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  • Comment, dans notre communion mondiale, les ‘Convictions communion’ de la CMM s’expriment-elles localement dans leur magnifique variété ?

    L’édition d’octobre 2016 de Courier/Correo/Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Comment l’amour du Christ nous motive t-il et nous guide t-il pour aller vers les étrangers dans notre contexte local ?

    Une approche holistique à Semarang : sollicitude pour la personne tout entière

    En Indonésie, le plus grand pays à majorité musulmane au monde, l’église mennonite répond aux besoins de la communauté audelà des religions et des classes sociales par une sollicitude pour toute la personne ; elle est soutenue par les institutions gouvernementales locales et les institutions religieuses. L’église témoigne de l’amour et de la grâce de Dieu en accueillant ses frères et sœurs musulmans et tous les membres d’autres religions. « Ce ne sont pas des ennemis ; ce sont ceux qui ont besoin de l’amour et de l’aide de Dieu, tout comme nous », dit Victor Purnomo. Il est pasteur de Jemaat Kristen Indonesia Injil Kerajaan (Évangile de l’Église du Royaume, communauté [mennonite] chrétienne indonésienne). « Sans les murs de la haine ou de la colère, l’église est en mesure de travailler de manière créative pour répondre aux besoins de la ville et, finalement, toucher le cœur de ses habitants. » Les Églises comme JKI Injil Kerajaan basent leur ministère sur de bonnes relations avec les citoyens locaux. JKI Injil Kerajaan s’adresse aux catégories sociales qui ont le plus de besoins. Elle a découvert que cette population répond rapidement, ouvertement et avec reconnaissance.

    Une approche holistique

    L’approche holistique de l’église consiste à proposer des bourses d’études pour les enfants par le biais de Sekolah Terang Bangsa (École Lumière des Nations) et à organiser une école primaire et secondaire. Ce ministère a ouvert le cœur de nombreux parents : « Si vous pouvez aimer les enfants, les parents seront très fiers parce que leurs enfants sont bien traités et valorisés », dit le pasteur Victor. La paroisse est aussi en contact avec ses voisins par le biais de ministères sociaux comme le secours aux sinistrés. « Elle doit surtout être sensible aux besoins de sa ville, et nous y répondons », dit Victor. « Quand il y a un incendie, nous sommes les premiers à apporter de la nourriture. Cela les touche vraiment. Lorsque quelqu’un n’a plus rien, nous sommes là. »

    Ces actions renforcent aussi les relations avec le gouvernement. Les fonctionnaires nous ont demandé notre aide, tout particulièrement à cause de nos installations. Lors de récentes inondations, les paroisses ont envoyé des volontaires sur des radeaux chargés de vivres et de denrées. Des membres d’autres religions [que chrétiennes] disent : « L’église est étonnante. Nos propres membres ne se soucient pas autant de nous ; l’église est la première à nous aider !»

    Prières de guérison

    Nous exerçons d’autres ministères sociaux sur les marchés de plein air où le riz, les légumes, l’huile, les vêtements et d’autres denrées sont vendus en dessous du prix courant. Des chrétiens partagent l’Évangile sur place et prient pour la guérison. Ce n’est pas une croisade, il s’agit plutôt de mettre l’accent sur le partage des valeurs bibliques. Les chrétiens chantent des chants séculaires ayant des valeurs positives ou célébrant la fierté nationale, ainsi que des chants chrétiens qui ne nomment pas explicitement le Christ. Il y a un temps de prière pour les malades, et enfin les gens découvrent que c’est le Seigneur Jésus qui les guérit.

    Dans les moments d’épreuve, ils ne se demandent pas qui accomplit la guérison pourvu qu’ils soient guéris. Des milliers de personnes ont donné leur vie au Christ sur le marché. L’église soutient ouvertement les ministères sociaux comme la distribution de nourriture les soirs de Ramadan (mois de jeûne musulman). La paroisse satellite de Permata Hijau (quartier de Green Diamond de Semarang) nourrit plus d’un millier de personnes chaque soir pendant quatre semaines par an ; elle a ouvert ses portes à des réunions, des jeux avec des prix et des histoires tirées de la Parole de Dieu. Les malades sont guéris, et les miracles amènent les gens à Christ. Constatant les fruits de ce ministère, des donateurs le soutiennent par des fonds et des provisions venant de leurs propres entreprises.

    Une réputation de respect

    Ê Pondok Pesantren (internats islamiques), des bénévoles de l’église viennent la tête couverte pour montrer qu’ils respectent leur prochain. Ils discutent de valeurs comme la vocation, l’amour et le pardon. Ê leur tour, les internats islamiques ont demandé à assister aux fêtes de Noël de l’assemblée locale. Après avoir prié selon leur propre tradition spirituelle, ces musulmans s’assoient pour écouter les programmes de Noël. Les étudiants ont remarqué que leurs amis chrétiens étaient tolérants et ne les poussaient pas à devenir chrétiens ; ils peuvent apprendre d’eux des valeurs positives.

    Cela a piqué leur intérêt. Quand les écoles fêtent des événements dans l’église, nous parlons librement de Jésus. Même les policiers soutiennent ouvertement l’église. Lorsque des extrémistes religieux ont menacé la paroisse de Semarang, ils ont été les premiers à informer ses responsables et à envoyer de l’aide. Lorsque des églises comme JKI Injil Kerajaan ont été accusées de ‘christianisation’ (prosélytisme), elles ont répondu qu’elles aidaient les plus pauvres. Une communication pacifique a été maintenue. D’autres ont ajouté que les chrétiens ne s’imposaient pas.

    La police les a défendus. Des réseaux et des relations solides entre les assemblées locales et les autres institutions sont essentielles. L’église doit faire plus qu’organiser des cultes au sein de la communauté chrétienne. Elle a un potentiel pour exercer un ministère de service holistique et construire des ponts afin que les habitants de la ville puissent connaître le Christ. L’appel missionnaire de Jésus (Mt 28:18-20) est de partager l’évangile avec le monde dans l’amour pour Dieu et pour le prochain (Mt 22:35-40). Il ne s’agit pas de discuter pour savoir quel est le plus grand commandement, mais d’associer ces deux commandements.

    — Lydia C. Adi est représentante des relations internationales pour la Jemaat Kristen Indonesia Synod. Elle a une maîtrise en études interculturelles (Séminaire théologique de Fuller, ÉtatsUnis) et d’Anglais Langue Étrangère (Université de Biola, États-Unis). Avec son mari Anton K. Sidharta, pasteur à JKI Maranatha à Ungaran, ils ont fondé le Unlimited Fire JKI Youth Network et entretiennent des relations entre confessions chrétiennes de divers pays. Anton et Lydia vivent à Ungaran (Indonésie) avec leur fils, Caleb.

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro octobre 2016 de Courier/Correo/Courrier

  • Comment, dans notre communion mondiale, les ‘Convictions communion’ de la CMM s’expriment-elles localement dans leur magnifique variété ?

    L’édition d’octobre 2016 de Courier/Correo/Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Comment l’amour du Christ nous motive t-il et nous guide t-il pour aller vers les étrangers dans notre contexte local ?

    Notre mission et nos Convictions communes

    Notre mission en tant que chrétiens anabaptistes-mennonites est étroitement liée à notre identité. Aussi, ‘Lo que Juntos Creemos’ * présente l’essentiel pour parler avec les communautés religieuses de notre identité et de la mission que le Seigneur nous a confiée.

    Les injustices sociales, économiques et culturelles ont augmenté au Mexique. La violence fait chaque jour de nouvelles victimes. Témoigner de Jésus dans ce contexte exige de bien savoir qui nous sommes, par qui nous avons été appelés, et pour quel objectif. Il me semble que  ‘Lo que Juntos Creemos’,  répond clairement à ces questions, en particulier le point 7: Nous sommes une communauté mondiale de foi et de vie : nous dépassons les frontières de nationalité, de race, de classe, de sexe et de langue. Nous cherchons à vivre dans le monde sans nous conformer aux puissances du mal, à témoigner de la grâce de Dieu en servant les autres, à prendre soin de la création et à inviter tout être humain à connaître Jésus comme Sauveur et Seigneur.

    Dans mon église au Mexique (Conferencia de Iglesias Evangélicas Anabautistas Menonitas de México, CIEAMM), nous croyons que chaque assemblée locale et chaque communauté spirituelle est la graine et le fruit du Royaume de Jésus-Christ. Par conséquent, nous cherchons à comprendre et à vivre l’Évangile de la paix, de la justice et de la réconciliation proclamé par Jésus d’une manière (complète) intégrale. Ainsi, quand il est allé de villes en villages proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume, il a guéri toutes les maladies (Mt 9:35).

    Nous aussi, nous devons être des agents de guérison holistique dans tous les domaines de la vie communautaire et sociale. Notre mission doit s’incarner dans le monde, tout comme celle de Jésus ; il nous rappelle chaque jour que, comme le Père l’a envoyé, il nous envoie (Jn 20:21).

    La CIEAMM est consciente que chaque paroisse est soutenue par le Saint-Esprit, une vérité bien affirmée dans ‘Lo que Juntos Creemos’. Le Saint-Esprit est l’esprit du Christ qui nous appelle et nous donne la force d’exercer un ministère de compassion. Jésus a ressenti la douleur, la souffrance et a vécu dans les mêmes conditions que ses contemporains, et il a été ému de compassion. La compassion, ce n’est pas ressentir une souffrance momentanée ; c’est s’identifier aux personnes en détresse, être poussé à agir pour soulager les souffrances des êtres humains.

