En kichwa, un mot, ayni, décrit la règle et la pratique de l’interdépendance.
« On ne peut exister que si la communauté existe », déclare Julian Guamán. Dans la vision du monde des Kichwa, cette communauté englobe toute la création, et pas seulement les êtres humains. L’ayni stipule qu’en tant que membres de la communauté, les humains ont la responsabilité d’entretenir la réciprocité entre eux et tous les autres membres, y compris les plantes, les animaux, l’eau et le sol.
L’ayni a des implications pratiques sur la vie des Kichwas et constitue un élément important de la vision de Julian Guamán pour l’Église anabaptiste.
« L’Église mennonite mondiale peut montrer la voie à d’autres églises », dit Julian Guamán. Beaucoup de chrétiens parlent de réconciliation en termes spirituels, mais ce qui distingue les anabaptistes aux yeux de Julian Guamán, c’est que : « La réconciliation recherchée par les chrétiens mennonites s’applique aussi à la création ».
Beaucoup d’indigènes d’Amérique latine sont attirés par l’anabaptisme, dit Julian Guamán, et il pense que c’est parce que « la théologie mennonite coïncide à bien des égards avec des éléments de la spiritualité indigène ».
L’un des éléments communs est l’accent mis sur la vie en communauté.
« La vie mennonite est une vie de coopération », dit Julian Guamán. De même, « la vie des Kichwas consiste à vivre en interdépendance avec autrui ».
Le deuxième élément commun est la réconciliation. Les mennonites sont connus pour leur travail de réconciliation au sein de l’Église et dans le monde. Les Kichwas pratiquent également la réconciliation, dit Julian Guamán, en « cultivant l’harmonie et l’équilibre et en construisant des ponts par le dialogue ».
Julian Guamán estime que la protection de la création est une conséquence naturelle de l’application de ces deux valeurs. Il en a donné un exemple concret.
Dans les Andes, l’exploitation minière de l’or, du lithium, du cuivre et d’autres métaux nécessaires à la technologie met en péril la santé de la terre, de l’eau et des populations.
Alors que les compagnies minières internationales s’installent dans de nombreuses régions, les terres indigènes sont parmi les mieux protégées. « Une grande partie du páramo (toundra alpine) où vivent les populations indigènes est encore intacte », explique Julian Guamán.
Les Occidentaux pourraient considérer que les efforts de conservation des communautés indigènes visent à préserver les ressources – comme l’eau – pour l’avenir. Mais ce n’est pas ainsi que les peuples indigènes voient les choses, dit-il.
« Je ne pense pas que ce soit la raison pour laquelle nous, les indigènes, nous en soucions », déclare Julian Guamán, « mais parce que nous avons besoin de conserver des relations avec le lieu, le páramo. Là, il y a de la vie. Le páramo lui-même, les montagnes, les collines, ont une dimension sacrée dont nous faisons partie. »
Et si l’église anabaptiste mondiale adoptait la règle de l’ayni ?
« Dans un monde marqué par le changement climatique, les crises environnementales et un système économique qui détruit la nature et exploite les gens », déclare Julian Guamán, « nous, en tant qu’églises mennonites, pouvons être différents, parce que Jésus-Christ nous a appelés à nous aimer les uns les autres ».
—Sierra Ross Richer est membre de la Waterford Mennonite Church, à Goshen, dans l’Indiana (États-Unis). Elle est stagiaire à l’Anabaptist Climate Collaborative. Cette histoire, tirée de la série « Pollinisateur climatique du carême » de l’ACC : Histoires anabaptistes mondiales sur le changement climatique est reproduite avec sa permission.