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  • Ces slogans : ‘Justice pour le climat maintenant !’ ‘Le pouvoir au peuple !’ ‘Laissez le pétrole dans le sol !’ résonnaient dans les couloirs alors que je traversais la ‘Zone bleue’ – lieu où 197 États membres de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (UNFCCC) étaient réunis en décembre 2015 pour décider de l’avenir de notre climat. C’était la première fois que j’assistais à ces négociations sur le climat, et elles se sont avérées historiques : l’Accord de Paris (un accord mondial pour sauvegarder / protéger le climat et les personnes vivant sur cette planète) a été adopté !

    C’était aussi la première fois que j’entrais en contact avec tant de communautés religieuses prônant un environnement durable et la résilience aux changements climatiques, aux côtés des communautés et des personnes les plus vulnérables. Invitées en tant qu’observatrices officielles, les communautés religieuses ont eu la possibilité, non seulement d’approcher les négociateurs à un niveau individuel pour le difficile travail de plaidoyer, mais elles ont aussi eu un créneau pour faire entendre leur voix devant un public de ministres et de chefs d’États lors d’un ‘dialogue de haut niveau’.

    Le changement climatique, ce n’est pas une ‘fake news’ (fausse nouvelle), mais une dure réalité dans le monde, ressentie surtout par nos frères et sœurs des pays du Sud. La destruction de l’environnement et les changements climatiques, intensifiés par le mode de vie des pays du Nord, sont des facteurs clés de la pauvreté. La pression continue sur nos ressources communes prive les plus pauvres et les plus vulnérables de moyens de subsistance durables et dignes – souvent à l’origine de conflits.

    La crise climatique actuelle montre clairement qu’un environnement durable, la dignité humaine et l’amélioration de la résilience des communautés les plus vulnérables sont étroitement liées et interdépendantes. Nous, mennonites et chrétiens d’Allemagne, nous nous sommes donc engagés à agir pour un [développement] durable afin de protéger la création de Dieu pour les générations futures et les moyens de subsistance de millions de personnes aujourd’hui.

    Cela commence à petite échelle, dans certaines de nos assemblées qui ont des panneaux solaires sur les toits pour réduire la consommation d’énergie fossile.

    Cela continue avec certains de nos membres qui refusent de posséder une voiture, parce que ce n’est tout simplement pas nécessaire dans les zones urbaines.

    Beaucoup de nos paroisses sont engagées dans des activités de quartier pour renforcer les communautés locales et soutenir les moins privilégiés.

    Toutes ces initiatives découlent de l’engagement à prendre soin de la merveilleuse création qui nous a été confiée.

    Cependant, il fallait que ces questions préoccupent encore davantage nos églises – énergie 100% renouvelable, consommation responsable, éducation théologique sur le développement durable et travail de sensibilisation et de mobilisation sur le plan local. En outre, être actif et impliqué dans la famille œcuménique peut élargir cet engagement local et le porter au niveau mondial. Grâce à des activités ciblées sur la scène politique pour influencer les directives et les décisions, nous pouvons protéger tout enfant de Dieu, qui n’est pas notre voisin au sens strict, mais qui est membre de la famille mondiale de Dieu.

    Revenons aux négociations sur le climat : En tant que communauté œcuménique mondiale d’églises, le Conseil œcuménique des Églises (COE) joue un rôle de premier plan parmi les communautés religieuses lors des négociations sur le climat. En 2013, l’AMG (notre union d’églises) et d’autres unions mennonites, membres du COE se sont jointes au ‘Pèlerinage Justice et Paix’, qui est proche des valeurs anabaptistes. Dans le contexte climatique, cela est devenu ‘Pèlerinage Justice et Paix climatiques’. Il s’agit de sensibiliser à la nécessité de ne pas oublier la justice climatique et de faire entendre la voix des plus faibles et des plus vulnérables dans notre communauté mondiale.

    « Nous avons besoin de la sagesse de la création », a déclaré Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE, lors d’un office pour la justice climatique pendant les négociations climatiques récemment à Bonn : « une sagesse qui voit la réalité et qui comprend et reconnaît l’époque dans laquelle nous vivons. Une sagesse qui […] a le courage d’agir et d’innover afin que nous puissions préparer ensemble l’avenir. »

    Notre amour pour Dieu et pour le peuple de Dieu nous incite à élever la voix, à nous tenir aux côtés des personnes vulnérables, à être politiquement actifs et à œuvrer pour un monde juste sur le plan climatique. C’est pour ces raisons que nous nous joignons au mouvement œcuménique et que nous prions tout en continuant ce pèlerinage : « Dieu de la vie, conduis-nous à la justice et à la paix ».

    –Rebecca Froese est membre d’AMG – Arbeitsgemeinschaft Mennonitischer Gemeinden in Deutschland, une union d’églises mennonites en Allemagne.


    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2018 de Courier/Correo/Courrier.


    Le groupe de travail pour la protection de la création collaborera avec les églises de la CMM pour 

    a) accroître la prise de conscience de la crise climatique.

    b) proposer des façons concrètes de vivre plus écologiquement.

    c) étudier les impacts de la crise climatique sur les pays représentés.

    d) encourager le développement de capacités bibliques et théologiques en lien avec la crise climatique.

    e) élaborer un plan stratégique pour la CMM, détaillant des objectifs concrets immédiats, à moyen-terme et à long-terme.

    En savoir plus

  • En ce début de troisième millénaire, l’humanité fait face à de sérieux problèmes écologiques qui menacent la vie de l’homme et de toute la création. Les conséquences du réchauffement climatique sont perceptibles dans tous les pays du monde : la pollution de l’air et de l’eau, les fortes inondations et les grandes chaleurs, etc.

    En Afrique, principalement dans les pays au sud du Sahara, les populations sont exposées à de multiples maladies à cause de la dégradation de la création et des conditions de vie. Les autres créatures, telles que les poissons, les animaux, tant domestiques que sauvages, les oiseaux, les arbres et rivières, ne sont pas épargnées. Elles sont victimes de la cupidité et de la folie humaines. Or, de même que le Seigneur nous garde, nous devons garder la création de Dieu, en prenant soin de la terre et de ses habitants ; telle est la volonté du créateur.

    1. La Bible et la sauvegarde de la création

    La Bible n’est pas muette concernant la responsabilité de l’homme à l’égard de la création. Elle est riche de leçons dans ce domaine au point que plusieurs ont été amenés à considérer la parole de Dieu comme une sorte de livre d’écologie, un manuel qui aide les chrétiens à vivre correctement sur la terre, un manuel qui nous indique « comment vivre sur la terre pour n’être pas désorientés en arrivant au ciel » (Dewitt).

    1. Fondement vétérotestamentaire

    L’Ancien Testament contient plusieurs passages bibliques qui nous renseignent sur notre responsabilité à l’égard de la création. Toutefois, le passage le plus éloquent, est celui de Gn 2/15 « l’Éternel prit l’homme, et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder ». Ce verset pose le fondement biblique de la protection de la création. Il souligne le mandat culturel de la mission de Dieu confiée à l’homme dans le jardin d’Eden. Ce double mandat missionnaire consiste à cultiver et garder. Parlons-en succinctement :

    Cultiver – àvàd

    C’est la main même du Créateur qui a façonné les merveilles photographiées par Esther Martens autour de chez elle, au Saskatchewan. Bien que la paroisse mennonite près d’elle ait fermée, elle reste en contact avec la famille anabaptiste mondiale. Photo : Esther Martens

    Étymologiquement, ce mot tire son origine de la racine àvàd qui signifie cultiver, servir, travailler. Dans tout l’Ancien Testament àvàd n’a que ces deux significations qui reviennent au même : honorer et glorifier Dieu.

    Dans le premier cas, il s’agit de rendre un culte à Dieu, d’accomplir certains services dans l’adoration. Le second a trait au travail manuel de l’homme pour subvenir à ses besoins ou pour le compte de leur maître, dans le cas des esclaves. C’est aussi un service que l’on rend aux rois (Ex 20/9, 30/16, Lv 25/39, Dt 28/23, Ps 128/2, 24/1-2, Ac 20/35, 1 Co 16/58, 2 Th 3/8–9,11).

    Dans cette perspective, l’homme n’est pas créé pour ne rien faire. Le travail est une nécessité de sa nature, qui ne peut se développer que par le moyen de l’activité. C’est le travail qui développe l’intelligence, l’ingéniosité, toutes les forces de l’énergie et de la volonté, aussi bien que celles du corps (Rochedieu). L’homme est d’abord appelé au travail, puisque c’est la condition sine qua none de tout développement. L’homme continue l’œuvre de Dieu par le travail. L’homme et la femme vit pour travailler, car Dieu veut qu’ils soient prospéres. L’apôtre Paul dit même que « celui qui ne travaille pas ne mange pas non plus » (2 Th 3/10).

    Il sied de souligner qu’au début, le travail manuel n’est ni une malédiction ni la conséquence du péché. Il est une institution divine. Le travail vient de Dieu, car, lui-même a travaillé et travaille encore.

    Le terme àvàd, compris comme service à rendre, renvoie aussi au culte que l’homme doit rendre à Dieu. Or le véritable culte consiste à se mettre au service des autres pour le bien (Es 58/6-7 ; Jc 1/27) ; cultiver signifie obéir à la volonté et aux prescriptions de Dieu. Rochedieu estime à ce sujet « qu’il y a dans ce cas une étroite analogie entre cultiver, culte et culture. Le bon usage de la mission conduit nécessairement au service à rendre à Dieu pour sa gloire et son honneur et pour le bien-être et l’intégrité de toutes les créatures, il demande à Dieu son pain tout en se mettant au travail pour l’obtenir » .

    Dieu a placé l’homme dans le jardin, non seulement pour le cultiver, mais aussi pour le garder.

    Jepara (Indonésie) est célèbre pour ses sculptures. Yanto Bengadi fait de nombreuses sculptures décoratives, principalement sur des thèmes floraux. « Je suis convaincu qu’il faut préserver la création de Dieu pour notre propre génération » dit-il. (Il est membre de l’église mennonite GITJ de Sukodono). Photo : Yanto Bengadi

    Garder – shamar

    Ce verbe signifie : garder, surveiller, veiller sur, protéger, conserver, retenir, conserver le souvenir, observer, remarquer, tenir. Ce verbe est utilisé 126 fois dans le pentateuque, 128 fois dans les prophètes et 165 fois dans les Écritures. Dans le passage de Gn 2/15, shamar prend le sens de surveiller, préserver, prendre soin.

    De ce point de vue, la tâche de l’homme consiste à garder le jardin contre un ennemi d’une toute autre nature, qui aspire à s’en rendre maître et qui ne tardera pas à apparaitre. Cette tâche d’Adam qui ne se rapportait qu’au jardin, laisse entrevoir celle de l’humanité à l’égard de la terre.

