons besoin d’actualiser cette théologie dans nos églises et dénominations dominées et contrôlées par des blancs.

    Que se passerait-il si les chaires et les rayons de bibliothèques anabaptistes n’étaient pas dominés par les auteurs et les orateurs blancs ? S’ils cherchaient vraiment à utiliser tous les dons de l’Église, en particulier de ceux qui ont été dominés et exclus dans le passé ? Nos paroisses ne pourraient-elles rendre visible le règne de Dieu devant le monde en suivant l’exemple créatif des mouvements chrétiens prophétiques ‘non-blancs’ qui incluent des personnes vulnérables et sans défense ?

    Nos cultes en commun ne seraient-ils pas enrichis par la solidarité et la vie quotidienne avec des personnes qui ont été systématiquement exclues sur la base du racisme ? Comment l’anabaptisme contemporain – qui a commencé au XVIe siècle avec surtout des groupes opprimés économiquement formant un rassemblement visible de disciples engagés à suivre Jésus concrètement – pourrait-il se renouveler par le renoncement à la domination et au contrôle des blancs, sur les autres ? Comment pourrait-il choisir de devenir vulnérable et solidaire de ceux qui sont opprimés à cause de leur race ? Comment pourrait-il chercher le shalom et le bien de tous, à l’intérieur et au-delà de nos communautés chrétiennes ?

    Drew G. I. Hart (drewgihart.com/) se présente comme anabaptiste noir, ‘MennoNerds blogger’ et ancien pasteur de l’église Frères en Christ d’Harrisburg (États-Unis). Il est aussi étudiant en doctorat qui fait des recherches sur la théologie noire et l’anabaptisme.

  • Réflexions sur notre engagement commun à être Église

    Notre communion mondiale d’Églises anabaptistes est engagée à être Église ensemble. Nous reconnaissons aussi que l’Église a besoin de personnes assumant la responsabilité de guider le troupeau. Ceci posé, nous sommes conscients que le pouvoir s’exerce de différentes manières dans nos divers contextes. 

     

    Il ne doit pas en être ainsi parmi vous (Kyong-Jung Kim, Corée du Sud)

    On peut se poser la question : pourquoi ont-ils quitté leurs paroisses et ont-ils commencé un nouveau mouvement ? Parmi les facteurs ayant amené la séparation, l’un des principaux était leur conception de la nature de l’Église. Pour ces chrétiens, l’Église n’était pas une dénomination institutionnalisée qui crée inévitablement une structure de pouvoir inégale. Ils voyaient l’Église comme le corps du Christ, dans lequel le pouvoir est équitablement réparti entre frères et sœurs.

     

    Malédiction ou bénédiction ? (Doris Dube, Zimbabwe)

    Moi laïque, j’ai connu autant de styles de leadership que de responsables ! Ils ont tous le pouvoir, et ce pouvoir peut être bon ou mauvais. Tous, êtres humains faillibles, donnent le ton dans l’assemblée par la manière dont ils l’exercent.

     

    Au-delà de la domination et du contrôle (Drew G. I. Hart, États-Unis)

    Nous devons nous demander pourquoi l’Église nord-américaine (dont les anabaptistes) n’a pas su comprendre que le racisme est une question théologique et concerne le discipulat. L’Église est troublée par le déploiement du pouvoir en son sein et le justifie inconsciemment par un regard raciste.

     

  • Comme les mennonites (et d’autres anabaptistes) de tous les pays du monde, les mennonites canadiens sont enracinés dans leur pays et affectés par son histoire. Le Canada est un très grand pays, long de 7 000 km de l’Atlantique au Pacifique jusqu’à l’Arctique. C’est également un des pays les plus riches du monde, avec un très bon système d’enseignement et de santé. L’anglais est dominant, à cause du lien historique avec la Grande-Bretagne, mais la langue française est parlée au Québec. Ce pays peuplé de colons (agriculteurs immigrants, en particulier en Ontario et dans l’Ouest du Canada) a également une longue histoire parfois violente, de relations avec les peuples autochtones.

    Bilingue, le Canada a toujours toléré les cultures minoritaires et, en particulièrement pendant le dernier tiers du XXe siècle, il a accueilli un grand nombre de nouveaux immigrants venant du Sud. Aujourd’hui, seulement deux tiers des 35 millions de Canadiens se disent chrétiens (presque deux fois plus de catholiques que de protestants). Huit millions ne sont pas religieux et environ un million sont musulmans ; un autre million ont une religion d’origine indienne (hindous ou sikhs) ; il y a 300 000 bouddhistes et
    300 000 juifs.