    Jésus était compatissant et sa profonde identification avec ceux qui souffrent l’a poussé à agir (Mt 9:36, 14:14, Mc 6:34, Mt 15:32–37, Lc 7:12–15). Si nous disons que nous suivons Jésus, nous devons aussi faire preuve de compassion.

    Nous avons fait la promotion du livret imprimé et de sa version numérique. Les paroisses affiliées à la CIEAMM ont étudié ce livret de différentes manières. Parfois, chaque chapitre a fait l’objet une leçon d’école du dimanche ; d’autres fois, les sept Convictions ont été présentées individuellement lors de prédications. Nous avons également encouragé les groupes d’étude. Notre objectif est de donner un exemplaire du livret à tout nouveau membre de l’église comme guide d’étude.

    Il y a peu de matériel en espagnol (imprimé ou numérique) sur l’identité anabaptiste et la mission. C’est pourquoi la CIEAMM considère ce livret comme un bon résumé des différentes convictions de la famille mondiale dont nous faisons partie, en particulier parce que la plupart de nos membres ont un niveau de scolarité faible ou moyen, et lisent peu.

    C’est une bénédiction, pour les membres de la CIEAMM de savoir qu’ils font partie d’une communauté mondiale, dont l’identité est centrée sur le Christ, et qui est composée de ‘saints de toutes tribus, langues, peuples et nations’ (Ap 5:9). Ce principe est fondamental pour construire des communautés de réconciliation et chercher à mettre en pratique l’Évangile de paix enseigné par Jésus-Christ.

    La vision des communautés religieuses qui composent la CIEAMM est « d’être une famille spirituelle qui reconnaît l’autorité de la Parole de Dieu, qui forme des disciples en suivant l’exemple de Jésus, guidés par le Saint-Esprit pour s’ancrer dans notre réalité ».

    Notre mission est de « servir et de refléter l’évangile de la paix suivant l’exemple de Jésus ». ‘Lo que Juntos Creemos’, est la base biblique et théologique sur laquelle nous avons développé la vision et la mission de la CIEAMM. Pour nous, anabaptistes, ce document est un outil de réflexion et d’action dans le contexte social, économique et religieux du Mexique.

    —Carlos Martínez García est journaliste et pasteur au Mexique. Il est le modérateur de la Conferencia de Iglesias Evangélicas Anabautistas Menonitas de México (CIEAMM).


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  • Comment, dans notre communion mondiale, les ‘Convictions communion’ de la CMM s’expriment-elles localement dans leur magnifique variété ?

    L’édition d’octobre 2016 de Courier/Correo/Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Comment l’amour du Christ nous motive t-il et nous guide t-il pour aller vers les étrangers dans notre contexte local ?
     

    Chants de la Trinité et du shalom

     
    Nous, Église Frères en Christ du Zimbabwe, partageons les convictions et les pratiques de la famille anabaptiste mondiale. Nos cantiques reflètent nos convictions, nos pensées et notre théologie. Pendant la plupart des cultes, dans les paroisses rurales et urbaines, on chante le n° 75 de notre recueil de chants en Zulu Amagama okuhlabelela: “Sinomhlobo onguJesu unothando” (Jésus est un merveilleux ami).
     
    Pendant les mois de mai et juin 2016, une enquête rapide a montré que, non seulement c’est le cantique choisi lors des réunions du conseil de district, mais que la plupart des paroissiens mentionnent qu’il revient très souvent pendant les cultes de cette période. Il est même chanté lors des veillées funèbres. Il exprime notre foi en Jésus. Ce cantique décrit le lien direct de Jésus avec Dieu : Jésus ne ressemble pas à nos autres amis ; il n’entretient pas de ressentiment ; il nous aide réellement. Il revient choisir son propre peuple. Jésus ne déçoit jamais. Il revient appeler son peuple par amour. Ceux qui le cherchent sont appelés à venir à Jésus car il les éloignera de leurs péchés.
     
    La dernière strophe appelle les croyants à marcher dans l’amour de Jésus comptant sur sa promesse d’être vainqueurs. Le cantique n° 4 du recueil Zulu est souvent utilisé par les Frères en Christ. Voici un autre chant qui décrit nos convictions concernant Dieu.
     

    Nous croyons au shalom

     
    Le shalom est une des convictions qui nous identifient à la famille anabaptiste du monde entier. Cette conviction s’exprime de diverses manières. D’abord, c’est l’absence de guerre et de
    conflits au niveau communautaire et national. Le Zimbabwe a connu de telles périodes. Feu l’évêque Steven Ndlovu était à la tête de notre église pendant les troubles au Matabeleland dans les années 1980.
     
    Il a mobilisé les responsables nationaux des dénominations [chrétiennes] pour rencontrer Joshua Nkomo et Robert Mugabe, ce qui a débouché sur la cessation du conflit
    sanglant entre les dissidents soutenant Nkomo et la Cinquième Brigade des forces de défense du Zimbabwe. (Ce récit est rapporté dans The Gender of Piety de Wendy Urban-Mead.) Les responsables de l’église n’ont pas pris parti dans le conflit, mais se sont exprimés en faveur du shalom du Seigneur.
     
    Mme Madlela a vécu le shalom à un niveau personnel. Elle a échappé miraculeusement à un incendie dans sa maison.Quand elle a vu l’incendiaire entre les mains
    de la police, elle a dit : « Mon fils, pourquoi essaies-tu de me tuer quand je ne t’ai pas fait de tort ? Je ne t’en tiens pas rancune. 
     
    Je prie simplement que le Seigneur touche ton cœur et que tu connaisses sa puissance salvatrice. » Les hymnes de l’Église Frères en Christ affirment que nous croyons en un Dieu trinitaire. Nous les chantons avec ferveur. Lorsque nous chantons, nous affirmons ce que nous croyons ensemble en tant qu’anabaptistes pour suivre Jésus et vivre le shalom.
     
    Bekithemba Dube est conférencier à l’institut Biblique de Ekuphileni à la mission de Mtshabezi, une des plus grandes stations missionnaires des Frères en Christ du Zimbabwe. Il a enseigné au Government Teachers’ College ; il a coordonné les programme VIH / SIDA de la BICC au Zimbabwe ; et pendant de nombreuses années, il a traduit les sermons en anglais ou ndebele. Lui et sa femme ont un fils adulte qui enseigne dans l’une des écoles de la mission.
     
    Zoulou :
    Woza Thixo Wethu
     
    1. Woza Thixo Wethu
    Onga Mandla
    ethu usisize;
    Baba obusayo
    Wena onqobayo,
    Wena osizayo,
    Usibheke.
     
    2. JesuMbusu Wethu
    Nqobizithazethu,
    Uzahlule;
    Vez ‘Amandla Akho
    abakho Ukuhleng ‘
    Inhliziyo yabo
    Ime kuwe.
     
    3. Moya oyingcwele
    Woza usihole,
    Sibusise;
    Uzihlanzisise
    ‘Zinhliziyo Zethu;
    Ube phezu kwethu
    Silungise.
     
    4. Nkulunkulu wedwa,
    Abathathu ‘Munye,
    Mananjalo!
    Ubukhosi bonke
    Naw ‘Amandla Onke,
    Nal ‘udumolonke,
    Kungo kwakho.
     
     
     
    Français :
    Viens à nous, notre Dieu
     
    1. Viens à nous, notre Dieu, toi qui es notre
    force,
    Viens à notre aide maintenant.
    Toi le Père, notre seigneur,
    Toi qui es vainqueur,
    Toi qui es notre aide,
    Porte tes regards sur nous.
     
    2. Jésus notre seigneur,
    défais nos ennemis ;
    Vaincs les tous,
    manifeste ta puissance,
    La rédemption pour tous les tiens,
    Que leur cœur reste ferme en toi.
     
    3. Saint-Esprit, viens
    et conduis-nous,
    Viens et bénis nous,
    Purifie notre cœur,
    Descends sur nous.
    Rends-nous justes.
     
    4. Dieu trinitaire.
    Tiens ferme à jamais.
    Ê toi est le royaume,
    La puissance et la gloire.
     
     
     
     
     
     
     
     

     

     

  • Comment, dans notre communion mondiale, les ‘Convictions communion’ de la CMM s’expriment-elles localement dans leur magnifique variété ?

    L’édition d’octobre 2016 de Courier/Correo/Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Comment l’amour du Christ nous motive t-il et nous guide t-il pour aller vers les étrangers dans notre contexte local ?

    Jésus au centre dans une époque  en perpétuel changement

    L’Église d’Amérique du Nord connaît une évolution rapide. Beaucoup disent que ces changements sont aussi importants que ceux de la Réforme du XVIe siècle.Les convictions traditionnelles sont remises en question. Les anciennes structures ne fonctionnent plus. De nouvelles formesm d’église émergent. En période de changement, les convictions de base donnent du courage, de la stabilité et une base pour développer de nouvelles directions. Les sept ‘Convictions communes’ des anabaptistes contribuent à cette sorte de fondement.

    Jésus est Seigneur

    Dans certaines de nos églises, on met un accent nouveau (central pour cette nouvelle réforme) sur Jésus comme Seigneur. Tout comme nos ancêtres anabaptistes ont redécouvert un Jésus vivant après avoir été figé pendant des siècles dans le mystère et les rituels, aujourd’hui l’accent est mis davantage suivance au quotidien d’un Jésus vivant.