    Le mot garder shamar se réfère tant aux bergers qui veillent sur le troupeau (1 S 17/20) qu’au fermier qui prend soin du jardin comme dans Gn 1/28 et 2/15, « l’humanité a été responsabilisée » (Roop).

    « La mission confiée par Dieu ne s’accomplit pas dans l’exploitation et la destruction de la flore et de la faune, » ecrit professeur d’ethique Jochem Douma. « Bien au contraire, l’homme n’a pas seulement affaire à des ‘ choses’ qu’il peut manipuler et déformer selon son bon plaisir pour s’enrichir, il a reçu l’administration d’une fonction déterminée par Dieu. Il s’ensuit que l’homme doit se comporter avec les autres créatures en tenant compte des caractéristiques que Dieu a accordées à chacun. »

    En tant qu’administrateur de grands biens, l’homme ne saurait prétendre passer devant pour être le propriétaire. Le monde est une création de Dieu et non de l’homme. Il est seulement le gérant d’une création qui reste la propriété de Dieu. Elle doit être gérée selon les normes de la justice divine et non selon celles que l’homme forge dans son désir de puissance.

    De nos jours, la création connait une dégradation à grande échelle qui ne doit pas laisser indifférents ceux qui s’appellent disciples de Jésus-Christ, car la survie de l’humanité actuelle et celle des générations à venir en dépend.

    Quatre tableaux (acrylique) représentent la région de Waddenzee dans la partie nord des Pays-Bas; « L’une des dernières régions désertes et naturelles de ce pays surpeuplé », explique l’artiste AnnaMarjan Bosma, membre de Doopsgezind Gemeente Leeuwarden – assemblée mennonite de Leewarden (Pays-Bas). « C’est près de chez moi et c’est un endroit magnifique pour prier. Je sens que Dieu est très près de nous ». Photos : AnnaMarjan Bosma

    Fondement néotestamentaire

    Plusieurs passages du Nouveau Testament parlent de la dimension cosmique de l’Évangile. Nous n’examinerons cependant que les textes des épitres de Paul aux Colossiens (1/15-23) et aux Romains (8/18-22).

    Le passage Col 1/15-23 affirme clairement qu’en Christ, tout (panta en grec) subsiste, parce que « tout a été créé par et pour lui » . Il décrit le lien qui existe entre le Christ de la création et le Christ de la croix. Il est celui en qui toutes choses sont réconciliées et retrouvent l’harmonie. Paul déclare hardiment que les bénéficiaires de cette harmonie retrouvée ne sont pas seulement les hommes, mais toutes choses. Cela est un acquis présent et futur.

    Dans Rm 8/18-22, Paul écrit que toute la création souffre (les êtres humains et les autres créatures), et elle attend le jour de la rédemption des fils de Dieu. Cette souffrance vient de la rébellion de l’homme contre la loi de Dieu. Car Dieu a créé un jardin luxuriant, productif, sans mauvaises herbes, un lieu de pleine santé et de vie, mais le péché a amené la maladie, la mort, les épines et les chardons. L’homme doit travailler dur pour gagner son pain car la terre nourricière est maudite. En l’espace de deux siècles (depuis le début de l’ère industrielle), l’espèce humaine a mis en question les fondements de la vie.

    Nous devons essayer d’aimer tout le monde, mais surtout rapprocher chaque enfant de Jésus, car ils peuvent apporter un grand changement dans ce monde, même si nous ne faisons que d’y passer. Bryan Diaz est membre de l’assemblée Cruising for Jésus à Cali (Colombie). Photo : Bryan Diaz, Iglesia Cruising for Jesus, Cali, Colombia.

    La création souffre et soupire les douleurs de l’enfantement à cause de l’activité humaine : la destruction des espaces naturelles et l’urbanisation, l’extinction des espèces, la détérioration des sols, la transformation des ressources naturelles, les déchets et les produits dangereux, la pollution à grande échelle, l’altération de l’équilibre planétaire, la dégradation humaine et culturelle, le réchauffement climatique, l’insalubrité dans les grandes villes des pays en voie de développement etc. Ce sont de graves maux dont souffre la création.

    Or, le mandat que Dieu a confié à l’être humain consiste à cultiver et garder le jardin. Mais en réalité l’homme ne fait que cultiver et exploiter la terre sans se préoccuper du second volet du mandat culturel de garder le don de Dieu sachant que le vrai propriétaire du cosmos est Dieu qui a créé toutes choses pour sa gloire. Et s’il nous a donné les bienfaits de la création pour que nous en jouissions de manière responsable, nous devons veiller à ne pas porter atteinte à sa fécondité.

    En revanche, si nous agissons selon l’enseignement biblique à ce sujet, nous vivrons heureux et nous offrirons aux générations futures un avenir radieux.

    1. Les avantages de suivre l’enseignement biblique sur la sauvegarde de la création

    L’enseignement biblique sur la sauvegarde de la création a plusieurs avantages. Il nous permet de :

    • Bannir l’ignorance face à notre responsabilité par rapport à la protection de la création. Plus nous sommes renseignés sur les dégradations et les destructions infligées à la terre de notre Seigneur, plus nous sommes obligées de revoir notre responsabilité comme gérants et administrateurs de notre planète et de ses habitants. Nous comprenons que Dieu est le créateur de tout l’univers (Gn 1/1), qui lui rend un témoignage éloquent (Ps 19) ; toute la création appartient à Dieu (Dt 10/14 ; Ps 24/1 ; 1 Co 10/26) qui l’aime et en prend soin, donnant eau et nourriture à toutes les créatures Ps 104 ; Ac 14/17), comme il a donné aussi le Christ Jésus (Jn 3/16). Nous sommes assurés que le seigneur nous bénit et nous garde (Ps 104 ; Nb 6/24–26).
    • Accorder à nous-mêmes et au sol un repos sabbatique c’est-à-dire le temps du rétablissement et de la jouissance des fruits de la création de Dieu (Ex 20/23, Lv 25/26). Tout comme Dieu pourvoit aux besoins de ses créatures, nous devons le faire également, en leur permettant d’être fécondes et de se multiplier Gn 1/22 ; 28/17 ; 9/1–7), et ne pas ajouter ‘maison sur maison’ (Es 5/8).
    • Participer aux efforts consentis par les uns et les autres pour arrêter les dégradations rapides de la création qui menacent le monde. Car les conséquences de ces dégradations sont dramatiques tant pour l’espèce humaine que les autres espèces.
    • Ouvrer dans la perspective du développement durable, d’être appelés à travailler pour notre développement, sans compromettre celui des générations futures.

    La Iglesia Menonita Fuente de Vida de Jac√≥ (Costa Rica), propose des ateliers gratuits o√π les enfants et les adultes font de l’artisanat à partir de matériaux recyclés. « Grâce à ces ateliers, nous essayons de sensibiliser le public à la protection de l’environnement dans le cadre de notre responsabilité [de chrétien] », dit la pasteure Sandra Campos. Photos : Sandra Campos

    1. Les co√ªts de la sauvegarde de la création

    √Ä l’échelle planétaire, les gouvernements mondiaux sont divisés sur les questions liées à la protection de l’environnement. Les pays capitalistes et les pays les plus industrialisés du monde sont les plus grands pollueurs. Ils ne parlent pas le même langage quant à la question du réchauffement climatique, qui pourtant est une véritable menace pour l’avenir du monde. L’année passée (2017), les États-Unis, l’un des pays les plus industrialisés du monde, se sont retiré des accords de Paris sur le réchauffement climatique.

    Les États les plus industrialisés doivent mettre de côté leur égo, changer leur vision du monde pour espérer changer la face du monde. C’est à ce prix que les moyens financiers peuvent être mobilisés pour arrêter les dégradations de la création dont les conséquences sont globales. Chaque État doit être conscient des sérieux problèmes écologiques qui menacent l’existence de la création.

    En République Démocratique du Congo (RDC), la situation écologique est dramatique. En effet, depuis le génocide au Rwanda en 1994, l’est du pays a accueilli des milliers de réfugiés armés, qui ont saccagé la faune et la flore du pays. Les guerres successives ont contribué à la dégradation de l’environnement. Les parcs nationaux de Virunga et de Garamba sont devenus les repaires des groupes armés locaux et étrangers qui continuent à tuer les gorilles des montagnes, les okapis, les hippopotames, etc.

    Dans les villes comme Kinshasa, la situation environnementale est dramatique : Kinshasa, appelée autrefois ‘Kin la belle’ est qualifiée par les Kinois eux-mêmes de ‘Kin la poubelle’ (Nzuzi). L’insalubrité règne partout. Les bouteilles en plastiques sont jetées partout, dans les caniveaux, les ruisseaux et les rivières. L’érosion a déjà emporté certaines parties des quartiers de la ville.

    Cette insalubrité est à la base de maladies mortelles comme la typho√Øde, le paludisme, le choléra etc. Au moment o√π j’écrit, une épidémie de choléra sévit dans l’un des quartiers les plus défavorisés et peuplés de la ville de Kinshasa, le quartier Camp-Luka situé dans les communes de Ngaliema et Kintambo.

    Face à cette situation, l’État congolais en général et le gouvernement provincial de Kinshasa en particulier, sont impuissants. Selon le gouverneur de la ville, le gouvernement provincial n’a pas les moyens financiers et matériels d’assurer l’assainissement quotidien de la ville. Les efforts consentis par le gouvernement et les personnes de bonne volonté sont une goutte d’eau dans l’océan.

    Le co√ªt de la protection de la création exige à la fois des moyens financiers importants et le changement de mentalité des populations.Près du village de Wamba, à l’est de Kinshasa (République Démocratique du Congo), une ferme sert à pour financer un nouveau bâtiment pour la paroisse Frères mennonite du village. Ici, trois cultures – ma√Øs, manioc et arachide – poussent ensemble dans le même champ, mais sont récoltées à des périodes différents. Des femmes mennonites de Kinshasa passent deux semaines de temps en temps pour y travailler et rester avec d’autres chrétiens du village. Photo : J. Nelson Kraybill

    1. La contribution des églises mennonites à la protection de la création en République Démocratique du Congo.

    Les dégradations de la création en RDC sont étroitement liées aux cultures et aux besoins alimentaires et économiques des populations de chaque province. Par exemple, dans les régions du Kasa√Ø et du Sud-Ouest du Kwango, l’exploitation artisanale du diamant a complètement modifié la flore et l’hydrographie et certaines espèces animales sauvages ont complètement disparu.

    Dans un tel environnement, les efforts des responsables mennonites consistent à conscientiser les membres et les populations locales au changement de mentalité et de la perception du monde vis-à-vis de la création, à la lumière de l’enseignement biblique.

    Grâce au programme ‘Évangélisation et Santé communautaire’, les pasteurs et les membres des églises locales sont sensibilisés à travailler pour leur propre développement, mais aussi à la protection de la création et à la lutte contre l’insalubrité. Par exemple nous avons demandé à tous les pasteurs de Kinshasa d’assainir régulièrement la cour et l’environnement immédiat de leurs paroisses, de construire des installations hygiéniques dignes de ce nom et de planter des arbres dans la cour lorsque l’espace le permet. Après quelques visites effectuées dans différentes paroisses, ce travail est déjà efficace.