    Les mennonites, de 127 000 (membres d’églises mennonites en 2010) à 175 000 (recensement de 2011 au Canada), constituent une minorité. Ils sont aussi très différents, avec plus de 20 dénominations utilisant le nom ‘mennonite’.

    Mennonite Church (MC) et Mennonite Brethren (MB) (Église mennonite et Frères mennonites)

    Ce sont les deux groupes les plus nombreux : les Mennonite Brethren comptent environ 38 000 membres et la Mennonite Church, 32 000. Ce sont aussi les plus urbanisés, ils attirent de nombreux ‘non-mennonites’ canadiens, ainsi que des immigrants latino-américains et chinois.

    Les assemblées locales MB viennent de Russie (1860), après leur séparation des groupes mennonites principaux, pour mettre l’accent sur la foi personnelle et choisir le baptême par immersion. La première paroisse MB du Canada a été créée en 1888 en tant que poste missionnaire, mais les MB canadiens sont restés peu nombreux jusqu’en 1923, quand des immigrants fuyant le communisme d’Union soviétique ont commencé à arriver au Canada.

    L’histoire des paroisses MC est plus complexe ; elle a son origine dans la fusion (1999) de deux dénominations généralement appelées ‘General Conférence’ (GC) et ‘(Old) Mennonite’ (OM). Les OM se sont développés après l’arrivée des mennonites au Haut-Canada aujourd’hui l’Ontario) de Pennsylvanie, d’abord en 1786, mais en bien plus grand nombre après 1800. Bien qu’au début (1860), la GC d’Amérique du Nord comprenait une assemblée en Ontario, la présence permanente de la GC au Canada a commencé avec la fondation de la Conference of Mennonites in Canada en 1903, et a été renforcée par l’immigration des mennonites d’Union soviétique dans les années 1920 et 1940. Compte tenu de leur diversité, les paroisses MC soulignent l’unité et la communion fraternelle dans la diversité, ainsi que la justice sociale, en particulier avec le Comité Central Mennonite (MCC).

    Autres groupes anabaptistes-mennonites au Canada

    Plusieurs dénominations de taille moyenne (entre 4 000 et 6 000 membres) ont ‘panaché’ l’anabaptisme et le protestantisme évangélique. L’Église Frères en Christ est issue des migrations de mennonites américains suisses-allemands (fin du XVIIIe siècle) vers le Haut-Canada. La Evangelical Mennonite Conference (EMC) et la Evangelical Mennonite Mission Conference (EMMC) descendent des émigrants russo-hollandais (années 1870), et sont influencées par le mouvement évangélique du milieu du XXe siècle. Elles sont connues pour leur travail missionnaire et leur soutien au MCC.

        Il est peut-être surprenant que parmi les dénominations mennonites canadiennes, 17 (plus de 30 000 membres) soient des groupes appelés ‘plain’ (ordinaire) ou ‘old order’ (ancien ordre). Ils cherchent rarement à adhérer à la CMM. Ils se distinguent généralement par une vie simple, la non-conformité et la séparation du ‘monde’ ; ils portent des vêtements neutres, des coverings (petit bonnet de dentelle) pour les femmes et des chemises boutonnées avec des manches longues pour les hommes. Environ 20 % des plus conservateurs sont des mennonites ‘Horse and Buggy’ (cheval et carriole).

    Deux unions d’églises évangéliques (anciennement Mennonites Brethren in Christ et Evangelical Mennonite Brethren, maintenant Evangelical Missionary Church of Canada et Fellowship of Evangelical Bible Churches) ont abandonné le nom ‘mennonite’. Il y a aussi des huttérites et quelques Amish.

    Institutions mennonites canadiennes

    La communauté canadienne mennonite présente un large éventail d’institutions. En fait, il est tout à fait possible de ne vivre que dans des contextes largement mennonites – en particulier dans les zones rurales et dans des villes telles que Kitchener-Waterloo (Ontario), Winnipeg (Manitoba), Saskatoon (Saskatchewan) et Abbotsford (Colombie-Britannique). Beaucoup d’enfants fréquentent des écoles mennonites. Les jeunes peuvent continuer leurs études universitaires générales ou religieuses dans de nombreuses universités anabaptistes-mennonites, en particulier à Canadian Mennonite University à Winnipeg, Columbia Bible College à Abbotsford et Conrad Grebel University College, à Waterloo. Les jeunes familles peuvent facilement obtenir des prêts auprès d’une douzaine de banques coopératives d’origine mennonite : la plus grande, au capital de quatre milliards de CND, est la Steinbach Credit Union, au Manitoba. Des assurances incendie sont proposées par plusieurs entreprises mennonites (Mennonite Union Aid – 1866 à 2002 –  est la plus ancienne). Les mennonites  trouvent même des voyages organisés, tels que Mennonite Heritage Cruise, bien que le réseau ‘Mennonite Your Way’ * soit aussi utilisé.