    Souvent Jésus Seigneur est souligné plus encore que Jésus Sauveur ; c’est bien [de la tentation] de suivre d’autres seigneurs dont nous avons besoin d’être sauvés ! La déclaration « Jésus est le Fils de Dieu » de la Conviction commune n° 2 est souvent mal comprise, surtout par mes amis musulmans. Il y a environ 13 000 croyants musulmans dans la communauté canadienne où je vis.

    Ils ont tendance à comprendre ‘Fils de Dieu’ en termes de biologie et de procréation plutôt qu’en termes de proximité relationnelle. Je préfère dire « Jésus, le Messie, est le meilleur chemin pour comprendre Dieu ». Mes amis musulmans peuvent comprendre et reconnaître Jésus comme un être humain qui a été rempli de l’Esprit de Dieu. Cela peut faciliter un dialogue concernant la façon dont nous ouvrons nos vies à un Dieu source de vie abondante et de force, en Jésus-Christ.

    Jésus est paix

    En Amérique du Nord, nous avons des désaccords et divisions, nombreux,probablement liés à des approches différentes d’interprétation de l’Écriture. Certaines églises et certains membres ont une approche plutôt littérale et ‘plate’ de la Bible. Ils ont tendance à considérer les enseignements de l’Ancien Testament et des épîtres comme de même importance que les enseignements de Jésus. La Conviction commune n° 4 est utile pour nous encourager à interpréter les Écritures à la lumière de Jésus-Christ. Nous sommes consternés par la culture des armes à feu qui s’est développée aux États-Unis et qui débouche sur la violence.

    La Conviction commune n° 5, qui met l’accent sur la paix, la justice et le partage des ressources, doit être soulignée toujours et encore. Pendant la guerre du Vietnam, le district de l’Ouest de la General Conference Mennonite Church (États-Unis) a organisé des camps d’entraînement pré-conscription, invitant tous les jeunes de 17 ans de la région à y assister. Ces sessions ont enseigné clairement l’origine des conflits et la base biblique de la paix. La plupart des participants ont choisi des alternatives à l’engagement dans la guerre. Nous avons besoin de moyens nouveaux et créatifs aujourd’hui pour que jeunes et plus âgés apprennent les uns aux autres les chemins de la paix.

    Jésus est enseignant

    Une question constante en Amérique du Nord (et probablement dans le monde) est : « Comment renforcer notre compréhension anabaptiste spécifique de la foi chrétienne tout en insistant aussi sur l’unité avec les autres chrétiens ? Comment devenir plus forts dans notre foi sans développer un esprit de compétition et de critique à l’égard de membres d’autres confessions ou d’autres religions ? » Parallèlement aux Convictions communes de la CMM, trois valeurs fondamentales ont été identifiées : ‘Jésus est au centre de notre foi’, ‘la communauté est au centre de notre vie’ et ‘La réconciliation est au centre de notre mission’.

    Ces trois valeurs fondamentales, qui l’étaient aussi pour le mouvement anabaptiste et l’Église primitive, ont pris une importance renouvelée grâce au livret : ‘Qu’est-ce qu’un chrétien anabaptiste ?’, publié par le Mennonite Mission Network en 2008, et traduit en plus de 20 langues. Mennonite Church USA a utilisé ces trois valeurs comme base de son ‘Plan déterminé’ à long terme. De nombreuses paroisses les ont utilisées dans leurs brochures pour définir leur identité. Les pasteurs ont prêché sur ces thèmes et les groupes d’étude ont trouvé que le livret était utile pour expliquer ce que signifie être chrétien.

    Dann Pantoja, de PeaceBuilders Community Inc. (Philippines), dit : « Nous les avons adoptés comme notre vision du monde ». Après un atelier en Thaïlande, les participants ont dit : « Maintenant, nous savons enfin ce que signifie être un chrétien mennonite ! » Tout en enseignant les Convictions communes et les trois valeurs fondamentales, je crois qu’il est impératif d’admettre qu’aucun d’entre nous n’a toute la vérité. Nous devons apprendre les uns des autres. En approfondissant ensemble ce que nous croyons, nous devenons plus forts. 

    Les Convictions communes des anabaptistes dans le monde définissent clairement ce que nous croyons. Elles nous aident à déterminer nos relations avec Dieu, les uns avec les autres, et avec toute la terre. Ê leur tour, ces relations nous aident à orienter nos actions. Les premiers chrétiens et les premiers anabaptistes vivaient leurs convictions avec courage, même si cela signifiait la persécution et la mort. Que ces convictions nous aident aussi à nous remplir de l’amour et du courage dont nous avons besoin pour suivre Jésus dans ces temps de changement.

    Palmer Becker été au service de l’Église toute sa vie, en tant que pasteur, missionnaire, secrétaire exécutif d’union d’églises et éducateur. Il est l’auteur de ‘Qu’est-ce qu’un chrétien anabaptiste ?’ et ‘Anabaptist Essentials : Ten signs of a unique Christian Faith’ (à paraître). Palmer et son épouse Ardys vivent à Kitchener, Ontario (Canada). Ils ont quatre enfants adultes.

  • Pour méditer :

    • Profil Anabaptiste Mondial: Faire grandir l’unité: une occasion exceptionnelle

    Perspectives :

    Dans notre communion mondial, les ‘Convictions communes’ de la CMM s’expriment localement dans leur magnifique variété

    Profil d’une région :

    • Eastern Africa
  • Comment créer l’unité entre les différentes nations ou communautés ? Depuis la Tour de Babel, de nombreuses méthodes ont été essayées. Dans cette histoire biblique, les peuples tentent de réaliser l’unité avec une vision commune et en travaillant pour un même but, et, comme nous le savons, l’entreprise échoue.

    Avoir une histoire commune est une autre stratégie pour créer l’unité. Une histoire unifiée décrivant une origine commune positive peut se révéler un élément de cohésion. Cependant, il est très difficile de trouver un récit stimulant impliquant des peuples ou des cultures différentes.

    Une alternative – parfois tentée en politique et en religion – est d’éliminer toutes les différences et de promouvoir une seule manière de voir la vie, anéantissant ainsi la diversité. L’histoire a souvent montré l’échec cette alternative.

    Les églises essaient parfois de rédiger une confession de foi à laquelle un groupe de personnes doit adhérer afin de déterminer clairement qui appartient au groupe ou qui est à l’extérieur. Malheureusement, les confessions de foi ont parfois été utilisées dans ce sens.

    Lorsque l’on considère les résultats des recherches du ‘Profil anabaptiste mondial’ (GAP), nous pouvons nous poser la question : Comment faciliter l’unité entre les groupes si divers de la CMM ?

    Depuis plusieurs années, les églises membres de la CMM ont été impliquées dans un processus de recherche destiné à définir leur identité aujourd’hui en tant qu’anabaptistes. Dans ce numéro du Courrier, sont présentées des conclusions de cette enquête. Comme l’un des articles le suggère, cette diversité au sein de notre famille mondiale devient une occasion unique de plus grande unité.

    Pourtant, comment cette unité est-elle possible ?

    Ce ne sont pas nos ‘Convictions communes’, qui ont émergé ces dernières années exprimant notre expérience de la suivance de Jésus dans chaque contexte, car les églises membres de la CMM marchent dans l’unité depuis plus de 75 ans sans ce texte.

    Ce n’est pas non plus une histoire commune. Bien que les églises anabaptistes s’identifient à la Réforme radicale du XVIe siècle, la complexité des origines de notre foi est aussi étonnante que notre diversité actuelle.

    Selon les Écritures, il n’y a qu’une explication possible. L’unité de notre communauté mondiale n’est pas le résultat des efforts humains. C’est le don de Dieu dont nous pouvons profiter aujourd’hui grâce à l’œuvre du Saint-Esprit parmi nous. La vraie communion n’est pas le fruit de lois ou de formalités institutionnelles, mais de l’œuvre du Christ sur la croix, lorsque Dieu a créé un nouveau peuple composé de nombreuses races, tribus, langues et cultures.

    Aujourd’hui, il n’est possible de s’asseoir à la même table de communion et d’apprécier la beauté de notre diversité que si nous le faisons autour de l’Agneau de Dieu, le centre de notre foi et le fondement de notre unité.

    Venez célébrer avec nous le miracle de l’unité et la beauté de notre diversité !

    César García, secrétaire général de la CMM, travaille au siège social à Bogotá (Colombie).

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’octobre 2016 de Courier/Correo/Courrier.

  • Qu’évoque pour vous le mot hospitalité ? Moi, ce mot me rappelle une visite sur un autre continent.

    Je pensais que les Colombiens étaient hospitaliers jusqu’au jour où j’ai été accueilli par une famille dans un autre pays. C’était tout simplement incroyable : la quantité et la qualité des aliments qu’ils m’ont offerts, leurs efforts pour que je me sente bien accueilli, chaque détail de ma chambre, leurs questions, leur respect et leur désir de me donner tout ce dont je pouvais avoir besoin.

    Cependant, plus que toute autre chose, c’est leur attitude qui m’a touché. Avec une grande générosité, ils étaient prêts à tout moment à servir leurs invités.

    L’hospitalité est la capacité de prêter attention à un invité. C’est très difficile parce que nous sommes préoccupés par nos propres besoins. Nos préoccupations nous empêchent de tourner notre attention vers les autres. Si le péché est la focalisation de l’âme sur elle-même, comme le dit Augustin d’Hippone, alors une vie sans péché est une vie tournée vers les autres. En d’autres termes, vivre l’hospitalité c’est vivre sans péché.