    En outre, les jeunes mennonites s’associent à d’autres jeunes pour lutter contre l’insalubrité et les érosions de Kinshasa. Ce travail se fait avec les moyens du bord : sacs, bèches etc. Les années passées, grâce aux efforts de nos jeunes, les paroisses de Lonzo dans le quartier Camp-Luka, la commune de Ngaliema et la paroisse Mfila situées dans le quartier Delvaux de la même commune ont pu être sauvées des gigantesques érosions qui les menaçaient de disparition.

    Conclusion

    « Cette photo me rappelle le Psaume 46:11 : ‘Arrêtez [cessez-immobilisez-vous], et reconnaissez que je suis Dieu’ », dit Shena Yoder, membre de la First Mennonite Church à Middlebury, (Indiana, États-Unis), originaire des Philippines. Elle aime prendre des photos de plantes qui sont généralement négligées. Photo : Shena Yoder

    Dans le contexte de la RDC, les églises chrétiennes en générale et les mennonites en particulier, ont une lourde responsabilité par rapport à la protection de la création. Les responsables chrétiens et les fidèles des églises locales doivent être davantage enseignées sur le thème de la sauvegarde de la création. Ils doivent aussi mener des actions concrètes allant dans le sens de sa protection. Les responsables ecclésiastiques doivent jouer leur rôle prophétique en interpellant les dirigeants politiques concernant les dégradations de l’environnement.

    Le contexte de nos frères et sœurs du Nord est différent de celui du Sud. Toutefois, la lutte contre les dégradations de la création est une affaire commune. Car ses conséquences sont, non seulement locales, mais mondiales. C’est pourquoi, les expériences des frères du Nord peuvent servir aux frères du Sud qui sont les plus exposés aux méfaits de la détérioration de la création de Dieu.

    Historiquement, les mennonites sont attachés au travail de la terre (cultiver et garder) ; les expériences des uns et des autres dans ce domaine peuvent renforcer nos liens de fraternité et de partage. Je souhaite qu’une commission dénommée ‘Développement et Sauvegarde de la Création’ soit créée au sein de la CMM pour mettre à jamais notre empreinte en tant que communauté de foi attachée aux enseignements du Christ.

    ‚ÄîKukedikila Ndunzi Muller est représentant provincial de la Communauté des Églises des Frères Mennonites à Kinshasa, enseignant au Centre Universitaire de Missiologie (Kinshasa), et doctorant en développement holistique.

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2018 de Courier/Correo/Courrier.

    Bibliographie sommaire

    Dewitt, C.B., L’environnement et le chrétien (Quebec :Ed. la clairière). 1995

    Douma, J., Bible et écologie (France : kerygma). 1991

    RocheDieu, C., Les trésors de la Genèse (Geneve : Emma√ºs)

    Roop, E.,F, Genesis, Believers church Bible commentary (Scottdale : Herald Press) 1987

    Nzuzi, Lelo Kinshasa, ville et environnement (paris: harmattan). 2009

    Katalamu, Mobi ’ protection durable de l’environnement’ (Kinshasa : CUM). 2016

    Harimenshi, P.,B., ’ Mission et écologie’ (Kinshasa : CUM). 2002

  • ‘Renouveau 2027’ est le nom que la CMM a choisi pour désigner la décennie de rencontres qui commémoreront les cinq siècles d’existence de notre communauté spirituelle. Pendant ces 10 années, nous aimerions mettre l’accent sur les perspectives mondiales, œcuméniques et transculturelles de notre histoire.

    Nous nous souviendrons du passé afin de regarder vers l’avenir. Comme l’a souligné l’auteur colombien Gabriel García Márquez : « Ce qui importe dans la vie, ce n’est pas ce qui vous arrive, mais ce dont vous vous souvenez et la manière dont vous vous en souvenez ». Nous voulons souligner l’importance de nos racines afin de remercier Dieu pour l’héritage spirituel que nous avons reçu. En même temps, nous souhaitons nous approcher de notre Seigneur dans un esprit de repentance et de renouveau, apprenant du passé afin de grandir dans notre relation avec Dieu ici et maintenant, et dans les années à venir.

    Lors de la première rencontre, ‘Transformés par la Parole : Lire les Écritures dans une perspectives anabaptiste’, nous avons exploré le rôle qu’ont joué l’affirmation de Martin Luther, sola-scriptura, les idéaux monastiques d’imitation du Christ dans notre propre tradition, et comment les Écritures sacrées continuent à être pertinentes pour notre communauté spirituelle mondiale aujourd’hui.

    Pendant cette journée à Augsbourg (Allemagne), j’ai gardé à l’esprit une œuvre artistique que j’avais vue dans une des assemblées mennonites d’Amsterdam (voir la couverture). Sur la chaire au centre du sanctuaire, il y a une Bible ouverte et en mouvement. Les pages sortent et entrent dans la Bible, et volent tout autour de la pièce.

    Cette œuvre montre l’Écriture comme un texte vivant qui intègre nos propres histoires par l’œuvre de l’Esprit Saint. C’est ainsi qu’est rapportée l’histoire des premiers disciples dans les Actes. L’accent anabaptiste sur l’imitation du Christ nous invite à voir l’Écriture comme un scénario pour notre propre vie, ou une pièce de théâtre à vivre et à mettre en pratique quotidiennement.

    Cependant la Bible n’a pas toujours été vue ainsi dans notre histoire anabaptiste.

    Le plus souvent, nous avons utilisé le texte sacré comme un outil pour mesurer l’orthodoxie doctrinale des autres, provoquant ainsi la division et la fragmentation au sein du corps du Christ. Cela s’est produit trop souvent dans nos églises chaque fois que nous constations que nos perspectives sur les Écritures ne coïncidaient pas.

    Nous avons souvent ignoré les passages nous invitant à vivre le don de l’unité au sein de la diversité. Nous avons négligé le don de la communion en dépit de, et grâce à, la diversité. Nous en sommes malheureusement venus à croire que nos divergences éthiques ou doctrinales étaient une raison suffisante pour briser le corps du Christ.

    Aujourd’hui, tout en remerciant Dieu de l’accent mis sur l’interprétation communautaire et centrée sur le Christ, et la mise en pratique de l’Écriture, nous devons garder une attitude repentante envers les divisions qui existent parmi nous, en raison d’une approche inadéquate de la lecture des Écritures. Cherchons le renouvellement qui vient d’un cœur contrit, capable de reconnaître notre péché et son impact sur l’unité dans l’église.

    Ma prière est qu’aujourd’hui, notre compréhension de la Bible soit renouvelée par le texte vivant qui parle maintenant ; que nous puissions voir que notre division est un péché qui doit être éradiqué. Que notre désir de vivre et de mettre en pratique la Bible aujourd’hui nous unisse dans un esprit d’interdépendance.

    Puissions-nous être transformés par la Parole !

    —César García, secrétaire général de la CMM, travaille au siège social de Bogotá (Colombie).

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro octobre 2017 de Courier/Correo/Courrier.
  • Comment l’Église devrait-elle réfléchir à la santé mentale ?

    Notre état mental est lié à notre corps et à notre esprit, et, comme eux, peut être en mauvaise santé. Dans la partie ‘Perspectives’ de ce numéro, des responsables et des praticiens de la santé d’églises anabaptistes du monde entier traitent du rôle des églises dans la prise en charge de la santé mentale de leurs fidèles.

    Les églises, communautés de guérison

    Depuis le milieu des années 1960, la Colombie a été engagée dans un conflit armé forçant environ 7 millions d’hommes, de femmes et d’enfants à quitter leur foyer et entraînant la disparition de plus de 60 000 personnes et la mort de près de 600 000 civils. Certaines de ces personnes, fuyant vers les grandes villes, sont venues dans nos églises. Elles sont arrivées avec les forces et les ressources que la vie leur avait données, mais aussi chargées du poids de tristesse de la perte de leur communauté. Elles se demandaient aussi souvent comment un Dieu aimant pouvait-il permettre que cela leur arrive. Elles désiraient la justice, et elles avaient peur – une peur souvent justifiée – que la menace qu’elles fuyaient ressurgisse dans la ville où elles se trouvaient.

    Nos églises anabaptistes et nos organisations colombiennes ont réalisé qu’il est ‘important de répondre aux besoins spirituels, psychologiques et sociaux des personnes qui venaient vers elles. En collaboration avec le MCC, ces églises ont commencé à réfléchir à la façon de procéder. Les membres ont reçu une bonne formation avec le programme STAR de Eastern Mennonite University, et du matériel de guérison du stress et des traumatismes fournis par le MCC.

    Nous avons choisi l’assemblée locale comme centre de notre action, considérant qu’elle a le potentiel de devenir lieu de guérison. Nous avons uni nos efforts (Frères en Christ, Frères Mennonites et Églises mennonites) et créé la Coordination des Églises pour une Action Psychosociale (CEAS) : une ressource pour que les paroisses puissent accueillir les victimes qui se présentent.

    Comment être un lieu de guérison

    En 2012, le CEAS a entrepris d’interroger des personnes déplacées participant activement à une assemblée anabaptiste. Ces entretiens visaient à définir les qualités des églises permettant de connaître la guérison (spirituelle, psychologique, sociale et même physique) et ce, même dans une situation de déplacement forcé. Ils permettaient également à voir ce que les paroisses pourraient faire de plus.

    Les réponses montrent qu’il est incroyablement simple pour les assemblées locales d’être un lieu de guérison. Les membres permettent à la présence de Dieu de guérir les personnes traumatisées et de retrouver un sens à la vie en les accueillant et en leur manifestant un intérêt sincère, en leur offrant un lieu sécurisé, en écoutant leur peine et leur souffrance et en les encourageant à reconstruire leur vie. C’est par la paroisse qu’elles rencontrent le Christ et peuvent renforcer leur relation avec Dieu.

    Les témoignages reflètent ce qui a été identifié par la psychiatre Judith Herman et la thérapeute Carolyn Yoder de STAR, qui soulignent que la sécurité, le fait de reconnaître ce qui s’est passé et la reconnexion sociale sont des éléments clés du processus de guérison. Quand le sens qu’une personne donnait à sa vie est ébranlé, vivre au sein d’une assemblée spirituelle acceptante aide à le retrouver ou en construire un autre, et à avancer vers la guérison.

    Lorsqu’on lit la Bible à partir de la perspective du traumatisme et de la résilience, on discerne l’angoisse et le désir de Dieu des Israélites chassés de leur foyer (Lm 3, Ps 79, 137) et de Job quand il a tout perdu (Jb 2, 19), la foi et la résilience des Psaumes (Ps 23, 91), l’espérance contenue dans

    les messages des prophètes (Mi 4/1–4) et de Jésus incarnant l’amour de Dieu (Jn 1/1–14, Ep 2/17–19). Nous comprenons que les églises sont chargées de poursuivre cette œuvre d’amour et de réconciliation (Ep 1/23, 2 Co 5/18–20).