    Ils peuvent consulter leur arbre généalogique dans des archives mennonites ou se souvenir du passé dans l’un des nombreux musées. Des testaments et des legs sont souvent faits par l’intermédiaire de la Mennonite Foundation of Canada. Il y a aussi des résidences ‘mennonites’ pour personnes âgées dans de nombreux endroits, Menno Terrace East, à Abbotsford, par exemple. Des mennonites sont aussi propriétaires d’entreprises de pompes funèbres.

    Les mennonites canadiens comptent de plus en plus sur les institutions nationales pour soutenir leur mission. Tout en étant plus ouverts sur le monde, ils sont devenus plus centrés sur eux-mêmes, se séparant d’institutions nord-américaines **. Par exemple, en 1963, le MCC Canada a été créé, distinct du MCC d’Akron (États-Unis) le siège, pour mieux « parler d’une seule voix pour les mennonites canadiens ». En 1967, la Mennonite Historical Society of Canada a été créée afin de présenter une identité historique unifiée, en particulier avec les trois volumes de la série historique Mennonites in Canada commencée par Frank H. Epp. En 1999, la fusion de l’OM et de la GC pour former une Église mennonite unifiée a créé une nouvelle division, Canada/États-Unis, donnant naissance à la MC Canada (qui a son homologue aux États-Unis). La MB, l’EMC, les Frères en Christ et d’autres unions d’églises ont connu une évolution similaire.

    La création du MCC Canada a également permis le développement d’une relation étonnamment étroite avec les gouvernements provinciaux et fédéraux. En 1975, par exemple, le MCC Canada a ouvert un bureau à Ottawa, non seulement pour obtenir des privilèges du gouvernement, mais aussi pour pouvoir influer sur la politique. En effet, les mennonites canadiens ont acquis la réputation d’être prêts à travailler avec les agences gouvernementales. La Canadian Foodgrains Bank, fondée par le MCC, a réussi en partie grâce aux matching funds¬ß du gouvernement fédéral. En outre, un nombre croissant de mennonites travaille au Parlement fédéral et avec les législatures provinciales.

    Caractéristiques mennonites canadiennes

    Au fil du temps, des caractéristiques mennonites spécifiques se sont développées. Par exemple, les mennonites canadiens ont créé des liens avec des mennonites d’autres parties du monde pour construire une forte communauté mondiale. Ils se sont joints à des organisations binationales, comme le MCC après 1920, Mennonite Disaster Service après 1951 et Mennonite Economic Development Associates après 1952. Historiquement, les Églises MB et MC ont eu des liens étroits avec les missions d’Amérique du Nord* à l’étranger, en particulier au Congo, en Inde et en Amérique centrale. Parmi eux, la missionnaire canadienne Susanna Plett a été un modèle pour une génération de missionnaires EMC quand elle est partie pour le Brésil sans soutien d’églises en 1942. Jacob Loewen d’Abbotsford est peut-être le plus connu à l’échelle mondiale : missiologue OM, il a développé l’auto-analyse critique et soutenu le leadership autochtone. Christian Peacemaker Teams a transformé la façon dont les jeunes mennonites canadiens abordent le pacifisme et la non-violence. Les Églises canadiennes sont de ferventes partisanes de la Conférence Mennonite Mondiale.

    Les mennonites canadiens ont appris à s’exprimer autrement. Ils ont toujours été chanteurs (Benjamin Eby a produit le premier livre de cantiques canadiens dans les années 1830) et musiciens (Ben Horch de Winnipeg, chorales et orchestres). Parmi eux, certains auteurs sont de renommée nationale ; Peace Shall Destroy Many (1962) de Rudy Wiebe est encore considéré comme un travail pionnier. Les films ‘mennonites’ sont devenus populaires, And When They Shall Ask, (qui décrit les souffrances en Union soviétique) a attiré des milliers de spectateurs. Enfin, de nombreuses ressources sont apparues sur internet, dont GAMEO, l’encyclopédie mondiale anabaptiste mennonite, projet de la Mennonite Historical Society of Canada.