    Jésus en est le meilleur exemple. Par sa vie et sa mort sur la croix, Dieu entre dans le monde des humains. Avec compassion, il dirige son attention sur les autres plutôt que sur lui-même. C’est par la souffrance de Jésus que Dieu partage le fait d’être mortel, la fragilité et la vulnérabilité de l’humanité. Et, dans l’Apocalypse, Jésus partage sa gloire avec la multitude de toutes les nations qui viennent l’adorer.

    L’attention que porte Jésus aux autres leur apporte la guérison, qu’ils soient maltraités, qu’ils connaissent la douleur ou la souffrance. Ni l’injustice de ses blessures, ni la réalité de son triomphe final et de sa seigneurie ne le conduisent à se préoccuper de lui-même. Il est là pour réconforter, conseiller et guider les autres. Jésus est venu pour servir, non pour être servi – et ce, même dans sa gloire.

    Aujourd’hui, nous sommes confrontés à la crise des réfugiés dans le monde entier : notre appel à exercer l’hospitalité en tant que corps du Christ nous invite à révéler la présence de Dieu au sein de la souffrance et de la douleur. C’est un appel à apporter espoir, guérison, accompagnement et soins. C’est un appel à tourner notre attention vers ceux qui sont persécutés, malades et sans toit. Même si nous avons des problèmes personnels, l’appel à servir les autres demeure. Indépendamment de notre pauvreté, de notre manque de ressources, de nos désaccords, de nos conflits, de nos projets et de nos plans, l’appel à s’occuper des autres demeure.

    C’est la raison pour laquelle ce numéro de Courier / Correo / Courrier aborde ce sujet.

    Si j’avais été si bien reçu par cette famille, ce n’était pas seulement en raison de leur culture, mais aussi parce que c’est ainsi qu’elle avait compris la vie avec le Christ.

    Que Dieu conduise notre communauté mondiale à répondre aux autres avec la même attitude, faisant l’expérience de Dieu révélé par notre Seigneur Jésus-Christ !

    —César García, secrétaire général de la CMM, travaille à son siège à Bogotá (Colombie).

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2016 de Courier/Correo/Courrier.

  • Ce qui suit est un bref résumé montrant le lien entre l’évolution historique, le profil et les tendances des communautés anabaptistes multiethniques et des églises mennonites latino-américaines faisant partie de la CMM. Il présente les difficultés rencontrées par les mennonites dans leur travail missionnaire, leur ministère et leur témoignage pour la paix et la justice à la suite de Jésus, dans un continent multiethnique.

    1. Caractère multiethnique des communautés et des églises anabaptistes mennonites

    Argentine. En 1917, le Mennonite Board of Missions and Charities d’Elkhart, Indiana, envoya les missionnaires Josèphe W. et Emma Shank, et Tobias K. et Mae Hershey en Argentine. Ils implantèrent la première église mennonite en Amérique latine dans la ville de Pehuajó en 1919. Ce travail missionnaire permit l’implantation d’églises parmi les Tobas en 1943.

    Mexique. Depuis les premières décennies du siècle passé, la présence mennonite au Mexique a été ethnique en raison de la migration : un exemple est la Old Colony Mennonites, originaire de Russie – après être passée par le Manitoba et le Saskatchewan (Canada). Fondée par environ 6 000 personnes, cette colonie s’installa à San Antonio de los Arenales, de 1922 à 1926.

    Paraguay. 1 763 colons mennonites du Canada émigrèrent au Paraguay entre 1926 et 1927, et établirent la colonie Menno. La colonie Fernheim, également située dans le Chaco paraguayen, était composée de 2 000 migrants en provenance de Molotschna (Russie – 1930-32), de la région de l’Amour, une région proche de Harbin (Chine – 1932), et d’un petit groupe de Pologne. La troisième colonie, Friesland, a été fondée en 1937 en raison d’un démantèlement de la Colonie Fernheim, et s’est installée dans l’est du Paraguay. C’est cette colonie qui a commencé le travail missionnaire parmi les Enhelt en 1937, avec une nouvelle église mennonite indigène à Yalve Sanga (Lago Armadillo).

    Il faut considérer l’histoire mennonite anabaptiste en Amérique latine comme la rencontre entre des frères et sœurs évangéliques envoyés par les sociétés missionnaires nord-américaines, et la population latine et indigène de ce continent. D’autre part, les colons mennonites (avec de nombreuses coutumes ethniques et culturelles héritées de l’Europe du XVIe siècle) se sont installés sur les terres d’indigènes, de métis et de descendants d’africains. La rencontre entre ces peuples de cultures si diverses a eu lieu dans des contextes historiques et des pays très différents. Leurs relations se sont développées par l’entraide, avec des tensions culturelles, ethniques et sociales. Les églises qui en sont nées font aujourd’hui partie de la Conférence Mennonite Mondiale.

    Dans les paroisses mennonites anabaptistes, les conversations comme les prières se font en anglais, français, allemand, espagnol, portugais, créole-anglais, créole-français, mais aussi en qom, guaraní, bribri, enlhet, cabécar, kekchí, tupí, garifuna, quechua, emberá-wounaán et bien d’autres langues autochtones. La dynamique de l’interaction entre les différentes cultures dans la formation des églises et des communautés religieuses a été stimulée dès le début par diverses organisations mennonites, le Comité Central Mennonite, des organisations orientées vers l’éducation, des séminaires et des universités mennonites (en grande partie des États-Unis et du Canada, mais aussi d’Europe). Elles ont apporté une contribution significative à la pratique du discipulat de Jésus. Tout au long de cette histoire de constantes migrations, il y a eu des tensions entre ceux qui privilégient la croissance des communautés et la construction des églises – sans remettre en cause les structures sociales de leur époque – et ceux qui mettent l’accent sur l’engagement pour la paix et la justice comme une priorité de l’Évangile. Ces migrations de groupes mennonites d’origine allemande et de peuples autochtones (migrations internes et externes) ont conduit à l’émergence des communautés et des églises anabaptistes.

    En ce qui concerne le début de ce mouvement en Amérique latine, la présence des églises et des communautés anabaptistes mennonites dans presque tous les pays est caractéristique des dernières décennies (1980–2015). Selon les dernières statistiques fournies par la CMM en comparaison à ceux de 2009, les pays qui affichent la plus forte croissance se trouvent à Cuba (150%), en Haïti (70%) et en Bolivie (80%). Le profil commun des communautés mennonites marquées par la rencontre interculturelle et une même conception du ministère et de l’évangélisation, est lié à leur passé.

    Cuba. Dans les années 1950, les Frères en Christ sont venus à La Havane pour faire de l’évangélisation, avec des Quakers et des Nazaréens, à Cuatro Caminos. En 1954, le Mennonite Board of Missions and Charities de Franconia (États-Unis) a envoyé le missionnaire Henry Paul Yoder et sa famille implanter une église dans la ville de Rancho Veloz, province de Las Villas. La révolution dirigée par Fidel Castro contre la dictature de Fulgencio Batista en 1959 a provoqué l’exode des missionnaires nord-américains, qui ont quitté l’île dans les années suivantes. Pendant la période révolutionnaire, Juana M. García a joué un rôle essentiel dans la survie de l’église Frères en Christ commencée dans la ville de Cuatro Caminos, à La Havane. Le 19 août, 2008, les mennonites de Cuba commencèrent un nouveau travail missionnaire. Auparavant, le pasteur Alexander Reyna Tamayo, avec sa famille, a été pasteur de l’Iglesia Evangélica Misionera. En 2004, il rencontra Janet Brenneman (États-Unis) et Jack Suderman (Canadian Mennonite Church), qui donnaient des cours sur la tradition anabaptiste à la Iglesia Evangélica Libre. En accord avec la Iglesia Evangélica Misionera, Alexander Reyna contacta la Canadian Mennonite Church et forma un nouveau groupe organisé en petites cellules de maisons dans les provinces de Santiago de Cuba, Olguín, Granma, Villa Clara et Cienfuegos. Ê Cuba, cette formidable croissance, en particulier dans la dernière décennie, reflète la nouvelle situation politique sur l’île (qui a récemment renoué des relations diplomatiques avec les États-Unis) et la nouvelle ouverture religieuse.

    Haïti. Haïti est le pays le plus pauvre d’Amérique latine ; sa population est originaire d’Afrique. Elle a subi des crises politiques et économiques ainsi qu’un tremblement de terre dévastateur le 12 janvier 2010. Haïti est un autre exemple qui soulève la question du profil des églises anabaptistes et de leur conception du service, tel qu’il leur a été enseigné par les organisations et les sociétés missionnaires anabaptistes.

    Concernant Cuba et Haïti, il faudrait procéder à une étude détaillée afin d’expliquer leur rapide croissance numérique ainsi que le profil culturel actuel de la vie et de la mission des membres des communautés.

    Bolivie. C’e pays a connu la plus grande migration de mennonites conservateurs d’origine allemande en Amérique latine au cours des deux dernières décennies. De 1980 à 2007, 53 nouvelles colonies ont été établies dans les provinces de Pando, de Beni et de Santa Cruz. Ces colonies sont issues de la division interne de nombreuses autres colonies mennonites de Bolivie et d’autres pays comme le Belize, le Paraguay, le Mexique, l’Argentine et le Canada. En 2007, ces nouvelles colonies avaient une population totale de 30 618 personnes (adultes et enfants).

    La situation de ces pays d’Amérique latine nous permet de conclure qu’apparemment la réforme agraire n’est pas encore parvenue à améliorer la situation des groupes les plus défavorisés, tels que les peuples autochtones ou d’origine africaine.