    Retrouver sa dignité transforme

    Andres (nom changé) est arrivé à l’église mennonite de Teusaquillo à Bogota, rempli de colère et de crainte, redoutant qu’à tout moment ceux qui ont tué son frère et son père surgissent dans les rues de Bogota. Se sentant bien accueilli, et accepté tel qu’il était, Andres a commencé à s’ouvrir à la communauté. La possibilité d’explorer de nouvelles options lui a permis de surmonter sa haine et il a retrouvé la dignité dans la reconstruction de sa propre vie. Le témoignage d’Andres montre quelle importance peut avoir une église accueillante, prête à écouter les témoignages et à offrir un lieu où grandir dans la communauté et dans la foi.

    Le projet d’entrevue a abouti à un guide d’étude destiné à aider les assemblées à devenir des communautés de guérison. Il commence à être utilisé par les églises mennonites et Frères Mennonites de Colombie. Ce livret s’avère utile non seulement pour les victimes de traumatismes, mais aussi pour tous ceux qui font l’expérience de la souffrance, du rejet et de la perte pour connaître la transformation vers une plénitude de vie. Les témoignages, les textes bibliques et les exercices contenus dans la brochure sont applicables à tous.

    La Colombie a commencé à mettre en œuvre des accords de paix. Les paroisses doivent maintenant relever le défi d’intégrer les ex-combattants et d’avancer vers la réconciliation. Les victimes veulent la vérité et la justice. De nouvelles formes de violence armée apparaissent. Dans ce contexte, les assemblées locales, communautés de guérison, peuvent contribuer de manière significative à la consolidation de la paix. Offrir les conditions favorables au pardon et à la repentance peut aider à briser le cycle de la violence. La guérison des traumatismes peut mettre fin à l’intériorisation de la souffrance subie et à la victimisation. L’acceptation favorise le lien social et aide à construire la communauté.

    Les assemblées locales avec un message de salut ont longtemps été des lieux de guérison et d’espoir. Ce projet documente des expériences spécifiques de paroisses, identifie des apprentissages qui servent d’outils pédagogiques pour renforcer la capacité des assemblées à favoriser la communauté et la guérison.

    —Nathan Toews et Paul Stucky collaborent en Colombie avec la Coordination des Églises pour une Action Psychosociale (CEAS), financée par le MCC. Nathan travaille avec le MCC en Amérique latine et Paul coordonne le CEAS tout en étant le représentant régional des Andes auprès de la CMM.

    PDF de « Iglesia Acogedora y Sanadora » guide d’e?tude en espagnol

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro avril 2017 de Courier/Correo/Courrier

  • La vie renait dans un cimetière ! 

    Des expressions anabaptistes variées poussent dans le sol dur de la Thaïlande 

    « La Thaïlande : cimetière de la mission » : cette expression a résonné aux oreilles des missionnaires en route vers la Thaïlande pendant des décennies… Heureusement, Dieu voit les choses autrement ! Une vision différente émerge enfin – et les anabaptistes y ont une place ! 

    Premières graines  

    Il y a 201 ans, Ann Judson (l’épouse d’Adoniram Judson) avait appris suffisamment leur langue pour parler de l’évangile aux prisonniers siamois (thaï) en Birmanie. Douze ans plus tard, en 1828, les premiers missionnaires protestants sont arrivés en Thaïlande, 260 ans après les premiers prêtres catholiques. 

    Pour les catholiques comme pour les protestants, les années 1800 sont des années de dévouement et de persévérance incroyables. Les missionnaires se heurtent à une cohésion sociale presque impénétrable, bâtie sur un mélange de bouddhisme et de brahmanisme, ainsi que des racines profondes d’animisme qui rajoutent une raison de craindre le changement (ce qui est toujours le cas). De même que le peuple thaïlandais a démontré une capacité inégalée à résister à la colonisation grâce à une diplomatie impeccable, il s’est montré résolument attaché à sa déclaration d’identité implicite : « Être thaïlandais c’est être bouddhiste ». 

    En 1880, Dieu a de nouveau utilisé les bases établies en Birmanie pour bénir la Thaïlande. Trois évangélistes de la tribu Karen (en Birmanie) furent accompagnés par un vieux missionnaire jusque dans un village en Thaïlande où ils rencontrèrent un homme qui avait rêvé la nuit précédente que trois enseignants apporteraient la Parole de Dieu. Il avait attendu toute la journée. Cinq cents Karens se repentirent et crurent. 

    Les années 1900 ont apporté les nouveaux défis du libéralisme d’un côté et d’un évangile tronqué de l’autre. Des associations d’églises ont émergé, dont la plus importante est l’Église du Christ en Thaïlande (CCT), fruit d’un siècle de travail des presbytériens. Les missionnaires ont construit des écoles. Le climat social est resté hostile au témoignage évangélique. La seconde moitié du XXe siècle a vu se déployer une nouvelle énergie et une vision holistique : un afflux de missionnaires de Overseas Missionary Fellowship expulsés de Chine, a permis au Nord de la Thaïlande de devenir un centre de travail fructueux parmi les ‘tribus des montagnes’. Puis les influences pentecôtistes ont commencé à faire leur chemin en Thaïlande. Dans les années 1980, le centre de la Thaïlande a vu pour la première fois une église indigène croître très rapidement. 

    Les premiers témoignages anabaptistes 

    En 1960, c’est le MCC qui a apporté le premier témoignage anabaptiste avec un contact modeste en Thaïlande. Au cours des 15 années suivantes, le MCC a placé des volontaires PAX (objecteurs de conscience américains accomplissant un service alternatif à l’étranger) et il a acheté des produits artisanaux locaux pour les vendre aux États-Unis. 

    Le MCC s’est de plus en plus engagé dans la région pendant ce que les Vietnamiens appellent ‘la guerre américaine’. En 1975, en partenariat avec l’Église du Christ en Thaïlande, le MCC a commencé à apporter des secours aux réfugiés, à explorer les possibilités de placement d’enseignants et à s’occuper de développement agricole. Il devait aussi aider le CCT à discerner le rôle de l’Église dans la société thaïlandaise à propos de la défense des droits de l’homme, car jusque là ce n’était pas tant la préoccupation de l’Église. La présence du MCC en Thaïlande a été sporadique au cours des années suivantes. Bien qu’un génocide massif ait eu lieu au Cambodge en 1977, un rapport du MCC indiquait seulement que « ce qui se passe … n’est pas toujours vérifiable ». En 1979, toute l’étendue de l’horreur a été révélée et le nombre de réfugiés arrivant en Thaïlande s’est accru de façon dramatique. Le MCC a eu un rôle clé dans les camps et dans le processus de retour des réfugiés laotiens, hmongs, cambodgiens et vietnamiens. 

    Selon un ancien missionnaire de cette époque, ce furent des années de renouveau. ‘Les paroles et les actes allaient de pair, et Dieu faisait ses merveilles. L’enthousiasme pour le témoignage holistique de beaucoup de responsables thaïlandais d’aujourd’hui est né dans ces camps. Outre le travail d’éducation à la paix et le plaidoyer en faveur des droits de l’homme liés aux événements de Birmanie, ce travail dans les camps a continué jusqu’à ce que le MCC ferme son bureau en 1995. 

    Pendant ce temps, d’autres missions anabaptistes commençaient à s’intéresser à la Thaïlande. Des membres de Brethren in Christ World Missions firent un voyage exploratoire en 1986, suivi par l’envoi d’un couple missionnaire en 1987. Ce couple put obtenir un emploi dans un institut technique à la périphérie de Bangkok, et donc être financièrement indépendants. Leur travail était de développer des relations interculturelles pour partager l’Évangile et encourager la formation de responsables autochtones par le biais du discipulat. 

    En 1990, La Eastern Mennonite Mission envoya un missionnaire pour explorer la situation. Une équipe se forma en 1992 et le couple Tobin s’engagea pour 10 ans. En 1995, il était prêt à vivre parmi les Isaan parlant lao, dans l’une des provinces les plus reculées de la Thaïlande rurale. L’église Life Enrichment très inculturée, avec ses cultes dans des petits groupes et ses responsables locaux autonomes, est née et continue à grandir dans de nouveaux villages. 

    Mennonite Brethren Missions / Services International (maintenant Mission MB) fit aussi un voyage exploratoire en 1991. Les pionniers qu’ils envoyèrent prirent la décision de s’installer dans la province de Nan dans le nord de la Thaïlande pour travailler avec les Khmus. Le couple Schmidt et leurs collègues exercèrent un ministère centré sur l’évangélisation, l’éducation et le développement agricole dans les villages. Le long de la frontière Thaï-Lao, de nombreuses personnes vinrent à Christ parmi les Khmu.  

    Le travail s’enracine 

    Finalement, aucune de ces nouvelles organisations anabaptistes ne s’associa au CCT, malgré les bonnes relations que le MCC avait entretenues au fil des ans. Chaque mission fit son propre chemin avec de nouveaux partenaires et sa politique personnelle d’obtention de visas. La Evangelical Fellowship of Thailand s’est révélée une alliée encourageant l’implantation d’églises à travers le pays. Le responsable des Eastern Mennonite Missions Global Ministries, David Shenk, a encouragé les travailleurs de l’EMM à prioriser les relations avec les anabaptistes pour souligner la valeur de la ‘communauté’. Ainsi, les responsables des équipes ont fait de nombreux voyages pour prier et s’encourager mutuellement. Un modèle de retraites régulières a ouvert la voie à l’accueil des nouveaux collaborateurs. 

    En 1998, la General Conference Mennonite Church (COM) envoya le couple Houmphan (lao/canadien), pour travailler avec l’équipe de l’EMM. Ê la fin de leur premier mandat, ils commencèrent leur propre implantation d’église ailleurs à Isaan avec le MC Canada Witness. 

    En janvier 2001, Team 2000 arriva. Ces trois couples Frères Mennonites s’engagèrent à travailler ensemble pendant 10 ans et ouvrirent un orphelinat et une église au sud de Bangkok. Ils ont eu la vision que 28 missionnaires viendraient les rejoindre ; ceux-ci ont maintenant des relations avec plusieurs responsables locaux et les communautés émergentes dans différentes régions du pays. 

    Vers la même époque, le couple Myer, les nouveaux responsables BIC, arrivèrent. Invités et encouragés par l’EMM, ils commencèrent à travailler dans la capitale provinciale d’Ubon Ratchathani, à seulement 50 kilomètres de l’équipe de l’EMM. Ils développèrent des conceptions de ministère très compatibles, et cette proximité s’avéra providentielle, permettant aux équipes de se soutenir mutuellement dans des moments terribles. 