    Ce qui caractérise le plus l’histoire canadienne mennonite est peut-être la migration, avec sept vagues. Les trois premières ont eu lieu dans les années 1800, chaque groupe visant à construire des communautés agricoles frontalières exclusives, sous la protection du monarque britannique. Il y a eu d’abord des mennonites des États-Unis originaires de Suisse, qui sont arrivés dans le Haut-Canada après la guerre d’Indépendance américaine, puis des amish d’Europe dans les années 1820, et enfin 8 000 mennonites d’origine néerlandaise au Manitoba, dans les années 1870 après que la Russie ait modifié ses lois d’exemption militaire.

    Les deux groupes suivants sont venus d’Ukraine et de Russie, déchirées par la guerre : 20 000 dans les années 1920, et

    8 000 (dont des femmes étaient le plus souvent chefs de famille) après 1948.

    Les sixième et septième groupes viennent du Sud. Beaucoup sont des Latino-Américains parlant le ‘bas-allemand’, descendants de mennonites qui ont quitté le Canada dans les années 1920 pour éviter l’assimilation anglaise. Ce qui a changé le plus l’image des mennonites étant euro-canadiens, ce sont les nouveaux arrivants des pays du Sud qui ont rejoint les églises mennonites en arrivant au Canada : Chin (Birmans), Chinois, Hmong, Coréens, Hmong du Laos, Punjabis (Indiens et Pakistanais), Latino-Américains et Vietnamiens, entre autres. Ce sont souvent des réfugiés de guerre civile ou des victimes de la pauvreté.

    Développements récents

    Au cours des dernières décennies, les mennonites canadiens se sont ouverts à de nouvelles formes de culte et de vie d’église. Janet Douglas Hall était en avance sur son temps quand elle a été pasteure d’une église mennonite Frères en Christ à Dornoch, en Ontario, en 1886. Elle a été une précurseuse pour les femmes qui sont devenues de plus en plus souvent pasteure principal, d’abord dans les assemblées MC dans les années 1970, et plus récemment, dans les paroisses MB, EMC et Frères en Christ.

    Certaines églises ont adopté un leadership informel, y compris les églises de maison comme Pembina Fellowship à Morden, au Manitoba, ou des assemblées sans pasteur payé, comme Fort Garry Mennonite Fellowship à Winnipeg. √Ä Oakville, en Ontario la Meeting House, une grande paroisse Frères en Christ, est une « église pour ceux qui n’aiment pas l’église ». Ils se réunissent dans des salles de cinéma à plusieurs endroits, connectés par vidéo. D’autres assemblées, comme la Toronto United Mennonite Church (MC) ‘accueillent’ les membres de la communauté LGBT.

    L’implantation d’églises fait partie de l’histoire récente. La MB en particulier a expérimenté différentes formes d’implantations d’églises, notamment en créant les Églises des Frères Mennonites au Québec. Ces dernières décennies, la GC du Manitoba a cherché à toucher les communautés autochtones, en présentant davantage Dieu comme Créateur.

    Enfin, de nombreuses paroisses ont abandonné les hymnes traditionnels pour des chants plus dynamiques, avec l’aide de projections PowerPoint et de groupes de musicien. De nombreuses églises, comme Bakerview MB Church à Abbotsford, ont en même temps introduit des cultes liturgiques, qui attirent de plus en plus les jeunes mennonites. 

    Royden Loewen est président du département d’Études mennonites et professeur d’histoire à l’Université de Winnipeg (Canada). Marlene Epp, Bruce Guenther, Mary Ann Loewen et Hans Werner ont contribué à la rédaction de cet article.

    Des responsables participant à une rencontre de Mennonite Frères en Christ à Kitchener, en Ontario, en 1917. Aujourd’hui, après plusieurs fusions et changements de noms, ce groupe a pris le nom d’Evangelical Missionary Church of Canada. Photo : Archives mennonites d’Ontario
    Des dirigeants de Hmong Mennonite Church (Kitchener) en 1991. De gauche à droite : Ge Yang, Toua Jang, Lee Xong, Tou Vang. L’augmentation de la diversité ethnique a été l’un des nombreux développements récents dans l’histoire des anabaptistes canadiens. Photo : Larry Boshart / Archives mennonites d’Ontario
    Alice Snyder étiquette des paquets de No√´l pour la distribution internationale en 1954, du MCC, qui fournit des vivres et une aide maté- rielle dans des zones sinistrées. Photo : David Hunsberger / Archives mennonites d’Ontario