    Nos questions concernent : a) la relation entre les colonies mennonites et la population indigène environnante ; b) le rôle des sociétés missionnaires et l’implantation d’églises désirant suivre Jésus en prenant en considération leurs propres racines culturelles et ethniques. Compte tenu de la compréhension et/ou des malentendus entre ces diverses communautés, les défis que présente l’Évangile sont tout aussi forts qu’au temps des premières migrations ethniques des mennonites en Amérique latine.

    2. Statistiques concernant les mennonites en Amérique latine

    I. Région mésoaméricaine :

    Pays Nombre de membres
    Mexique 33 881
    Guatemala 9 496
    Honduras 21 175
    Salvador 909
    Nicaragua 11 501
    Costa Rica 3 869
    Panama 820

    II. Région des Caraïbes

    Pays Nombre de membres
    Bahamas 25
    Cuba 8 664
    Jamaïque 733
    Haïti 5 566
    République dominicaine 5 780
    Porto Rico 798
    Belize 5 405
    Grenade 8
    Trinidad & Tobago 300

    III. Région Amérique du Sud

    Pays Nombre de membres
    Venezuela 596
    Colombie 3 664
    Équateur 1 340
    Pérou 1 524
    Brésil 14 748
    Bolivie 26 661
    Chili 1 452
    Paraguay 34 574
    Uruguay 1 464
    Argentine 4 974

    TOTAL : 199 912

    Les statistiques de Conférence Mennonite Mondiale, membres, une Communauté d’Églises anabaptistes, membres, juin 2015.

    3. Difficultés pastorales à la lumière de la réalité multiethnique de l’Amérique latine

    Ces brèves réflexions nous amènent à identifier les difficultés pastorales suivantes à la lumière de la réalité multiethnique de l’Amérique latine.

    Renouveau spirituel. L’expérience du Saint Esprit, comme celle de nos ancêtres au XVIe siècle, devrait nous donner la capacité de recréer notre identité anabaptiste. Elle devrait nous conduire à adopter un point de vue critique sur l’État, une théologie et une pratique pastorale en faveur des pauvres, une herméneutique biblique contextuelle de la non-violence, un engagement pour la paix et la justice, une grande tolérance quant aux diverses manières de comprendre le mystère profond de Dieu dans la multiethnicité des églises et des communautés anabaptistes, et dans la société plus large.

    Mouvement des théologiennes d’Amérique latine. La réunion des théologiennes africaines en 2003 lors du Rassemblement de la CMM à Bulawayo (Zimbabwe), a constitué un défi pour les femmes d’Amérique latine. De cette rencontre est né le ‚ÄòMouvement des théologiennes d’Amérique latine’, qui s’est réuni plusieurs fois en Amérique latine avec le soutien du projet ‚ÄòDons en Commun’ de la CMM.

    Lors du Rassemblement de la CMM en juillet 2009 à Asunción (Paraguay), 120 femmes mennonites d’Amérique latine se sont réunies pour réfléchir sur le thème ‚ÄòLe message libérateur de Jésus pour les femmes d’aujourd’hui’. En 2015, pendant le Rassemblement en Pennsylvanie (États-Unis), le ‚ÄòMouvement des théologiennes d’Amérique latine’ s’est réuni avec des théologiennes du monde entier pour développer un réseau mondial. L’un des principaux défis auquel est confronté ce mouvement est d’intégrer les femmes dans le leadership, de manière à représenter le caractère multiethnique des mennonites latino-américains. Sur la base de cette grande diversité de peuples et de cultures, nos familles, nos églises et nos organisations seront en mesure de témoigner de manière remarquable dans la société et au cœur de la CMM elle-même.

    Témoignage pour la paix. Le témoignage de ceux qui travaillent pour la paix, même au péril de leur vie, nous rappelle les paroles de Jésus : Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5:9). Les témoignages d’organisations mennonites tels que Justapaz en Colombie et le Comité Central Mennonite pendant la révolution en Amérique centrale dans les années 1970 et 1980, nous rappellent qu’il nous est possible de contribuer à la paix. Mais cela nous amène à réfléchir à la manière dont nous pourrions témoigner dans le contexte nouveau de l’Amérique latine, avec la croissance de sa population et la disparition des cultures et des peuples ancestraux, sans compter le racisme, la xénophobie, le chômage des jeunes, la pollution de l’environnement, et les nouvelles formes d’oppression et de violence qui détruisent les peuples et la vie sur notre planète.

    Modèles pastoraux. Il est nécessaire de procéder à une analyse plus détaillée de ce qu’est le témoignage anabaptiste mennonite en Amérique latine. Dans les années 1970, une méthode a été mise au point pour guider le travail pastoral dans de nombreuses communautés. Elle a comme point de départ les mots voir, juger et agir. En d’autres termes, avec l’aide des sciences sociales, il s’agit d’analyser ce qui se passe aujourd’hui chez les peuples latino-américains, de l’évaluer à la lumière de la Parole de Dieu pour suivre Jésus, et enfin d’y répondre par des ministères concrets. Peut-être est-il temps de reconnaître que cette méthode nous invite une fois de plus à revoir nos responsabilités pastorales, non seulement par l’analyse d’une situation d’injustice sur le plan macro-économique et social, mais aussi sur la base des besoins d’un ministère qui soit à l’écoute des nouvelles expressions de la famille, des cris des nouveaux groupes marginalisés de notre société, dont les peuples indigènes, les descendants des Africains et les métis pauvres.

    L’expression afro-caribéenne. Les Caraïbes sont la région de l’Amérique latine qui a eu le plus de difficultés à s’organiser en raison de son histoire, de sa complexité politique et de sa grande diversité de langues. Lors du Rassemblement de la CMM à Asunción (Paraguay), dans le caucus Amérique latine, les représentants des Caraïbes ont exprimé leur besoin d’être également organisés en tant que région. Le soutien des réflexions théologiques, sociales et pastorales des églises anabaptistes et des communautés des Caraïbes devrait être une priorité pour la CMM. Les églises des Caraïbes de descendants africains sont une richesse considérable dans l’aspect multiethnique de la CMM ; elles permettront de renforcer le dialogue entre ces sœurs et frères, les églises afro-brésiliennes et les églises mennonites d’Afrique.

    Grande diversité ethnique et culturelle. Malgré leur pauvreté économique, les communautés mennonites des peuples indigènes et des personnes d’origine africaine sur l’ensemble du continent, partagent avec nous leur patrimoine historique, culturel et spirituel. Par leurs histoires et leurs mythes venant du plus profond de la forêt tropicale, des mers, des rivières, des rochers et des pampas, elles nous demandent de protéger et de prendre soin de la Terre-Mère. Leurs visions et leurs rêves nous aident à percevoir la confusion créée par les systèmes économiques qui protègent les intérêts économiques des multinationales ou ‚Äòfavorisent le développement’ au détriment de la diversité culturelle.

    La visite des frères et sœurs de peuples indigènes tels que les Métis et les Ojibwe (Amérique du Nord), les Quechuas (Pérou), les Kekchíes (Guatemala), les Emberá et les Wounaán (Panama) sur les terres des peuples indigènes du Chaco paraguayen lors du Rassemblement de la CMM au Paraguay (2009), est un magnifique signe d’unité et de fraternité dans la diversité. Gr√¢ce à ce désir d’apprendre et de mettre ses dons au service les uns des autres, cette grande diversité ethnique de mennonites d’Amérique latine peut nourrir la communauté anabaptiste : ‚ÄòNous savons, en effet, que maintenant encore la création entière gémit et souffre comme une femme qui accouche. Mais pas seulement la création : nous qui avons déjà l’Esprit Saint comme première part des dons de Dieu, nous gémissons aussi intérieurement en attendant que Dieu fasse de nous ses enfants et nous accorde une délivrance totale.’ (Ro 8:22–23).

    ‚ÄîJaime Prieto (Costa Rica) et sa femme Silvia de Lima (Brésil) sont les parents de Thomáz Satuyé. Jaime a un doctorat en théologie de l’Université de Hambourg (Allemagne – 1992). Il est membre de l’Église mennonite du Costa Rica depuis 1971, qui fait maintenant partie de l’Asociación de Iglesias Evangélicas mennonitas de Costa Rica (membre de la CMM). Il est l’auteur de Mission et Migrations, le volume sur l’Amérique latine du Projet d’Histoire Mennonite Mondiale, publié par la CMM.

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2016 de Courier/Correo/Courrier

  • C’est en 1930 que les premiers mennonites sont arrivés au Brésil, réfugiés de Russie et d’Ukraine, après que leurs biens, églises et écoles aient été réquisitionnés par l’État avec l’arrivé au pouvoir de Staline.

    En 1929, de 15 à 25 000 mennonites et d’autres groupes ont rassemblé quelques affaires et sont allés à Moscou pour demander un visa. Seulement 5 000 d’entre eux reçurent la permission de quitter le pays. En arrivant en Allemagne, ils n’eurent pas l’autorisation d’y rester, et décidèrent d’émigrer au Canada. Mais c’étaient les années 1930 – années de dépression économique – et le Canada n’accepta que quelques émigrants, ceux qui avaient des proches parents au Canada et qui étaient en bonne santé.

    Les deux autres pays qui leur étaient ouverts étaient le Brésil et le Paraguay. Les responsables d’églises européens et nord-américains les encouragèrent à aller tous au Paraguay, où était déjà installée une colonie de mennonites du Canada. Au Paraguay, les mennonites avaient obtenu des privilèges comme l’exemption du service militaire et le droit à un gouvernement autonome. Environ 3 000 personnes choisirent d’immigrer au Paraguay.