    Pendant ce temps, le Mennonite Mission Network avait envoyé des missionnaires à un autre endroit d’Isaan, et la Rosedale Mennonite Mission (RMM) renforça sa présence à Bangkok avec des responsables de deuxième génération, fruits de l’engagement de longue date de la RMM en Amérique centrale. Virginia Mennonite Missions était récemment devenue partenaire de l’église Life Enrichment pour former un avant-poste missionnaire parmi les Isaan à Bangkok. Un groupe d’anabaptistes conservateurs avait construit une école de formation missionnaire anabaptiste – l’Institute of Global opportunities (IGo) – à Chiang Mai. Ainsi, au moins à Chiang Mai, les anabaptistes sont connus pour leur ‘head covering’ (coiffe) et leurs familles nombreuses, sans parler de leur zèle pour l’évangile. 

    Tous ces groupes mettent l’accent sur le discipulat ; ils ont tous des expériences très riches de la puissance du Saint-Esprit manifestée par la guérison et la délivrance de l’oppression démoniaque. 

    Relations entre les groupes 

    Bien qu’il y ait périodiquement des conversations sur une organisation anabaptiste commune, la décision de se lier à une structure qui pourrait être ressentie comme lourde ou artificielle n’a pas encore été prise. La plupart des groupes s’engagèrent plutôt à simplement rester en relation. 

    Outre des réunions deux fois par an des responsables d’équipe (Conseil de Référence anabaptiste), il y eu trois rassemblements animés de croyants anabaptistes thaïlandais et lao. Au fil des générations, des relations chaleureuses se sont construites au-delà des divisions culturelles et socio-économiques de longue date, ainsi que des différences de ‘culture d’église’ entre mennonites et anabaptistes. Ces rencontres ont débouché sur la traduction de ressources anabaptistes en thaïlandais : la Confession de Foi Mennonite, et ‘Qu’est-ce qu’un chrétien anabaptiste ?’ de Palmer Becker. La confession de foi des International Mennonite Brethren (ICOMB) a également été traduite en thaï. Plus récemment, le livre de Richard Showalter contenant les récits des premières initiatives missionnaires en Asie ainsi que les histoires des premiers martyrs anabaptistes a été traduit en thaï. 

    Dans un contexte où l’évangile de la prospérité gagne du terrain, cette compréhension de la foi anabaptiste est d’une grande valeur. 

    Identité anabaptiste 

    Pour nourrir l’identité anabaptiste, de bonnes relations et ressources à long terme sont importantes, cependant l’identité est surtout le fruit de l’expérience. 

    Lorsque l’église Life Enrichment au sud d’Ubon Ratchathaniétait ébranlée par l’accident qui a co√ªté la vie à John Hertzler, responsable de l’équipe de l’EMM, l’église a été amenée à vivre une profonde démarche de pardon. Elle passa des mois à partager l’évangile avec le chauffeur dont l’imprudence avait causé l’accident. L’événement le plus marquant fut la présence des parents de John le jour du baptême du chauffeur. L’église vit ces croyants fidèles accueillir avec bonté cet homme dans la famille spirituelle. 

    Plus tard, l’église se réunit pour entendre Truman Hertzler enseigner l’histoire anabaptiste. Il parla des échecs de ses prédécesseurs qui perdirent des opportunités d’évangéliser en raison de leur légalisme et de leur léthargie. Pourtant, souligna t-il, la persévérance dans les difficultés et les yeux tournés vers Jésus-Christ, le seul fondement, (1 Co 3/11) conduit toujours vers une vision renouvelée et à l’obéissance à l’appel de Dieu. Dans la salle, un à un, les chrétiens se sont levés : « Nous le sommes aussi ! Peu importe ce nous aurons à souffrir ou combien de fois nous faiblirons et échouerons, si c’est cela être anabaptistes, alors nous sommes anabaptistes ! » De cette tombe est sortie la vie ! 

    Outre les communautés qui naissent du travail des missionnaires sur place, un autre courant de témoignage anabaptiste autochtone en Thaïlande provient des anciens réfugiés Hmong qui s’étaient installé aux États-Unis. Beaucoup se sont affiliés à MC USA. Ils ont formé leur propre Hmong Mennonite Churches Mission et attendent avec enthousiasme le jour où les Hmong, dont les villages sont dispersés sur les montagnes du Nord-Ouest de la Thaïlande, pourront revendiquer une identité anabaptiste. 

    Ê partir de 2005, cette impulsion a été renforcée par des visites d’enseignement de pasteurs nord-américains et de collaborateurs du Mennonite Mission Network ainsi que de l’aide à des projets de construction. Ainsi, ces chrétiens hmong, qui ont longtemps fait partie du CCT, ont commencé à réaliser que leur propre théologie a de fortes affinités avec l’anabaptisme. 2016 s’est avéré être une année significative car un nouveau ‘Hmong district 20’ s’est maintenant joint à la CMM, comme district de la CCT. Ils ont recherché cette affiliation parce que, selon Nelson Kraybill, « Ils veulent revendiquer explicitement la compréhension anabaptiste de l’Église et la développer, y compris la non-violence ». 

    Ceux qui ont observé ces églises remarquent la variété des pratiques qui font de leur présence un don au sein de la CMM : le travail pour la paix dans le cadre de l’évangélisation, l’hospitalité, la gestion financière, la générosité, la passion pour l’enseignement de la Bible et la formation des responsables. Des représentants de la CMM et du MMN seront présents en Thaïlande lorsque leur participation sera officialisée en avril 2017. 

    Bien que les chrétiens ne constituent encore que 1,2 pour cent de la population en Thaïlande, nous nous attendons à être bénis dans les années à venir par ces divers courants de témoignage anabaptiste s’entrecroisent et s’enrichissent mutuellement. Que Que Dieu continue à permettre à sa beauté et à la vie de la résurrection de sortir de ce ‘cimetière’ ! 

    ‚ÄîCarol Tobin et son mari Skip ont travaillé en Thaïlande de 1989 à 2009 pour implanter des églises et faire un travail administratif régional avec l’EMM. Résidant maintenant à Harrisonburg (États-Unis), Carol continue d’avoir une relation étroite avec la Thaïlande en tant que directrice régionale de l’Asie avec Virginia Mennonite Missions. 


    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’ Courier/Correo/Courrier April 2017


    Nom:  Hmong 7e District de l’Église du Christ en Thaïlande * 
    Membres:  1 733 
    Paroisses:  23 
    Président:  Pornchai Banchasawan 
    Nom:  Mission Khmu  
    Membres:  39 250 
    Paroisses:  430 
    Président : Phone Keo Keovilay 
    Nom:  Église Life Enrichment  
    Membres:  199 
    Paroisses:  16 
    Président: Pasteur Somchai Phanta 
    Nom:  Thaïlande Mennonite Brethren Foundation 
    Membres:  1 600 
    Paroisses:  20 
    Président : Ricky Sanchez 
    *Vote du Comité exécutif lors des réunions de février 2017 pour l’admission en tant que membre. Données de la carte du monde de la CMM, 6 février 2017. 
    Source: Répertoire de la CMM 2015 
     
     
     
     
     
  • « Ne pleure pas », m’a dit un membre de mon église quand j’ai perdu un parent de manière tragique. « Lis ce verset de la Bible », continua-t-elle. Cependant, je ne pouvais pas entendre ses paroles. J’avais besoin d’une personne capable de m’écouter, prête à pleurer avec moi, prête à m’accompagner pendant ces jours de profonde douleur. Je n’avais pas besoin de leçon biblique – j’avais besoin d’un(e) ami(e).

    « Je ne crois pas aux psychologues », m’a dit le pasteur d’une assemblée locale il y a quelques années. « Les gens doivent savoir obéir à la parole de Dieu plutôt que de dépendre de ce que dit quelqu’un. Donner des conseils engendre la dépendance ». Des années plus tard, j’ai entendu un membre de sa paroisse exprimer son ressentiment pour la solitude et l’abandon qu’il a ressenti pendant la phase terminale de la maladie d’un parent. Où était son pasteur dans ces moments difficiles de souffrance, d’interrogation et de désespoir ?

    Nous avons besoin de quelqu’un qui nous accompagne pendant les périodes difficiles. Nous avons besoin du soutien d’autrui quand nous connaissons des conflits, la maladie et le décès, quand nous avons des ressentiments. Nous avons besoin de la compagnie de personnes sages pour nous aider à identifier nos faiblesses et nos forces, et à en découvrir les causes. Nous avons besoin de conseils centrés sur Christ en matière de sexualité et sur la manière de gérer notre argent, et aussi de discernement dans les moments cruciaux de prise de décision dans nos vies : se marier, élever des enfants, choisir une profession, prendre sa retraite etc.

    En d’autres termes, c’est de discipulat nous avons besoin. L’accompagnement spirituel ne donne pas de conseils ni ne dit ce qu’il faut faire ou pas ; mais marcher avec les autres de manière à les aider à prendre des décisions basées sur leur engagement à suivre le Christ, c’est cela le discipulat. C’est l’imitation du Christ dans notre vie quotidienne, et pour ce faire, nous avons besoin de l’accompagnement compatissant d’autres membres de notre communauté et du soutien de personnes formées à aider à faire face à des problèmes spécifiques.

    Aujourd’hui, dans les cercles chrétiens, le discipulat a pris différents noms : coaching, thérapie, accompagnement spirituel, mentorat etc. Cela montre à quel point il est nécessaire de trouver des personnes ayant des compétences dans des domaines spécifiques du discipulat. La dépression, par exemple, ou la dyslexie sont des difficultés nécessitant une personne formée et spécialisée.

    En fait, chacun d’entre nous a la merveilleuse occasion d’accompagner les autres dans leur processus de discipulat. Même dans des moments très difficiles, nous pouvons rester proches de ceux qui souffrent, en étant compatissants sans offrir des platitudes ou des conseils. Juste écouter. De nombreuses paroisses du Sud, qui vivent dans un contexte de violence et de souffrance, apprennent à soutenir les personnes par une écoute active. Elles ont découvert le pouvoir de guérison dans le simple fait d’être présent pour les autres sans les juger. Encore une fois, la compassion est devenue l’essentiel.

    Cependant, dans le Sud, dans de nombreux endroits, le besoin de ministères spécialisés dans l’accompagnement est énorme. Comment aborder la maladie mentale ? Comment aider dans le processus de guérison de la mémoire nécessitant des compétences spécifiques ? Comment les énormes ressources du Nord peuvent-elles être partagées avec nos églises du Sud ? Je parle ici des ressources éducatives dans les domaines de l’accompagnement psychologique, de la résolution des conflits, du mentorat, de la thérapie, etc.

    Ce numéro de Courier est une humble initiative pour inviter nos églises à parler davantage de ces questions et à le faire de façon multiculturelle. Il nous faut partager nos ressources éducatives, nos expériences et nos besoins, afin de mieux répondre ensemble à notre appel au discipulat.

    Que Dieu guide nos églises dans le monde entier à marcher avec compassion, à être des communautés de guérison prenant au sérieux leur appel au discipulat.