    Premières difficultés

    Environ 1 300 personnes choisirent le Brésil. Les véritables raisons de leur choix ne sont pas très claires. En arrivant au Brésil, ils s’installèrent dans une région vallonnée de la forêt tropicale du sud, complètement différente de ce qu’ils avaient connu en Russie. Un groupe (Plateau de Stolz) ne réussit pas à prospérer, et trouva un meilleur emplacement à Curitiba (à 300 km au nord). Le climat y était moins chaud et c’était la steppe. Après quelques années, tous les mennonites avaient déménagé de l’endroit où ils étaient arrivés initialement.

    Parmi les colons, il y avait trois groupes différents : les Frères mennonites, l’Église mennonite (kirchliche) et les mennonites évangéliques. Au début, ils célébraient leurs cultes en commun (en allemand), à l’exception des réunions particulières à leur groupe. Pendant la Seconde Guerre mondiale (à laquelle le Brésil s’est joint en 1942), il était interdit de parler allemand en public, jusque fin 1945. Ainsi, les cultes avaient lieu en bas allemand, parfois en russe, et le portugais a fait son apparition.

    Rayonnement

    Le premier projet de sensibilisation a commencé en 1948 dans la banlieue de Curitiba, avec un orphelinat pour les enfants abandonnés et une première assemblée exclusivement lusophones. Ces projets étaient soutenus par des Frères Mennonites (MB) venus d’Amérique du Nord. Plusieurs autres implantations d’églises ont suivi, et bientôt les paroisses lusophones ont créé l’Association des Églises des Frères mennonites. En 1994, les unions d’églises germanophones et portugaises ont fusionné, créant la COBIM : Convencao Brasileira das Igrejas Evangélicas Irmãos menonitas (Association des Frères Mennonites du Brésil). Aujourd’hui, la COBIM compte plus de 60 assemblées locales et a plusieurs projets missionnaires au Brésil et en Afrique.

    En 1955, le Mennonite Board of Missions and Charities (de la Mennonite Church General Conference) des États-Unis envoya ses premiers missionnaires au Brésil. Plusieurs paroisses ont été implantées à Sao Paulo, au centre du Brésil central et dans la région amazonienne ; elles ont formé la Alliança Evangélica Menonita – AEM. L’Associação das Igrejas menonitas do Brasil – AIMB (Association des églises mennonites du Brésil), résultat d’une fusion des deux groupes de langue allemande, d’autres mennonites évangéliques et de la COM (Commission on Overseas Mission) se joignirent au projet d’implantation d’églises et ont envoyé des missionnaires en 1976. L’AEM a maintenant 35 paroisses et divers projets missionnaires au Brésil et en Albanie.

    Dans le Nordeste brésilien en 1965, le Comité Central Mennonite a lancé plusieurs projets de développement agricole et social, qui ont pris fin en 2012. Des organisations locales (AMAI) maintiennent plusieurs de ces projets en faveur de la paix et de la réconciliation. Trois paroisses ont été implantées et sont affiliées à l’AEM.

    L’association AIMB, formée de mennonites et de mennonites évangéliques, a neuf assemblées locales. Les cultes ont été longtemps célébrés en allemand. Dans les années 1980, cela a commencé à changer et les assemblées ont utilisé davantage le portugais pour accueillir leurs voisins et se rapprocher du contexte brésilien. Le projet missionnaire le plus important est l’Associação Menonita de Assistência Social – AMAS (organisation de secours mennonite) qui a six garderies pour les familles à faible revenu accueillant plus de 1 000 enfants par jour.

    En 1960, un groupe de mennonites ‘Holdeman’ (Église de Dieu en Christ, mennonites) quittèrent les États-Unis pour former une colonie à Rio Verde dans l’état de Goiás (au centre du Brésil, 400 km à l’ouest de la capitale Brasilia). Ils sont en contact avec la communauté mennonite plus large du Brésil, principalement par la littérature anabaptiste/mennonite qu’ils distribuent.

    En 85 ans, le nombre de mennonites au Brésil a atteint 12 000 à 15 000. Dans les 30 dernières années, il y a eu plusieurs divisions et scissions dans les paroisses et les unions d’églises, principalement en raison des mouvements de renouveau charismatiques et pentecôtistes. Le désir de prendre ses distances avec la culture ethnique allemande a également été un facteur conduisant à la formation de plusieurs assemblées mennonites indépendantes.

    Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les mennonites du Brésil ?

    1. Identité. Que signifie être chrétien mennonite au Brésil, où 90 % des chrétiens évangéliques sont pentecôtistes ou charismatiques ? Nous avons encore à cet égard une culture d’église ethnique. Un responsable a remarqué : « Nous ne vivons plus dans la colonie, mais la colonie est encore en nous ». Les Brésiliens ne comprennent pas cette mentalité mennonite étrangère à leur culture.
    2. Rayonnement et acculturation. Comment être engagé et fidèle à une interprétation de la Bible centrée sur Jésus dans un contexte où s’expriment de nombreuses formes de religiosité : superstition chrétienne, révélation divine directe, évangile axé sur le contrôle du pouvoir, évangile de la prospérité etc. ?
    3. La diversité et les conflits. Pour les paroisses dont l’arrière-plan est germanophone, la transition d’une langue à l’autre est presque achevée. Certaines ont deux cultes, un dans chaque langue, et d’autres un culte bilingue. Les mariages interethniques sont plus fréquents qu’avant. Les nouveaux membres baptisés ne sont généralement pas d’origine allemande. La diversité culturelle et théologique est toujours plus présente.
    4. Leadership. La conception du responsable serviteur, nommé par l’assemblée, et travaillant en collégialité est remise en question par une conception hiérarchique, orientée vers le pouvoir (souvent ‘autoproclamé’) et la productivité.

    Mais le Saint-Esprit soutient et aide les différentes unions d’églises et paroisses. L’école théologique Fidelis est commune aux 3 organisations : AEM, COBIM et AIMB.

    D’autres projets comme l’école mennonite Erasto Gaertner et la maison de retraite Lar Betesda, ont un conseil d’administration commun composé de mennonites et de Frères mennonites.

    La nécessité de dialoguer, de partager ses expériences et d’apprendre les uns des autres s’impose de plus en plus.

    Peter et Gladys Siemens sont pasteurs à l’église Vila Guaíra à Curitiba (Brésil). Gladys fait partie de la Commission Diacres de la CMM.

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2016 de Courier/Correo/Courrier

    Les Églises mennonites du Brésil

    * Alliança Evangélica Menonita

    2 900 membres

    35 assemblées locales

    Siège : Paulista, Brésil

    Responsable : Cristiano Maiximiano de Oliveira

    * Associação das Igrejas menonitas do Brasil

    1 184 membres

    9 assemblées locales

    Siège : Curitiba, Brésil

    Responsable : August Fridbert

    Église de Dieu en Christ, mennonite

    344 membres

    5 assemblées locales

    ¬± Convencao Brasileira das Igrejas Evangélicas Irmãos menonitas

    6 960 membres

    70 assemblées locales

    Siège : Curitiba

    Responsable : Emerson Luis Cardoso

    Igreja Evangélica Irmãos menonitas Renovada

    3 350 membres

    27 assemblées locales

    Siège : Sao Paulo

    Responsable : Jose Eguiny Manente

    * Indique l’adhésion à la CMM

    La COBIM ¬± a réengagé le processus d’affiliation à la CMM

    Source : Carte du monde de la CMM

    www.mwc-cmm.org/maps/world

    Consulté en janvier 2016

  • Hospitalité : Que signifie offrir l’hospitalité en tant que disciples du Christ ?

    En septembre 2015, des photographies choquantes publiées dans les médias ont sensibilisé le monde occidental à la crise des réfugiés. Consciente de l’importance de cette question, la communion anabaptiste mondiale propose les réflexions suivantes sur le sens de l’accueil de l’étranger, spécialement lorsque des personnes d’une origine religieuse différente de la nôtre s’installent dans notre quartier.

    L’édition d’avril 2016 de Courier / Correo / Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Comment l’amour du Christ nous motive t-il et nous guide t-il pour aller vers les étrangers dans notre contexte local ?

    Un ministère d’hospitalité intégral

    Un texte : Voici quelles furent leurs fautes [ta sœur Sodome et les localités voisines] : elles ont vécu dans l’orgueil, le rassasiement et une tranquille insouciance ; elles n’ont pas secouru les pauvres et les défavorisés. (Ez 16:49, BFC).

    Un récit : Un réfugié se plaignait amèrement à Dieu parce qu’on ne l’avait pas laissé entrer dans une église. Dieu lui répondit : « Ne sois pas malheureux. Ils ne me laissent pas entrer non plus.»

    J’utilise ce passage biblique et cette petite histoire comme référence pour partager mon propre témoignage.

    La Colombie, où je vis, connaît un conflit interne depuis une soixantaine d’années ; c’est le dernier en Occident. Avec plus de cinq millions de personnes déplacées, elle a le deuxième taux le plus élevé au monde de personnes déplacées à l’intérieur d’un pays (selon les Nations Unies) plus un autre million de réfugiés dans d’autres pays. Vingt-cinq mille morts violentes se produisent chaque année, des milliers de personnes disparaissent et sont enlevées, et le gouvernement colombien admet que le nombre total de victimes est de plus de six millions.

    S’il y avait du pétrole en Colombie, ou que des multinationales aient un intérêt économique dans notre conflit, une telle situation sociale figurerait dans les bulletins d’informations des États-Unis, du Canada et d’Europe. Les églises anabaptistes du Nord en auraient entendu parler.