    César García, secrétaire général de la CMM, travaille au siège social de Bogotá (Colombie).

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro d’avril 2017 de Courier/Correo/Courrier.

  • Comment, dans notre communion mondiale, les ‘Convictions communion’ de la CMM s’expriment-elles localement dans leur magnifique variété ?

    L’édition d’octobre 2016 de Courier/Correo/Courrier explore les raisons pour lesquelles les communautés anabaptistes du monde entier se réunissent pour former la CMM. Dans les articles qui suivent, les auteurs réfléchissent à la question : Comment l’amour du Christ nous motive t-il et nous guide t-il pour aller vers les étrangers dans notre contexte local ?

    Comment trouver des réponses dans la Bible aux questions du XXIe siècle ? 

    Comment trouver des réponses dans la Bible aux questions du XXIe siècle ? C’est un véritable défi ! Certaines parties du message de la Bible sont très claires, et valides en tous temps. Mais parce que notre monde est en perpétuel changement, certaines questions propres au XXIe siècle nous obligent à en réévaluer d’autres parties. Comment, alors, savoir quand nous accrocher à des convictions antérieures ou quand il est temps de nous ouvrir à de nouvelles idées et pratiques ?

    Dans notre église locale, entre 2010 et 2012, nous voulions trouver des réponses à cette question concernant les thèmes de la sexualité et du mariage, et tout particulièrement les rapports sexuels avant le mariage. Ce n’est pas la seule question éthique, et bien sûr, pas la plus importante ! Mais elle concerne toutes les générations, sinon directement, au moins dans la famille plus large (l’Église).

    Étudier ensemble la Bible

    Nous savions bien que les positions et les opinions des uns et des autres varient beaucoup. Est-ce que chacun devrait simplement faire ce qu’il veut ? Ou alors, la Bible peut-elle indiquer une direction ? Les membres plus âgés espéraient que ce processus amènerait les jeunes à savoir clairement ce qui est juste. D’autres (ou des amis de leur âge), sur qui une stricte discipline ecclésiastique avait été exercée dans le passé, se sont inquiétés, se demandant si cela allait se répéter. Ce processus a donc dû commencer très prudemment. Nous avons été très heureux de voir une centaine de personnes de différentes générations se joindre au processus, faisant confiance au Saint-Esprit pour cette exploration commune. Nous avons procédé par étapes :

    1. D’abord l’étude de la Bible – personnellement et en petits groupes. Un chapitre du livre de Tim Geddert a été très utile All Right Now: ‘Dieu parle par la Bible – pourquoi entendons-nous des choses si différentes ?’
    2. Le premier soir, nous avons parlé de nos espoirs et de nos craintes, d’herméneutique, des changements culturels, et nous avons discuté des étapes prévues. Notre objectif était qu’à la fin de ce processus, nous puissions discerner ensemble ce que nous considérions comme non-négociable, et ce qui était du ressort de la liberté individuelle.
    3. Les deux soirs suivants, nous avons invité un orateur extérieur pour nous aider à avoir une meilleure compréhension des fondements bibliques sur le sexe et le mariage, et leurs implications pour notre mode de vie. Le principal résultat a été que la sexualité doit être ancrée dans une relation d’amour et à vie, caractérisée par l’unité, l’exclusivité et la stabilité.
    4. Le quatrième soir était très important, parce que c’était le moment de découvrir où nous en étions après tout ce qui avait été entendu et dit. Qu’estce qui est important pour nous ? Quels aspects de la sexualité et du mariage sont ouverts à l’interprétation personnelle et quels sont ceux qui regardent la communauté (ce n’est pas seulement une question privée) ?

    Pour le savoir, nous avons tracé une ligne et nous avons demandé à chacun de se placer sur cette ligne selon son point de vue. Notre langage corporel exprimait notre volonté de faire face à ceux avec qui nous n’étions pas d’accord ou de nous en détourner. Nous avons encouragé chacun à faire de brèves déclarations, comme « Je suis à cet endroit parce que … » La plupart d’entre nous faisions face aux autres – malgré les différences d’opinions. Nous formions un large éventail, mais nous nous sommes tous retrouvés sous la croix qui se trouve sur le mur [de l’église].

    Unis malgré nos différences

    Dans les semaines qui ont suivi, nous avons consigné les idées importantes ; elles ont été discutées à nouveau avec les anciens et les prédicateurs qui n’étaient pas tous d’accord, mais qui étaient unis pour les présenter et en discuter avec la paroisse. Une nette majorité était d’accord et a accepté le document comme guide. Ce n’est pas un document doctrinal. Il n’y a pas de réponses toutes faites à la question : « Jusqu’où un couple amoureux peut-il aller ? » mais il présente un aperçu de notre processus. Quelquefois, des responsables d’autres églises nous demandent ce guide, mais nous ne sommes pas sûrs qu’il soit bon de le faire circuler, parce que le processus est tellement important.

    Chaque église locale doit passer elle-même par ce processus. Il ne sert pas à grand-chose d’adapter les résultats des autres sans ce processus. Regardant en arrière, nous avons beaucoup de raisons d’être reconnaissants, mais nous ne voulons pas cacher les expériences douloureuses ; ce mode de transformation dans la vie de l’église a été difficile. Nous n’avons pas vécu ce que nous affirmions. Des personnes ont été blessées, et il y a toujours une certaine tension.

    Cela nous maintient humbles, car il est plus facile de parler du côté positif que du côté sombre de la vie. Mais nous faisons l’expérience des deux dans l’église locale. Comme l’affirment les premiers mots des Convictions Communes : ‘Par la grâce de Dieu …’, nous allons de l’avant, mettant l’accent sur la grande vision du shalom. Riches de cette expérience, nous abordons maintenant un nouveau défi : parler de l’argent, de la richesse et des dons/ offrandes.

    Je suis sûr qu’à l’avenir, nous serons confrontés à d’autres questions éthiques. Ê chaque fois, notre point de départ est la Bible, dont ‘nous reconnaissons [qu’elle] fait autorité pour nous en matière de foi et de vie ; nous l’interprétons ensemble sous la direction de l’Esprit Saint’. Et cela signifie que nous apprenons toute notre vie, que nous n’avons pas toutes les réponses instantanément, mais que nous les cherchons ensemble.

    Emanuel Neufeld est pasteur de l’église Evangelische Mennonitengemeinde Schänzli en Muttenz (Suisse).

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro octobre 2016 de Courier/Correo/Courrier 

  • Églises mennonites d’Afrique orientale

    « Dans l’expérience religieuse traditionnelle africaine, l’expression de la foi n’a jamais été comprise en termes universels », écrit Alemu Checole, assisté de Samuel Asefa, dans ‘Rythmes anabaptistes en Afrique’ (Collection Histoire Mennonite Mondiale). «Croyances et pratiques varient d’un lieu à l’autre, d’une tribu à l’autre. L’expression religieuse a toujours été comprise comme une expression de la foi luo, maasai, turkana, ou zanaki.

    « Cependant, les chrétiens africains ont accepté le christianisme parce qu’ils y ont vu un nouveau mode de vie, bien meilleur que leur mode de vie traditionnel. Par exemple, l’espérance de la vie éternelle, l’assurance du pardon des péchés, la paix et la réconciliation entre Dieu et l’humanité, leur donnent un sentiment de sécurité. La nouvelle alliance scellée par le sang du Christ les a unis dans une nouvelle communauté universelle spirituelle ».

    Dans les années 1930, Elam et Elizabeth Stauffer, et John et Ruth Moseman ont été parmi les premiers missionnaires mennonites à aller en Tanzanie (autrefois le Tanganyika) pour implanter des églises dans la région. Zedekiah Kisare, un jeune chrétien africain, était leur interprète pour les cultes.

    Des stations missionnaires ont été établies à Bukiroba, Mugango, Bumangi et Nyabasi, parmi les tribus de la région.

    Outre le partage de l’Évangile et l’implantation d’assemblées locales, une école fut construite dans chaque poste missionnaire, plusieurs hôpitaux et cliniques locales furent mis en place, et les missionnaires ont ouvert un home pour filles.

    En 1942, il y eut réveil. Lancé par un évangéliste africain, le réveil a balayé la région. « Dans l’ensemble, cette vague de réveil a touché une grande diversité de personnes de l’Afrique de l’Est. », écrivent Alemu et Samuel. « Il a créé l’unité entre les missionnaires et les Africains, et a favorisé la bonne entente et la compréhension entre les deux races. »

    Les pays d’Afrique de l’Est devinrent peu à peu indépendants du régime colonial ; il y eut une période de transition pour les missionnaires lorsque les Africains eurent accès aux responsabilités dans un cadre africain.

    En 1948, les missionnaires mennonites en Tanzanie ont discuté du développement d’une église mennonite africaine indigène avec une organisation basée sur trois ministères : évêque, pasteur et diacre.

    En 1950, les hommes ayant été prédicateurs laïcs pendant plus de 15 ans ont été ordonnés ; ils fûrent habilités à baptiser, présider la Cène et célébrer les mariages. Ezekiel Muganda, Andrea Mabeba, Zedekiah Kisare et Nashon Kawira Nyambok furent ordonnés pasteurs.

    « Le sentiment d’unité dans l’Esprit, la joie et la satisfaction de trouver des pasteurs du pays, a suscité un grand intérêt pour l’évangélisation », écrivent Alemu et Samuel. Malgré les nombreuses difficultés rencontrées par les évangélistes lorsqu’ils se déplaçaient d’un endroit à l’autre, leur ministère a produit des conversions.

    Photo: Margaret Kisare

    Lorsque la Tanzanie a obtenu son indépendance en 1961, les responsables des églises ont dû faire face à la question du nationalisme.

    Les paroisses prirent conscience de l’importance d’inculquer le sens des responsabilités à leur jeunesse. La Tanganyikan Mennonite Church Youth League a été mise en place, avec Daniel Matoka à sa tête, aidé par Shemaya Magati. Les activités des jeunes comprenaient le nettoyage de l’église, la collecte des offrandes et la participation aux programmes de l’école du dimanche, au chant et au jardinage.

    En 1964, l’Église mennonite a choisi son premier évêque tanzanien : Zedekiah Kisare, de la tribu luo. Des tensions entre tribus bantoues ont fait surface, mais leur candidat, Ezéchiel Muganda, a choisi la paix plutôt que de remettre en question les autorités, et Kisare fut ordonné en 1967, juste au moment où le socialisme était proclamé dans le pays.

    La frontière politique entre le Kenya et la Tanzanie passe à travers des zones tribales. En 1942, Ogwada Okach et Nikanor Dhaje se sentirent appelés à la traverser pour se rendre au Kenya proclamer l’évangile. Ils ont été les premiers évangélistes mennonites de Tanzanie à voyager à travers le Kenya pour créer et développer des groupes chrétiens à Bande, Nyangwaye et d’autres endroits. Dès le début, l’Église mennonite du Kenya a été « un mouvement populaire de ruraux pauvres », écrit Philip E. Okeyo dans ‘Forward in Faith’.

    Le Kenya est devenu un État indépendant en 1963. En 1965, le gouvernement a accepté la quatrième pétition envoyée par les mennonites demandant à être reconnus comme Église. Cependant, elle a continué à faire partie de l’Église de Tanzanie jusqu’en 1977, quand l’évêque Kisare a mis en place une structure pour le Kenya, en collaboration avec des pasteurs.

    En 1980, Eastleigh Fellowship Centre a ouvert ses portes à Nairobi. Ce centre communautaire comporte une bibliothèque, des salles de classe et des espaces sportifs. Il constitue ‘un témoignage et une présence chrétienne ; il donne l’occasion de conversations entre les différentes communautés religieuses, propose des loisirs constructifs et de l’aide pour les familles et les étudiants à faible revenu, améliorant ainsi leur qualité de vie’, écrivent Alemu et Samuel. Bien que les églises mennonites kenyanes aient traversé des conflits internes, ce centre leur a donné la réputation de travailler à la paix et à de bonnes relations avec les musulmans.

    En Tanzanie, les convictions mennonites sur la non-résistance ont été mises à l’épreuve par la guerre de 1978 avec l’Ouganda. Certains membres de l’église ont rejoint l’armée, mais d’autres, comme Christopher Ndege, sont restés fermes sur leurs convictions religieuses de non-résistance en dépit d’une injonction judiciaire.

    Ê cette époque, l’église, qui s’était agrandie, a élu le pasteur Ezéchias N. Saria, comme évêque pour le second diocèse. Pendant son mandat, des tensions sont apparues entre régions et entre tribus. Il y a alors eu « une sorte de stagnation dans la croissance de l’église » et une « malnutrition spirituelle » écrivent Alemu et Samuel. Maintenant, de nouveaux responsables « cherchent à apporter la paix et la réconciliation dans la KMT ».

    Comme pour le Kenya, malgré les difficultés de la croissance « une église démarrée dans un village où vivait une seule communauté ethnique s’est étendue à d’autres tribus, comme les Kikuyu, les Luhya, les Mijikenda, les Nandi, les Massaï, les Somali, et d’autres, jusqu’en Ouganda », écrit Philip E. Okeyo dans ‘Forward in Faith’.

    « L’Évangile transcende toutes les cultures et devrait remettre en question notre héritage culturel, quel qu’il soit . En raison de la merveilleuse œuvre de Jésus-Christ, des millions de chrétiens d’Afrique vivent dans l’espoir, la foi et la joie. Par Jésus la puissance de la mort est vaincue ; la victoire est certaine parce que Jésus est Seigneur. L’Évangile est la Bonne Nouvelle pour la personne tout entière » écrivent Checole et Asefa.

    —Karla Braun est rédactrice de COURRIER pour la Conférence Mennonite Mondiale. Elle vit à Winnipeg (Canada).

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro octobre 2016 de Courier/Correo/Courrier 

     

    Le saviez-vous ?

    Le Kenya a plus de 40 millions d’habitants.

    Sa population est constituée de 80 % de chrétiens, 7 % de musulmans, 13 % sont membres de religions africaines et d’autres groupes plus petits comme les hindous.

    La Tanzanie a plus de 50 millions d’habitants.

    Environ 70 % des habitants de Tanzanie sont ruraux.

    Pour en savoir plus sur les églises mennonites d’Afrique :

    Rythmes anabaptistes en Afrique’ Projet d’Histoire Mennonite Mondiale 1. Lapp, John A. et C. Arnold Snyder, gen. eds. Kitchener, ON : Pandora Press, 2006.
     
    Forward in Faith: History of the Kenya Mennonite Church, A Seventy-Year Journey’, 1.942 à 2.012. Ojwang, Francis S. ed. Nairobi: Église mennonite du Kenya, 2015.
     
    ‘Kanisa la Mennonite Tanzania’. » Global Anabaptist Mennonite Encyclopedia Online. Stauffer, Elam W. et Mahlon M. Hess. 1987. Web. gameo.org
     
    ‘Kenya Mennonite Church’. Global Anabaptist Mennonite Encyclopedia Online. Hess, Mahlon M. 1987. Web. gameo.org/
     

    Union d’Églises mennonites du Kenya

    Brethren in Christ Church Kenya Conference
    Membres 4 900
    Paroisses 25
    Siège Nakuru
    Président Samuel Muriithi (évêque)

    Christian Believers Fellowship (Beachy Amish Church)
    Membres 693
    Paroisses 16
    Siège Kisumu
    Président Marlin Stoltzfus (évêque senior)
    Christian Church International
    Membres 19 640
    Paroisses 320
    Siège Madaraka, Thika, Central
    Président Joseph Mburu Kamiri (évêque)

    Church of God in Christ, Mennonite
    Membres 139
    Paroisses 9
    * Kenya Mennonite Church
    Membres 11.800
    Paroisses 142
    Siège Nango
    Président Philip E. Okeyo (évêque modérateur)
    Unions d’Églises mennonites de Tanzanie
    * Kenya Mennonite Church
    Membres 11.800
    Paroisses 142
    Siège Nango
    Président Philip E. Okeyo (évêque modérateur)
    * Indique l’adhésion à la CMM
    Source: Répertoire mondial de la CMM 2015

     

  • Le profil anabaptiste Mondial recueille des données sur la famille de la CMM du monde entier

    Les résultats du récent Profil Anabaptiste Mondial (GAP), une vaste enquête de trois ans portant sur 24 unions d’églises membres de la Conférence Mennonite Mondiale (CMM), sont une source de joie : l’Église grandit et l’Évangile se répand ! Et les églises du Sud en sont les principaux témoins. Bien que l’enquête confirme ce que beaucoup d’entre nous savions déjà – que la croissance de la CMM se produit essentiellement en Amérique latine, en Afrique et en Asie – l’ampleur sans précédent du GAP apporte de nouvelles informations et données démographiques sur l’identité et les pratiques, offrant un niveau d’analyse qui sera utile aux églises du Nord tout autant qu’à celles du Sud pendant très longtemps.

    Les unions d’églises qui ont participé au GAP bénéficient déjà des résultats de l’enquête grâce à ces nouveaux outils et à ces nouvelles idées utiles à leurs ministères. « Beaucoup de ces informations sont très précieuses pour nous », a déclaré un assistant de recherche, Reynaldo Vallecillo de Amor Viviente (Honduras). « Elles nous aident à voir nos besoins, en particulier dans le domaine de l’enseignement. »

    Tigist Gelagle de Kristos Meserete Church, assistante de recherche en Éthiopie, est d’accord : « Le contexte culturel est important, mais notre contexte comprend également nos racines anabaptistes. C’est cela que nous voulons dire à nos églises ».

    Parrainé par l’Institute for the Study of Global Anabaptism, le GAP donne aux responsables d’églises la description la plus complète des églises membres de la CMM à ce jour. 24 unions d’églises membres de la CMM des cinq continents ont été sélectionnées pour participer au profil. Dans chacune d’elles, les responsables ont nommé un assistant de recherche pour mener l’enquête. 

    En 2013, ces assistants ont rencontré les directeurs du GAP, John D. Roth (Goshen College, Indiana) et Conrad Kanagy (Elizabethtown College, Pennsylvanie) pour définir leur méthode de recherche. Ils ont élaboré une grande partie du questionnaire, organisé autour des sept Convictions Communes de la CMM, avec des questions supplémentaires sur la démographie, ainsi que sur les croyances et les pratiques spécifiques. Le questionnaire final a ensuite été traduit de l’anglais en 26 langues, puis retraduit en anglais à des fins de comparaison et de précision.

    Les assistants de recherche ont commencé leur travail en 2013, en se rendant généralement eux-mêmes dans les paroisses sélectionnées pour expliquer en quoi consiste le GAP, organiser l’enquête et mener les entretiens. Parfois les assemblées locales étaient relativement proches les unes des autres, ou pouvaient être atteintes par courriel. Mais quelquefois, comme avec la Communauté Mennonite au Congo et la Communauté des Églises des Frères Mennonites au Congo, il fallait traverser des rivières à gué et passer de longues périodes loin de chez soi.

    Ils se sont retrouvés de nouveau en 2015 pour partager leurs expériences et les premiers résultats. Pendant l’année écoulée, Conrad Kanagy (qui a une vaste expérience de réalisation d’autres profils d’églises) a fait une analyse des données composites de toutes les unions d’églises participantes. Le profil résultant est basé sur 18 299 personnes représentant 403 paroisses.

    « [Le GAP] est un travail énorme », a déclaré Conrad Kanagy. «  C’est grâce à Dieu et aux efforts fantastiques de beaucoup que ce travail a pu être réalisé en trois ans.»

    Qui sont les églises membres de la CMM ?

    Les conclusions du GAP, qui seront publiés à la fin de l’année, identifient des points communs importants de l’église mondiale, tout en soulignant des différences majeures. Dans l’ensemble, l’enquête a révélé que les différences entre les églises du Nord (Amérique du Nord et Europe) et celles du Sud (Amérique latine, Afrique et Asie) sont plus importantes que les différences liées à l’appartenance confessionnelle.

    •  L’âge moyen d’un répondant à l’enquête du GAP est de 46 ans. Il y a cependant des variations importantes entre continents ; les membres d’assemblées locales d’Amérique du Nord et d’Europe ont en moyenne près de 10 ans de plus que ceux d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine. En outre, 54 % des membres des pays du Sud ont entre 18 et 45 ans. Le nombre de membres dans cette tranche d’âge permet d’envisager une croissance future de l’église, puisque c’est l’âge où les gens ont des enfants. Dans les pays du Nord, seulement 34 % des membres sont en âge de procréer.
    • Ê l’échelle mondiale, un nombre égal d’hommes et de femmes ont répondu ; ce sont plus souvent des femmes en Amérique latine et en Europe, et plus souvent des hommes en Afrique et en Asie. En Afrique, cependant, ces taux sont probablement affectés par le taux d’analphabétisme plus élevé chez les femmes. Malgré les efforts déployés par les assistants de recherche pour faire participer les membres d’église qui ne savent pas lire, les femmes analphabètes étaient rarement capables de remplir le questionnaire.
    •  62 % des répondants au GAP vivent en zone rurale. Cependant, les différences par continent sont importantes aussi. Près de 90 % des répondants asiatiques et près des deux tiers des Africains vivent dans des communautés rurales, alors qu’en Europe et en Amérique latine, les membres d’église vivent le plus souvent en zones urbaines.
    •  Il existe des disparités frappantes dans le domaine de la formation entre les groupes interrogés, un facteur qui souligne la disparité sociale et économique au sein de l’église mondiale. Dans le Sud, les niveaux d’éducation sont demeurés relativement stables, entre 46 et 58 % des membres d’église finissant l’école secondaire. Dans le Nord, cette fourchette passe de 78 à 93 %.
    •  L’âge moyen de la conversion des répondants au GAP est de 19 ans. En Amérique du Nord, la conversion peut avoir lieu à partir de 14 ans, alors qu’en Amérique latine, l’âge le plus élevé est 23 ans. Les différences d’âge reflètent probablement l’évangélisation : les nouvelles églises ont tendance à être plus actives pour attirer des membres adultes, ce qui augmente l’âge moyen. Les paroisses plus anciennes comptent plus souvent sur les conversions des enfants et des jeunes élevés dans l’église, faisant ainsi baisser l’âge moyen. [Voir ‘L’âge moyen de la conversion’]
    •  La plupart des répondants sont des chrétiens relativement nouveaux, l’Amérique latine se trouvant à l’épicentre de cette croissance. 65 % des répondants d’Amérique latine se sont convertis depuis 1991. En Afrique, 54 % des membres sont devenus chrétiens les 25 dernières années. Cependant, en Amérique du Nord, seulement 22 % des répondants se sont convertis depuis 1991. Ces constatations permettent d’expliquer la croissance remarquable des unions d’églises du Sud au cours des 25 dernières années, en particulier en Amérique latine et en Afrique. [Voir ‘Année moyenne de conversion par continent’]

    Quelles sont leurs croyances et leurs pratiques ?