    Accusations et incertitude

    Après avoir vécu pendant de nombreuses années à Bogota, en 1986, ma femme, nos quatre enfants et moi avons déménagé dans une petite ville appelée San Jacinto, dans le nord du pays, dans la région des Caraïbes.

    Nous y avons acheté une ferme, du matériel agricole et des véhicules, et nous avons vécu de mon travail de juriste, de l’agriculture et du journalisme. Nous avons soutenu l’engagement social des campesinos (paysans ou petits fermiers) de la région.

    En raison de mon travail avec les campesinos, j’ai été accusé d’être un idéologue de la guérilla. Le commandant de la police locale, et plus tard un groupe paramilitaire dénommé ‘Mort aux kidnappeurs’ (c’est-à-dire, aux guérilleros), ont commencé à me persécuter et me menacer régulièrement.

    En mars 1988, l’armée nationale colombienne et la police ont uni leurs forces pour attaquer notre maison. Les menaces de mort ont augmenté. Nos amis nous évitaient. Les banques ne voulaient plus nous servir. La vie est devenue insupportable. Ces menaces de mort nous ont contraints à déménager dans la ville voisine de Cartagena, perdant ainsi tout ce que nous avions acquis par notre travail.

    Ê Cartagena, nous avons été accueillis par l’un de mes oncles. Avec le soutien de l’église mennonite, nous avons construit dans sa cour un petit logement pour nous, en attendant que l’orage passe.

    Mais la situation des personnes déplacées, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, est très difficile. Elles laissent derrière elles leur environnement familier, leurs amis, les membres de leur famille, leur travail, leurs affaires, leur culture, et leur réputation. En outre, elles arrivent dans un contexte inconnu, menaçant et inhospitalier, rempli de préjugés.

    Avant, on est considéré comme une personne intègre, et tout à coup, on est soupçonné de terrorisme et de crimes divers, ce qui terrifie les autres. On vit soudainement dans un climat de peur, non seulement en raison du déplacement, mais parce que tous les gens qui nous entourent – amis, parents et membres d’églises – craignent d’être confondus avec l’ennemi, déclarés ‘objectifs militaires’, et donc menacés et attaqués.

    La peur qui envahit les autres est ce qui affecte le plus les personnes déplacées : cette peur paralyse et empêche d’être accueillants et solidaires. Beaucoup de membres d’églises voudraient être accueillants, mais ils ont une famille, de jeunes enfants, des dettes, et ont peur de mettre en danger leur vie et de menacer la stabilité de ceux qui dépendent d’eux. Ils disent que s’ils étaient seuls, ils donneraient leur vie pour vous aider, mais que dans cette situation, cela serait irresponsable et injuste pour leurs enfants.

    En juillet 1989, nous sommes revenus à Bogota, nous : un couple et quatre enfants déplacés et menacés, abattus, mais pas vaincus. Nous sommes arrivés dans une ville vivant dans la crainte du terrorisme, des morts-vivants mendiant à chaque carrefour, des petits garçons et des petites filles abandonnés dans les rues, une délinquance galopante, avec des zones de pauvreté, de racisme et de discrimination.

    Le gouvernement a utilisé l’excuse de la guerre pour supprimer la plupart des libertés civiles et chaque jour, il y avait des raids et des détentions arbitraires dans la ville et dans le pays. La méfiance et la peur régnaient. L’ancien stratège chinois Sun Tzu a dit : « La guerre est l’art de la duperie » ; et le politicien américain Hiram Johnson a ajouté « où la vérité est la première victime ». Il est donc difficile de faire confiance à quelqu’un et même de croire en Dieu.

    Un abri et un accueil

    Cependant, aujourd’hui, ma famille et moi sommes en vie grâce à une action décisive d’un groupe de l’église mennonite de Teusaquillo (à Bogotá), dont Peter Stucky est le pasteur. Bien qu’ils aient de jeunes enfants et d’autres personnes sous leur responsabilité, ils ont surmonté la peur d’être stigmatisés et d’être vus comme des partisans de la guérilla, ils se sont organisés pour nous accueillir de telle sorte que nous avons retrouvé assez d’énergie pour éveiller notre faculté de résilience et guérir.

    C’est quand nous pratiquons cette forme d’hospitalité intégrale que la malédiction de Sodome est brisée et que ces paroles de Jésus deviennent réalité : « Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez accueilli chez vous […] Je vous le déclare, c’est la vérité : toutes les fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25:35-40, BFC).

    Mais cela ne s’est pas arrêté là. Ce concept de l’hospitalité intégrale s’est élargi. Personne n’a été exclu et il y avait toujours une place pour l’étranger, le voyageur et celui qui souffre. Le concept d’hospitalité intégrale a ouvert les portes de l’église et donné naissance à un ministère de soutien pour les centaines de personnes déplacées qui sont arrivées, après avoir perdu leurs biens et tout espoir. « Le réfugié [ou déplacé] est un messager du malheur, apportant avec lui l’image, l’odeur et le goût de la tragédie de la guerre, du génocide, des massacres, de la perte de sa maison à cause de la violence. » (Javier Jurado, membre de l’Association Arjai, une initiative d’étudiants en philosophie).

    Ce ministère de l’église mennonite de Teusaquillo fonctionne depuis de nombreuses années à Bogotá. Des centaines de personnes ont été aidées et réconfortées ; certaines ont été parrainées par l’Église mennonite du Canada et aujourd’hui elles jouissent d’une vie tranquille dans ce pays. Ce ministère s’est également étendu à la ville de Quito (Équateur), et des centaines de Colombiens à la recherche d’un asile sont accueillis.

    Créer et maintenir un ministère comme celui-ci, ouvert à tous, d‘où qu’ils viennent, peu importe ce qu’ils croient, quelle que soit leur idéologie politique, que leurs persécuteurs soient guérilleros ou paramilitaires, c’est prendre un grand risque. Parfois, des membres de l’assemblée la quittent. Cependant, nous sommes convaincus du lien entre l’enseignement de Jésus et le droit d’asile. Cela renforce la communauté et lui donne de nouveaux responsables ouverts à l’hospitalité.

    C’est gratifiant de faire partie d’une église de paix historique anabaptiste où nul réfugié ne se plaindra à Dieu de s’être vu refuser l’entrée ; comme Job, nous pouvons dire : « L’étranger ne passait jamais la nuit dehors, puisque ma porte était ouverte au voyageur. » (Job 31:32, BFC).

    ?Ricardo Esquivia Ballestas est membre de l’Église mennonite colombienne. Il est avocat et a plus de 45 ans d’expérience dans le travail pour la paix à partir d’une communauté ecclésiale de base. Il est directeur de Sembrandopaz (Planter des graines de paix) et travaille avec les groupes revenant dans les Caraïbes colombiennes.

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2016 de Courier/Correo/Courrier

  • Hospitalité : Que signifie offrir l’hospitalité en tant que disciples du Christ ?

    En septembre dernier, des photographies choquantes publiées dans les médias ont sensibilisé le monde occidental à la crise des réfugiés. Consciente de l’importance de cette question, la communion anabaptiste mondiale propose les réflexions suivantes sur le sens de l’accueil de l’étranger, spécialement lorsque des personnes d’une origine religieuse différente de la nôtre s’installent dans notre quartier. Comment l’amour du Christ nous motive t-il et nous guide t-il pour aller vers les étrangers dans notre contexte local ?

    Les réfugiés ont fait partie de l’histoire de l’église Frères mennonites de Neuwied depuis ses débuts : le passé de notre église est imprégné d’initiatives visant à intégrer les personnes d’origines culturelles différentes.

    L’Evangelische Freikirche Mennonitische Brüdergemeinde de Neuwied (Allemagne) a été fondée après la Seconde Guerre Mondiale par des réfugiés de Prusse occidentale (aujourd’hui Pologne) ; c’est la plus ancienne église de Frères mennonites d’Europe occidentale. Au début, les mennonites ont dû apprendre à prier avec des frères et sœurs de différentes traditions chrétiennes tels que protestants, Frères de Plymouth et baptistes. La génération suivante a appris à intégrer des chrétiens de Croatie et d’Amérique du Sud qui se sont joints à l’église dans les années 1960. Dans le milieu des années 1970, l’intégration d’un grand nombre de mennonites de l’ex-Union soviétique a été un défi. Bien qu’ayant les mêmes origines mennonites, ils tenaient à certaines traditions spécifiques différentes de celles de notre église. Mais avec Dieu, rien n’est impossible. Au fil des ans, des frères et sœurs d’Amérique du Nord, d’Asie et d’Afrique sont aussi devenus membres de cette communauté bigarrée de disciples du Christ.

    Notre paroisse compte aujourd’hui 460 membres, originaires de plus de 14 nations différentes. Mais malgré un arrière-plan et des traditions très variés, les membres de notre assemblée ont une foi et un engagement envers le Seigneur Jésus-Christ qui aide à construire des ponts les uns des autres.

    Un nouveau chapitre

    Un tout nouveau chapitre dans la vie de notre assemblée a commencé il y a environ huit ans, lorsque nous avons eu le courage d’ouvrir nos portes à des gens d’origine religieuse complètement différente.

    Comment est-ce arrivé ?

    Des responsables de notre ville sont venus nous trouver avec cette requête : serions-nous prêts à ouvrir un club de jeunes pour aider la ville à s’occuper des jeunes de 12 à 17 ans issus de l’immigration ? En y repensant, nous réalisons que nous étions très naïfs à l’époque ; néanmoins, quand nous avons dit oui, nous avons obéi au commandement de Dieu ‘de chercher à rendre prospère la ville’ (Jr 29:7 BFC).

    Donc, ce club de jeunes (30 jeunes issus de milieux musulmans et Yezidi) a démarré dans notre bâtiment d’église. Nous avons rapidement compris que ces jeunes pensaient pouvoir venir dans ‘leur lieu de rencontre’ n’importe quand. Lorsque les portes étaient ouvertes, ils entraient, qu’il y ait une réunion de dames, de prière ou toute autre rencontre. Quand ils trouvaient les portes fermées, ils s’asseyaient tout simplement sur les marches de l’entrée et y restaient, de jour comme de nuit. Les trois premiers mois ont vraiment été stressants pour notre paroisse ! Nous n’avons survécu qu’avec beaucoup de prières, de patience, de discussions et en mettant en place quelques règles et leurs conséquences pour les jeunes.

    Appréciation, respect et amour chrétien

    À notre grande surprise, les relations avec les jeunes se sont améliorées les mois suivants. Dans notre église, les jeunes ont découvert quelque chose qu’ils n’avaient jamais connu jusque là : appréciation, respect et amour chrétien. Les responsables de la ville ont été surpris de voir combien le comportement de ces jeunes avait changé.

    Grâce à l’expérience avec le club de jeunes, nous étions prêts à accueillir à bras ouverts les réfugiés et les demandeurs d’asile venant à l’église pour trouver aide et amitié. Leur religion nous est vraiment étrangère. C’est difficile d’entendre ce qu’ils ont vécu pendant leur exil, fuyant la guerre et la terreur. Mais d’autre part, c’est difficile aussi pour eux de s’installer dans un pays complètement nouveau avec leurs expériences traumatiques. Ils nous disent souvent que ce ne sont pas nos paroles qui les attirent à l’église, mais l’amour chaleureux et l’attention qu’ils reçoivent.

    Cet amour a ouvert leur cœur pour en savoir plus sur ce Jésus dont nous parlons. Nous avons donc commencé un groupe d’étude biblique en farsi, et plus tard un autre en arabe. Quand des membres de ces groupes trouvent la foi dans le Dieu vivant et sont baptisés, nous savons qu’ils apportent des changements dans notre église.

    De toutes les nations et langues

    Lorsque le premier frère iranien a été baptisé, ce n’est pas passé inaperçu ! Quand il est sorti de l’eau, ses amis persans ont éclaté en un tonnerre de jubilation qui a rendu le reste de l’assemblée muet de surprise. Mais quand nous avons réalisé que nous étions témoins de la réalisation de la promesse de Dieu : que les gens ‘de toutes nations, tribus, peuples et langues’ feront partie de son royaume (Ap 7:9), tout le monde s’y est joint !

    Nous avons aussi découvert que c’est une bénédiction que nos caractéristiques allemandes typiques, telles que la ponctualité et l’ordre, soient complétées par des caractéristiques étrangères, telles que la spontanéité et l’hospitalité. Bien que l’hospitalité soit censée être l’apanage des chrétiens, nous apprenons beaucoup des immigrés de l’Est. Ils semblent toujours avoir le temps de causer et de boire une tasse de thé. Leurs porte et leurs table sont toujours ouvertes aux autres.

    S’investir dans l’accueil des étrangers demande du courage, parce que nous devons sortir de notre zone de confort. Mais ce que nous apprenons en vivant ainsi est impossible à décrire. Les rencontres avec mes nouveaux amis du monde entier ont tellement changé ma vie, que je ne peux imaginer ce qu’elle était quand ils n’en faisaient pas encore partie.

    —Walter Jakobeit est pasteur de l’Evangelische Freikirche Mennonitische Brüdergemeinde de Neuwied (Allemagne), église Frères mennonites. Il est président de la AMBD (Arbeitsgemeinschaft Mennonitischer Brüdergemeinden Deutschland), une union d’églises devenue membre de la CMM lors au Conseil Général de la CMM en 2015.

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  • Hospitalité : Que signifie offrir l’hospitalité en tant que disciples du Christ ?

    En septembre 2015, des photographies choquantes publiées dans les médias ont sensibilisé le monde occidental à la crise des réfugiés. Consciente de l’importance de cette question, la communion anabaptiste mondiale propose les réflexions suivantes sur le sens de l’accueil de l’étranger, spécialement lorsque des personnes d’une origine religieuse différente de la nôtre s’installent dans notre quartier.

    L’édition d’avril 2016 de Courier/Correo/Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Comment l’amour du Christ nous motive t-il et nous guide t-il pour aller vers les étrangers dans notre contexte local ?

    Le cœur d’un étranger

    J’ai entendu un nouvel arrivé au Canada décrire son soulagement d’avoir été accueilli dans une communauté d’église composée d’autres immigrants récents, après une longue période de dépaysement. Ses paroles sont restés gravées dans ma mémoire :

    Ils savaient comment accueillir un étranger parce qu’ils avaient eux-mêmes le cœur d’un étranger.

    En d’autres termes, ceux qui ont fait personnellement l’expérience d’être étrangers : le désespoir et la solitude quand on est séparé de tout ce qui est familier et de tout ce qui donne sens, la sécurité et la stabilité, la frustration ne pas pouvoir parler la langue du pays, le désir si fort de contact physique, ceux-là ont le cœur d’un étranger. Ils ont un cœur prêt à faire de la place à d’autres.

    Choisir l’étrangeté

    Et pourtant, l’expérience d’être ‘étranger’ au vrai sens du terme est inconnue pour beaucoup d’entre nous. Certains ont connu le malaise de se trouver dans des contextes non familiers, mais choisis. Cependant, ce sont d’abord des inconvénients causés par les choix que nous a permis notre situation de privilégié. D’autres n’ont même jamais eu le luxe d’être un ‘étranger’ parce qu’ils n’ont jamais pu voyager loin de leur lieu de naissance.

    Mais combien d’entre nous ont été chassés vers de lointains rivages par la violence, l’instabilité politique et la pauvreté ? Sommes-nous jamais arrivés dans un pays inconnu avec presque rien, sans parler la langue du pays et survivant à un passé traumatique ? Nous sommes-nous aventurés dans des lieux où peu de gens nous ressemblent ou s’expriment comme nous ? Où les coutumes sont incompréhensibles, les valeurs impénétrables ? Combien d’entre nous ont été étrangers de manière assez profonde pour nous donner ‘un cœur d’étranger’ ?

    Alors, comment avoir ‘un cœur d’étranger’ dans notre contexte culturel actuel, alors que tant de discours entre les chrétiens (et d’autres) se polarisent sur la crise des réfugiés syriens et ce qu’il faudrait faire ? Il y a tellement de peur et de soupçons, d’expressions de colère mal informée, de rejet impulsif, tant de bras se refermant pour se protéger plutôt que pour accueillir… Comment aller au-delà de ces réponses réflexes ?

    Mémoire et imagination

    Se pourrait-il qu’il nous suffise de regarder quelques générations en arrière et de se souvenir que la quasi-totalité d’entre nous ont dans leur passé une histoire similaire ? Notre refus d’accueillir l’étranger pourrait-il être dû en partie, au fait que nos cœurs ont oublié ou n’ont jamais développé leur capacité de se mettre dans la peau d’un étranger ?

    Notre principal problème n’est peut-être qu’un manque de mémoire ou d’imagination – l’incapacité de se rappeler ce que c’est d’être ‘l’autre’ qui aspire à être accueilli, ou même d’imaginer cette possibilité ? Notre cœur pourrait-il devenir un cœur d’étranger simplement en choisissant de se souvenir et d’imaginer ?

    Dans les textes hébraïques, le commandement divin de prendre soin de l’étranger est directement lié au fait que le peuple d’Israël a aussi été étranger (Dt 10:19). Dans l’Évangile de Matthieu, Jésus résume toute la Loi et les Prophètes – et ‘tout’ est un mot plutôt vaste, il convient de s’en souvenir – par la simple formule ‘Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : c’est la Loi et les Prophètes’ (Mt 22:40). Le premier commandement nous exhorte à avoir une meilleure mémoire, le deuxième à avoir une meilleure imagination. Nous avons besoin des deux pour créer en nous un ‘cœur meilleur’. Et lorsque nous commençons à faire cela, mieux se souvenir et mieux imaginer, il devient plus facile d’aller vers l’étranger.

    L’assemblée dont je fais partie accueille neuf personnes venant de Syrie. Avec la communauté où nous vivons, nous avons passé des mois à préparer leur arrivée. Nous avons obtenu une maison, l’avons repeinte, acheté de la nourriture, des vêtements et des jouets. Nous avons développé des liens avec d’autres personnes dans notre communauté : autres églises chrétiennes, des gens de l’université, un groupe de médecins locaux et des membres de la communauté musulmane locale. Nous avons eu l’occasion de partager des repas avec les familles syriennes vivant déjà à Lethbridge, d’avoir des cours de cuisine spontanés (!) et des soirées culturelles très riches. Nous avons de nouveaux amis.

    Nous avons essayé de créer en nous un cœur d’étranger. Et ce faisant, nous avons découvert que ce n’est pas si difficile, si nous sommes prêts à nous souvenir et à imaginer…

    Ryan Dueck est pasteur de Lethbridge Mennonite Church en Alberta (Canada). La paroisse fait partie d’un groupe d’action sociale locale œcuménique qui parraine deux familles de réfugiés syriens venant s’installer à Lethbridge. Il blogue régulièrement à ryandueck.com et participe à Wondering Fair, ‘un café en ligne’ pour discuter des questions de foi.

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2016 de Courier/Correo/Courrier