    Certaines croyances et pratiques (la plupart des convictions chrétiennes anabaptistes fondamentales) sont communes à tous les répondants du GAP. Par exemple, 94 % d’entre eux affirment qu’il est très important d’être né de nouveau, et 91 % que Jésus est le seul chemin vers Dieu. De même, la grande majorité des répondants considèrent la Bible comme la Parole de Dieu.

    La méfiance en ce qui concerne le service militaire est notable. Pour 76 % des répondants, si le service militaire était obligatoire, ils refuseraient de le faire ou choisiraient un service militaire non-combattant. Dans le Nord et le Sud, un pourcentage presque identique – 61,9 % et 62 % respectivement – choisiraient l’objection de conscience.

    Mais l’enquête révèle aussi des différences majeures. Dans l’ensemble, les différences sont surtout marquées entre le Nord et le Sud, mais des différences d’ordre confessionnel et continental existent également. Par exemple, ceux qui connaissent la CMM (qui met en relation ces unions d’églises) se répartissent le long de deux lignes régionales et dénominationelles. 55 % des habitants du Sud connaissent la CMM, alors que le pourcentage est de 75 % dans le Nord ; par affiliation dénominationnelle, elle est connue de 66 % des Frères en Christ, 76 % des Frères mennonites et 46 % des mennonites.

    Si on y regarde de plus près, on trouve des nuances dans certaines des croyances et des pratiques communes. Par exemple, bien que la majorité des répondants affirment que la Bible est la Parole de Dieu, 55 % des répondants d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ajoutent que la Bible doit être interprétée littéralement. Seulement 20 % des répondants nord-américains ou européens partagent ce point de vue (74 % des personnes interrogées dans le Nord ont favorisé ‘l’interprétation contextuelle de la Bible’). En outre, certaines régions attachent plus d’importance à certaines parties de l’Écriture. Les Européens et les Nord-Américains considèrent que le Nouveau Testament est plus pertinent pour eux, contre 28 % des Asiatiques, des Africains et des Latino-Américains. Les répondants du Sud considèrent que l’Ancien et le Nouveau Testaments sont aussi pertinents l’un que l’autre.

    Les dons charismatiques sont également plus fréquents dans le Sud parmi les personnes interrogées ; 84 % des répondants d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine prophétisent, parlent en langues, sont guéris miraculeusement ou libérés d’oppression démoniaque, pour seulement 31 % des répondants d’Europe et d’Amérique du Nord.

    Cependant, le Nord et le Sud ne doivent pas être considérés comme des ensembles homogènes, car il y a aussi des différences régionales importantes. Les Africains et les Asiatiques, par exemple, font plus souvent l’expérience de la libération d’oppression démoniaque, tandis que 56 % des Latino-Américains sont miraculeusement guéris d’une blessure ou d’une maladie.

    L’évangélisation personnelle, une caractéristique prédominante des premiers anabaptistes, varie de fa√ßon similaire. Alors que 51 % des répondants africains parlent de leur foi au moins une fois par semaine à des gens qui ne font pas partie de leur cercle familial ou de la paroisse, seulement 13 % des Européens font de même. 33 % des Asiatiques et 26 % des Latino-Américains invitent des amis non-chrétiens dans leur assemblée locale toutes les semaines, alors que seulement 9 % des Nord-Américains le font.

    Le GAP tend à montrer que l’évangélisation personnelle est une pratique régulière dans le Sud, mais un exercice relativement rare dans le Nord.

    Que nous apprennent ces données ?

    Comment expliquer ces différences ? Nous lisons tous la même Bible, mais nous l’interprétons différemment et nous n’accordons pas le même degré de pertinence à toutes ses parties. Nous croyons tous en la présence du Saint-Esprit parmi nous, mais l’expérience des manifestations de ce même Esprit varie beaucoup. Nous avons tous adhéré à la tradition de l’Église de paix, mais certains tolèrent le service militaire ou le r√¥le de la police alors que d’autres y résistent. Nous avons tous re√ßu la bonne nouvelle, mais certains font plus d’évangélisation que d’autres.

    Certains assistants de recherche ont fourni des explications particulières aux différences des résultats du GAP. Dans les pays qui ont connu la guerre civile, comme par exemple le Nicaragua, la Convenci√≥n de Iglesias Evangélicas Menonitas de Nicaragua a adopté une position ferme (qui est toujours la sienne) contre le service militaire. « Nous sommes conscient que nous tuerions des frères », déclare Marcos Orozco. « Il est évident que nous ne pouvons pas le faire.» Les assistants africains et asiatiques témoignent de la réalité du culte des ancêtres dans leurs contextes comme étant influencé par leur intérêt pour des passages de l’Ancien Testament décrivant des pratiques similaires.

    Pourtant, la dynamique particulière du contexte de chaque union d’églises n’explique pas complètement pourquoi de si nombreuses différences significatives révélées par les données du GAP sont divisées par une ligne Nord – Sud.

    Dans notre monde, les implications socio-économiques et politiques destructrices de cette fracture sont graves, et elles se reflètent parfois dans l’Église. En ce sens, les données de l’enquête du GAP nous appellent à la repentance. Mais elles sont également une invitation à l’émerveillement et à la louange pour les différentes fa√ßons dont l’évangile est inculturé dans chaque contexte. Et en fait, c’est une occasion unique de plus grande unité au sein de la Conférence Mennonite Mondiale.

    Les assistants de recherches ont exprimé à plusieurs reprises leur appréciation pour le sentiment d’unité acquis grâce à leur participation au GAP. Regina Mondez, des Integrated Mennonite Churches of the Philippines, dit « Malgré nos différentes langues et cultures, les chiffres communiquent [une unité] transcendant les cultures que les mots sont impuissants à communiquer ».

    Marcos Orozco est d’accord et résume les six points de la déclaration du GAP en une phrase succincte : « Nous devons apprendre des expériences des frères et s≈ìurs de la famille de l’église mondiale, en reconnaissant que nous avons tous des points forts et des points faibles qu’il nous faut renforcer ou améliorer ».

    ‚ÄîElizabeth Miller est responsable du projet et de la communication à l’Institute for the Study of Global Anabaptism. Elle vit à Goshen (États-Unis), et est membre d’une assemblée faisant partie de Mennonite Church USA.

    Cet article est paru pour la première fois dans le numéro octobre 2016 de Courier/Correo/Courrier 


    Unions d’églises ayant participé au GAP

    • Argentine (Iglesia Evangélica Menonita Argentina)
    • Brésil (Alian√ßa Evangélica Menonita)
    • Canada (Brethren in Christ General Conference)
    • Canada (Evangelical Mennonite Conference)
    • Colombie (Iglesias Hermanos Menonitas de Colombia)
    • Congo (Communauté Mennonite au Congo)
    • Congo (Communauté des Églises de Frères Mennonites au Congo)
    • Éthiopie (Meserete Kristos Church)
    • Allemagne (Arbeitsgemeinschaft Mennonitischer Br√ºdergemeinden)
    • Allemagne (Arbeitsgemeinschaft Mennonitischer Gemeinden in Deutschland)
    • Guatemala (Iglesia Evangélica Menonita de Guatemala)
    • Honduras (Organizaci√≥n Cristiana Amor Viviente)
    • Inde (Bihar Mennonite Mandli)
    • Inde (Conference of the MB Churches in India)
    • Indonésie (Gereja Injili di Tanah Jawa)
    • Malawi (BiC Mpingo Wa Abale Mwa Kristu)
    • Nicaragua (Convenci√≥n de Iglesias Evangélicas Menonitas)
    • Paraguay (Convenci√≥n Evangélica Hermanos Menonitas Enlhet)
    • Paraguay (Vereinigung der Mennoniten Br√ºder Gemeinden Paraguays)
    • Philippines (The Integrated Mennonite Church of the Philippines)
    • Afrique du Sud (Grace Community Church)
    • États-Unis (Brethren in Christ General Board)
    • États-Unis (U.S. Conference of Mennonite Brethren Churches)
    • Zimbabwe (BiC Ibandla Labazalwane kuKristu eZimbabwe)

    Le GAP a été traduit en 25 langues :

    •  afrikaans (Afrique du Sud)
    •  amharique (Éthiopie)
    •  bahasa d’Indonésie
    •  chichewa (Malawi)
    •  shona (Zimbabwe)
    •  dorze (Éthiopie)
    •  anglais
    •  enlhet (Paraguay)
    •  fran√ßais
    •  allemand
    •  hindi (Inde)
    •  javanais (Indonésie)
    •  kikongo (RD Congo)
    •  lingala (RD Congo)
    •  oromo (Éthiopie)
    •  portugais (Brésil)
    •  russe
    •  sindebele (Zimbabwe)
    •  espanol
    •  swahili (RD Congo)
    •  tagalog (Philippines)
    •  telugu (Inde)
    •  tshiluba (RD Congo)
    •  tumbuka (Malawi)
    •  xhosa (Afrique du Sud)
    •  yao (Malawi)

    Objectifs du GAP :

    • Développer une compréhension plus profonde de l’anabaptisme mondial.
    • Fournir des informations pour guider la mission et définir les priorités.
    • Renforcer les relations entre les églises de la CMM.
    • Guider l’élaboration des priorités de la CMM.
    • Établir une base de référence qui permettra de mesurer les changements futurs.
    • Former les responsables à mener de futurs profils d’église.

    Année moyenne de conversion par continent :

    • Amérique du Nord – 1975
    • Europe – 1982
    • Asie – 1984
    • Afrique – 1991
    • Amérique latine – 1995

    Âge moyen de la conversion par continent

    • Amérique du Nord – 13,6
    • Europe – 17,3
    • Asie – 16,3
    • Afrique – 20,7
    • Amérique latine – 23,2